AFC Eglise et bioéthique

« La résurrection du Christ est la véritable espérance du monde, celle qui ne déçoit pas », a affirmé le pape François le jour de Pâques, depuis la loggia de la basilique Saint-Pierre : « C’est la force du grain de blé, celle de l’amour qui s’abaisse et qui se donne jusqu’au bout, et qui renouvelle vraiment le monde ». 

« Invoquons des fruits de sagesse pour ceux qui dans le monde entier ont des responsabilités politiques, afin qu’ils respectent toujours la dignité humaine, se prodiguent avec dévouement au service du bien commun et assurent développement et sécurité à leurs propres citoyens. »

 

Église et bioéthique

 

Extrait du site de la Conférence des évêques de France

Que dit l’Eglise ?

Tout en encourageant les progrès des sciences biomédicales qui ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques, l’Église nous invite à un discernement. Notre responsabilité se trouve ainsi engagée si nous voulons que ces progrès demeurent au service de la personne humaine dans le respect de sa dignité inaliénable, et tout particulièrement des plus vulnérables : l’enfant à naître, les parents touchés par l’infertilité, la personne malade ou porteuse d’un handicap… C’est donc à un enjeu d’humanité que nous sommes confrontés.

 

Révision des lois de bioéthique

Voici le deuxième dossier consacré au Dépistage prénatal, après celui de la procréation médicale assistée (voir dans le Semeur précédent)

 

Le Diagnostic (dépistage) prénatal

  • Éléments scientifiques et juridiques :

La loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique a confirmé la place du diagnostic prénatal qui comprend les « pratiques médicales, y compris l’échographie obstétricale et fœtale, ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité ». La loi demande que toute femme enceinte reçoive « une information loyale, claire, et adaptée à sa situation sur la possibilité de recourir, à sa demande, à des examens de biologie médicale et d’imagerie permettant d’évaluer le risque que l’embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de sa grossesse[1] ».

Si la loi précise bien que ces examens ne sont pas imposés, elle suscite cependant dans la pratique médicale une politique de dépistage prénatal, c’est-à-dire la généralisation d’examens d’évaluation de risques d’affection fœtale chez toutes les femmes enceintes.

Ce dépistage concerne en particulier la trisomie 21 (T21). Selon les termes de la Haute Autorité de Santé (HAS) : « L’objectif du dépistage prénatal de la T21 est de donner aux femmes enceintes ou aux couples le souhaitant une information sur le niveau de risque de T21 du fœtus afin de leur permettre de décider librement, après une information objective et éclairée, de la poursuite ou non de leur grossesse si une T21 fœtale a été diagnostiquée[2]. » Le diagnostic prénatal de la T21 ne relève pas de la médecine préventive, car il n’y a pas de prévention possible de la maladie.

Les tests de dépistage combinent plusieurs techniques, possibles dès le premier trimestre de la grossesse :

  • mesure échographique de la clarté nucale,
  • dosage des marqueurs sériques[3],
  • en certain lieux[4], analyse de l’ADN libre circulant (ADNlc) dans le sang maternel.

Lorsque le niveau de risque estimé est supérieur ou égal à 1/250 dans le test des marqueurs sériques, une confirmation diagnostique par caryotype fœtal (étude de l’ensemble des chromosomes) est proposée, nécessitant un examen invasif (amniocentèse ou analyse du liquide amniotique, ou choriocentèse ou analyse des villosités choriales) associé à un risque de mort du fœtus d’environ 1%.

Aujourd’hui se pose la question de l’accès au test d’ADNlc, au moins pour la Trisomie 21, pour toutes les femmes enceintes. La HAS, dans un avis publié en avril 2017, a recommandé que le test ADNlcT21 soit proposé à toutes les femmes enceintes présentant un certain niveau de risque de trisomie 21 fœtale à l’issue du dépistage par dosage des marqueurs sériques (entre 1/1000 et 1/51)[5]. Les principaux arguments en faveur du test ADNlc sont l’amélioration des performances de détection du dépistage, la diminution du nombre de « pertes fœtales » induites par les amniocentèses ou choriocentèses et la possibilité de poser un diagnostic plus précocement afin de limiter les éventuelles IMG (Interruption médicale de grossesse : avortement) tardives[6]. La HAS insiste sur le fait que ce test doit s’ajouter et non se substituer aux tests habituellement proposés aujourd’hui[7]. Financièrement, la mise en place des recommandations de la HAS représente un surcoût de 17,5 M€[8]. Le coût standard d’un test ADNlcT21 est de 390 euros (environ 46 500 Fcp).

  • Questions anthropologiques et éthiques

La proposition généralisée du test ADNlcT21 pose divers problèmes moraux.

Le nombre exceptionnellement élevé d’IMG déjà associées au dépistage prénatal de la T21 pose la question de la liberté réelle des femmes enceintes face à ces tests et à leur confirmation diagnostique. Alors que le caractère anxiogène de ces tests a été souligné, il toucherait encore plus de femmes si le seuil minimal de risque retenu, pour que la proposition du test ADNlcT21 soit faite, passait de 1/250 à 1/1000[9].

Le risque de morts fœtales par la proposition du test ADNlcT21 plutôt qu’un examen invasif serait réduit mais non supprimé, puisque la confirmation d’un risque d’anomalie doit passer par un examen invasif pour établir un caryotype. Que vaut cette préoccupation récemment exprimée pour quelques morts fœtales risquées alors que l’avortement de la quasi-totalité des fœtus suspectés porteurs de la T21 est relativisé ? L’interruption d’une grossesse n’est-elle pas toujours un traumatisme pour une femme et son entourage, quel que soit le stade où elle est pratiquée ?

Par ailleurs, il est dit que l’introduction du test ADNlcT21 permet un dépistage plus performant. De fait, cela ajoute encore un dispositif à un processus encourageant l’élimination d’une population d’enfants porteurs d’un handicap, en l’absence actuelle de possibilité de guérison. La portée de ce dispositif apparaît d’autant plus qu’il pourrait s’étendre rapidement à d’autres anomalies. C’est ainsi que l’hôpital américain de Neuilly propose déjà un test portant sur chaque chromosome afin de détecter 95% des anomalies impactant l’équilibre génétique, et cela pour la somme de 980 euros[10] (environ 117 000 Fcp). Ces recommandations et ces pratiques font craindre une augmentation de la sélection des enfants à naître. Sans oublier que ces tests ne sont pas fiables à 100% et qu’ils ne permettent d’identifier que des risques.

Proposer un test supplémentaire ne ferait qu’accentuer ce que le Comité Consultatif National d’Éthique a qualifié de « défaut majeur d’accueil et d’accompagnement des personnes handicapées de la part de notre société[11] ». D’autant plus que le dépistage prénatal coexiste aujourd’hui avec le diagnostic préimplantatoire pratiqué à des conditions élargies et coexistera peut-être demain avec les pratiques de modification du génome d’embryons humains. Certains médecins commencent à parler de « diagnostic préconceptionnel ».

Or, une société reste humaine dans l’accueil et la prise en charge des plus vulnérables. En favorisant une normativité génétique elle risque, aujourd’hui comme hier, de sombrer dans la sélection et la ségrégation des personnes, autrement dit dans la discrimination génétique.

Chaque enfant devra-t-il passer par des examens génétiques pour être autorisé à naître ? Chaque adulte sera-t-il soumis à autorisation avant de concevoir ?

Nous risquons de mettre en place une forme d’eugénisme libéral, « […] résultat collectif d’une somme de décisions individuelles convergentes prises par les futurs parents, dans une société où primerait la recherche de l’ »enfant parfait », ou du moins indemne de nombreuses affections graves[12] ».

Plutôt que d’allouer des ressources supplémentaires au dépistage de pathologies non guérissables actuellement, il conviendrait d’encourager la recherche en vue d’améliorer la condition des personnes atteintes de ces pathologies et de leurs familles. Le diagnostic anténatal devrait avoir pour seule finalité la prise en charge médicale des anomalies détectées. Mais une telle finalité implique un changement de regard sur l’acceptabilité du handicap et un soutien respectueux des personnes porteuses de handicap et de leur famille[13].

[1] Code de Santé Publique L2131-1.

[2] Haute Autorité de Santé, Place des tests d’ADN libre circulant dans le sang maternel dans la stratégie de dépistage de la Trisomie fœtale 21, avril 2017, p. 4.

[3] Vérification du taux de deux hormones et d’une protéine dans le sang maternel.

[4] Hôpital américain de Neuilly (92) et établissements de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris.

[5] Cf. HAS, Place des tests d’ADN libre circulant…, p. 30.

[6] Idem, pp. 4-5.

[7] Idem, p. 4.

[8] Idem, p. 25.

[9] Cf. idem, p. 22.

[10] Cf. https://www.american-hospital.org/fr/nos-specialites/diagnosticprenatal.html#c11817 .

[11] CCNE, avis 120, Questions éthiques associées au développement des tests génétiques fœtaux sur sang maternel, 25 avril 2013, p. 22.

[12] Conseil d’État, La révision des lois de bioéthique, Étude adoptée par l’assemblée générale plénière le 9 avril 2009, p. 30.

[13] Voir FRANÇOIS, discours du 21 octobre 2017 ; Instruction Dignitas personae, 8 septembre 2008, n. 22.