INHUMATION, CREMATION, « LIQUEFACTION », DON DES CORPS A LA SCIENCE

eveche15w.jpgLes anthropologues considèrent que les rituels funéraires sont un des fondements du passage à la civilisation. Les funérailles et le deuil collectif sont des moments particuliers de sociabilité qui marquent l'histoire d'un groupe.

Jeudi 17 juin dernier, le CESEC a donné un avis favorable -assorti de quelques recommandations- au projet de Loi du Pays relatif à la crémation, à l’exploitation et au suivi de crématorium en Polynésie française. C’est l’occasion de recentrer la réflexion sur un certain nombre de règles et recommandations relatives à l’attention portée à nos défunts tant au plan de la loi civile qu’au plan religieux.

Nous pouvons distinguer quatre types de dispositions qu’une personne peut choisir pour le devenir de son corps après sa mort.

L’inhumation (enterrement) : c’est le type de sépulture le plus habituel que nous connaissons au fenua.

La crémation (certains disent ‘’incinération’’, mais ce terme est plutôt réservé aux animaux) : le défunt est placé dans un cercueil combustible et transféré dans un crématorium autorisé par les autorités civiles.

Les cendres sont rendues à la famille dans une urne. Il est interdit de conserver l’urne contenant les cendres d’un défunt chez soi. La famille peut soit réaliser la dispersion des cendres, soit inhumer l’urne dans une case de columbarium ou dans un caveau, soit la sceller sur le dessus d’une sépulture.

Jusqu’à présent la crémation ne peut se réaliser qu’en France ou en Nouvelle-Zélande.

Le don de son corps à la science (à ne pas confondre avec le don d’organe) : c’est une disposition que doit prendre la personne avant sa mort, devant deux témoins, après avoir pris contact avec une Université qui accueille les corps en vue de la formation des futurs médecins ou pour des recherches scientifiques.

Les corps ne sont pas rendus aux familles, en général ils sont incinérés. Les familles célèbres des « funérailles en l’absence de corps » [comme pour les défunts morts sur des champs de bataille ou lors de naufrages ou de catastrophes naturelles, et dont on n’a pas retrouvé les corps].

Seules les personnes qui meurent en France peuvent envisager le don du corps.

L’Eglise Catholique considère le don d’un corps à la science comme un acte d’amour et le témoignage d’une solidarité active.

La liquéfaction du corps (le terme scientifique plus correct serait « aquamation ») : il s’agit d’une technique autorisée aux Etats-Unis, au Canada et en Australie. Le corps est plongé dans l’eau chaude (à 93°C) contenant des agents facilitant la dissolution des chairs, puis porté à180°C sous une pression de 10 bars pendant 3 à 4 heures. Les « eaux » recueillies peuvent être jetées ou servir de fertilisant. Les promoteurs de ce processus mettent en avant son aspect écologique et un moindre coût en gaz à effet de serre ! La loi française, exigeant que le corps soit obligatoirement placé dans un cercueil, ne peut autoriser un tel processus.

En ce qui concerne la crémation les religions ont pris des positions particulières. La religion musulmane suit l’interdiction faite dans le Coran. La religion orthodoxe (encore qu’en Grèce la crémation soit autorisée), certains courants religieux juifs et protestants interdisent la crémation. Elle est tolérée par le bouddhisme et encouragée par le shintoïsme et l'hindouisme. Pour le jaïnisme et le sikhisme, la crémation est obligatoire.

L’Eglise Catholique n’interdit plus la crémation depuis le 8 mai 1963. Et le Code de droit canonique de 1983 précise : « L’Eglise recommande vivement que soit conservée la pieuse coutume d’ensevelir le corps des défunts ; cependant elle n’interdit pas l’incinération, à moins que celle-ci n’ait été choisie pour des raisons contraires à la doctrine chrétienne. » [Canon 1176 §3] La Congrégation pour la Doctrine de la Foi a publié en 2016 une « Instruction sur la sépulture des défunts et la conservation des cendres en cas d’incinération » [Ad resurgendum cum Christo/ Pour ressusciter avec le Christ, 15 août 2016] : « Pour ressusciter avec le Christ, il faut mourir avec le Christ, il faut ‘’quitter ce corps pour aller demeurer auprès du Seigneur’’ (2 Co 5, 8) [n°1]. (…) L’Église est appelée à proclamer la foi en la résurrection : ‘’La foi des chrétiens, c’est la résurrection des morts : y croire, c’est ressusciter’’ [n°2] (…) Suivant la tradition chrétienne immémoriale, l’Église recommande avec insistance que les corps des défunts soient ensevelis dans un cimetière ou en un lieu sacré. En ensevelissant les corps des fidèles, l’Église confirme la foi en la résurrection de la chair. (…) La sépulture des corps des fidèles défunts dans les cimetières ou autres lieux sacrés favorise le souvenir ainsi que la prière de la famille et de toute la communauté chrétienne pour les défunts, sans oublier la vénération des martyrs et des saints. [n°4] »

Toutefois, l’incinération n’étant pas interdite : « La conservation des cendres dans un lieu sacré peut contribuer à réduire le risque de soustraire les défunts à la prière et au souvenir de leur famille et de la communauté chrétienne. [n°5]

La conservation des cendres dans l’habitation domestique n’est pas autorisée. (…) les cendres ne peuvent être distribuées entre les différents cercles familiaux, et l’on veillera toujours à leur assurer des conditions respectueuses et adéquates de conservation. [n°6]

Pour éviter tout malentendu de type panthéiste, naturaliste ou nihiliste, la dispersion des cendres dans l’air, sur terre, dans l’eau ou de toute autre manière, n’est pas permise ; il en est de même de la conservation des cendres issues de l’incinération dans des souvenirs, des bijoux ou d’autres objets. » [n°7 ]

Comme le dit le Catéchisme de l’Eglise Catholique (CEC) : « Les différents rites de funérailles expriment le caractère Pascal de la mort chrétienne, et répondent aux situations et aux traditions de chaque région. » [CEC n°1685] Ne cédons pas aux modes, aux publicités de toutes sortes, restons fidèles à l’Eglise, à notre foi en la résurrection et aux traditions liées à nos cultures ancestrales.

Dominique Soupé