RAPPORT "SAUVÉ"

Mgr Cottanceau            Au moment où, ce Mardi 5 Octobre 2021, était remis officiellement le rapport sur les abus sexuels dans l’Eglise depuis 1950, Mgr Éric de MOULINS-BEAUFORT, président de la Conférence des Evêques de France, s’exprimait dans une allocution devant les membres de la CIASE (Commission Indépendante des Abus Sexuels dans l’Eglise), des représentants de l’Eglise (Evêques, Religieux et Religieuses, Laïcs), des membres de la société civile et des journalistes. Voici de larges extraits de cette allocution.

« Monsieur le Président, 

Mesdames et Messieurs les membres de la CIASE,

Vous venez de remettre votre rapport après 30 mois de travail. Votre rapport est rude, il est sévère. L’ampleur du phénomène des violences et agressions sexuelles dans la société et dans l’Église que vous décrivez est effarante.  Nous avons entendu la voix de personnes victimes. Nous avons entendu leur nombre. Leur voix nous bouleverse, leur nombre nous accable. Il dépasse ce que nous pouvions supposer. Que tant de vies d’enfants et de jeunes aient pu être abîmées sans que presque rien en ait été repéré, dénoncé, accompagné, soigné, est proprement insupportable. Nous mesurons aujourd’hui encore la force intérieure et le courage qu’il a fallu et qu’il faut à celles et ceux qui dénoncent les violences et agressions qu’ils ont subies.

J’exprime ma honte, mon effroi, ma détermination à agir avec elles pour que le refus de voir, le refus d’entendre, la volonté de cacher ou de masquer les faits, la réticence à les dénoncer publiquement disparaissent des attitudes des autorités ecclésiales, des prêtres et des acteurs pastoraux, de tous les fidèles.

Croyez que je suis le porte-parole des évêques.

Nous, évêques, voulons assurer ceux et celles qui parleront un jour, quel qu’il soit, qu’ils seront entendus, écoutés, pris au sérieux et que leur parole ne restera pas sans effet. La CIASE a accompli un travail formidable.  Nous savons qu’il fut éprouvant tant la réalité à mettre au jour dépassait en horreur et en tristesse ce qui pouvait être attendu. 

Nous remercions la Commission dans son ensemble d’avoir mené à bien une telle tache et chacun de ses membres qui a fait bénéficier la Commission de sa disponibilité et de sa compétence. 

L’Église catholique en France leur doit à tous et à chacun beaucoup. Nous avions décidé de revoir notre manière de comprendre et de présenter le ministère sacerdotal, celui des évêques et celui des prêtres ; le rapport de la CIASE nous appelle à plus de lucidité encore. Le temps de la naïveté et des ambiguïtés est dépassé.

Avec les catholiques de France et tous les Français, nous découvrons l’effrayant tableau qui est mis ce matin sous nos yeux. L’intrusion d’un adulte dans le développement affectif et sexuel d’un enfant ou d’un jeune est toujours une violence qui produit un traumatisme que ce jeune en grandissant ne pourra surmonter qu’au prix de grandes et terribles dépenses psychiques et spirituelles. Lorsque l’adulte en question est un membre de la famille, un père ou un oncle estimé, le traumatisme est plus grand encore. Il est augmenté dans des proportions exponentielles lorsque l’auteur est un prêtre ou un religieux. 

Nous implorons de Dieu sa grâce, c’estàdire sa consolation et sa force, pour que nous puissions laisser la lumière pénétrer les zones les plus obscures. Que jamais nous ne renoncions à la clarté. Que jamais nous ne nous résignions à l’ambiguïté. Nous travaillerons, en lien avec l’Église universelle, notre théologie du sacerdoce baptismal et du sacerdoce apostolique. Nous voulons encore et toujours servir le Christ en son sacrifice : il a donné sa vie pour ouvrir l’espérance que le mal et la violence ne l’emporteront pas au terme de l’histoire et que les petits et les oubliés de l’histoire seront les premiers dans la lumière ». 

            Ce rapport nous invite comme membres de l’Eglise Catholique par notre baptême à prendre acte de cette page « déshonorante » de l’histoire de cette Eglise. Il nous appelle à la compassion avec les innombrables victimes de ces agissements et à la prière. N’oublions jamais que l’Eglise est un corps où le comportement et le témoignage de vie de chacun de ses membres fait grandir ou, au contraire, porte atteinte à l’ensemble de ce corps. Avec humilité, courage et solidarité, puissions-nous trouver, grâce à ce rapport, le moyen de faire grandir la lumière et la vérité pour que dans l’Eglise puisse briller davantage le visage du Christ que nous avons mission d’annoncer.

   † Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU