Les chrétiens de Tahiti face à l’Islam

 

MgrLa manifestation de samedi dernier à Papeete, en réaction à la venue d’un imam et au projet d’implanter un lieu de prière pour les musulmans de Tahiti, a donné lieu à des slogans divers : « expulsion de l’imam », « non à la mosquée », « pas d’Islam chez nous » …

Il est évident que les passions ont été exacerbées par les actions menées au Moyen Orient et en Afrique par des groupes se réclamant d’un Islam dur et intransigeant. Les micro-trottoir réalisés par les médias montrent que peu de gens connaissent le monde musulman de Tahiti. Le réflexe de peur prédomine et inhibe toute capacité de réflexion et de recherche de dialogue.

Regardons comment vivent les musulmans dans d’autres collectivités ultra-marines. En Nouvelle Calédonie ils sont environ 4 000 d’origine arabe (Maghreb) ou indonésienne. Bien que l’Islam soit un, il existe des clivages au sein du milieu musulman, si certains pratiquent avec rigueur les prescriptions du Coran, une grande majorité participe volontiers aux manifestations culturelles et délaisse la pratique religieuse. Les relations interreligieuses ne posent aucun problème.

Les musulmans de La Réunion, bien qu’on les appelle les « zarabes » sont originaires du Nord-Ouest de l’Inde ; depuis deux siècles de présence ils ont marqué culturellement l’île. La mosquée Noor-e-Islam de Saint Denis est la plus ancienne mosquée de France. Depuis les années 1970 d’autres musulmans sont arrivés de Madagascar et des Comores. D’obédiences diverses (sunnites, chiites) les relations entres musulmans sont sereines. Minoritaires dans la population réunionnaise, ils ont leur place dans le tissu économique et sont respectés par l’ensemble des autres religions.

Chez nous, au fenua, vivent des familles musulmanes présentes depuis des décennies, se sont adjoints d’anciens militaires et des fonctionnaires expatriés. Jusqu’à présent ils se sont bien intégrés à la vie polynésienne sans se singulariser et sans susciter de réactions. Chaque famille pratique la religion et éduque ses enfants sans faire de prosélytisme.

Alors pourquoi cette soudaine aversion d’une partie de la population à l’égard de l’Islam et des musulmans ? Celle-ci est liée essentiellement à la venue d’un imam que personne ne connait et surtout qui ne connait rien de la culture polynésienne. Comment engager le dialogue avec quelqu’un qui vient imposer sa vision ? Il serait opportun que les familles polynésiennes musulmanes soient invitées à s’exprimer ; malheureusement le contexte hostile qui a été initié provoque – et on le comprend - peur et méfiance chez nos frères et sœurs musulmans.

La position de l’Eglise catholique est claire : il ne s’agit d’exclure personne, ni d’interdire à quiconque de pratiquer sa religion. Les lois et les règles culturelles sont claires : liberté respectueuse de celle d’autrui, refus des incitations à la violence, recherche du bien commun et contribution à la paix sociale….

Rappelons quelques directives données par le pape François dans l’Exhortation apostolique La Joie de l’Evangile : « Une attitude d’ouverture en vérité et dans l’amour doit caractériser le dialogue avec les croyants des religions non chrétiennes, malgré les divers obstacles et les difficultés, en particulier les fondamentalismes des deux parties. Ce dialogue interreligieux est une condition nécessaire pour la paix… La véritable ouverture implique de se maintenir ferme sur ses propres convictions les plus profondes, avec une identité claire et joyeuse, mais « ouvert à celles de l’autre pour les comprendre » et en « sachant bien que le dialogue peut être une source d’enrichissement pour chacun »…

Pour soutenir le dialogue avec l’Islam une formation adéquate des interlocuteurs est indispensable, non seulement pour qu’ils soient solidement et joyeusement enracinés dans leur propre identité, mais aussi pour qu’ils soient capables de reconnaître les valeurs des autres, de comprendre les préoccupations sous jacentes à leurs plaintes, et de mettre en lumière les convictions communes…

Face aux épisodes de fondamentalisme violent qui nous inquiètent, l’affection envers les vrais croyants de l’Islam doit nous porter à éviter d’odieuses généralisations, parce que le véritable Islam et une adéquate interprétation du Coran s’opposent à toute violence. »

+ Monseigneur Pascal CHANG SOI