12 juillet Saint Jean GUALBERT

San giovanni gualbertoAbbé de Vallombreuse,  999-1083

 Jean, né près de Florence vers 985, appartenait à une des plus marquantes familles de la cité de l'Anio, les Gualbert ou Walbert, à qui les hagiographes ont donné d'antiques souches carolingiennes, lombardes et même romaines.

A cette époque où les cités de l’Italie du Nord étaient la proie des factions, un parent de Jean Gualbert fut tué et, craignant la vendetta des Gualbert, l'assassin évitait la rencontre de tout parent de sa victime. Or, un Vendredi Saint, dit-on, comme Jean, alors âgé de dix-huit ans, se rendait à Florence accompagné de ses hommes d'armes, il rencontra son ennemi au détour d'un chemin très étroit, qui ne lui laissait de passage ni à droite ni à gauche ; se sentant perdu, l'homme se jeta à bas de son cheval et, la tête baissée, les bras en croix, attendait la mort, mais Jean, ému de ses larmes, et plus encore de l'image de la croix, lui ordonna de se relever et le laissa s'en aller. Jean, ayant poursuivi sa route, entra peu après dans une église et tandis qu'il y priait devant la croix, il vit soudain le Christ pencher la tête, comme pour le remercier de s'être montré son disciple en épargnant son ennemi. Etonné et de plus en plus ému de ce spectacle, il se prit à rechercher comment il pourrait davantage plaire à Dieu.

Rentré à Florence, Jean Gualbert se sépara de son écuyer et alla au monastère San Miniato où il conta à l'abbé son aventure et son désir de quitter le monde. Son père, après avoir parcouru toute la ville, vint enfin à San Miniato, d'où il voulut arracher son fils qui, tandis que son père tempêtait contre l'abbé, se fit donner un habit, se coupa les cheveux et vint se placer dans le cloître en lisant. La scène n'avait pas échappé à l'abbé qui offrit de conduire le père vers le fils. Après une nouvelle explosion de désespoir et de chagrin, le père se calma enfin, bénit son fils et partit.

La simonie et le concubinage des clercs dont souffrait alors l'Eglise n’atteignait pas San Miniato, monastère clunisien depuis peu restauré, mais à la mort de l'abbé, le moine Hubert obtint de l'évêque sa succession à prix d'argent, alors que Jean avait été élu régulièrement par ses confrères.

D'avoir été supplanté par un rival n'aurait pas suffi à troubler le saint moine mais il ne pouvait souffrir d'obéir à un abbé simoniaque. Il alla confier son anxiété à un ermite voisin qui lui conseilla de dénoncer publiquement la simonie de l'évêque et l'abbé. Ceci fait, Jean quitta San Miniato et, avec un compagnon, partit vers les monts de l'Apennin, faisant halte dans des monastères. Arrivès à Camaldoli où saint Romuald était mort en 1027, ils furent accueillis par son successeur qui, voulant se les adjoindre, les engagea à y faire vœu de stabilité. Mais Jean, voulant rester fidèle à la Règle de saint Benoît et à la vie cénobitique, quitta les Camaldules et repartit vers Florence. Il s’arrêta à mi-chemin, au bord d'un torrent, dans une vallée plantée de conifère, appelée Vallombreuse, où il décida de mener une vie monastique conforme à ses aspirations. L'œuvre naissante ne tarda pas à attirer l'attention et les sympathies dont, l’une des premières et des plus appréciées, fut celle d'Itta, abbesse bénédictine de Saint-Hilaire, à qui appartenait le terrain et qui en fit don (1039), à charge pour la communauté de fournir, à chaque fête de saint Hilaire, une livre de cire et une livre d'huile aux religieuses. Les moniales se réservaient le droit, dans le cas d'une élection simoniaque, de chasser l'abbé et d'en nommer un qui fût digne de la fonction.

Des recrues de choix se présentèrent bientôt, attirées par la perspective d'une vie rude et mortifiée. La pauvreté était extrême, car le fondateur réservait meilleur accueil au pauvre dénué de tout qu'au riche qui lui apportait tous ses biens. La recommandation de saint Benoît était suivie à la lettre et le postulant commençait par essuyer les rebuffades. Comme travail le plus relevé, on lui assignait le soin de la porcherie. Le monastère était à l'avenant : quelques cabanes groupées autour d'une chapelle en bois. Le vêtement était fourni par la laine non teinte du troupeau : mais, soucieux d'éviter les dissemblances, le fondateur ordonna que l'on mêlât le blanc et le noir. Aussi l'habit des Vallombrosins fut-il jusqu'au XVI° siècle d'un gris brunâtre. Il est intéressant de remarquer le souci commun à presque tous les réformateurs médiévaux de porter un vêtement grossier de laine non teinte.

Auprès de sa communauté Jean Gualbert en ouvrit une autre, pour de pieux laïques, ce qui donne à comprendre que, de plus en plus, la spécialisation s'opérait : sans être forcément prêtres - Jean Gualbert ne le fut jamais - les moines étaient considérés comme clercs et voués à la louange divine. Ceux qui entraient sur le tard dans la vie religieuse, les conversi, au lieu d'être agrégés sous ce nom dans la communauté monastique, seraient de plus en plus, à l'avenir, groupés à part, pour former l'ordre des convers, adonné plus spécialement au travail manuel. A Vallombreuse, leurs obligations étaient les mêmes que celles des moines mais le fondateur leur accorda de porter du linge au lieu des sous-vêtements de laine, adoptés par les religieux du Moyen Age.

A tous Jean consacrait ses soins vigilants : ferme et bon, il était autant craint qu’aimé et, conformément à la Règle de saint Benoît, il était pour tous un vivant modèle. Très sobre, constamment en prières, adonné aux veilles, silencieux et très charitable aux pauvres, il donnait toujours le meilleur et gardait le plus mauvais pour lui, allant toujours vêtu grossièrement. Sous l’influence de Vallombreuse des clercs renoncent au concubinage, pratiquent la résidence et s'adonnent au ministère ; quelques-uns se constituent en communauté de chanoines réguliers. Il fait surtout une rude guerre à la simonie ; l'exemple de la vie pauvre et détachée était la meilleure prédication contre le luxe et la cupidité.

Jean Gualbert savait intervenir et souvent l'ascendant de sa sainteté parvenait à remettre les choses dans l'ordre. Ainsi, à Florence où l'évêque Pierre qui avait acheté sa prélature, honni et rejeté par ses ouailles, refusait de céder la place ; Jean qui l'avait en vain exhorté plusieurs fois à faire pénitence, à bout d'arguments, proposa un jugement de Dieu. Sur son ordre, son disciple Pierre, surnommé pour cette raison l'Igné, célébra la messe, puis passa sans mal à travers les flammes d'un bûcher. Le peuple rendit grâce à Dieu et l'évêque qui dut enfin se retirer se convertit et prit l'habit monastique.

A Vallombreuse se présentaient souvent des prêtres qui avaient été concubinaires ou simoniaques, que Jean, quand il avait éprouvé la sincérité de leurs sentiments, accueillait. Toutefois, il ne leur permettait plus de célébrer les saints mystères, tant était grande sa conception du sacerdoce.

Jean Gualbert refusa toujours d'accepter les ordres, fût-ce celui de portier, et l'on raconte que, le matin, n'osant ouvrir lui-même la porte de l'oratoire, il attendait patiemment que le religieux chargé de cet office lui en permît l'accès.

Jean Gualbert mourut le 12 juillet 1073. Son prestige, déjà considérable de son vivant (il avait attiré à Vallombreuse des papes et des empereurs), s'accrut encore par l'éclat de ses miracles. Il fut canonisé par Célestin III en 1193. Son institut, approuvé par Alexandre II (1070) très réduit il est vrai, a subsisté jusqu'à nos jours ; c'est une branche indépendante et confédérée (depuis 1966) de l'ordre bénédictin. En France, l'abbaye de Chezal-Benoît fut fondée par un disciple de saint Jean Gualbert, André, prieur de Vallombreuse (1093).

La vie de saint Jean Gualbert a été retracée par un grand nombre d'auteurs anciens, mais tous ont puisé aux mêmes sources, à savoir la Vie écrite par un disciple du saint, André, abbé de Strumi, et celle que donna un de ses successeurs, Atton, abbé de Vallombreuse, plus tard évêque de Pistoie. Faute d'avoir pu mettre la main sur la première, Mabillon se contenta de publier la seconde de ces biographies dans ses Acta sanct. ord. S. Bened. Plus heureux, les bollandistes publièrent l'une et l'autre.

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