LE PAIN DEPOSE DANS LE CREUX DE MA MAIN

Mgr Cottanceau            Ce Dimanche, l’Eglise nous invite à fêter le Corps et le Sang du Christ, en la fête du Saint Sacrement. Le Seigneur a fait choix du pain et du vin pour signifier le don qu’il fait de sa personne par amour. « Ceci est mon corps, ceci est mon sang » … En choisissant le pain, Jésus s’inscrit dans la tradition de son peuple qui voyait dans le pain la nourriture par excellence, don de Dieu et source de force. Gn 14, 18 nous rapporte que Melchisédech, roi de Salem alla à la rencontre d’Abraham en lui offrant du pain et du vin ! Un texte du Talmud, utilisé dans le Judaïsme nous dit que le pain est considéré comme le soutien même de l’existence : « Treize qualités sont attribuées au pain consommé le matin : il protège contre la chaleur, contre le froid, contre les esprits malfaisants, contre les démons, il rend les simples avisés et il les aide à gagner un procès ; il assiste ceux qui s’instruisent et ceux qui enseignent la Torah ; il permet à leurs paroles d’être écoutées ; l’étude de celui qui en a pris ne s’oublie pas, sa chair ne dégage aucune mauvaise odeur, il est attaché à sa femme et n’en convoite pas une autre ; le pain détruit les vers solitaires ; quelques-uns ajoutent qu’il chasse l’envie et fait arriver l’amour ».

            Dans la Bible, on caractérise parfois une situation en disant quel goût elle donne au pain :

+ Celui qui vit une situation de souffrance mange un pain de larmes, d’angoisse, de cendres : Ps 42, 4 ; 80, 6 ; 102, 10 – un pain de douleur : Ps 127, 2

+ Celui qui est heureux mange le pain dans la joie : Qo 9, 7

+ Le pécheur mange un pain d’impiété et de mensonge : Pr 4, 17 (pain du crime) et Pr 20 17 (pain de fraude)

+ Celui qui est dans la tristesse mange un pain de deuil : Os 9, 4

Le pain est destiné à nourrir, mais également à être partagé :

+ Manger le pain avec quelqu’un, c’est être son ami, son intime : Ps 41, 10 ; Jn 13, 18

+ Partager son pain avec l’affamé est, pour la piété juive, la meilleure expression de la charité fraternelle : Ps 22, 9 ; Ez 18, 7.16 ; Is 58, 7

            Le pain est un don de Dieu, une bénédiction (Ps 37, 25 ; 132, 15). Il est donné en une surabondance qui s’exprime dans le miracle de la multiplication des pains d’Elisée en 2R 4, 42. Dans le « Notre Père », Jésus invite ses disciples à demander avec confiance « le pain quotidien » en Mt 6, 11 ou « le pain de chaque jour » en Lc 11, 3. C’est le pain nécessaire à la subsistance de chaque jour. Si Dieu assure, le disciple peut se consacrer entièrement à l’annonce de l’Evangile.

Jésus reprend à son compte, dans la tradition de l’Ancien Testament le symbole du pain sous ses deux aspects : pain, parole de Dieu qui fait vivre et pain que l’on mange pour vivre. Comme le pain est nécessaire à la vie du corps, la Parole de Dieu est présentée également comme un pain tout aussi nécessaire à la vie de l’Homme. Car cette Parole est une parole d’amour et nous savons combien l’amour est indispensable à la vie. Dans l’Evangile de Jean, Jésus rappelle l’œuvre du Père : au désert, le Père avait envoyé la manne, le pain venu du ciel. Mais Jésus se présente ensuite comme le vrai pain venu du ciel, envoyé par le Père. C’est le Fils qui fait le don du pain, et donc de la vie éternelle. Celui qui le mange vit par lui ; il demeure en Jésus et Jésus demeure en lui. Manger le pain n’est plus seulement croire, c’est participer à l’Eucharistie qui renvoie à la mort de Jésus en croix.

Puissions-nous rester émerveillés du don que Jésus nous fait de sa Parole et de son corps, et ne jamais tomber dans la routine ou la banalité lorsque nous faisons le geste de recevoir le Corps du Christ !

+ Mgr Jean Pierre COTTANCEAU