Gaudium et Spes

Relisons Gaudium et Spes

Vatican II (2/12)

GAUDIUM ET SPES

(L'Eglise dans le monde de ce temps)

 

En cette année de la Foi prenons le temps de relire quelques grands textes du concile Vatican II. L'idéal est de lire le texte intégral que l'on peut se procurer en librairie ou en allant sur Internet. Pour les personnes ne disposant que de peu de temps nous soulignons quelques passages de ces textes.

 

L'élaboration et la rédaction du fameux « schéma XIII» qui deviendra la Constitution Pastorale sur l'Eglise dans le monde de ce temps («Gaudium et Spes »[Joies et espoirs]) ont donné lieu à de longues discussions mouvementées entre les Pères conciliaires. Le texte a été voté juste avant la clôture du concile, le 7 décembre 1965. C'est Jean XXIII qui est à l'origine de ce texte, dans son encyclique Humanae salutis ( 25 décembre 1961) il convoquait le Concile et invitait les évêques à « savoir distinguer ''les signes des temps'' » et « à mettre en valeur la vitalité de l'Eglise pour ses enfants et pour le monde entier (ad intra et ad extra) ».

La constitution dogmatiqueLumen Gentium (cf. Le Semeur Tahitien n°20 du 25 nov. 2012) s'est intéressée à la vie interne de l'Eglise (« Eccesia ad intra »). La Constitution Gaudium et Spesse penche sur le monde et ce qu'elle a à lui dire (« Ecclesia ad extra », elle est pastorale car elle ne place pas l'Eglise en dehors ou au-dessus du monde mais « dans le monde de ce temps ». Chaque chrétien, chaque membre de l'Eglise travaille « dans le monde ». L'Eglise et le monde sont dépendants réciproquement : « A la fois ''assemblée visible et communauté spirituelle'', l'Eglise fait route avec toute l'humanité et partage le sort terrestre du monde, elle est comme le ferment, et pour ainsi dire, l'âme de la société humaine appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu. » (GS 40 §1)

Cette constitution est sans doute le fruit le plus inattendu de Vatican II. Jean-Paul II, l'un des rédacteurs, aimait dire qu' « elle avait été pensée avec le réalisme de l'espérance ». C'est dans cet esprit qu'il faut en relire le texte.

Un langage et un regard nouveaux

D'une manière générale Vatican II adopte un langage nouveau dans l'Eglise. Aucun canon n'a été publié, ce concile propose de nouveaux modèles et un nouveau regard. Il a présenté l'Eglise sous tous ses aspects, selon la formule de Jean XXIII : « la mère aimante de tous, douce, patiente, pleine de bonté et de pitié » (discours d'ouverture du concile). C'est dans cette perspective qu'il faut relire Gaudium et Spes. Dès les premières lignes le ton est donné : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur coeur... La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire. » (GS 1)

Deux grandes parties

Gaudium et Spes comprend deux grandes parties. La première réfléchit sur « l'Eglise et la vocation humaine », la seconde sur « Quelques problèmes plus urgents ».

I. Ch I La dignité de la personne humaine :

Le concile repère les points de convergence entre la doctrine chrétienne et les convictions communément répandues. « Au fond de sa conscience, l'homme découvre la présence d'une loi qu'il ne s'est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir... Par fidélité à la conscience, les chrétiens unis aux autres hommes, doivent chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale... » (GS 16)

La doctrine chrétienne de la liberté rejoint bien des aspirations humaines mais elle propose un discernement parmi celles-ci. « C'est toujours librement que l'homme se tourne vers le bien. Cette liberté, nos contemporains l'estiment... la poursuivent avec ardeur... Souvent cependant ils la chérissent d'une manière qui n'est pas droite, comme la licence de faire n'importe quoi, pourvu que cela plaise, même le mal. Mais la vraie liberté est en l'homme un signe privilégié de l'image divine ... » (GS 17)

Suit après une analyse de diverses formes d'athéismes.

I. ch II La communauté humaine

Le texte affirme le caractère communautaire de la vocation humaine et ses conséquences.

« … la personne humaine qui, de par sa nature même, a absolument besoin d'une vie sociale, est et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions... »

I. ch III L'activité humaine dans l'univers

Toute l'activité humaine ne se réduit pas aux seuls rapports économiques c'est ce que souligne le Concile en rappelant que l'Eglise respecte une juste autonomie du temporel. « … si par ''autonomie du temporel'', on veut dire que les choses créées ne dépendent pas de Dieu et que l'homme peut en disposer sans référence au Créateur, la fausseté de tels propos ne peut échapper à quiconque reconnaît Dieu... la créature sans Créateur s'évanouDu reste, tous les croyants, à quelques religions qu'ils appartiennent, ont toujoursentendu la voix de Dieu, et sa manifestation, dans le langage des créatures. » (GS 36)

I. Ch IV Le rôle de l'Eglise dans le monde de ce temps

Il y a des apports récviproques entre l'Eglise et le monde : l'Eglise soutient les droits de l'Homme, les institutions justes et bonnes que la société se donne. Dans sa structure sociale visible l'Eglise reçoit aussi une aide du monde. Les Pères conciliaires soulignent également : « L'homme moderne est en marche vers un développement plus complet de sa personnalité, vers une découverte et une affirmation toujours croissante de ses droits. L'Eglise, pour sa part, … révèle en même temps à l'homme le sens de sa propre existence, c'est-à-dire sa vérité essentielle. » (GS 41)

Dans la seconde partie traitant quelques problèmes plus urgents, il s'agit de questions qui étaient d'actualité il y a cinquante ans. Mais certaines le sont encore.

II Ch I La dignité du mariage et de la famille

« Le mariage et l'amour conjugal sont d'eux-mêmes ordonnés à la procréation et à l'éducation... les enfants sont le don le plus excellent du mariage et ils contribuent grandement au bien des parents eux-mêmes... » (GS 50)

II Ch II L'essor de la culture

Le texte réclame que soit reconnu le droit de tous les hommes à la culture, cela suppose une prise en compte des difficultés à affronter et des devoirs qui en découlent.

II. Ch III La vie économico-sociale

Le développement économique ne peut se soustraire à un contrôle qui l'oriente vers la suppression des disparités des nations. Il faut se démarquer d'une vision purement libérale ou purement marxiste et jouer le jeu de la subsidiarité. « Les chrétiens actifs dans le développement économico-social et dans la lutte pour le progrès de la justice et de la charité doivent être persuadés qu'ils peuvent beaucoup pour la prospérité de l'humanité et la paix du monde. » (GS 72)

II. Ch IV La vie de la communauté politique

Les Pères conciliaires lancent un appel pour que l'organisation de la communauté politique soit ordonnée à la finalité du bien commun dans la justice et le respect des droits de la personne. « ...la communauté politique et l'Eglise sont indépendantes l'une de l'autre et autonomes. Mais, toutes deux, quoique à des titres divers, sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. Elles exerceront d'autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu'elles rechercheront davantahge entre elles une saine coopération... » (GS 76)

II. Ch V La sauvegarde de la paix et la construction de la communauté des nations

Le texte dénonce la course aux armements, réclame que cessent les guerres et que l'action internationale promeuve la paix et la justice dans le monde.

« … il est nécessaire que l'Eglise soit présente dans la communauté des nations; et cela tant par ses organes officiels que par l'entière et loyale collaboration de tous les chrétiens – collaboration inspirée par le seul désir d'être utile à tous. » (GS 89)

Conclusion

Les Pères conciliaires achèvent ce document par un appel au « dialogue entre tous les hommes ». «  … le désir d'un tel dialogue , conduit par le seul amour de la vérité, et aussi la seule prudence requise, n'exclut personne : ni ceux qui honorent de hautes valeurs humaines sans en reconnaître encore l'Auteur, ni ceux qui s'opposent à l'Eglise et la persécutent de différentes façons... nous sommes tous appelés à être frères... Et puisque nous sommes destinés à une seule et même vocation divine, nous pouvons aussi et nous devons coopérer, sans violence et sans arrière-pensée, à la construction du monde dans une paix véritable. »

 

[ La traduction du texte conciliaire utilisée est celle donnée dans la Collection La pensée chrétienne, 2ème édition de FIDES, 1991, Montréal & Paris]