FRATELLI TUTTI (5)

Mgr CottanceauLe 3 Octobre dernier, le Pape François signait à Assise (Italie) sa troisième encyclique intitulée « Fratelli Tutti – Tous frères ». Après avoir évoqué dans les « Communiqués » précédents les premiers chapitres de cette encyclique, c’est le chapitre 6 intitulé « dialogue et amitié sociale » qui retiendra aujourd’hui notre attention.

Dès les premières lignes est abordée la signification du verbe « dialoguer » : « Se rapprocher, s’exprimer, s’écouter, se regarder, se connaître, essayer de se comprendre, chercher des points de contact, tout cela se résume dans le verbe ‘‘dialoguer’’. Pour nous rencontrer et nous entraider, nous avons besoin de dialoguer » (Fratelli Tutti § 198). Ce dialogue permet de faire grandir un « art de la rencontre » car « il aide discrètement le monde à mieux vivre… ». Poursuivant la réflexion, le texte aborde ce qui nuit à un dialogue authentique : « On confond en général le dialogue avec quelque chose de très différent : un échange fébrile d’opinions sur les réseaux sociaux, très souvent orienté par des informations provenant de médias pas toujours fiables. Ce ne sont que des monologues parallèles qui s’imposent peut-être à l’attention des autres plutôt en raison de leurs tons élevés et agressifs. Mais les monologues n’engagent personne, au point que leurs contenus sont souvent opportunistes et contradictoires » (Fratelli Tutti § 200) S’opposent au dialogue véritable

+ L’agressivité dont nous pouvons faire preuve, par exemple sur les réseaux sociaux : chacun campe sans nuance sur ses positions, ses idées, ses opinions. Cette agressivité devient souvent, hélas, le langage habituel dans le contexte médiatique de campagnes politiques et se généralise au quotidien… Le dialogue ouvert et respectueux devient alors impossible.

+ Les monologues qui ne s’arrêtent pas et empêchent l’autre de s’exprimer. Celui qui s’exprime cherche non pas à partager la parole mais à utiliser son pouvoir pour imposer sa façon de penser ou obtenir des avantages que lui donne ce pouvoir.

+ La disqualification instantanée et humiliante de l’autre, attitude qui rend impossible un dialogue ouvert et respectueux. L’autre devient un vrai obstacle à la tranquillité égoïste de celui qui parle, une entrave qui fait grandir l’agressivité. 

    « Ce manque de dialogue implique que personne, dans les différents secteurs, ne se soucie de promouvoir le bien commun ; mais chacun veut obtenir des avantages que donne le pouvoir, ou, dans le meilleur des cas, imposer une façon de penser. Les dialogues deviennent ainsi de simples négociations pour que chacun puisse conquérir la totalité du pouvoir et le plus de profit possible, en dehors d’une quête commune générant le bien commun » (Fratelli Tutti § 202). Si nous voulons avancer dans la mise en place de ce dialogue social authentique, cela suppose la capacité de respecter le point de vue de l’autre, avec l’a priori qu’il contient des éléments légitimes pouvant enrichir ce dialogue. Du coup, l’interlocuteur se trouve respecté dans sa dignité, dans ses opinions et dans ses différences. « Il devient ainsi possible d’être sincère, de ne pas dissimuler ce que nous croyons, sans cesser de dialoguer, de chercher des points de contact, et surtout de travailler et de lutter ensemble ». La discussion publique, si elle accorde véritablement de l’espace à chacun et ne manipule ni ne cache l’information, est un tremplin permanent qui permet de mieux atteindre la vérité, ou du moins, de mieux l’exprimer. Elle empêche les divers groupes de s’accrocher avec assurance et autosuffisance à leur conception de la réalité et à leurs intérêts limités » (Fratelli Tutti § 203)

    Cela suppose également de la part de chacun une attitude de bienveillance que St Paul désigne comme fruit de l’Esprit (Galates 5, 22). Cette bienveillance se traduit par une attention à ne pas blesser l’autre, à encourager et réconforter, à fortifier, à consoler. « Cultiver la bienveillance n’est pas un détail mineur ni une attitude superficielle ou bourgeoise. Puisqu’elle suppose valorisation et respect, elle transfigure profondément le mode de vie, les relations sociales et la façon de débattre et de confronter les idées, lorsqu’elle devient culture dans une société. Elle facilite la recherche du consensus et ouvre des chemins là où l’exaspération détruit tout pont ». (Fratelli Tutti § 224)

                           +Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU