"NE NOUS LAISSE PAS ENTRER EN TENTATION"

Mgr CottanceauA partir du 1er Dimanche de l’Avent, l’Eglise invite les fidèles à mettre en pratique une nouvelle traduction du « Notre Père » en langue française qui concerne la sixième demande : « Et ne nous soumets pas à la tentation » qui devient « Et ne nous laisse pas entrer en tentation ». Ce changement est l’occasion pour nous de redécouvrir le sens de cette demande.

            Dans un premier temps, rappelons-nous que Jésus lui-même fut confronté à la tentation : après son baptême, il fut conduit au désert et par trois fois, fut tenté par Satan. Il fut également tenté au jardin de Gethsémani peu avant son arrestation : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ». Et à chacune de ces tentations, Jésus fait face avec courage en manifestant une fidélité sans faille à son Père, mettant ainsi en échecs les manœuvres du diable qui cherchait à l’éloigner de la volonté de son Père. La manœuvre du Satan n’était pas nouvelle. Dès la création d’Adam et Eve, celui-ci ne les avait-il pas séduits en les détournant du projet de Dieu et en leur faisant miroiter qu’ils pouvaient devenir des dieux, affirmant que Dieu leur mentait et les empêchait d’être heureux ! Le passage du livre de la Genèse 3, 1-5 rapportant le dialogue entre Eve et le serpent illustre clairement le sens de cette tentation. Le serpent (le plus rusé de tous les animaux) sème le doute dans l’esprit de Eve en lui faisant croire que Dieu est jaloux, qu’il ment, et au bout du compte, que son amour pour sa créature n’est qu’illusion. Cette tentation demeure aujourd’hui bien réelle, de croire que Dieu ne nous aime pas, qu’il nous ment, qu’il nous trompe, qu’il ne cherche qu’à nous « coincer » et à punir ! Alors oui, il est bon de lui demander de nous aider à croire en la puissance de son amour et « qu’il ne nous laisse pas entrer en tentation ». Si Adam et Eve succombent, Jésus, lui, résiste en refusant d’entrer dans les perspectives du malin. Il repousse la tentation, il se nourrit de la Parole de son Père, il s’en remet totalement à lui pour son salut, il refuse à la haine d’envahir son cœur et porte un regard de miséricorde sur ceux qui le persécutent. Cette fidélité à son Père et ce refus de céder à la tentation conduit le Christ à sa victoire sur la croix, ce qu’expriment ces mots de l’apôtre Paul parlant de Jésus « obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur la croix » (Ph 2, 8).

La réalité de la tentation fait partie de notre vie. Elle trouve son origine chez le Satan, l’adversaire, qui cherche à nous séparer de Dieu. Le mot « diable » qui désigne aussi Satan signifie « celui qui divise », c’est-à-dire celui qui nous éloigne de Dieu, qui cherche à briser notre amitié avec Dieu. Ainsi, il est clair que Dieu ne saurait en aucun cas être celui qui nous tente ou qui chercherait à nous éloigner de lui. Etre tenté n’est pas un péché, c’est une réalité. Tout va donc se jouer sur notre réaction face à la tentation : consentir ou refuser. Le diable prend un malin plaisir à nous séduire en faisant miroiter à nos imaginations, à notre intelligence des choix, des objets trompeurs qui éveillent notre désir et nous conduisent loin du chemin que Dieu nous propose. Cependant, souvenons-nous que nous sommes maîtres de notre volonté et de l’intimité de ce que nous sommes. La décision nous revient de consentir ou de refuser, et là, Satan ne peut rien !

Mais Jésus connait bien la réalité humaine, il sait de quoi nous sommes faits. Aussi, dans la prière à son Père qu’il enseigne aux disciples, figure cette demande : « Ne nous laisse pas entrer en tentation », c’est-à-dire « donne-nous de pouvoir dire non et de résister aux ruses du malin qui cherche à nous séparer de toi ». Au moment de sa Passion, il dira à ses disciples : « Priez pour ne pas entrer en tentation » (Lc 22, 40) Quand la tentation se présente, Jésus invite à prendre le chemin de l’union à Dieu, le chemin de la Foi, de l’espérance et de la charité.

Il convient ici de distinguer la tentation de l’épreuve. L’épreuve permet de mettre à jour et de révéler la réalité profonde d’une personne, au-delà des apparences incertaines. Ainsi dit-on que Dieu éprouve l’homme pour connaître le fond de son cœur, « comme l’or est vérifié au feu ». Que l’on se souvienne d’Abraham à qui Dieu demande d’offrir son fils Isaac pour vérifier sa foi et sa confiance… de l’Exode au cours duquel Dieu met son peuple à l’épreuve de la faim et de la soif…  Mais lorsque l’épreuve vient du Satan, elle devient tentation. L’épreuve reste ordonnée à la vie, car elle rapproche de Dieu ; la tentation enfante la mort. Car elle éloigne de Dieu. L’épreuve est un don de grâce, la tentation une invitation au péché. L’épreuve permet la croissance dans la foi, la fidélité, l’espérance et la liberté, elle ajuste l’Homme au mystère de Dieu. Elle nous unit et nous fait entrer plus avant dans le mystère de la mort résurrection du Christ. Saint Paul s’adressant aux Corinthiens leur dit : « Dieu est fidèle : il ne permettra pas que soyez éprouvés au-delà de vos forces. Mais avec l’épreuve, il donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter » (1 Co 10, 13) La tentation venant du Satan détourne le croyant de sa relation à Dieu, elle sert ce désir toujours présent chez l’homme de se prendre pour Dieu, de prendre sa place, elle pousse l’homme à renier l’alliance que Dieu a conclue avec lui par son Fils Jésus Christ.

Reprenant les mots du P. Colomban parus dans le bulletin « Eglise en Nouvelle Calédonie » de Juillet 2017 demandons à notre Père des Cieux « non pas de ne pas être tentés, mais qu’il nous évite des épreuves que nous risquons de ne pas pouvoir supporter. Devant le risque grave que constitue la tentation, nous prions donc de ne pas nous exposer à une telle épreuve (…) où nous serions tentés de l’abandonner parce que sa présence ne nous parait plus sensible. » Nous lui demandons de nous préserver d’entrer dans les vues du tentateur et de nous aider à ne pas y consentir. Enfin, n’omettons pas le fait que cette demande, comme les autres demandes du « Notre Père », est formulée par un « NOUS ». Le combat contre la tentation demande une décision personnelle que nul ne pourra prendre à notre place, certes, mais c’est ensemble et en Eglise que nous serons plus forts pour résister. Ne l’oublions pas ! Le « Nous » nous conduit à mener ensemble le combat contre le mal.

+ Monseigneur Jean Pierre COTTANCEAU, Archevêque de Papeete