ATTENTION A LA MISERICORDE BON MARCHE

Cottanceau jean pierre 2015

Ce dimanche, le thème de la miséricorde est à nouveau à l'honneur. Le texte évangélique de ce jour reproduit les trois paraboles qui constituent le cœur du message porté par l'évangile selon saint Luc (Lc 15,1-32). A l'égard du pécheur, l'attitude du Père est comparable à un berger capable de prendre tous les risques pour aller chercher la brebis qui s'est éloignée du troupeau, à une femme qui renverse tout dans sa maison pour pouvoir retrouver sa pièce d'argent, à un père qui accueille son enfant malgré ses graves erreurs.

Ayons à l'esprit que le public qui entend Jésus raconter ces paraboles est composé de collecteurs d'impôts et de pécheurs de diverses catégories. Pour ces personnes condamnées à vivre à l'écart de la pratique religieuse, nous pouvons mesurer le soulagement ressenti en découvrant une telle présentation du  visage de Dieu.

Les pharisiens et les scribes qui sont présents eux aussi n'ont pas la même réaction. Ils critiquent sévèrement Jésus car il fait bon accueil aux pécheurs et partage des repas avec eux. Ils mettent en question son honnêteté parce qu'ils sont convaincus que l'état de pécheur est la conséquence d'une malédiction divine au caractère irrémédiable.

En cette année dédiée à la miséricorde divine, figer comme cela le comportement divin choque les esprits. Mais les pharisiens et les scribes connaissent parfaitement les Écritures saintes. Il est possible que leur réaction atteste en réalité d'une image de Dieu qui transparaît effectivement dans des passages des textes sacrés.

De fait, en lisant l'extrait du livre de l'Exode (32,7-11.13-14) qui est proposé en première lecture, il semble bien que Dieu puisse se montrer terrible dans ses sentences. À l'encontre du peuple coupable d'avoir forgé la statue du veau d'or, les mots prononcés sont sans équivoques : « je vais les exterminer ! »

Des pharisiens, scribes ou de Jésus, qui donc a raison ? Comme chrétiens, nous savons bien la nouveauté du Christ dans la révélation d'un Père aimant et miséricordieux. Mais n'allons pas trop vite à juger pharisiens et scribes.

Dans la parabole du père miséricordieux, souvent nous ne faisons pas attention aux serviteurs qui travaillent au service du père. Au début du récit, les serviteurs habillent le fils prodigue et ils participent ensuite à la fête qui célèbre la joie des retrouvailles. Mais à la fin du récit, le fils aîné interroge l'un de ces serviteurs qui se contente de dire : « Ton frère est arrivé et ton père a tué le veau gras, parce qu'il a retrouvé ton frère en bonne santé. »

Manifestement, ce serviteur est navré de l'attitude du père. Il rapporte seulement le sacrifice du veau gras et la bonne santé physique recouvrée par le fils cadet. Il passe sous silence tous les gestes d'accueil, la compassion du père envers son fils, la fête célébrant le retour d'un homme qui « était mort et qui est revenu à la vie. Et c'est d'ailleurs ce qu'il dit qui provoque la colère du fils aîné. Ils sont tous deux des déçus de la miséricorde.

Prenons soin de ne point dispenser une miséricorde bon marché. Quand il s'agit des erreurs commises par nous ou par des proches, nous aimons bien invoquer la miséricorde divine. Mais quand il s'agit des étrangers qui, selon nos catégories de jugements, ont fauté gravement, n'est-ce pas la colère divine que nous aimerions voir se déclarer?

Le choix nous est toujours donné de devenir des serviteurs de la miséricorde qui redonnent une dignité perdue et qui participent à la joie de leur maître. Courage à tous !

+ Père Jean-Pierre COTTANCEAU