FRATELLI TUTTI (6)

Mgr CottanceauLe 3 Octobre dernier, le Pape François signait à Assise (Italie) sa troisième encyclique intitulée « Fratelli Tutti – Tous frères ». Après avoir évoqué dans les « Communiqués » précédents les premiers chapitres de cette encyclique, arrêtons-nous aujourd’hui au chapitre 7 intitulé « Des parcours pour se retrouver », chapitre qui retiendra aujourd’hui notre attention.

Dans ce chapitre 7, le Saint Père nous invite à prendre avec courage le chemin de la paix et de la réconciliation, car c’est un chemin de rencontre que Jésus Christ lui-même nous propose, un chemin vers la paix qui permet de travailler ensemble : « Il peut unir un grand nombre de personnes en vue de recherches communes où tous sont gagnants ». (Fratelli Tutti § 228) Sur ce chemin, bien des obstacles se dressent qui rendent difficile le combat pour la paix. C’est pourquoi la construction de cette paix, et de la paix sociale est « une tâche sans répit qui exige l’engagement de tous. Travail qui nous demande de ne pas relâcher l’effort de construire l’unité de la nation et, malgré les obstacles… de parvenir à la cohabitation pacifique, de persévérer dans la lutte afin de favoriser la culture de la rencontre qui exige de mettre au centre de toute action, sociale et économique, la personne humaine, sa très haute dignité et le respect du bien commun ». (Fratelli Tutti § 232)

Parmi les obstacles auxquels nos sociétés et nous-mêmes sommes confrontées sur ce chemin, nous trouvons la difficulté de gérer dans un même dynamisme lutte légitime pour la justice d’une part et pardon d’autre part. Face à celui qui opprime et défigure l’être humain en niant sa dignité, ou s’arroge le droit de supprimer la vie, pardonner ne saurait signifier en aucun cas lui permettre de continuer ou encore laisser au criminel la possibilité de faire du mal. « Celui qui subit une injustice doit défendre avec force ses droits et ceux de sa famille… L’essentiel, c’est de ne pas le faire pour nourrir une colère qui nuit à notre âme…ou par un besoin pathologique de détruire l’autre qui déclenche une course à la vengeance ». (Fratelli Tutti § 241 – 242). Il s’agit d’œuvrer pour que le malfaiteur cesse d’opprimer, lui retirer ce pouvoir qu’il ne sait pas utiliser et qui le défigure comme être humain.

Le Pape François exprime tout aussi nettement sa position concernant la peine de mort qu’il juge « inadmissible » et devrait être abolie dans le monde entier : « Le meurtrier garde sa dignité personnelle et Dieu lui-même s’en fait le garant ». (Fratelli Tutti § 263-269). Peurs et rancunes, désirs de vengeance conduisent à la violence et à son expression extrême dans la vengeance publique et privée qui retombe sur les responsables des délits mais aussi sur ceux qui sont soupçonnés à tort ou à raison d’avoir violé la loi.

A une échelle plus grande, la guerre, à quelque niveau que ce soit, constitue également une menace constante qui représente la négation de tous les droits et constitue un échec de la politique, de l’humanité, et l’abandon honteux, la capitulation face aux forces du mal. Comment parler de « guerre juste » alors que des armes de plus en plus destructrices, nucléaires, chimiques, biologiques, frappent tant de victimes civiles innocentes, victimes « collatérales » ? Au rang de ces armes, le Saint Père mentionne à plusieurs reprises les armes nucléaires : « La paix et la stabilité internationale ne peuvent être fondées sur… la menace d’une destruction réciproque ou d’un anéantissement total… Dans ce contexte, l’objectif ultime de l’élimination totale des armes nucléaires devient à la fois un défi et un impératif moral et humanitaire ». (Fratelli Tutti § 262 ; cf. aussi § 248)

En ce temps de préparation à Noël où nous nous apprêtons à accueillir le Prince de la Paix, prêtons l’oreille à ces paroles par lesquelles le Saint Père conclut ce chapitre 7 : « J’invite les Chrétiens qui doutent et qui sont tentés de céder face à la violence, quelle qu’en soit la forme, à se souvenir de cette annonce du livre d’Isaïe : « Ils briseront leurs épées pour en faire des socs » (Isaïe 2, 4). Pour nous, cette prophétie prend chair en Jésus Christ ». (Fratelli Tutti § 270)

+Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU