ESOPE

Mgr CottanceauEsope, vous connaissez ? C’est un esclave qui vivait en Grèce plus de 500 ans avant Jésus Christ. C’était aussi un sage. Un jour, son maître lui demanda de préparer à manger la meilleure chose qui soit, et Esope lui cuisina de la langue… Le lendemain, son maître lui demanda de préparer la pire chose qui soit, et Esope cuisina de nouveau de la langue ! La langue, capable de produire dans les relations humaines le meilleur comme le pire… Dans la Bible, le livre du Siracide parlant du bavardage causé par la langue met en garde : « Celui qui maitrise sa langue vivra sans conflit… Ne répète jamais les on-dit… Ne colporte de racontars ni devant ton ami ni devant ton ennemi… Qui parle trop se rend insupportable, qui se croit tout permis devient odieux… » (Sir, chapitre 19 et 20) Plusieurs siècles après Esope et le livre du Siracide, ne faut-il pas reprendre leur enseignement pour l’appliquer à ce qu’on pourrait appeler une extension de la langue, les « réseaux sociaux » ? Ils sont ce que nous en faisons : un instrument qui rapproche les personnes, qui entretient les relations, qui informe, qui donne de partager les expériences, qui rejoint ceux et celles qui sont seuls ou isolés, malades… un instrument qui permet de faire part de projets, de rêves… Ce peut être le lieu de débats d’idées enrichissants etc… Mais il arrive aussi que cet instrument soit utilisé pour déverser la méchanceté, la rancune, pour régler ses comptes, pour salir autrui, laisser libre cours à ce qu’il y a de pire en l’être humain, clouer au pilori,  non par souci de vérité mais pour anéantir… Entendons-nous bien. Il est inévitable qu’il y ait des conflits, des désaccords, des litiges… entre personnes. Les conflits et les oppositions peuvent donner lieu à des débats d’idées, dans le respect des personnes, mais souvent, ils donnent lieu à des « lynchages » par réseau social interposé, sans aucun respect de son opposant. Faut-il que nous ayons si peu confiance en l’autre pour tout de suite porter l’affaire sur la place publique, au risque d’envenimer les choses, au lieu de chercher des voies de réconciliation ou tout au moins de dialogue, sans pour cela ameuter le ban et l’arrière ban ? Qui est le plus courageux ? Celui qui se cache derrière une opinion publique qu’il cherche à mettre de son côté en se présentant comme victime ou celui qui ose rencontrer son opposant pour essayer de trouver une issue ? Si nous voulons être de vrais disciples de Jésus Christ, rappelons-nous le commandement de l’amour et de la charité, il n’est pas à option. Allons plus loin : qui aujourd’hui se confesse d’avoir utilisé tel réseau social pour avoir médit ou calomnié son prochain ? Cela vaut pour tous les baptisés, quelle que soit leur place et leur responsabilité dans l’Eglise. Il est temps de réveiller notre conscience et de bien réfléchir à l’usage que nous faisons de ces réseaux sociaux, et de notre langue ! Il n’est jamais trop tard. Ces réseaux peuvent être de magnifiques moyens de témoigner de l’Amour que nous devons porter à notre prochain. N’en faisons pas des instruments de division et de démolition. Nous courrons alors le risque de donner parfois une bien piètre image de l’amour et de la charité fraternelle qui doivent régner dans nos communautés Chrétiennes !

+ Monseigneur Jean-Pierre COTTANCEAU