23 février Saint Polycarpe

Polycarpe1Evêque de Smyrne et martyr

Polycarpe (dont le nom grec signifie fruit abondant) est regardé par toute l'Eglise comme ayant appartenu au groupe des Pères apostoliques. Il fut un disciple immédiat des apôtres, naquit au temps de Vespasien, vers l'an 70, fut converti à la religion chrétienne dès son enfance, sous le règne de Titus. Attaché à l'Eglise de Smyrne, il fut un disciple de l'apôtre saint Jean. Son biographe, Pionius, l'a dit originaire des contrées du Levant, puis amené jeune encore à Smyrne par des marchands qui le vendirent à une femme noble, nommée Callisto. Cette généreuse chrétienne l'éleva dans la crainte du Seigneur, lui confia le soin de sa maison. Héritier des biens de Callisto, Polycarpe n'en aurait usé que pour se perfectionner dans la connaissance des Ecritures, s'avancer dans la pratique de la piété, et aurait reçu le diaconat des mains de l'évêque de Smyrne, Bucolus, qui l'attacha à son Eglise. Cependant, des autorités, comme celle de saint Irénée ( Adv. hæresses, 1. V, c. XXXIII), nous apprennent que Polycarpe avec Papias suivit les leçons de Jean, l'apôtre bien-aimé de Jésus.

Au prêtre Florin qui était tombé dans l'erreur de Valentin, Irénée écrivait (Eusèbe, Hist. eccl., 1. V, c. XX, P. G., t. XX, col. 483) : Lorsque j'étais encore enfant, je vous ai vu en compagnie de Polycarpe, heureux au palais et soucieux de partager ses idées. Je me rappelle fort distinctement les événements de cette époque, car les souvenirs d'enfance sont plus vivaces que ceux d'un âge avancé. Je pourrais marquer distinctement la place où le très saint homme Polycarpe discourait, étant assis ; je pourrais dépeindre son attitude, la forme de ses traits, rappeler les enseignements qu'il donnait au peuple, exposer les entretiens qu'il nous disait avoir avec saint Jean et les autres disciples qui avaient vu le Seigneur ; je pourrais vous dire enfin comment il répétait leurs paroles et celles qu'ils avaient recueillies de la bouche même de Jésus. J'en prends Dieu à témoin, si ce saint et apostolique vieillard entendait ce que nous entendons maintenant, il se boucherait les oreilles et répéterait cette parole qui lui était familière : O Dieu bon ! pour quels temps m'avez-vous conservé jusqu'à ce jour ! et il quitterait sans retard le lieu où il aurait entendu de pareils propos.

Ce fut par les apôtres eux-mêmes que Polycarpe fut établi évêque de Smyrne ; des auteurs ont même pensé que l'apôtre saint Jean eut, en son disciple, plus d'égard au mérite qu'à l'âge, et le sacra avant son exil dans l'île de Pathmos. A Polycarpe, dans ce cas, s'appliqueraient les éloges de l'Apocalypse (II, 8-10) au sujet de l'ange de l'Eglise de Smyrne, le seul de tous déclaré irrépréhensible. L'épiscopat de Polycarpe fut assez tranquille sous le règne de Trajan, alors que la persécution agitait l'église dans les autres provinces de l'empire. Ignace d'Antioche, l'ami de Polycarpe, fut condamné à mort en Syrie et, de là, envoyé à Rome pour être livré aux bêtes de l'amphithéâtre. Il passa par Smyrne, heureux de voir Polycarpe et de l'embrasser avant de mourir. Arrivé à Troade, il lui adressa une lettre pour le remercier de son hospitalité ; il se félicitait d'avoir pu l'entretenir et lui donnait de sages conseils pour le gouvernement de son Eglise ; il lui demandait de communiquer en son nom avec les Eglises de l'Asie Mineure, notamment avec son Eglise d'Antioche.

Sur la demande des fidèles de Philippes, Polycarpe leur écrivit pour les féliciter d'avoir reçu Ignace et ses compagnons de captivité ; il leur exposait dans le détail les devoirs attachés aux différents états, leur donnait des instructions sur la réalité de l'incarnation et de la mort du Fils de Dieu ; il les félicitait d'avoir l'intelligence des saintes Ecritures et les exhortait à prier pour tous les saints. Il ajoutait en terminant : Quant aux lettres d'Ignace que j'ai pu me procurer, je vous les envoie toutes, elles vous seront d'un grand profit, respirant la foi, la patience, l'édification. L'évêque de Smyrne alla à Rome et y séjourna, mais il est difficile de dire à quelle époque ; il devait entretenir le pape de divers sujets, défense des vérités de la foi, union et paix des fidèles, observances de discipline. L'accord n'existait pas entre Rome et les Eglises d'Asie pour la célébration de la Pâque. Anicet et Polycarpe estimèrent que le plus sage, sur ce dernier point, était de laisser jusqu'à nouvel ordre l'Orient et l'Occident suivre leur coutume respective. Le séjour de Polycarpe à Rome fut encore utile à beaucoup de personnes qui s'étaient laissé infecter du venin de l'hérésie ; l'évêque rendit un public témoignage à la vérité orthodoxe, fit rentrer dans le sein de l'Eglise des âmes séduites par les erreurs de Valentin et de Marcion.

Rencontrant un jour ce dernier dans les rues de Rome, Marcion lui avait dit : Ne me reconnaissez-vous pas ? - Oui, répondit Polycarpe, je vous reconnais pour le fils aîné de Satan. Simple parole qui marque l'inviolable attachement de l'évêque aux enseignements de la foi.

Rentré dans son Eglise de Smyrne, Polycarpe n'y jouit pas longtemps du calme et de la tranquillité. alors s'éleva une grande persécution contre les chrétiens. L'Eglise de Smyrne, dans sa lettre à l'Eglise de Philadelphie et à toutes les Eglises catholiques, a raconté en quelles circonstances Polycarpe et ses compagnons endurèrent le martyre : Frères, nous vous envoyons une révélation de la mort de quelques martyrs, et particulièrement de la mort du bienheureux Polycarpe, qui, par son sang a mis fin à la persécution. Tout ce qui s'est passé en cette rencontre est arrivé pour vérifier ce que le Seigneur a prédit dans son Evangile, où il nous montre la voie que nous devons suivre. Il a voulu être livré lui-même et être attaché à la croix comme notre libérateur. Il veut que nous soyons ses imitateurs ; armé le premier d'une vertu céleste, il s'est assujetti à la volonté des impies ; comme un bon maître, il se fait le modèle de ses serviteurs pour n'être pas à charge à ceux qu'il instruit. Il a souffert tout d'abord ce qu'il ordonne aux autres de souffrir ; il nous apprend à tous à mourir utilement pour notre propre salut et celui de nos frères.

Nous nous sentons saisis de crainte au moment où nous nous préparons à vous raconter les combats des généreux athlètes et à vous décrire les glorieux trophées de leur amour pour Dieu et de leur invincible patience. Ils ont vu sans pâlir couler leur propre sang ; le peuple, ému d'un si horrible spectacle, n'a pu retenir ses larmes. Dieu, du haut du ciel, jetait des regards de complaisance sur ces illustres combattants ; leur âme était attaquée de tous côtés ; il l'a soutenue par sa force toute divine et l'a rendue victorieuse de la douleur malgré la faiblesse de leur corps. Même il les excitait de la voix ; de là vinrent le mépris pour leurs juges, le sage et judicieux discernement qui leur fit préférer la vérité au mensonge, le ciel à la terre, l'éternité au temps. Une heure de souffrance leur a acquis des joies sans fin.

La fermeté du martyr Germanicus a rassuré les esprits que les artifices du démon commençaient à ébranler. Quand ce confesseur eut été exposé aux bêtes, le proconsul, touché d'un sentiment d'humanité, l'exhorta à prendre pitié de lui-même, à conserver du moins ses jours. Regardant ce proconsul avec mépris, Germanicus lui dit : J'aime mieux perdre mille fois la vie que de la recevoir de toi à un tel prix. Et, s'avançant hardiment au-devant du lion, il chercha la mort dans les griffes et les dents meurtrières de cet animal. Le peuple fut frappé de dépit plutôt que de stupeur, car on entendit mille voix confuses s'écrier : Mort aux athées ! Qu'on amène Polycarpe !

Sur ses entrefaites, un chrétien de Phrygie, nommé Quintus, récemment arrivé à Smyrne, se présenta au proconsul ; mais la faiblesse trahit sa volonté. A peine eut-il aperçu les bêtes qu'il pâlit de frayeur, recula et demanda qu'on lui laissât la vie. Il était venu pour abattre les idoles et il prêta la main pour les soutenir, car le proconsul obtint de lui sans peine un sacrifice aux faux dieux. Tant il est vrai qu'il faut éviter toute présomption téméraire, réserver ses louanges pour ceux-là seuls qui se défient d'eux-mêmes, ne sortent de leur retraite que par l'ordre de Dieu. Le sage Polycarpe, pour avoir tenu la conduite humble et prudente que recommande l'Evangile, assura son propre triomphe. Apprenant qu'on le cherchait, il se déroba à la poursuite de ses ennemis ; par la tranquillité de son âme, il montrait qu'il ne fuyait pas la mort sous l'influence d'une crainte lâche, mais qu'il en reculait le moment en vertu d'une humble défiance de soi-même. Les fidèles qui lui donnaient asile le conjuraient de mettre sa vie en sûreté sans perdre un seul instant ; quant à lui, il marchait lentement, s'arrêtait volontiers là où il passait, ne semblait s'éloigner qu'à regret du lieu où l'on avait résolu sa mort. Soudain, il s'arrêta et revint dans une métairie peu distante de Smyrne ; il fit halte, adressa à Dieu de ferventes prières en vue du combat qu'il allait bientôt soutenir pour sa gloire. trois jours avant son supplice, il eut un songe dans lequel le chevet de son lit lui parut tout en feu. A son réveil, il dit à ceux qui l'entouraient : Dans trois jours, je serai brûlé vif !

On le fit alors changer de retraite, mais à peine arrivé à celle qu'on lui avait choisie, il y rencontra les émissaires du proconsul. Ceux-ci avaient eu bien de la peine à le découvrir, mais, s'étant emparés de deux jeunes enfants, ils avaient fouetté cruellement l'un d'eux et lui avaient arraché le secret de la retraite de Polycarpe. L'intendant de la police, Hérode, en fut aussitôt informé et, dans son impatience, il envoya aussitôt une escouade d'archers et de gens à cheval à la suite de l'enfant, qui les conduisit à la métairie. Polycarpe, caché dans un grenier, préféra se livrer lui-même. Il se présenta devant les archers surpris de trouver en ce vieillard une vivacité extraordinaire ; il leur fit servir à manger, leur demanda quelques heures de répit pour vaquer à la prière et enfin se remit entre leurs mains. L'escorte qui l'emmenait rencontra aux portes de la ville un char sur lequel étaient montés Hector et son père Nicétas. Hector décida Polycarpe à prendre place à ses côtés sur le char, espérant gagner par des promesses ce vieillard qui paraissait à l'épreuve des outrages et des mauvais traitements : Quel mal, lui répétait-il, trouvez-vous à donner à César le nom de Seigneur, puis à sacrifier pour sauver votre vie ? Fatigué de tant d'importunités, Polycarpe finit par rompre le silence et dit avec force : Non, non, je ne suis pas décidé à faire ce que vous me conseillez, rien ne sera capable de me faire changer de résolution. Irrités à ces mots, ces hommes jetèrent le masque, précipitèrent le saint évêque hors du char avec une telle violence qu'il fut blessé à la jambe dans la chute. Polycarpe, cependant, put se relever, continuer la route à pied et même se présenter allègrement dans l'amphithéâtre. Quand il y entra, il entendit une voix qui lui disait : Polycarpe, sois ferme !  Seuls les chrétiens de l'arène entendirent cette voix.

Amené directement en face du tribunal du proconsul, Polycarpe s'entendit exhorter à avoir égard à son grand âge. Epargne ta vieillesse, disait le magistrat, rends hommage au génie de César, dis avec nous : Plus d'athées ! Expression que le juge appliquait aux chrétiens. Polycarpe promena un instant ses regards sur la multitude des païens qui garnissaient les bancs de l'amphithéâtre et dit d'un air consterné, en lui appliquant l'expression : Oui, certes, plus d'athées ! - Poursuis, lui dit le proconsul, jure par le génie de César, et blasphème le Christ. - Il y a quatre-vingt-six ans que je le sers, répliqua Polycarpe, et il ne m'a jamais fait aucun mal ; comment pourrais-je blasphémer mon Sauveur et mon roi ? Que si vous voulez que je jure par le génie de César, comme vous l'appelez, voici ma confession sincère : Je suis chrétien ; si vous voulez apprendre de moi la doctrine du Christ, accordez-moi un jour d'audience pour m'entendre. - Donne satisfaction au peuple, dit le proconsul. A quoi Polycarpe répondit : Je vous ai adressé la parole parce qu'on nous a appris la déférence aux princes tant que la religion n'a pas à en souffrir ; quant au peuple, ce n'est pas un tribunal compétent devant lequel j'ai à me justifier. De fait, la fureur d'un tel auditoire le mettait bien dans l'incapacité d'écouter.

Mais le proconsul prit alors un air sévère : Quoi ! dit-il, j'ai à ma disposition les bêtes sauvages ! - Faites-les sortir, reprit l'évêque, qu'elles viennent assouvir leur rage. Je suis absolument résolu à ne pas changer de bien en mal. Ce qu'il faut faire, c'est de passer du mal au bien ! - Mais si tu méprises les morsures des bêtes, ajouta le proconsul, je te ferai consumer par le feu ! Polycarpe dit alors : Le feu dont tu menaces est un feu qui ne brûle qu'un moment ; au bout d'un instant, son ardeur s'amortit ; ce que vous semblez ignorer, c'est qu'il est un feu d'éternel punissement dont la flamme ne s'éteindra jamais pour le châtiment des impies !

Au moment où Polycarpe prononçait ces dernières paroles, son visage parut resplendir au milieu d'une lumière céleste. Le proconsul lui-même en fut frappé d'admiration ; il fit crier trois fois par un héraut : Polycarpe s'est déclaré chrétien !

A ces mots, toute la multitude des païens et des juifs poussa un grand cri pour réclamer la mort de Polycarpe : C'est le grand docteur de l'Asie, le père des chrétiens, le destructeur de nos dieux ; il apprend au peuple à ne pas sacrifier ! On fit appel à Philippe l'Asiarque ; on voulut l'obliger à lâcher un des lions contre Polycarpe. Il s'en défendit en disant que cela n'était pas en son pouvoir, que l'heure des spectacles était passée. Tous furent d'accord qu'il fallait brûler vif le saint vieillard ; ils ne songeaient pas qu'ils réalisaient la prédiction de Polycarpe ; lui-même interrompit sa prière pour le faire remarquer aux chrétiens de son entourage.

Cependant, le peuple courait aux bains publics, enfonçait les boutiques, enlevait tout ce qui pouvait servir à construire un bûcher ; les juifs, selon leur coutume, se signalèrent en cette occasion. Le bûcher préparé, on y mit le feu. Polycarpe ôta lui-même sa ceinture et sa première robe, se baissa pour se déchausser, ce qu'il n'était pas accoutumé de faire, car d'ordinaire les fidèles lui rendaient ce service pour pouvoir baiser ses pieds. Comme on se disposait à l'attacher au bûcher avec des chaînes de fer, il s'y opposa : Laissez-moi comme je suis, dit-il alors ; celui qui m'a donné la volonté de souffrir pour lui m'en donnera la force ; il adoucira la violence du feu et me fera la grâce d'en pouvoir supporter l'ardeur. Alors, on se contenta de lui lier les mains derrière, le dos avec des cordes ; il monta ainsi sur le bûcher comme sur l'autel de son sacrifice. Elevant ensuite les yeux au ciel, il prononça cette prière : Dieu des anges, Dieu des archanges qui avez détruit le péché et détruirez un jour la mort, monarque souverain du ciel et de la terre, protecteur des justes et de tous ceux qui marchent en votre présence, je vous bénis, moi, le moindre de vos serviteurs, et je vous rends grâces de ce que vous m'avez jugé digne de souffrir, de recevoir de votre main la couronne du martyre, de pouvoir approcher mes lèvres du calice de la passion ; je vous rends grâces de tous ces bienfaits, par Jésus-Christ dans l'unité du Saint-Esprit. voilà Seigneur, mon sacrifice presque achevé ; avant que le jour finisse, je verrai l'accomplissement de vos promesses. Soyez donc à jamais béni, Seigneur ; que votre nom adorable soit glorifié dans tous les siècles, par Jésus-Christ, pontife éternel et tout-puissant, et que tout honneur vous soit rendu avec lui et le Saint-Esprit dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

Après la prière, la flamme sortant de tous côtés du bûcher à gros tourbillons s'éleva dans les airs. Dieu, pour honorer son serviteur devant les hommes, opéra un nouveau prodige ; tous ceux que sa providence a choisis pour en être les témoins le répandront partout comme un monument éclatant de sa puissance et de la gloire de son fidèle ministre. Les tourbillons de flammes se courbèrent en arc, s'étendant à droite et à gauche, et représentèrent une voile de navire enflée par le vent. Cette voûte de feu, suspendue en l'air, couvrit le corps du saint martyr, sans que la moindre étincelle osât pour ainsi dire en approcher ni toucher ses vêtements. Le corps avait la couleur d'un pain nouvellement cuit, ou d'un mélange d'or et d'argent en fusion ; l'éclat réjouissait la vue. On respirait comme un agréable mélange d'encens, de myrrhe et de parfums Précieux qui dissipait la mauvaise senteur du feu. Cette merveille a étonné les ennemis de notre religion ; ils ont été convaincus par leurs propres yeux que le corps d'un chrétien était devenu respectable au plus furieux des éléments. Un de ceux qui entretenaient le bûcher reçut l'ordre de s'en approcher et de reconnaître de plus près la vérité du prodige ; on lui dit ensuite d'aller enfoncer son poignard dans le corps du martyr. Il le fit, et à l'heure même le sang sortit en grande abondance et éteignit le feu ; en même temps, on vit une colombe sortir du milieu de ces flots pour prendre son essor vers le ciel. Tout le peuple fut alors dans l'étonnement et reconnut la différence entre la mort des chrétiens et celle des autres hommes ; plusieurs furent contraints d'admettre la grandeur de notre religion, sans avoir la force de l'embrasser. Ainsi Polycarpe, évêque et docteur de la sainte Eglise de Smyrne, consomma son sacrifice ; ce qui lui avait été révélé à ce sujet se réalisa pleinement.

Le démon, cet ennemi irréconciliable des justes, reconnut lui-même que cette vie illustrée par tant de vertus avait été couronnée par une mort pleine de merveilles. Mais il suggéra à ses suppôts l'idée de soustraire aux chrétiens le corps du saint martyr. Déjà plusieurs avaient tenté de recueillir ses cendres quand, à son instigation, les juifs poussèrent Nicétas, père d'Hérode, à aller trouver le proconsul pour lui dire : Refusez les cendre de Polycarpe aux chrétiens, car ceux-ci vont leur rendre les honneurs dus à la divinité. Comme si les chrétiens pouvaient ne plus reconnaître Jésus pour Seigneur et Maître, après ce qu'il a souffert pour eux, et comme s'il leur était permis d'offrir à un autre qu'à lui leurs prières et leurs vœux ! Le centurion envoyé par le proconsul pour apaiser le différend entre les juifs et nous, touchant le corps du martyr, brûla ces saintes dépouilles. Cependant, nous en avons recueilli quelques ossements ; nous les conservons comme l'or et les pierres précieuses. Notre Eglise se réunit pour célébrer avec une sainte allégresse le jour de cette heureuse naissance, le Seigneur nous ayant fait connaître sa volonté sur ce point. Voilà ce qui s'est passé à Smyrne au sujet du bienheureux Polycarpe. Il a souffert le martyre avec douze autres chrétiens de Philadelphie ; mais sa mémoire est l'objet de plus de vénération que celle des autres martyrs. toute l'Asie le nomme toujours le Maître. Vous nous avez demandé plus d'une fois le récit détaillé des événements  nous vous envoyons cette relation par notre frère Marcien. Quand vous aurez lu la lettre, faites-en part aux autres Eglises, pour que le Seigneur soit béni en tous lieux du choix que sa grâce fait des élus. Il est puissant pour nous sauver nous-mêmes par Jésus-Christ, notre Seigneur et Sauveur ; à lui et à Jésus-Christ gloire, honneur, puissance, majesté dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il. Evariste qui a écrit cela vous salue et toute sa famille avec lui.

Polycarpe a souffert le martyre le VII des calendes de mars (22 février), le jour du grand samedi, à la huitième heure. Il fut arrêté par Hérode l'Erénarque, Philippe de Tralles étant pontife, et Statius Quadratus proconsul. On s'est beaucoup occupé en ces derniers temps de l'année ; quelques dissidents optent pour l'année 166, mais le plus grand nombre tient pour février 155 (ou 156). Une autre difficulté se présente ici, qui tient à la chronologie des évêques de Rome, en raison de l'avènement du pape Anicet en 155. Il faudrait mettre en 156 ou mieux en 155 la visite de Polycarpe au pape Anicet.

Les fidèles de Smyrne ont apporté un soin jaloux à établir un anniversaire pour célébrer la mémoire de Polycarpe. L'histoire ne parle d'aucune translation des reliques en dehors de Smyrne ; on prétend qu'il y en eut pourtant soit à Rhodes et à Malte, soit à Rome et enfin à Paris. Les Grecs ont placé la fête du saint martyr au 12 mars, puis au 23 février. Les Latins ont bien, dans quelques exemplaires du martyrologe hiéronymien, un saint Polycarpe au 23 février ; mais, depuis longtemps, la fête est au 26 janvier. C'est la date où l'inscrit le martyrologe de Florus. A cause de saint Irénée, évêque de Lyon, qui reçut une copie de la lettre de l'Eglise de Smyrne, on peut faire remonter le culte de saint Polycarpe jusqu'à l'époque de saint Irénée à Lyon. Mais pourquoi cet ajouté de Florus au 26 janvier : reliquiæ ejus Lugduni in crypta habentur ?

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