La Semaine de tous les dangers

 Mgr Cottanceau Les Églises chrétiennes sont à la veille de vivre les « jours saints », dont la portée est si décisive pour elles-mêmes et pour l’histoire de l’humanité. Jésus entre dans la ville de Jérusalem et nous savons déjà qu’il n’en sortira plus. Au fil des heures, les ténèbres vont s’accumuler comme les nuages par mauvais temps au-dessus du Fils de l’homme et la violence humaine parviendra à son terme destructeur.

  Depuis 2000 ans que cette histoire s’est produite et qu’elle a été racontée à travers le monde, il n’y a plus vraiment de suspense. Dans le mécanisme de son déroulement, Pâque ne surprend plus. A-t-elle encore seulement de la pertinence pour aujourd’hui ?

  La Semaine Sainte est à vivre comme une grande retraite spirituelle. L’invitation est lancée. Toute personne a le choix : se mettre soit dans la peau d’un disciple accompagnant Jésus soit dans la peau d’un membre de la foule qui accueille Jésus à grands cris de louanges aux portes de la ville sainte… et réclamera sa mort devant Ponce Pilate.

  Chacun pourra s’inspirer du geste de Marie, la sœur de Lazare et de Marthe, qui verse du parfum sur les pieds de Jésus et les essuie avec ses cheveux, annonçant de manière mystérieuse le sacrifice à venir ; ou s’inspirer des femmes, comme Marie, la mère de Jésus, Marie Madeleine et les autres, qui suivront Jésus portant sa croix, jusqu’au bout ; ou s’inspirer des apôtres qui fuiront par peur, à l’exception toutefois de Jean…

  Au fil des jours, chacun peut donc suivre Jésus, de près ou de loin : comme disciple, ami, persécuteur, incroyant jusqu’au bout, comme celui qui trahit. Il y a de la place pour tout le monde. La palette est large : d’une humanité résistant de manière obstinée à une humanité debout au pied de la croix.

  Une chose est sûre, un événement s’est produit il y a 2000 ans : la mort d’un homme juif, qui a grandi dans un village du nom de Nazareth, auprès de parents dénommés Marie et Joseph ; qui a proclamé l’avènement du règne de Dieu en sa personne, suscitant de grands espoirs auprès des malades, des exclus, des parias de la société ; qui s’est comporté et a parlé comme un prophète des derniers temps, revendiquant une autorité à l’égale de Dieu qui a provoqué le scandale.

  Il est clair que l’annonce chrétienne peine à convaincre : comment croire à un sauveur crucifié ? Hier comme aujourd’hui, les hommes se situent diversement par rapport à Jésus : de l’indifférence la plus plate à l’engagement jusqu’au martyre. Ayons à l’esprit qu’à l’origine du christianisme, il n’y a pas une doctrine théologique ou un ensemble de belles idées éthiques, mais « la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » (Benoît XIV, Deus caritas est, n°1).

  Que chacun puisse vivre cette rencontre au cours de la Semaine Sainte, voilà ce que nous pouvons souhaiter de mieux. Mais aussi que nos chrétiens pratiquants, nos communautés dispersées entre ici et les îles puissent vivre une véritable générosité dans leur accueil des nouveaux venus, de ceux qui s’interrogent au sujet de Jésus. Qu’ensemble, nous passions de la foule au pied de la croix.

+ Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU