JESUS, UN INVITE QUI DERANGE

Cottanceau jean pierre 2015   Il nous arrive peut-être de faire le beau rêve d'accueillir Jésus dans sa maison. Imaginons la scène : Jésus vient un dimanche, le jour où nous avons pour tradition d'inviter des proches à partager le repas. Nous serions bien fiers ! Mais est-ce si évident que cela de recevoir Jésus chez soi ? D'après l'évangile de ce dimanche, c’est ce qui arrive à un chef de pharisiens, un notable qui possède une autorité morale et politique. Il reçoit des convives, dont Jésus, pour le repas du sabbat.

   Chez les pharisiens, ce repas est l'occasion de mener des débats religieux. Le passage évangélique donne d'ailleurs l'impression d'une atmosphère tendue. Jésus est connu pour faire des guérisons le jour du sabbat (voir Luc 6,1-11). Or, dans la tradition juive dominante, le repos sabbatique exclut tout type d'activité, quand bien même celle-ci consisterait à guérir. Souvenons-nous que le sabbat célèbre le repos du Créateur à la création du monde (Ex 20,8-11), et aussi la libération du peuple asservi en Egypte        (Dt 5,12-15). Jésus ne s'y oppose pas mais dans sa manière d'agir et dans ses paroles, il souhaite faire réfléchir : quel sens donner à la célébration de l'alliance le jour du sabbat.

   Dans un premier temps, aux invités qui choisissent les premières places, Jésus propose de préférer les dernières en adoptant l'attitude de l'humilité. C'est cette manière d'être qui conduit à recevoir des marques d'honneur authentiques dans la mesure où elles ne viennent pas de nous-mêmes, mais d’un autre qui nous demande d'occuper la première place.

   Dans un deuxième temps, Jésus exhorte son hôte à modifier ses habitudes. Plutôt que d'inviter à sa table des individus de même rang social, pourquoi ne pas inviter des pauvres, des estropiés... c'est-à-dire des personnes qui ne seront jamais en mesure de rendre la pareille ?

   Dans les deux cas, Jésus ne vise pas les règles de convenance. Il les dépasse en incitant ses interlocuteurs à adopter des attitudes qui plaisent au Père. Dieu élèvera l'homme qui se place en toute humilité devant Lui et qui le reconnaît comme son Créateur et son Père. De même qu'Il récompensera lui-même la générosité de celui qui s'ouvre activement à la misère des autres : « cela te sera rendu à la résurrection des justes ».

   Accueillir Jésus conduit manifestement à envisager la convivialité de nos relations de manière renouvelée. Oui, prendre Jésus chez soi, dans sa vie, est une grâce. Car sa présence produit des effets bénéfiques quant à l'authenticité évangélique de nos manières de vivre. Il paraît cependant évident que si nous continuons de nous accrocher à des mérites extérieurs pour obtenir des marques d'honneur en oubliant notre dépendance vis-à-vis de Dieu, et si nous continuons d'exercer une générosité intéressée, alors là, oui, Jésus peut devenir un invité qui dérange.

+ Père Jean-Pierre COTTANCEAU