INTERPELLATIONS

Mgr CottanceauParmi les nombreux points abordés dans son discours de ce Mardi 27 Juillet, un certain nombre de promesses et d’engagements ont été pris par le Président de la République. Ces promesses et ces engagements ont au moins le mérite de pointer du doigt les enjeux d’avenir, mais également les problèmes et difficultés qui façonnent notre société Polynésienne. Ils peuvent être aussi pour nous l’occasion de nous laisser interpeler !

Il fut beaucoup question de la sauvegarde et de la préservation du patrimoine naturel mais aussi de ce patrimoine culturel auquel le peuple Maohi a donné naissance et qu’il a su transmettre jusqu’à aujourd’hui. L’Eglise doit se réjouir de cette dynamique. La préservation du patrimoine naturel s’inscrit tout à fait dans le sillage de « Laudato Si », cette encyclique du Pape François qui interpelle sur la façon dont nos sociétés se comportent vis-à-vis de cette terre, notre « maison commune ». La préservation du patrimoine culturel est également pour les disciples du Christ l’occasion de se souvenir que l’Eglise est appelée à annoncer le Christ et sa Parole à toute culture. Le Synode sur l’Océanie qui s’est tenu en 2001 souligne que dans chaque culture, la foi Chrétienne sera vécue de façon unique, que dans ses efforts pour présenter le Christ, l’Eglise doit respecter chaque culture. Les Pères du Synode précisent : « L‘Evangile n’est pas opposé à telle ou telle culture, comme si, lorsqu’il la rencontre, il voulait la priver de ce qui lui appartient… Une inculturation authentique de l'Évangile présente un double aspect. D'un côté, une culture offre des valeurs et des modèles positifs qui peuvent enrichir la manière dont l'Évangile est annoncé, compris et vécu. D'un autre côté, l'Évangile défie les cultures et rend nécessaire le changement de certaines valeurs et de certains modèles ». (« Ecclesia in Oceania » § 16)

Il fut également question de santé publique, eu égard à la situation causée par la pandémie. Mais la Covid ne saurait faire oublier toutes les autres maladies, surtout le cancer dont les effets se font douloureusement sentir chez les personnes atteintes, mais également dans les familles de ces personnes, surtout lorsque des evasan ont dû avoir lieu. Si la gestion médicale et financière de cette maladie, comme des autres maladies graves d’ailleurs, relève des pouvoirs publics et des services de santé, les liens de proximité, de voisinage, d’amitié que nous entretenons peuvent également constituer une aide précieuse pour ceux et celles qui sont touchés d’une façon ou d’une autre : « J’étais malade et vous m’avez visité » (Mt 25,36). C’est donc une occasion pour nos communautés de faire le point sur la façon dont nous accompagnons, ne serait-ce que par la prière, ces personnes et ces familles en souffrance.

Il fut également question de ces fléaux qui portent atteinte à la vie et à la dignité humaine : drogue et augmentation du trafic d’ice, violences faites aux femmes. Parallèlement aux instances de justice, des associations s’engagent et agissent avec courage et obstination. Qu’en est-il de notre présence dans ces associations, aux côtés de ces personnes de bonne volonté ? Beaucoup sont déjà à l’œuvre au nom de leur Foi. Accueillir et écouter les victimes, les aider, mais également mettre en lumière les racines qui produisent de tels comportements pour pouvoir agir dans la durée… N’est-ce pas là une belle façon d’être témoin de Jésus Christ ?

La question des conséquences des expérimentations atomiques a été aussi abordée. L’Eglise ne peut que souscrire au souhait que par esprit de justice, la vérité sur l’ensemble de la période nucléaire soit faite par les institutions nationales et locales. De plus, la situation des familles victimes, parfois sur les générations suivantes, ne saurait être ignorée et tout doit être fait pour qu’elles soient intégralement reconnues dans leur droit à être soutenues par la solidarité nationale. Enfin, l’Eglise rappelle le commandement de l’amour du prochain, y compris de nos ennemis, et du pardon des offenses. C’est, avec la prière fervente à Dieu, la seule attitude que le Chrétien peut suivre. C’est le seul moyen de restaurer durablement la paix du cœur et de l’âme pour que revienne l’espérance en l’avenir. Il s’agit pour tous d’aborder cette problématique sans apriori ni procès d’intentions et de rechercher sans cesse la vérité - même si celle-ci dérange. La charité et le devoir de prendre en considération ceux et celles qui souffrent doivent conduire à la recherche d’une justice qui ne soit qu’au service de la dignité humaine, sans autre considération ou arrière-pensée. C’est à ce prix que nous pourrons avancer ensemble dans la concorde. 

  Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU