Pko 31.05.2020

Eglise cath papeete 1

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°26/2020

Dimanche 31 mai 2020 – Solennité de la Pentecôte – Année A

Humeurs…

Non, le Covid-19 n’est pas une punition de Dieu !

L’on entend parfois dire que le Covid-19 est une punition de Dieu ! Si cela peut se concevoir dans certaines religions, mais je ne saurai dire lesquelles… ce n’est pas possible dans la foi chrétienne !

Souvenons-nous de l’aveugle de naissance de l’Évangile de Saint Jean (9,1-38) : « Ses disciples l’interrogèrent : “Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ?” Jésus répondit : “Ni lui, ni ses parents n’ont péché.” »

Les disciples, bien plus que l’aveugle sont dans les ténèbres que l’aveugle… ils sont dans les ténèbres d’une religion qui explique la maladie par une faute ou un éché commis. Jésus les libère de cet obscurantisme religieux : « Ni lui, ni ses parents n’ont péché »

Aujourd’hui encore, nous avons besoin d’être libéré… au moment même des mentalités obscurantismes amalgame la pandémie à une punition de Dieu.

La fête de la Pentecôte, réalisation de la promesse de Jésus : « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous », nous rappelle que le Dieu que nous professons est un Dieu d’Amour qui veut le Bien de l’homme et non sa mort ou son malheur !

Ne laissons pas les prophètes de malheur enténébrer nos esprits, témoignons avec force de l’Amour de Dieu, de la Miséricorde du Père pour tous les hommes. Pour témoigner de lui, il faut croire en Lui… pour croire en Lui, encore faut-il comme nous le rappelle l’aveugle de naissance savoir qui il est : « “Crois-tu au Fils de l’homme ?” Il répondit : “Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ?” »

Dieu est Amour… Dieu est Miséricorde !

Non ! Le Covid-19 n’est pas une punition de Dieu !

Covid-19 - Décret épiscopal n°6…

Décret n°6

Pour l’ensemble de l’Archidiocèse

  1. Les célébrations, offices et messes sont de nouveau autorisés tous les jours de la semaine et en week-end, sans limitation du nombre de participants.
  2. Il est cependant important lors de ces assemblées, de respecter les gestes barrière et les précautions qui permettent une protection de chacun :
  1. Exiger le port du masque quand le maintien de la distanciation sociale de 1m de chaque côté, devant et derrière n'est pas possible ;
  2. Éviter au maximum les contacts physiques ;
  3. Pour les célébrants, garder l'habitude de se laver les mains avant et après chaque célébration ;
  4. Nettoyer les bancs chaque jour.
  1. La communion sur la langue est à nouveau autorisée. Celui qui aura distribué la communion sur la langue veillera à se laver les mains tout de suite après.
  2. Pour la communion au précieux sang, on favorisera la communion par intinction, sauf pour le célébrant principal et pour celui chargé de purifier le calice.
  3. Les célébrations d'obsèques sont autorisées dans les églises, sans limitation du nombre de participants, et dans le respect des normes précisées à l'article 2 du présent décret.
  4. Les baptêmes, mariages, confirmations peuvent reprendre dans le respect des normes précisées à l'article 2 du présent décret.
  5. Les visites, distribution de la communion aux malades, onction des malades peuvent reprendre comme avant, avec toujours les mesures sanitaires de précaution. (masques, lavage des mains, limitation maximum des contacts physiques).
  6. Les réunions (groupes de Rosaire, CPP et autres réunions paroissiales) sont autorisées avec respect des gestes barrière prévus dans l'article 2 du présent décret.
  7. Le centre de Tibériade est fermé au moins jusque fin Juin.
  8. En ce qui concerne la catéchèse paroissiale des enfants, je demande qu'après la reprise des écoles puisse reprendre également dès que possible la catéchèse dans le respect des normes précisées à l'article 2 du présent décret :
  • Pour les enfants préparant leur 1 ° Communion pour cette année ;
  • Pour les jeunes préparant leur Confirmation pour cette année ;
  • Les autres années de catéchèse pour les enfants reprendront en août, à la rentrée scolaire.

Ce décret n°6 annule les décrets précédents. li est applicable à compter de ce lundi 25 Mai 2020.

+ Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU
Archevêque de Papeete

© Archidiocèse de Papeete – 2020

Laissez-moi vous dire…

31 mai 2020 : Fête de la Pentecôte

La prière : refuge contre la montée du mal

Lors de l’audience générale de mercredi dernier le Pape François, en se référant à quelques figures de l’Ancien Testament, affirme qu’une grande partie de l’humanité semble se perdre dans les ténèbres de la haine et de la violence, mais que d’autres personnes se distinguent, « capables de prier Dieu avec sincérité, d’écrire d’une autre manière la destinée de l’homme ». Le Pape cite quelques exemples : Abel, Seth, Énoch, Noé. En lisant ces récits, dit-il, « on a l’impression que la prière est la digue, le refuge de l’homme devant la montée du mal qui grandit dans le monde ». Mais l’Homme prie également pour lui-même, d’ailleurs le Pape propose cette prière : « Seigneur, sauve-moi de moi-même, de mes ambitions et de mes passions ».

« (…)  la prière, quand elle est authentique, libère des instincts de violence ; elle est un regard tourné vers Dieu pour qu’il prenne soin du cœur de l’homme ». « La prière est puissante car elle attire le pouvoir de Dieu et le pouvoir de Dieu donne la vie, toujours. Il est le Dieu de la vie et il fait renaitre ». [Source : vaticannews.va]

En ce jour de Pentecôte, c’est le moment de demander au Seigneur la grâce de « la prière sincère », celle qui vient changer nos cœurs et renouveler le monde. Souvenons-nous, au jour de Pentecôte, les Apôtres, remplis de l’Esprit-Saint, ont été complètement transformés au point qu’ils se sont sentis poussés pour interpeller les foules.

Baptisés, nous avons tous reçu l’onction de l’Esprit Saint, ce Défenseur promis par Jésus, l’Esprit de vérité qui fait de nous des hommes et des femmes libres. Nous sommes vraiment remplis de l’Esprit Saint, lorsque nous nous laissons guider par Lui. Et selon les paroles de Saint Paul, voici ce que notre entourage peut dire en nous voyant vivre et agir : « voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. » (Galates 5,22-23) En cela nous sommes tous « charismatiques » !

Mais, remplis des dons de l’Esprit, ne nous gonflons pas d’orgueil. Comme dit encore Saint Paul : « … marchons sous la conduite de l’Esprit. Ne cherchons pas la vaine gloire ; entre nous, pas de provocation, pas d’envie les uns à l’égard des autres. » (Galates 5, 25-26)

Bonne fête de la Pentecôte !

Dominique SOUPÉ

© Cathédrale de Papeete – 2020

Regard sur l’actualité…

Charles de Foucauld

Le Pape François vient de reconnaître l’attribution à Charles de Foucauld, mort en 1916 à Tamanrasset (Algérie), d’un deuxième miracle, ouvrant la voie à sa canonisation prochaine. Qui donc est cette belle figure que le Saint Père nous propose en exemple de vie chrétienne ?

Né en 1858 à Strasbourg, Charles de Foucauld se trouve orphelin dès l’âge de 5 ans. Pendant ses études secondaires, il perd la foi. Peu enthousiaste pour les études, il préfère la vie facile et joyeuse. Il entre à l’école militaire de St Cyr, d’où il réussira à sortir parmi les derniers de sa promotion ! Mais sa vie de militaire ne satisfait pas sa quête de sens de son existence. Il quitte donc l’armée à 24 ans. Attiré par l’Afrique du Nord, et ayant appris l’Arabe, il part pour une expédition au Maroc en 1884 au cours de laquelle, se faisant passer pour un rabbin, il découvre l'islam. Cette découverte réveille en lui sa propre foi catholique : « L’Islam a produit en moi un profond bouleversement... La vue de cette foi, de ces hommes vivant dans la continuelle présence de Dieu m’a fait entrevoir quelque chose de plus grand et de plus vrai que les occupations mondaines ». (Lettre à Henri de Castries, 8 juillet 1901). Rentré à Paris, il rencontre un prêtre auprès duquel il chemine, se confesse et reçoit la communion. C’est pour Charles de Foucauld un nouveau départ. Sa recherche spirituelle le conduira en Terre Sainte, à la Trappe en France puis en Syrie. En 1897, il revient à Nazareth chez les Sœurs Clarisses. Deux ans plus tard, il est de retour en France et sera ordonné prêtre en 1901. Il demande alors à partir au Sahara où il s’installe à Beni Abbès, avec l’objectif de vivre simplement au milieu des habitants comme un « frère universel », selon ses mots.

Mais son désir d’aller toujours plus loin, à la rencontre des plus « lointains » le conduit en 1905 à partir au cœur du Sahara, à Tamanrasset. Là, il partage sa vie entre la prière, l’étude de la langue et de la culture de ce peuple Touareg qu’il a rejoint, et les rencontres avec les gens. « Je choisis Tamanrasset, village de vingt feux en pleine montagne, au cœur du Hoggar et des Dag Rali, sa principale tribu, à l'écart de tous les centres importants. Il ne me semble pas que jamais il doive y avoir garnison, ni télégraphe, ni Européen, et que, de longtemps, il n'y aura pas de mission. Je choisis ce lieu délaissé et je m'y fixe, en suppliant Jésus de bénir cet établissement où je veux, dans ma vie, prendre pour seul exemple sa vie de Nazareth ». (1er août 1905, Carnet de Tamanrasset, Nouvelle Cité 1986, p.48). Fait prisonnier par des rebelles pendant la 1° guerre mondiale, le P. Charles de Foucauld sera assassiné par son gardien en 1916, victime isolée d’une violence locale.

Laissons à Mgr Claude Rault, évêque de Laghouat (Algérie), le soin de nous partager ce qui, à ses yeux, constitue l’héritage que nous laisse le P. Charles de Foucauld :

« C’est tout d’abord sa conversion. En quête de sens, il a vu de nombreux musulmans prier le Dieu Unique. Cela provoque en lui une longue interrogation qui l’amènera à renouer avec la foi de son enfance, une foi qui se centrera de plus en plus sur son « Bien Aimé et Frère et Seigneur Jésus.

Sa motivation profonde est d’aller vers les plus lointains. C’est cela qui le pousse vers le Sahara. Il n’y va pas dans un souci de vie érémitique, mais pour rencontrer les plus démunis et prendre la dernière place… toujours occupée !

En homme de foi et en savant, il entre avec respect dans l’étude de la langue et de la culture de l’autre. Et il préfèrera “crier l’Évangile par toute sa vie” plutôt que de le déclamer sur les toits. Il passe de longues journées à travailler sur les poésies touarègues (6000 vers transcrits et déchiffrés), et laisse un dictionnaire touareg de 4 volumes qui fait encore autorité.

L’Eucharistie reste le centre de sa vie, dans l’adoration et la célébration. Elle le pousse à rencontrer Jésus dans le pauvre et l’autre différent. Il célèbre la messe régulièrement, dès qu’il le peut et se sentira profondément frustré lorsqu’il se trouvera seul sans pouvoir le faire ».(Source eglise.catholique.fr)

+ Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete – 2020

Audience générale

La prière est le refuge du mal contre la montée du mal

Lors de l’audience générale qu’il a tenue ce mercredi dans la bibliothèque du palais apostolique, le Pape François a consacré sa catéchèse à la « prière des justes » ; au milieu des tribulations inhérentes à l’histoire des hommes, cette prière, faite avec humilité et sincérité, attire la force de Dieu, laquelle fait vivre et grandir le monde.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous consacrons la catéchèse d’aujourd’hui à la prière des justes.

Le dessein de Dieu à l’égard de l’humanité est bon, mais dans notre histoire quotidienne, nous faisons l’expérience de la présence du mal : c’est une expérience de tous les jours. Les premiers chapitres du livre de la Genèse décrivent l’expansion progressive du péché dans les histoires humaines. Adam et Ève (cf. Gn 3,1-7) doutent des intentions bienveillantes de Dieu, pensant avoir affaire à une divinité envieuse, qui empêche leur bonheur. D’où leur rébellion : ils ne croient plus en un Créateur généreux, qui désire leur bonheur. Leur cœur, cédant à la tentation du malin, est pris par le délire de la toute-puissance : « Si nous mangeons du fruit de l’arbre, nous deviendrons comme Dieu » (cf. v.5). Et c’est cela la tentation : c’est cela l’ambition qui entre dans le cœur. Mais leur expérience va dans la direction opposée : leurs yeux s’ouvrent et ils découvrent qu’ils sont nus (v.7), sans rien. N’oubliez pas cela : le tentateur est un mauvais payeur, il paie mal.

Le mal se déchaîne encore plus avec la seconde génération humaine, il est plus fort : c’est l’histoire de Caïn et Abel (cf. Gn 4, 1-16). Caïn envie son frère : il est rongé par l’envie ; bien qu’il soit l’aîné, il voit en Abel un rival, quelqu’un qui mine sa primauté. Le mal se manifeste dans son cœur et Caïn ne parvient pas à le dominer. Le mal commence à entrer dans son cœur : les pensées sont toujours de regarder l’autre d’un mauvais œil, avec soupçon. Et ceci se produit aussi avec ses pensées : « Il est méchant, il me fera du mal ». Et cette pensée entre dans son cœur… Et c’est ainsi que l’histoire de la première fraternité se conclut par un homicide. Je pense, aujourd’hui, à la fraternité humaine… partout des guerres.

Avec la descendance de Caïn se développent les métiers et les arts, mais également la violence, exprimée dans le triste cantique de Lamek, qui résonne comme un hymne de vengeance : « Pour une blessure, j’ai tué un homme ; pour une meurtrissure, un enfant. Caïn sera vengé sept fois, et Lamek, soixante-dix-sept fois ! » (Gn 4,23-24). La vengeance : « Tu as fait cela, tu le paieras ! ». Mais ce n’est pas le juge qui dit cela, c’est moi. Et je me fais juge de la situation. Et ainsi le mal s’étend comme une tache d’huile, jusqu’à occuper tout le cadre : « Le Seigneur vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre, et que toutes les pensées de son cœur se portaient uniquement vers le mal à longueur de journée » (Gn 6,5). Les grandes fresques du déluge universel (chap. 6-7) et de la tour de Babel (chap.11) révèlent la nécessité d’un nouveau commencement, comme une nouvelle création, qui aura sa réalisation en Jésus Christ.

Et pourtant, en ces premières pages de la Bible, une autre histoire est écrite, moins visible, beaucoup plus humble et édifiante, qui représente le rachat de l’espérance. Même si presque tout le monde se comporte de manière haineuse, faisant de la haine et de la conquête le grand moteur de l’histoire humaine, il y a des personnes capables de prier Dieu avec sincérité, capables d’écrire différemment le destin de l’homme. Abel offre à Dieu le sacrifice de ses prémices. Après sa mort, Adam et Ève eurent un troisième fils, Seth, de qui naquit Énosh (qui signifie « mortel ») et il est dit : « Alors on commença à invoquer le nom du Seigneur » (4,26). Puis apparaît Hénok, personnage qui « marche avec Dieu » et qui est enlevé au ciel (cf. 5,22.24). Et enfin, il y a l’histoire de Noé, homme juste qui « marchait avec Dieu » (6,9), devant qui Dieu retient son intention d’effacer l’humanité de la surface de la terre (cf. 6,7-8).

Quand on lit ces récits, on a l’impression que la prière est la digue, qu’elle est le refuge de l’homme devant le déferlement du mal qui grandit dans le monde. À vrai dire, nous prions aussi pour être sauvés nous-mêmes. Il est important de prier : « Seigneur, s’il te plaît, sauve-moi de moi-même, de mes ambitions, de mes passions ». Les priants des premières pages de la Bible sont des hommes artisans de paix : en effet, lorsqu’elle est authentique, la prière libère des instincts de violence et elle est un regard tourné vers Dieu pour qu’il revienne lui-même prendre soin du cœur de l’homme. On lit dans le Catéchisme : « Cette qualité de la prière est vécue par une multitude de justes dans toutes les religions » (CEC, 2569). La prière cultive des plates-bandes dans des lieux où la haine de l’homme n’a été capable que d’étendre le désert. Et la prière est puissante, parce qu’elle attire le pouvoir de Dieu et le pouvoir de Dieu donne toujours la vie : toujours. Il est le Dieu de la vie et il fait renaître.

Voilà pourquoi la seigneurie de Dieu passe par la chaîne de ces hommes et ces femmes, souvent incompris ou marginalisés dans le monde. Mais le monde vit et grandit grâce à la force de Dieu que ses serviteurs attirent par leur prière. Ils sont une chaîne qui n’est en rien tapageuse, qui fait rarement la une des journaux et qui est pourtant si importante pour rendre la confiance au monde ! Je me souviens de l’histoire d’un homme : un chef de gouvernement, important, pas de cette époque, des temps passés. Un athée qui n’avait pas de sentiment religieux dans le cœur mais qui, enfant, entendait prier sa grand-mère et c’est resté dans son cœur. Et à une période difficile de sa vie, ce souvenir est revenu dans son cœur et il disait : « Mais ma grand-mère priait… ». Et c’est ainsi qu’il s’est mis à prier avec les formules de sa grand-mère et il y a trouvé Jésus. La prière est une chaîne de vie, toujours : tant d’hommes et de femmes qui prient, qui sèment la vie. La prière sème la vie, la petite prière : c’est pourquoi il est si important d’apprendre aux enfants à prier. Cela me fait souffrir quand je vois des enfants qui ne savent pas faire le signe de croix. Il faut leur apprendre à bien faire le signe de croix, parce que c’est la première prière. C’est important que les enfants apprennent à prier. Ensuite, peut-être pourront-ils oublier, prendre un autre chemin ; mais les premières prières apprises enfant restent dans le cœur parce qu’elles sont une semence de vie, la semence du dialogue avec Dieu.

Le chemin de Dieu dans l’histoire de Dieu est passé par eux : il est passé par un « reste » de l’humanité qui ne s’est pas conformé à la loi du plus fort, mais qui a demandé à Dieu d’accomplir ses miracles, et surtout de transformer notre cœur de pierre en cœur de chair (cf. Ez 36,26). Et cela aide la prière : parce que la prière ouvre la porte à Dieu, transformant notre cœur qui est bien souvent de pierre, en un cœur humain. Et il faut beaucoup d’humanité, et l’humanité aide à bien prier.

© Libreria Editice Vaticana - 2020

Débat

Déconfinés ? Il est temps de quitter l’église…

Le jeûne a de profondes vertus. Ce n’est pas pour rien qu’on le pratique dans toutes les grandes traditions religieuses. Et voici que les mesures imposées par les autorités civiles ont soustrait à des millions et des millions de convives cette nourriture essentielle qu’est le pain de vie. Cette privation collective était un signe manifeste de Dieu. Ou alors Dieu ne se manifeste jamais. Si nous sommes chrétiens, il fallait que cette faim nous creuse pour que nous entrions mieux en son mystère. Alors, maintenant, quelle joie ! Ah oui, quelle profonde joie que de voir les portes s’ouvrir, malgré ces mesures barrières, ces précautions, ces rangées de chaises interdites… Oui, ils sont finis les jours de jeûne ! Et ils sont finis, quelle chance, en cette belle fête de Pentecôte, où naît l’Église universelle.

Un regret, pourtant. Cela aurait dû être un temps de pénitence, de conversion et d’évangélisation plus intense, à la hauteur de l’épreuve. Mais parlons sans détour et sans masque. On a surtout pu mesurer à quel point le fossé s’est creusé entre la minorité des catholiques pratiquants et le reste de la société, croyants et chrétiens inclus, qui comprennent souvent mal, quand ils la tolèrent encore, la nature même de la faim eucharistique. Dit-on « immatériel » ? Ils entendent « irrationnel ». « Indispensable », « vital » ? Ils répondent « irresponsable », « futile ». « Prière » ? On consulte le ministre de l’Intérieur, qui prononce qu’un tel hobby se pratique chez soi. Or, le corps du Christ n’est ni notre lubie, ni notre acquis, ni la récompense de notre bonne conduite selon le droit civil ou le droit canon. Tout cela relèverait du blasphème pur et simple. Il est le pain vivant descendu du ciel. Avons-nous su en témoigner ?

Hélas, ce temps de confinement a montré aussi la tendance des chrétiens à l’esprit de chicane plus qu’au Saint-Esprit. Ceux qui ­voudraient que toutes les religions se donnent la main contre ceux qui pensent que l’Église catholique n’a pas à adhérer au syndicat des calottes, turbans et kippas. Ceux qui posent au loyal citoyen. Ceux qui la jouent rebelle. Ceux à qui la messe ne manque pas tant que ça, merci, et ceux dont le cœur brûle de recevoir Jésus-hostie. Ceux qui ne supportent plus le cléricalisme. Ceux qui attendent leur baptême avec des larmes dans l’âme. Ceux qui veulent confiner à telle ou telle gauche, à l’extrême droite, hier, ce soir, demain, comme ci, comme ça… Ceux qui trouvent que les évêques se sont couchés et ceux qui s’indignent qu’ils se soient rebellés. Ou alors, tiens, n’est-ce pas plutôt la faute de ces galeux de prêtres ? Ces divisions ne rendent que plus étrangère l’espérance chrétienne. Ce n’est pas cette fois que l’on aura dit : « Voyez comme ils s’aiment. » Et je m’inclus dans le lot.

Mais il serait dommage, et presque plus grave, d’oublier trop vite ce que nous avons vécu, découvert et semé. De considérer que tout cela n’était qu’une parenthèse sanitaire. De nous bousculer pour nous asseoir les premiers et reprendre notre petite vie de boutique, de robes et de chaises. Ces efforts pour rendre la messe accessible selon les moyens actuels, ces Églises domestiques naissantes, ce service du pauvre approfondi comme un sacrement où le Christ se donne, cet Évangile en sortie, périphérique… cette expérience éthique et spirituelle du jeûne ne peuvent avoir été vains. Et je crois qu’ils ne le seront pas. Il n’est pas trop tard pour approfondir. Moi le premier, j’ai envie de jouer des coudes pour obtenir mon ticket de cantine eucharistique. Mais revenir dans les églises n’a d’intérêt que si nous en sortons. Bouleversés. Ayant reçu l’Esprit. Parlant en d’autres langues.

© La Vie - 2020

Commentaire

La Pentecôte arriva, pour les disciples, après cinquante jours incertains. D’un part, Jésus était Ressuscité, pleins de joie ils l’avaient vu et écouté, et ils avaient aussi mangé avec Lui. D’autre part, ils n’avaient pas encore surmonté les doutes et les peurs : ils demeuraient enfermés (cf. Jn 20, 19.26), avec peu de perspectives, incapables d’annoncer le Vivant. Puis arrive l’Esprit Saint et les préoccupations disparaissent : maintenant les Apôtres ne craignent plus, même devant celui qui les arrête ; ils étaient tout d’abord préoccupés de sauver leur vie, maintenant ils n’ont plus peur de mourir ; avant, ils étaient enfermés dans le Cénacle, maintenant ils annoncent à tous les peuples. Jusqu’à l’Ascension de Jésus, ils attendaient le Règne de Dieu pour eux (cf. Ac 1, 6), maintenant ils sont impatients d’atteindre des confins inconnus. Avant, ils n’avaient presque jamais parlé en public et lorsqu’ils l’avaient fait, ils avaient souvent dit du n’importe quoi, comme Pierre qui avait renié Jésus ; maintenant ils parlent avec franc-parler à tous. L’histoire des disciples, qui semblait toucher à sa fin, est donc renouvelée par la jeunesse de l’Esprit : ces jeunes, qui, en proie à l’incertitude, croyaient être arrivés, ont été transformés par une joie qui les a fait renaître. L’Esprit Saint a fait cela. L’Esprit n’est pas, comme cela pourrait sembler être, une chose abstraite ; c’est la Personne la plus concrète, la plus proche, celle qui nous change la vie. Comment fait-il ? Regardons les Apôtres. L’Esprit ne leur a pas rendu les choses plus faciles, il n’a pas fait des miracles spectaculaires, il n’a pas écarté les problèmes et les opposants, mais l’Esprit a apporté dans la vie des disciples une harmonie qui manquait, la sienne, parce qu’Il est harmonie.

Harmonie à l’intérieur de l’homme. A l’intérieur, dans le cœur, les disciples avaient besoin d’être changés. Leur histoire nous dit que même voir le Ressuscité ne suffit pas, si on ne L’accueille pas dans le cœur. Il ne suffit pas de savoir que le Ressuscité est vivant si on ne vit pas comme des Ressuscités. Et c’est l’Esprit qui fait vivre et revivre Jésus en nous, qui nous ressuscite intérieurement. Pour cela, Jésus, rencontrant les siens, répète : « La paix soit avec vous ! » (Jn 20,19.21) et il donne l’Esprit. La paix ne consiste pas à résoudre les problèmes de l’extérieur – Dieu n’enlève pas aux siens les tribulations et les persécutions – mais à recevoir l’Esprit Saint. En cela consiste la paix, cette paix donnée aux Apôtres, cette paix qui ne libère pas des problèmes mais dans les problèmes, est offerte à chacun de nous. C’est une paix qui rend le cœur semblable à la mer profonde qui est toujours tranquille même lorsque, en superficie, les vagues s’agitent. C’est une harmonie si profonde qu’elle peut même transformer les persécutions en béatitudes. Combien de fois, au contraire, nous demeurons en superficie ! Au lieu de chercher l’Esprit, nous tentons de nous en sortir, pensant que tout ira mieux si tel malheur passe, si je ne vois plus telle personne, si telle situation s’améliore. Mais cela c’est demeurer en superficie : passé un problème, un autre arrivera et l’inquiétude reviendra. Ce n’est pas en prenant les distances de celui qui ne pense comme nous que nous serons sereins, ce n’est en résolvant les problèmes du moment que nous serons en paix. Le tournant est la paix de Jésus, l’harmonie de l’Esprit.

Aujourd’hui, dans la hâte que notre temps nous impose, il semble que l’harmonie soit mise de côté : tiraillés de mille parts, nous risquons d’exploser, sollicités par une nervosité continuelle qui nous fait réagir négativement à tout. Et on cherche la solution rapide, une pilule après l’autre pour aller de l’avant, une émotion après l’autre pour se sentir vivants. Mais nous avons surtout besoin de l’Esprit : c’est lui qui met de l’ordre dans la frénésie. Il est paix dans l’inquiétude, confiance dans le découragement, joie dans la tristesse, jeunesse dans la vieillesse, courage dans l’épreuve. C’est Celui qui, entre les courants tempétueux de la vie, fixe l’ancre de l’espérance. C’est l’Esprit qui, comme le dit aujourd’hui Saint Paul, nous interdit de retomber dans la peur parce qu’il nous fait nous sentir fils aimés (cf. Rm 8, 15). C’est le Consolateur qui nous transmet la tendresse de Dieu. Sans l’Esprit, la vie chrétienne est effilochée, privée de l’amour qui unit tout. Sans l’Esprit, Jésus demeure un personnage du passé, avec l’Esprit il est une personne vivante aujourd’hui ; sans l’Esprit, l’Écriture est lettre morte, avec l’Esprit elle est Parole de vie. Un christianisme sans l’Esprit est un moralisme sans joie ; avec l’Esprit il est vie.

L’Esprit Saint n’apporte pas seulement l’harmonie au-dedans, mais aussi au dehors, entre les hommes. Il nous fait Église, il assemble des parties différentes en un unique édifice harmonieux. Saint Paul l’explique bien, lui qui, en parlant de l’Église, répète souvent une parole, “variés” : « les dons de la grâce sont variés, les services sont variés, les activités sont variées » (1 Co 12, 4-6). Nous sommes différents dans la variété des qualités et des dons. L’Esprit les distribue avec fantaisie, sans aplatir, sans homologuer. Et, à partir de cette diversité, il construit l’unité. Il fait ainsi depuis la création parce qu’il est spécialiste dans la transformation du chaos en cosmos, dans la mise en harmonie. Il est spécialiste dans la création des diversités, des richesses ; chacun la sienne, différente. Lui, il est le créateur de cette diversité et, en même temps, il est Celui qui harmonise, qui donne l’harmonie et donne unité à la diversité. Lui seul peut faire ces deux choses.

Aujourd’hui dans le monde, les discordances sont devenues des véritables divisions : il y a celui qui a trop et il y a celui qui n’a rien, il y a celui qui cherche à vivre cent ans et celui qui ne peut pas naître. À l’ère des ordinateurs on reste à distance : plus “social” mais moins sociaux. Nous avons besoin de l’Esprit d’unité qui nous régénère comme Église, comme Peuple de Dieu et comme humanité entière. Qui nous régénère. Il y a toujours la tentation de construire des “nids” : de se réunir autour de son propre groupe, de ses propres préférences, le semblable avec le semblable, allergiques à toute contamination. Et du nid à la secte, il n’y a qu’un pas, même dans l’Église. Que de fois on définit sa propre identité contre quelqu’un ou contre quelque chose ! L’Esprit Saint, au contraire, relie les distances, unit les lointains, ramène les égarés. Il fusionne des tonalités différentes en une unique harmonie parce qu’il voit tout d’abord le bien, il regarde l’homme avant ses erreurs, les personnes avant leurs actions. L’Esprit modèle l’Église, modèle le monde comme des lieux de fils et de frères. Fils et frères : des substantifs qui viennent avant tout autre adjectif. C’est la mode d’adjectiver, malheureusement d’insulter aussi. Nous pouvons dire que nous vivons une culture de l’adjectif qui oublie le substantif des choses ; et aussi dans une culture de l’insulte, qui est la première réponse à une opinion que je ne partage pas. Puis nous nous rendons compte que cela fait mal à celui qui est insulté, mais aussi à celui qui insulte. En rendant le mal pour le mal, en passant de victime à bourreau, on ne vit pas bien. Celui qui vit selon l’Esprit, au contraire, apporte la paix là où il y a la discorde, la concorde là où il y a le conflit. Les hommes spirituels rendent le bien pour le mal, répondent à l’arrogance par la douceur, à la méchanceté par la bonté, au vacarme par le silence, aux bavardages par la prière, au défaitisme par le sourire.

Pour être spirituels, pour goûter l’harmonie de l’Esprit, il faut mettre son regard devant le nôtre. Alors, les choses changent : avec l’Esprit, l’Église est le Peuple saint de Dieu, la mission la contagion de la joie, non pas le prosélytisme, les autres des frères et des sœurs aimés du même Père. Mais sans l’Esprit, l’Église est une organisation, la mission une propagande, la communion un effort. Et de nombreuses Églises font des actions programmatiques en ce sens de plans pastoraux, de discussions sur toutes choses. Il semble que ce soit cette route pour nous unir, mais celle-ci n’est pas la route de l’Esprit, c’est la route de la division. L’Esprit est le besoin premier et ultime de l’Église (cf. S. Paul VI, Audience générale, 29 novembre 1972). Il « vient là où il est aimé, là où il est invité, là où il est attendu » (S. Bonaventure, Sermon pour le IVème Dimanche après Pâques). Frères et sœurs, prions-le chaque jour. Esprit Saint, harmonie de Dieu, Toi qui transformes la peur en confiance et la fermeture en don, viens en nous. Donne-nous la joie de la résurrection, l’éternelle jeunesse du cœur. Esprit Saint, notre harmonie, Toi qui fais de nous un seul corps, remplis l’Église et le monde de ta paix. Esprit Saint, rends-nous artisans de concorde, semeurs de bien, apôtres d’espérance.

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