PRIERE ET DE RECUEILLEMENT

Mgr Cottanceau Il y a quelques jours, le Président de la Polynésie invitait les habitants du Fenua à « s’unir en prières et en intentions de paix et de guérison le Dimanche 5 Septembre prochain à l’occasion de la Journée Internationale de la Charité ». Seront allumées 500 bougies en souvenir des personnes victimes de la Pandémie, et un jeûne sera proposé pour accompagner ce temps de recueillement. Cette initiative est appuyée par la plupart des confessions religieuses présentes sur le territoire, chacune pouvant aménager ce temps selon ses traditions et ses préceptes cultuels.

En ces temps où les grands rassemblements ne sont pas envisageables, il revient donc à chaque famille, chaque foyer, d’accepter d’entrer de tout son cœur dans cette démarche. Il ne s’agit pas d’abord de « faire quelque chose pour être en règle » mais de vivre un temps particulier :

Un temps de jeûne le Samedi 4 : le jeûne est un des actes essentiels par lequel le croyant traduit devant Dieu son humilité, son espérance et son amour. L’Homme est à la fois âme et corps, chair et esprit. Il serait donc incomplet d’imaginer une religion purement spirituelle, dans les nuages. L’âme a besoin des actes et des attitudes du corps. Le jeûne accompagné de prière traduit l’humilité devant Dieu. Jeûner équivaut à humilier son âme. Il ne s’agit pas d’exploit ascétique. Il s’agit par la pratique du jeûne de s’établir avec foi dans une attitude d’humilité pour accueillir l’action de Dieu et se mettre en sa présence. Au cœur de l’épreuve que nous traversons, et au-delà des recours à la science et à la médecine, jeûner est une façon de nous tourner vers Dieu et d’implorer son aide en nous livrant sans réserve à sa bienveillance et à son amour. Pourquoi ne pas jeûner le Dimanche ? St Jean Paul II dans sa lettre apostolique « Dies Domini » nous rappelle cette parole de St Augustin : « Saint Augustin décrit la joie de la Pâque hebdomadaire : « Le jeûne est mis de côté et les prières sont dites debout, en signe de la Résurrection, c'est pourquoi aussi l'Alléluia est chanté à chaque Dimanche"

Que ce Dimanche 5 soit pour nous un temps qui invite à la compassion : ouvrir notre cœur nos pensées et notre prière à tous ceux et celles qui ont quitté cette terre et à ceux qui souffrent de la perte d’un être cher. Un des aspects douloureux de la lutte contre l’épidémie a été en effet l’impossibilité pour les familles d’aller rencontrer leurs proches malades et la soudaineté du mal qui emportait « sans prévenir » ceux et celles dont on ne verrait plus le visage. Combien, après le brusque départ d’un être cher, pourraient dire : « On n’était pas prêt ! » Qu’il nous soit donné pendant ce temps de recueillement, de confier au Seigneur toute cette souffrance dans notre prière.

 Un temps qui nous invite également à la solidarité pour être plus forts dans ce combat. Le confinement, les mesures de distanciation sanitaire, le port du masque et… autant de contraintes qui nous ont isolés, séparés… Plus de réunions amicales, plus de rassemblements familiaux ! Et dans le même temps, peut-être avons-nous pris conscience que chacun était par son comportement, responsable du sort des autres, que nous étions interdépendants ! Et si ce temps de silence et de recueillement nous donnait la chance de découvrir que nous pouvons être unis par la pensée, forts de l’appui et du soutien de nos frères et sœurs qui nous soutiennent, et que le « chacun pour soi » n’a pas sa place dans une stratégie de victoire !

Un temps nous invitant au recueillement pour accueillir celui qui nous rejoint dans notre situation, comme autrefois, il avait rejoint les disciples d’Emmaüs. Le visage triste, ils tournaient le dos à Jérusalem en rejoignant leur village ! Comment pourrions-nous l’accueillir et l’entendre murmurer à nos cœurs des paroles d’espérance si nous ne savons pas nous arrêter, faire silence, écouter au lieu de parler ! Oui, il importe de faire part au Seigneur de nos peurs, de nos combats, comme le firent les disciples d’Emmaüs. Mais ensuite, Jésus prend la parole et se révèle, brûlant le cœur de ses disciples par l’espérance qu’il y faisait naitre. Prendre le temps d’accueillir la Parole du Christ pour nous réconforter et pour cela, vivre notre Dimanche comme ce moment où nous ne sommes plus des « agents économiques », des consommateurs, mais des humains créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, capables dans l’épreuve, de reconnaître sa présence à nos côtés. Comment le pourrions-nous si nous courons sans cesse, si nous sommes comme Marthe, accaparés par les tâches quotidiennes ? Saurons-nous pendant ce temps de Dimanche, nous tenir aux côtés de Marie la sœur de Marthe, pour écouter ?                                                                         .../...

Enfin, un temps qui nous donnera de rendre grâce : pour tous ceux et celles qui se donnent sans compter au service des malades, pour les risques encourus et pour le sens du devoir dont ils font preuve, pour les gestes de dévouement… et offrir tout cela au Seigneur dans notre prière ; rendre grâce surtout pour le Christ, pour sa résurrection d’entre les morts que nous célébrons particulièrement en ce « Jour du Seigneur » et qui doit être pour nous, selon les mots du Pape St Jean Paul II :

« Le jour de la foi : le dimanche apparaît comme le jour suprême de la foi. C'est le jour où, par la puissance de l'Esprit Saint, qui est la « mémoire » vivante de l'Église (cf. Jn 14, 26), la première apparition du Ressuscité devient un événement renouvelé dans « l'aujourd'hui » de chacun des disciples du Christ.  Oui, le dimanche est le jour de la foi.

Le jour de l'espoir : le dimanche n'est pas seulement le jour de la foi, mais aussi le jour de l'espérance chrétienne… Célébrant ce mémorial du Christ ressuscité et monté au ciel, la communauté chrétienne attend « dans une joyeuse espérance la venue de notre Sauveur Jésus Christ ». Renouvelée et nourrie par ce rythme hebdomadaire intense, l'espérance chrétienne devient le levain et la lumière de l'espérance humaine. C'est pourquoi la Prière des fidèles répond non seulement aux besoins de la communauté chrétienne particulière, mais aussi à ceux de toute l'humanité ; et l'Église, réunie pour la célébration eucharistique, montre au monde qu'elle fait siennes « les joies et les espérances, les peines et les angoisses des hommes d'aujourd'hui, spécialement des pauvres et de tous ceux qui souffrent ».

Puissions-nous, en nous associant à tous ceux qui vivront ce temps de prière et de recueillement, être présents à leurs côtés pour apporter à ceux qui sont dans la peine réconfort, espérance et sympathie, et pour exprimer notre solidarité avec tous ceux et celles qui attendent la fin de cette épreuve et la victoire de la Vie. N’est-ce pas la Bonne Nouvelle que Jésus est venu nous annoncer et que nous avons mission de vivre et de proclamer ?

Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU