POUR UNE SPIRITUALITE DE L’ARGENT

Cottanceau jean pierre 2015Nous connaissons l'expression populaire : « L'argent est un bon serviteur mais un mauvais maître ». La parabole du gérant habile que nous entendrons ce dimanche à la messe en est une belle illustration (Luc 16,1-13).

Étonnamment, Jésus fait l'apologie d'un gérant qui semble pourtant agir de façon malhonnête. Il dilapide les biens de son maître au point de mettre en danger l'avenir de l'exploitation agricole. Découvert et mis sous la pression d'un renvoi imminent, le gérant met en place une ruse qui pourra peut-être le sauver et lui assurer un avenir.

Il convoque les débiteurs de son maître et à chacun il propose de diminuer en cachette la quantité de leur dette. De cette façon, le gérant espère se constituer un réseau d'amis. Une fois mis dehors, ceux-ci lui rendront le service rendu en l'accueillant chez eux, peut-être même comme gérant de leurs propres affaires.

Jésus prône t-il le comportement malhonnête dans les affaires ? Nous ferions naturellement fausse route en allant dans cette direction. Jésus souligne surtout la rapidité et l'habileté de la réaction du gérant. Menacé de licenciement, celui-ci utilise le pouvoir de l'argent au service de relations humaines qui le sortiront d'un mauvais pas.

En outre, il est bon de savoir que le gérant d'une exploitation commerciale se rémunère à l'époque grâce aux commissions issues des ventes de marchandises. En diminuant la quantité d'huile et de blé, le gérant de la parabole sacrifie en réalité la part de butin qui lui revient ordinairement de droit.

Dans son commentaire de la parabole, Jésus attire l'attention sur un danger qui nous guette tous et dont nous constatons à vrai dire les méfaits à notre époque actuelle : l'appât du gain et ses conséquences néfastes sur les relations humaines. L'argent peut devenir une idole et égarer gravement nos consciences.

Une spiritualité de l'argent ne consiste pas cependant à rejeter l'argent. Ayons à l'esprit que dans l'histoire des sociétés humaines, l'invention de l'argent représente un progrès notable dans la mesure où les individus s'accordent sur la valeur d'une monnaie afin de faciliter et réguler les échanges commerciaux.

L'argent, comme nombre d'autres réalités similaires, n'est pas responsable en soi de la désagrégation des relations humaines. Il s'agit surtout de prendre le contrôle de nos appétits et, dès lors, de conserver à l'argent son rôle d'instrument au service de l'idéal d'une société dans laquelle le partage équitable des richesses est assuré.

Sur ce plan, les chrétiens sont particulièrement concernés. À l'image du gérant qui a su utilisé les biens pour s'assurer un avenir sur la terre, les chrétiens doivent savoir en user pour préparer leur avenir éternel.

Le dernier commentaire de Jésus vise les responsables de communautés. La bonne gestion des affaires matérielles indique la capacité de gérer les affaires spirituelles. Dans le gouvernement des fidèles, des intérêts étrangers – la recherche d'un confort financier – à la vie voulue par Dieu ne peuvent absolument prévaloir. Se faire l'esclave de l'argent trahit clairement un manque de confiance en Dieu.

+ Père Jean-Pierre COTTANCEAU