FRATELLI TUTTI (4)

Mgr CottanceauLe 3 Octobre dernier, le Pape François signait à Assise (Italie) sa troisième encyclique intitulée « Fratelli Tutti – Tous frères ». Ce titre est une expression qu’utilisait St François d’Assise pour inviter à un mode de vie aux couleurs de l’Evangile. Il entendait proposer à tous les Hommes et Femmes de vivre un amour qui dépassait toute barrière de quelque nature qu’elle soit, un amour capable de construire la fraternité et l’amitié sociale. 

Après avoir évoqué dans les « Communiqué » précédents (21 Octobre, 04 et 12 Novembre) les premiers chapitres de cette encyclique, arrêtons-nous aujourd’hui sur le chapitre 5 intitulé : « La meilleure politique ». 

Face à la tentation de dresser entre politique et religion une séparation infranchissable, le Pape François reprenant ce qu’il écrivait dans « La joie de l’Evangile » (§ 205) rappelle que la politique « est une vocation très noble, elle est une des formes les plus précieuse de la charité, parce qu’elle cherche le bien commun ». Il dénonce d’abord le « populisme malsain » par lequel certains cherchent à exacerber les penchants les plus bas et égoïstes de certains secteurs de la population afin de servir leurs projets personnels et favoriser leur accession ou leur maintien au pouvoir. Ils instrumentalisent ainsi les aspirations du Peuple pour leur propre service. (Fratelli Tutti § 159).

La « meilleure politique », précise le Saint Père, est celle qui est centrée sur la dignité humaine, et ne saurait être soumise à la finance et aux spéculations financières. Elle est celle qui protège le travail qui contribue au bien des personnes, qui « assure à chacun la possibilité de faire germer les semences que Dieu a mises en lui, ses capacités, son sens d’initiative, ses forces. C’est la meilleure aide que l’on puisse apporter à un pauvre, c’est le meilleur chemin vers une existence digne » (Fratelli Tutti § 162). Elle est celle qui permet de passer d’une politique dirigée « vers » les pauvres à une politique élaborée « avec » eux et venant d’eux.

La stratégie anti-pauvreté conduit à promouvoir chacun dans l’optique de la solidarité, et à faire en sorte que la société soit structurée de façon à ce que le prochain n’ait pas à se trouver dans la misère. C’est charité d’accompagner une personne qui souffre, mais c’est un devoir de changer les conditions sociales qui sont à la base de sa souffrance. C’est charité d’aider une personne âgée à traverser une rivière, mais c’est un devoir de construire un pont pour supprimer l’obstacle (Fratelli Tutti § 186). Le devoir de la politique est en outre de trouver une solution à tout ce qui attente contre les droits humains fondamentaux : non-respect de la vie, exclusion sociale, culture du déchet, trafic d’organes, d’armes, de drogues, exploitation sexuelle, esclavage, terrorisme, crime organisé ! Le Pape François réitère un appel fort pour l’élimination de la traite qui considère des hommes, des femmes et des enfants comme de la marchandise, « une honte pour l’humanité », et pour l’élimination de la faim qui survient « lorsque la spéculation financière conditionne le prix des aliments… et que des millions de personnes souffrent et meurent de faim » alors que par ailleurs, on jette des tonnes de nourriture ! « La faim est un crime », écrit le Saint Père ! 

Enfin, un autre souhait présent dans ce chapitre de l’encyclique concerne l’ONU : face à la prédominance de la dimension économique, le devoir des Nations unies sera de donner un caractère concret au concept de « famille de Nations » en travaillant pour le bien commun, l’éradication de la pauvreté et la protection des droits humains. En assurant « un recours inlassable à la négociation, aux bons offices et à l’arbitrage », l’ONU doit promouvoir la force du droit sur le droit de la force, affirme le Pape François (Fratelli Tutti § 173-175).

          +Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU