« Et ne nous laisse pas entrer en tentation »

Mgr Cottanceau            A partir du 1er Dimanche de l’Avent, Dimanche 3 Décembre 2017 aura lieu un changement dans le texte de la prière du « Notre Père ». Ce changement concerne tous les pays où l’on prie en langue française. Il faudra remplacer «  et ne nous soumets pas à la tentation », par : « …et ne nous laisse pas entrer en tentation… »

Pour nous expliquer le pourquoi de ce changement, voici l’extrait d’un article du P. Colomban paru dans le bulletin « Eglise en Nouvelle Calédonie » de Juillet 2017 :

            « Le terme « tentation » risque fort de prêter à confusion car il n’a pas le même sens dans le contexte de la Bible et dans le vocabulaire religieux moderne.

            Dans notre langage actuel, la tentation désigne une sollicitation au péché ; dans le Nouveau Testament, le terme ne vise pas l’attrait intérieur que l’on éprouve pour quelque chose de mauvais ou de défendu, mais « l’épreuve dans laquelle Satan cherche à perdre celui qu’elle atteint » (TOB), donc une attaque du Tentateur qui vise à détruire la foi dans le cœur des croyants.

            Dans le Nouveau Testament, une première remarque s’impose : il n’est jamais affirmé que Dieu éprouve ou tente quelqu’un. Ceci doit nous rendre vigilants en face du vocabulaire que nous employons parfois et de certains propos tels que : « C’est Dieu qui t’éprouve » ou bien « Dieu t’envoie cette épreuve pour… » Ces formules ne correspondent en rien à la théologie du Nouveau Testament. Les épreuves (souffrance, maladie, deuils etc…) que nous rencontrons peuvent certes être considérées comme des occasions pour grandir dans la foi, mais nulle part le Nouveau Testament n’en attribue l’origine à Dieu.

            Dans cette requête, nous demandons à Dieu non pas de ne pas être tentés, mais qu’il nous évite des épreuves que nous risquons de ne pas pouvoir supporter. Devant le risque grave que constitue la tentation, nous prions donc de ne pas nous exposer à une telle épreuve (…) où nous serions tentés de l’abandonner parce que sa présence ne nous parait plus sensible (…) Cf l’expérience de Job, celle de Jésus sur la croix.

            On peut aussi interpréter cette requête dans le sens suivant : « Préserve-nous d’entrer dans les vues du Tentateur ». Dans ce cas, nous demandons à Dieu (…) de nous aider à ne pas y consentir, et également à en sortir, donc de nous protéger dans ces moments d’épreuve (Lc 22, 31-32)

            Ce dont nous demandons en définitive à Dieu de nous protéger, ce n’est pas d’abord de nos petites tentations quotidiennes – encore qu’elles ne soient sans doute pas exclues – mais bien plutôt de cette grande épreuve susceptible de provoquer l’apostasie : la défection de ceux qui ne sont pas « fermes dans la foi » (1 P 5, 9) ».          

Dans la suite de cet article, le passage du livre de la Genèse 3, 1-5 rapportant le dialogue entre Eve et le serpent illustre clairement le sens de cette tentation. Le serpent (le plus rusé de tous les animaux) sème le doute dans l’esprit de Eve en lui faisant croire que Dieu est jaloux, qu’il ment, et au bout du compte, que son amour pour sa créature n’est qu’illusion. Cette tentation demeure aujourd’hui bien réelle, de croire que Dieu ne nous aime pas, qu’il nous ment, qu’il nous trompe, qu’il ne cherche qu’à nous « coincer » et à punir ! Alors oui, il est bon de lui demander de nous aider à croire en la puissance de son amour et « qu’il ne nous laisse pas entrer en tentation ».

+ Monseigneur Jean-Pierre COTTANCEAU