FRATELLI TUTTI (3)

Mgr CottanceauLe 3 Octobre dernier, le Pape François signait à Assise (Italie) sa troisième encyclique intitulée « Fratelli Tutti – Tous frères ». Ce titre est une expression qu’utilisait St François d’Assise pour inviter à un mode de vie aux couleurs de l’Evangile. Il entendait proposer à tous les Hommes et Femmes de vivre un amour qui dépassait toute barrière de quelque nature qu’elle soit, un amour capable de construire la fraternité et l’amitié sociale. 

Après avoir évoqué dans les « Communiqué » du 21 Octobre et du 4 Novembre les trois premiers chapitres de cette encyclique, arrêtons-nous aujourd’hui sur le chapitre quatre intitulé : « Un cœur ouvert au monde ».

Ayant dans les chapitres précédents appelé à mettre en œuvre la fraternité et l’amitié sociale dans une perspective universelle, à partir de cette parole du Christ : « Tous, vous êtes des frères » (Mt 23, 8), le Pape François poursuit sa réflexion sur les moyens et les mesures permettant de mettre en œuvre cette « fraternité universelle », et ce dans le contexte d’une réalité qui plonge tant d’hommes, de femmes et d’enfants dans la détresse et le désespoir et les pousse à quitter leurs pays respectifs pour migrer vers ce qu’ils pensent être une « terre promise ». « Avec leurs « vies détruites », ayant fui des guerres, des persécutions, des catastrophes naturelles, des trafiquants sans scrupule, arrachés à leurs communautés d’origine, les migrants doivent être accueillis, protégés, promus et intégrés. Dans les pays de destination, le juste équilibre doit être trouvé entre la protection des droits des citoyens et la garantie de l’accueil et de l’assistance pour les migrants. Ce qui est surtout nécessaire, est-il précisé dans le document, c’est une gouvernance globale pour les migrations, qui puisse ouvrir des projets à long terme, en allant au-delà de la seule gestion des urgences, au nom d’un développement solidaire de tous les peuples (129-132) ». (Commentaire de « Fratelli Tutti » paru dans « Vatican News » du 04 Octobre 2020). 

Parmi ces mesures :
*Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les personnes migrantes et toutes les personnes marginalisées. Cela implique la volonté « d’établir dans nos sociétés le concept de la pleine citoyenneté et à renoncer à l’usage discriminatoire du terme minorités, qui porte avec lui les germes du sentiment d’isolement et de l’infériorité » (Fratelli Tutti § 131)
*Développer la conscience que, ou bien nous nous sauvons tous, ou bien personne ne se sauve. « Les apports mutuels entre pays, en réalité, finissent par profiter à tous. Un pays qui progresse à partir de son substrat culturel original est un trésor pour l’humanité toute entière ». (Fratelli Tutti § 137)
*Rechercher un ordre juridique, politique et économique qui tend au développement solidaire de tous les peuples. « Cela profitera finalement à la planète entière parce que l’aide au développement des pays pauvres entraine la création de richesse pour tous ». (Fratelli Tutti § 138)

Le Saint Père poursuit en insistant sur la notion de gratuité, cette disposition qui nous rapproche de Dieu, ce Dieu qui « donne gratuitement, au point d’aider même ceux qui ne sont pas fidèles, et « il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons » (Mt 5, 45). Ce n’est pas pour rien que Jésus recommande : … « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8) … Les nationalismes fondés sur le repli sur soi traduisent en définitive cette incapacité de gratuité, l’erreur de croire qu’on peut se développer à côté de la ruine des autres et qu’en se fermant aux autres, on est mieux protégé. » (Fratelli Tutti § 140 et 141).

Cette perspective d’universalité, doit-elle se faire au détriment de ce qui fait la richesse culturelle « locale » ? Le § 143 nous éclaire sur le rapport entre les deux. Il ne s’agit pas de renoncer à son trésor propre. « Il n’y a d’ouverture entre les peuples qu’à partir de l’amour de sa terre, de son peuple, de ses traits culturels… Chacun aime et prend soin de sa terre avec une attention particulière et se soucie de son pays… Le bien de l’univers exige que chacun protège et aime sa propre terre. Autrement, les conséquences du désastre d’un pays finiront par affecter la planète toute entière ». 

     +Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU