Pko 27.09.2020
Bulletin gratuit de liaison de la paroisse de la Cathédrale de Papeete n°44/2020
Dimanche 27 septembre 2020 – 26ème Dimanche du Temps ordinaire – Année A
Humeurs
Où en sommes-nous ?…
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien » - Michel de Montaigne
Depuis le début de l’année la Covid-19 occupe l’essentiel de nos pensées, façonne nos comportements ! Chacun y va de ces certitudes !
Ceux qui nous gouvernent sont persuadés qu’ils sont persécutés, tout en étant sûrs d’être les seuls à pouvoir émettre un avis juste et responsable… Ceux qui s’opposent sont eux persuadés que derrière chaque décision se cache un complot !
Masque… pas masque ! Confinement… pas confinement ! Chacun à son avis, mais il faut savoir rester humble ! Face au virus il n’y a pas une réponse ou la réponse… Il y a une communauté humaine qui à la fois doit chercher à se protéger face à un ennemi invisible et sournois tout en n’abandonnant pas son humanité !
Au-delà de ces considérations ce qui est affligeant c’est l’utilisation politique qui en est faite… Parmi elle, celle qui concerne les exclus de notre société : les sans-abris.
Ainsi il y a quelques mois, au moment du confinement, en pleine campagne électorale à grand renfort de communication médiatiques, les sans-abris furent pris en charge : matelas Moerani et petit dèj’ Mac Do… au point même de leur nier le plus simple des droits : celui de circuler ne serait-ce qu’une heure dans la journée !… Quatre mois plus tard, qu’en est-il ? On les réprimande s’ils ne portent pas de masque dans la rue… sans se poser la question de savoir comment ils vont s’en procurer et les entretenir ! Mieux ! La semaine dernière l’un d’eux fut déclaré positif à la Covid, contracté sur son lieu de travail ! Il fut pris en charge et mis à l’isolement ! Mais qui est venu pour entendre les inquiétudes et angoisses de ses compagnons d’infortune de la rue ? Personne !!! Les sans-abris n’étant pas « grands électeurs »… ils ne sont plus d’aucune utilité !!!
Mais notre déception va bien plus loin aujourd’hui encore ! Il y a quelques semaines nous avions été invités à une rencontre avec un certain nombre de membre du Gouvernement… l’Archevêque lui-même y fut convié ! Un coup d’épée dans l’eau… histoire de nous faire croire à l’intérêt de la cause ! Quelques jours plus tard, au sortir d’un restaurant, un membre du Gouvernement nous dit à l’oreille : « Ça y est nous avons trouvé un terrain… j’espère que tu diras “oui” ! » Depuis silence radio ! De quel terrain s’agit-il ? Ce qui est sûr c’est que l’un des terrains que nous avions proposés, est engagé pour un projet pour les sans-abris… sans nous ! Incapable de monter un projet, on joue au coucou en allant pondre dans le nid d’un autre !!!
Aujourd’hui nous savons que l’Accueil Te Vai-ete ‘api ne verra jamais le jour ! Que Père Christophe soit un personnage gênant que l’on aimerait voir ailleurs… se comprend !1 Mais aller jusqu’à déplacer notre archevêque en faisant croire à une véritable intention de soutenir le projet de l’Accueil Te Vai-ete ‘api est déplorable !!!
« La vérité est si obscurcie en ces temps
et le mensonge si établi
qu’à moins d’aimer la vérité on ne saurait la reconnaître ! »
Blaise Pascal (1623-1662)
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1 Il y a quelques mois une personne missionnée s’est ainsi présenté à l’archevêque pour lui demander s’il n’était pas possible de nommer Père Christophe dans une autre paroisse !!!
Laissez-moi vous dire
27 septembre 2020 : Saint Vincent de Paul et Journée mondiale du migrant et du réfugié
« Instruire de parole c’est beaucoup, mais l’exemple a un tout autre pouvoir » (St Vincent de Paul)
Un de mes petits-enfants me demandait un jour : « Le prêtre, il dit juste la messe ? C’est ça seulement son travail ? » et d’ajouter : « Papy, moi si je suis prêtre, j’aurai aussi un métier. » Il s’en passe des choses dans ces petites têtes pensantes ! C’est la réflexion que je me fais en ce jour de la Saint Vincent de Paul. Les enfants sont des observateurs d’une grande finesse, l’exemple (ou le contre-exemple) des adultes leur échappe rarement.
En janvier 1617, alors qu’il est précepteur des enfants de Mme de Gondi (l’épouse du Général des galères de France), Monsieur Vincent, prêtre depuis 17 ans, est appelé auprès d’un vieillard mourant qui lui fait une confession publique et générale. Cela se passe dans un village de Picardie. Monsieur Vincent et Mme de Gondi découvrent alors la grande pauvreté spirituelle des campagnes. Le lendemain, dans un sermon il appelle les gens à se confesser ; la foule est si nombreuse que Vincent doit demander l’aide de plusieurs prêtres. Vincent de Paul traverse alors une grave crise morale et spirituelle. Lui qui était habitué aux salons parisiens et qui côtoyaient les « grands » de ce monde, est soudain convaincu de la nécessité de se mettre en état de mission pour rejoindre les « pauvres ». Six mois plus tard il se fait nommer curé de paroisse en Bourgogne à Châtillon-les-Dombes. En seulement cinq mois il relève la paroisse. De prêtre « sans souci » il devient un prêtre zélé et ardent. Il ouvre les yeux sur l’immense misère de la formation sacerdotale.
« Le feu de la charité » saisit Monsieur Vincent. « Donnez-vous à Dieu et Dieu vous donnera les pauvres à aimer », ne cesse-t-il de redire aux prêtres. Selon lui : « les hommes ne souffrent que d’une seule disette, celle de Dieu ». C’est pourquoi il faut aller « aux besoins spirituels de notre prochain comme on va au feu ». Pour cela il a besoin de bras, il frappe à toutes les portes, mobilise toutes les énergies, organise la convergence des dévouements. Il fonde les Filles de la Charité qui s’activent près des démunis, des enfants abandonnés… Il crée également la Congrégation de la Mission (les Lazaristes) dans la perspective de former les prêtres en vue d’évangéliser les campagnes avec cette règle : « le devoir de la charité est par-dessus toutes les règles ». Pour Vincent : « Le prêtre doit se revêtir de l’esprit du Christ ».
C’est pourquoi « sa » charité fut universelle. On le trouve aussi bien auprès des « pauvres gens des champs », que dans les hôpitaux, les prisons, ou au chevet des enfants abandonnés ou au service des séminaristes, tout autant qu’auprès de la haute société ! Gageons que s’il vivait à notre époque il se porterait auprès des laissés-pour-compte, des maltraités, des marginaux, des victimes de violences, des migrants, des réfugiés … sans oublier toutes les « âmes ignorantes, inquiètes et même révoltées ». « Les pauvres se damnent faute de savoir les choses nécessaires au salut et par manque de confession », enseignait-il.
Vincent de Paul a misé avec justesse sur « la mission populaire traditionnelle » au sein des paroisses rurales. Nul doute qu’en notre XXIème siècle, et notamment dans notre fenua, la paroisse (l’amuiraa) reste le point d’ancrage privilégié de la Mission de l’Église. Nous le voyons dans le document publié récemment par La Congrégation pour le Clergé appelant les paroisses à vivre une « conversion pastorale » [cf. http://press.vatican.va (Instruction : La conversion pastorale de la communauté paroissiale au service de la mission évangélisatrice de l’Église, publiée le 29 juin 2020)]
La fête de Saint Vincent de Paul est l’occasion de prier pour « nos » prêtres si divers mais – nous l’espérons- tous soucieux de souscrire à cette affirmation de Monsieur Vincent : « Instruire de paroles c’est beaucoup, mais l’exemple a un tout autre pouvoir ».
[L’essentiel du texte ci-dessus est inspiré d’un article de 1982 du Père Richard Corbon : VINCENT DE PAUL, prêtre de Jésus-Christ pour les pauvres, paru dans Prêtres diocésains, n°1468 – mars-avril 2010 pp.281 à 286 ; et d’un article de Virgine Bellynck : Vincent de Paul, la piété aux manches retroussées, paru dans Magnificat n°334 – septembre 2020 pp. 18-19.]
Dominique SOUPÉ
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En complément : quelques extraits du Code de Droit Canonique (Source : Code de droit canonique, Edition bilingue, Wilson & Lafleur Limitée, Montréal 1990)
Can. 528 - § 1. Le curé est tenu par l'obligation de pourvoir à ce que la parole de Dieu soit annoncée intégralement aux habitants de la paroisse ; (…) il favorisera aussi les œuvres par lesquelles est stimulé l'esprit évangélique, y compris ce qui regarde le domaine de la justice sociale ; (…) il s'efforcera par tout moyen, en y associant aussi les fidèles, à ce que l'annonce de l'Évangile parvienne également à ceux qui se sont éloignés de la pratique religieuse ou qui ne professent pas la vraie foi.
§ 2. (…) il s'efforcera à ce que les fidèles soient conduits et nourris par la pieuse célébration des sacrements et en particulier qu'ils s'approchent fréquemment des sacrements de la très Sainte Eucharistie et de la pénitence ;
Can. 529 - § 1. (…) le curé s'efforcera de connaître les fidèles confiés à ses soins ; aussi il visitera les familles, prenant part aux soucis des fidèles, surtout à leurs inquiétudes et à leurs deuils,… ; il aidera d'une charité sans bornes les malades, particulièrement les mourants,… ; il entourera d'une attention spéciale les pauvres, les affligés, les isolés, les exilés, ainsi que ceux qui sont aux prises avec des difficultés particulières ;…
© Paroisse de la Cathédrale – 2020
Regard sur l’actualité…Quelle société pour
aujourd’hui ?
Deux événements, apparemment sans aucun rapport entre eux, viennent s’imposer ces jours-ci, l’un dans la vie politique du Fenua et l’autre dans la vie de l’Église. Il s’agit des élections sénatoriales d’une part, et de la prochaine publication de la nouvelle encyclique du Pape François, « Fratelli Tutti » (Titre inspiré de St François d’Assise) d’autre part. Pourtant, chacun de ces deux événements nous invite à une réflexion sur la société que nous voulons, sur les relations humaines que nous voulons voir s’y développer, et sur les institutions politiques mises en œuvre pour la faire fonctionner. L’un ne va pas sans l’autre. Rappelons que le projet de Dieu dans sa création est que tous les humains puissent vivre en paix sur une terre qui ne leur appartient pas mais qui appartient à Dieu. Ce projet de Dieu doit se réaliser dans l'Histoire de l'humanité. C’est dans l’Histoire que Dieu agit. Comme les mots lui servent pour se révéler, l’histoire lui sert pour agir et poursuivre son œuvre. Ainsi, les responsables du pays avec les institutions dont ils disposent sont des instruments entre les mains de Dieu pour qu’il réalise son dessein. La politique, l’économie sont dans l’histoire le moyen par lequel Dieu agit par les responsables du Pays. Et dans cette histoire, la justice a une place fondamentale. Elle n’est pas simplement une valeur morale, elle est la part de Dieu dans la vie des Hommes, la marque de la présence de Dieu dans leur histoire. L’univers est déjà fait. Il reste à faire l’histoire. Pour la faire, Dieu a besoin des hommes, mais les hommes doivent faire cette histoire selon le plan de Dieu, c’est à dire avec justice. La justice ne concerne donc pas les rapports humains seulement, elle concerne Dieu. Elle n’est pas simplement l’observation de lois et le bon fonctionnement des institutions, c’est, de la part de chaque citoyen, de chaque responsable de la vie politique, économique ou sociale, avoir une conduite et un regard « juste » à l’égard de tous, faire tout ce qui est possible pour que recule l’injustice et pour que grandisse l’amour, la bienveillance. Comme le rappelle le Conseil Permanent des évêques de France dans son document « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique » (Bayard 2016), « le politique…définit les conditions de la vie en société tandis que la politique désigne les activités, les stratégies et les procédures concrètes qui touchent l’exercice du pouvoir… Quelle société voulons-nous construire ? A quel projet de société pouvons-nous aspirer ? Nous croyons en une société où l’être humain est plus qu’un élément du processus économique ou technologique »
C’est justement sur l’esprit et la façon dont se construisent ces relations humaines à l’intérieur de nos sociétés que nous interpelle le Pape François dans sa future encyclique « Fratelli tutti » qu’il signera à Assise le 3 Octobre. Le sous-titre évoque la fraternité et l’amitié sociale. Dans un article publié sur le site « Vatican News » du 16 Septembre 2020, Andrea Tornielli écrit : « François a choisi les paroles du saint d'Assise pour inaugurer une réflexion à laquelle il tient beaucoup, sur la fraternité et l'amitié sociale et qu'il entend donc adresser à toutes les sœurs et tous les frères, à tous les hommes et femmes de bonne volonté qui peuplent la terre. À tous, de manière inclusive et jamais exclusive. Nous vivons à une époque marquée par la guerre, la pauvreté, les migrations, le changement climatique, la crise économique, les pandémies : se reconnaître frères et sœurs, reconnaître dans celui que l’on rencontre, un frère et une sœur ; et pour les chrétiens, reconnaître dans celui qui souffre le visage de Jésus, est une façon de réaffirmer la dignité irréductible de tout être humain créé à l'image de Dieu. Et c'est aussi une façon de nous rappeler que nous ne pourrons jamais sortir seuls des épreuves actuelles, l'un contre l'autre, le Nord contre le Sud, les riches contre les pauvres, ou en étant séparés par quelque autre différence excluante… La fraternité et l'amitié sociale, thèmes indiqués dans le sous-titre de l’encyclique, indiquent ce qui unit les hommes et les femmes, une affection qui s'établit entre des personnes qui ne sont pas parents par le sang et qui s'exprime par des actes de bienveillance, avec des formes d'aide et des actions généreuses en cas de besoin. Une affection désintéressée envers les autres êtres humains, indépendamment de toute différence et de toute appartenance ».
Puissions-nous profiter de ces occasions pour faire le point sur notre façon de nous intéresser aux institutions qui cadrent la vie de notre pays, et sur l’esprit avec lequel nous tissons nos liens d’humanité !
+Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU
© Archidiocèse de Papeete – 2020
Audience générale
Guérir le monde : La subsidiarité… mode d’emploi
Le Pape François a poursuivi sa série de catéchèses sur le monde après la pandémie au cours de l'audience générale. Le Souverain Pontife a invité à se pencher sur le principe de subsidiarité, depuis longtemps mis en avant par l'Église pour que personne ne soit laissé au bord du chemin.
Chers frères et sœurs, bonjour !
Pour sortir meilleurs d'une crise comme celle actuelle, qui est une crise sanitaire et dans le même temps une crise sociale, politique et économique, chacun de nous est appelé à assumer sa part de responsabilité, c'est-à-dire partager les responsabilités. Nous devons répondre non seulement en tant que personnes individuelles, mais également à partir de notre groupe d'appartenance, du rôle que nous avons dans la société, de nos principes et, si nous sommes croyants, de la foi en Dieu. Souvent, cependant, de nombreuses personnes ne peuvent pas participer à la reconstruction du bien commun parce qu'elles sont marginalisées, elles sont exclues et ignorées ; certains groupes sociaux ne réussissent pas à y contribuer parce qu'ils sont écrasés économiquement ou politiquement. Dans certaines sociétés, de nombreuses personnes ne sont pas libres d'exprimer leur foi et leurs valeurs, leurs idées : s'ils les expriment, ils vont en prison. Ailleurs, en particulier dans le monde occidental, beaucoup de gens auto-répriment leurs convictions éthiques ou religieuses. Mais ainsi on ne peut pas sortir de la crise, ou en tout cas on ne peut pas en sortir meilleurs. Nous en sortirons pires.
Afin que nous puissions tous participer au soin et à la régénération de nos peuples, il est juste que chacun ait les ressources adaptées pour le faire (cf. Compendium de la doctrine sociale de l'Église [CDSC], n. 186). Après la grande dépression économique de 1929, le Pape XI expliqua combien le principe de subsidiarité était important pour une vraie reconstruction (cf. enc. Quadragesimo anno, nn.79-80). Ce principe a un double dynamisme : du haut vers le bas et du bas vers le haut. Peut-être ne comprenons-nous pas ce que cela signifie, mais c'est un principe social qui nous rend plus unis.
D'un côté, et en particulier dans les temps de changement, quand les personnes individuelles, les familles, les petites associations ou les communautés locales ne sont pas en mesure d'atteindre les objectifs primaires, il est alors juste qu'interviennent les niveaux plus élevés du corps social, comme l'État, pour fournir les ressources nécessaires afin d'aller de l'avant. Par exemple, à cause du lockdown pour le coronavirus, de nombreuses personnes, familles et activités économiques se sont trouvées et se trouvent encore en grave difficulté, c'est pourquoi les institutions publiques cherchent à apporter leur aide à travers des interventions sociales, économiques, sanitaires appropriées : c’est leur fonction, ce qu'ils doivent faire.
D'un autre côté, cependant, les sommets de la société doivent respecter et promouvoir les niveaux intermédiaires ou mineurs. En effet, la contribution des individus, des familles, des associations, des entreprises, de tous les corps intermédiaires et également des Églises est décisive. Ceux-ci, avec leurs ressources culturelles, religieuses, économiques ou de participation civique, revitalisent et renforcent le corps social (cf. CDSC, n.185). C'est-à-dire qu'il y a une collaboration du haut vers le bas, de l'État central vers le peuple et d'en-bas vers le haut : des formations du peuple vers le haut. Et c'est précisément l'exercice du principe de subsidiarité.
Chacun doit avoir la possibilité d'assumer sa propre responsabilité dans les processus de guérison de la société dont il fait partie. Quand on démarre un projet qui concerne directement ou indirectement des groupes sociaux déterminés, ceux-ci ne peuvent pas être laissés en-dehors de la participation. Par exemple : “De quoi t'occupes-tu ? – Je vais travailler pour les pauvres – C'est bien, et que fais-tu ? – J'enseigne aux pauvres, je dis aux pauvres ce qu'ils doivent faire” – Non, cela ne va pas, le premier pas est de laisser les pauvres te dire comment ils vivent, de quoi ils ont besoin : il faut laisser parler tout le monde ! Et ainsi le principe de subsidiarité fonctionne. Nous ne pouvons pas laisser ces gens en dehors de la participation ; leur sagesse, la sagesse des groupes les plus humbles ne peut pas être mise de côté (cf. exhort. ap. post-syn. Querida Amazonia [QA], n.32 ; enc. Laudato si’, n.63). Malheureusement, cette injustice a souvent lieu là où se concentrent les grands intérêts économiques ou géopolitiques, comme par exemple certaines activités d'extraction dans diverses zones de la planète (cf. QA, nn.9.14). Les voix des peuples autochtones, leurs cultures et leurs visions du monde ne sont pas prises en considération. Aujourd'hui, ce manque de respect du principe de subsidiarité s'est diffusé comme un virus. Pensons aux grandes mesures d'aides financières mises en œuvre par les États. On écoute davantage les grandes compagnies financières que les gens ou ceux qui animent l'économie réelle. On écoute davantage les compagnies multinationales que les mouvements sociaux. Si l'on veut dire cela avec le langage des personnes communes : on écoute davantage les puissants que les faibles et ce n'est pas le chemin, ce n'est pas le chemin humain, ce n'est pas le chemin que nous a enseigné Jésus, ce n'est pas mettre en œuvre le principe de subsidiarité. Ainsi, on ne permet pas aux personnes d'être les « protagonistes de leur propre relèvement ». (Message pour la 106e journée mondiale du migrant et du réfugié 2020, 13 mai 2020). Dans l'inconscient collectif de certains hommes politiques ou de certains syndicalistes il y a cette devise : tout pour le peuple, rien avec le peuple. Du haut vers le bas, mais sans écouter la sagesse du peuple, sans mettre en œuvre cette sagesse pour résoudre des problèmes, dans ce cas pour sortir de la crise. Ou alors pensons également à la manière de soigner le virus : on écoute davantage les grandes compagnies pharmaceutiques que les agents de santé, engagés en première ligne dans les hôpitaux ou dans les camps de réfugiés. Ce n'est pas une bonne voie. Tous doivent être écoutés, ceux qui sont en haut et ceux qui sont en bas, tous.
Pour mieux sortir d'une crise, le principe de subsidiarité doit être appliqué, en respectant l'autonomie et la capacité d'initiative de tous, en particulier des derniers. Toutes les parties d'un corps sont nécessaires et, comme le dit saint Paul, ces parties qui pourrait sembler les plus faibles et les moins importantes, sont en réalité les plus nécessaires (cf. 1 Co 12, 22). À la lumière de cette image, nous pouvons dire que le principe de subsidiarité permet à chacun d'assumer son rôle pour le soin et le destin de la société. Le mettre en œuvre, mettre en œuvre le principe de subsidiarité donne espérance, donne espérance dans un avenir plus sain et juste; et cet avenir nous le construisons ensemble, en aspirant aux choses plus grandes, en élargissant nos horizons (cf. Discours aux jeunes du centre culturel Père Félix Varela, La Havane – Cuba, 20 septembre 2015). Tous ensemble ou cela ne fonctionne pas. Ou nous travaillons ensemble pour sortir de la crise, à tous les niveaux de la société, ou nous n'en sortirons jamais. Sortir de la crise ne signifie pas donner un coup de peinture aux situations actuelles pour qu'elles semblent un peu plus justes. Sortir de la crise signifie changer, et le vrai changement est fait par tout le monde, par toutes les personnes qui forment le peuple. Toutes les professions, tous. Et tous ensemble, tous en communauté. Si tout le monde ne le fait pas, le résultat sera négatif.
Dans une précédente catéchèse nous avons vu que la solidarité est la voie pour sortir de la crise : elle nous unit et nous permet de trouver des propositions solides pour un monde plus sain. Mais ce chemin de solidarité a besoin de la subsidiarité. Quelqu'un pourrait me dire : “Mais père, aujourd'hui vous parlez avec des paroles difficiles !”. C'est pour cette raison que je cherche à expliquer ce que cela signifie. Solidaires, pour que nous allions sur la voie de la subsidiarité. En effet, il n'y a pas de vraie solidarité sans participation sociale, sans la contribution des corps intermédiaires : des familles, des associations, des coopératives, des petites entreprises, des expressions de la société civile. Tous doivent contribuer, tous. Cette participation aide à prévenir et à corriger certains aspects négatifs de la mondialisation et de l'action des États, comme cela se produit également dans le soin des personnes frappées par la pandémie. Ces contributions “d'en-bas” doivent être encouragées. Mais comme il est beau de voir le travail des bénévoles pendant la crise. Les bénévoles qui viennent de tous les milieux sociaux, les bénévoles qui viennent des familles les plus aisées et qui viennent des familles les plus pauvres. Mais tous, tous ensemble pour s'en sortir. Telle est la solidarité et tel est le principe de subsidiarité.
Pendant le lockdown est né spontanément le geste d'applaudir les médecins et les infirmiers et les infirmières, en signe d'encouragement et d'espérance. De nombreuses personnes ont risqué la vie et beaucoup ont donné la vie. Étendons cet applaudissement à chaque membre du corps social, à tous, à chacun, pour sa précieuse contribution, même petite. “Mais que pourra t-il faire là-bas celui-là ? – Écoute-le, laisse-lui de l'espace pour travailler, consulte-le”. Applaudissons ceux qui sont “exclus”, ceux que cette culture qualifie d'“exclus”, cette culture du rebut, applaudissons donc les personnes âgées, les enfants, les porteurs de handicap, applaudissons les travailleurs, tous ceux qui se mettent au service. Tous collaborent pour sortir de la crise. Mais ne nous arrêtons pas seulement à l'applaudissement ! L'espérance est audace, et alors encourageons-nous à rêver en grand. Frères et sœurs apprenons à rêver en grand ! N'ayons pas peur de rêver en grand, en cherchant les idéaux de justice et d'amour social qui naissent de l'espérance. N'essayons pas de reconstruire le passé, le passé est passé, des choses nouvelles nous attendent. Le Seigneur a promis : “Je ferai toutes les choses nouvelles”. Encourageons-nous à rêver en grand en cherchant ces idéaux, n'essayons pas de reconstruire le passé, en particulier celui qui était injuste et déjà malade. Construisons un avenir où la dimension locale et celle mondiale s'enrichissent mutuellement, – chacun peut y mettre du sien, chacun doit y mettre du sien, sa culture, sa philosophie, sa façon de penser –, où la beauté et la richesse des groupes mineurs, également des groupes exclus, puisse fleurir car là aussi se trouve la beauté, et où celui qui a davantage s'engage à servir et à donner plus à celui qui a moins.
© Libreria Editrice Vaticana – 2020
Éthique
L’euthanasie est un crime contre la vie… Ne pouvoir guérir ne dispense pas de soigner
Ayant à l'esprit les cas de ces dernières années, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi publie « Samaritanus bonus », une lettre approuvée par le Pape François, qui réitère la condamnation de toutes les formes d'euthanasie et de suicide assisté. Elle appelle à un soutien renforcé aux familles des malades et aux travailleurs de la santé.
« Reconnaître l'impossibilité de guérir ne signifie pas la fin de l'action médicale » : à l’instar de ceux qui naissent en étant destinés à vivre un court laps de temps, toute personne souffrant d'une maladie entrée dans sa phase terminale, a le droit d'être accueillie, soignée, entourée d'affection.
L'Église s'oppose à l’acharnement thérapeutique mais réaffirme, comme « enseignement définitif », que « l'euthanasie est un crime contre la vie humaine », que « toute coopération formelle ou matérielle immédiate à un tel acte est un péché grave » et qu'aucune autorité « ne peut légitimement » l’imposer ou l’autoriser. Voilà ce qu’on peut lire dans la lettre de la Congrégation pour la Doctrine de la foi « Samaritanus bonus » portant « sur la prise en charge des personnes dans les phases critiques et terminales de la vie ». Elles est publiée ce mardi 22 septembre, après avoir été approuvée par le Pape François en juin dernier.
L’actualité du Bon Samaritain
La publication de ce texte qui réaffirme la position plusieurs fois exprimée par l'Église sur le sujet, a été jugée nécessaire en raison de la multiplication des cas apparaissant dans les médias mais également de l'avancement de la législation qui, dans un nombre croissant de pays, autorise l'euthanasie et le suicide assisté pour les personnes gravement malades, mais aussi de celles qui sont seules ou qui ont des problèmes psychologiques.
L'objectif de la lettre est de fournir des indications concrètes pour actualiser le message du Bon Samaritain. Même lorsque « la guérison est impossible ou peu probable, l'accompagnement médical, infirmier, psychologique et spirituel est un devoir incontournable, car le contraire constituerait un abandon inhumain du malade ».
Soigner même lorsque la personne est incurable
« Guérir si possible, toujours prendre soin ». Ces paroles de Jean-Paul II expliquent que l'incurable n'est jamais synonyme d'insoignable. Prendre soin de la personne malade jusqu'au bout, « être avec » elle, l'accompagner en l'écoutant, en lui faisant sentir qu'elle est aimée et désirée, voilà ce qui peut éviter la solitude, la peur de la souffrance et de la mort, et le découragement qui en découle… autant d’éléments qui sont aujourd'hui parmi les principales causes des demandes d'euthanasie ou de suicide assisté.
Dans le même temps, il est souligné que « des abus sont fréquemment signalés par les médecins de personnes dont on a supprimé la vie alors qu’elles n'auraient jamais souhaité pour elles-mêmes l'application de l'euthanasie ».
L'ensemble du document se concentre sur le sens de la douleur et de la souffrance à la lumière de l'Évangile et du sacrifice de Jésus : « la douleur n'est existentiellement supportable que là où il y a l’espérance. L'espérance que le Christ transmet aux souffrants et aux malades est celle de sa présence, de sa réelle proximité ». Les soins palliatifs ne suffisent pas « si personne ne “se tient”pas aux côtés du malade, et ne témoigne de sa valeur unique et irremplaçable ».
La valeur inviolable de la vie
« La valeur inviolable de la vie est une vérité fondamentale de la loi morale naturelle et un fondement essentiel de l'ordre juridique », affirme la lettre. « De même que nous ne pouvons pas accepter un autre homme comme esclave même s'il nous le demande, nous ne pouvons pas choisir directement de porter atteinte à la vie d'un être humain, même s'il l'exige », poursuit le document.
« Supprimer un malade qui demande l'euthanasie ne signifie pas "reconnaître son autonomie et la valoriser", mais au contraire, cela signifie "ignorer la valeur de sa liberté, fortement conditionnée par la maladie et la douleur, et la valeur de sa vie ». Ce faisant, on « décide à la place de Dieu le moment de la mort ». Pour cette raison, souligne la Congrégation pour la Doctrine de foi, « l’avortement, l’euthanasie et même le suicide délibéré […] corrompent la civilisation, déshonorent ceux qui s’y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement à l’honneur du Créateur ».
Des obstacles qui obscurcissent la valeur sacrée de la vie
Le document mentionne plusieurs facteurs limitant la capacité à saisir la valeur de la vie. Le premier est une utilisation équivoque du concept de « mort digne » par rapport à celui de « qualité de vie », dans une perspective anthropologique utilitaire. La vie n'est considérée comme « digne » qu'en présence de certaines caractéristiques psychiques ou physiques. Un deuxième obstacle est une compréhension erronée de la « compassion ». La véritable compassion humaine « ne consiste pas à provoquer la mort mais à accueillir le malade, à le soutenir » en lui offrant de l'affection et des moyens pour soulager sa souffrance. Un autre obstacle est l'individualisme croissant, qui est la racine de la « maladie la plus latente de notre temps : la solitude ».
Face aux lois qui légalisent les pratiques euthanasiques, « des dilemmes parfois infondés » se posent « sur la moralité d'actes qui, en réalité, ne sont rien d'autre que des actes dus aux simples soins de la personne, comme par exemple hydrater et nourrir un malade dans un état d'inconscience sans perspective de guérison ».
Le magistère de l’Église
Face à la multiplication des protocoles médicaux de fin de vie, la Congrégation pour la Doctrine de la foi s'inquiète de « l'abus largement répandu d'une perspective euthanasique » sans consultation du patient ou des familles. C'est pourquoi le document réaffirme comme « enseignement définitif » que « l'euthanasie est un crime contre la vie humaine », un acte « intrinsèquement mauvais quelles que soient l'occasion ou les circonstances ». Par conséquent, toute coopération immédiate, formelle ou matérielle, est un grave péché contre la vie humaine qu'aucune autorité ne « peut légitimement » imposer ou autoriser. « Ceux qui adoptent des lois sur l'euthanasie et le suicide assisté se rendent donc complices de péchés graves » et sont « coupables de scandale car ces lois contribuent à déformer la conscience, même des fidèles ». Aider une personne suicidaire est ainsi « une collaboration indue à un acte illicite ». L’acte d’euthanasie reste inadmissible même lorsque le désespoir ou l’angoisse peuvent diminuer ou même rendre insuffisante la responsabilité personnelle de ceux qui l’exige. « Il s’agit donc toujours un choix erroné » et le personnel soignant ne peut jamais « se prêter à pratiquer l’euthanasie ni à la demande de la personne concernée, et encore moins de ses proches » insiste le document. Les lois qui légalisent l’euthanasie sont par conséquent injustes. « Les supplications des très grands malades demandant parfois la mort ne doivent pas être comprises comme l’expression d’une vraie volonté d’euthanasie » mais comme une demande d’aide et d’affection.
Non à l’acharnement thérapeutique
Le document explique que « protéger la dignité de la fin de vie signifie exclure à la fois l'anticipation de la mort, mais également son report par ce qu’on appelle un ‘acharnement thérapeutique’ », rendu possible par la médecine moderne qui est capable de « retarder artificiellement la mort, sans que le patient ne reçoive un réel bénéfice dans certains cas ». Et donc, dans l'imminence d'une mort inévitable, « il est légitime de prendre la décision de renoncer aux traitements qui ne feraient qu'apporter une prolongation précaire et douloureuse de la vie », mais sans interrompre le traitement normal dû à la personne malade. Le renoncement à des moyens extraordinaires et disproportionnés exprime donc l'acceptation de la condition humaine face à la mort. Mais la nourriture et l'hydratation doivent être correctement assurées car « un soin de base dû à chaque homme consiste à administrer la nourriture et les fluides nécessaires ».
Les paragraphes consacrés aux soins palliatifs, « un outil précieux et indispensable » pour accompagner le patient, sont importants : Procéder à ces soins réduit considérablement le nombre de personnes demandant l'euthanasie. Parmi les soins palliatifs -qui ne peuvent jamais inclure la possibilité d'euthanasie ou de suicide assisté-le document inclut également l'assistance spirituelle au patient et à ses proches.
Aider les familles
Lors du traitement, il est essentiel que le patient ne se perçoive pas comme un fardeau, mais qu’il ressente au contraire « la proximité et la considération de ses proches ». Pour mener à bien cette mission, la famille a besoin d'aide et de moyens adéquats. Il est donc nécessaire, précise la lettre, que les États « reconnaissent la fonction sociale première et fondamentale de la famille et son rôle irremplaçable, également dans ce domaine, en lui fournissant les ressources et les structures nécessaires pour la soutenir ».
Soins prénataux et pédiatriques
Depuis leur conception, les enfants atteints de malformations ou de pathologies de tous types « sont de petits patients que la médecine d’aujourd’hui est toujours capable d’assister et d’accompagner en respectant la vie ». Dans la lettre, il est signifié qu’en cas de « pathologies prénatales (…) qui conduiront certainement à la mort dans un court laps de temps, et en l'absence de thérapies capables d'améliorer l’état de santé de ces enfants, il ne faut en aucun cas les abandonner en termes de soins, mais les accompagner comme tout autre patient jusqu'à ce que survienne la mort naturelle », sans suspendre la nutrition ou l’hydratation. Ces paroles peuvent se référer à plusieurs cas récents mentionnés par la presse. Le « recours parfois obsessionnel au diagnostic prénatal » et «l'émergence d'une culture hostile au handicap qui conduit souvent au choix de l'avortement -qui "n'est jamais légal" » y sont également condamnés.
Sédation profonde
Pour soulager la douleur du patient, la thérapie analgésique recourt à des médicaments qui peuvent provoquer une suppression de la conscience. L’Église affirme « la licéité de la sédation dans le cadre des soins qui sont offerts au patient, afin que la fin de la vie se fasse dans la plus grande paix possible et dans les meilleures conditions intérieures. Cela est également vrai dans le cas des traitements qui rapprochent le moment de la mort (sédation palliative profonde en phase terminale) », toujours si possible avec le consentement éclairé du patient, précise le document. La sédation est en revanche inacceptable si elle est administrée pour « causer directement et intentionnellement la mort ».
L’état végétatif et l’état de conscience minimale
Il est « toujours trompeur » de penser que l’absence de conscience minimale, chez des sujets qui respirent de façon autonome, « soient le signe que le malade a cessé d'être une personne humaine avec toute la dignité qui lui est propre ». Même dans ces états végétatifs et de conscience minimale, la personne malade « doit être reconnue dans sa valeur et assisté par des soins appropriés », que sont l’hydratation et la nourriture. La lettre reconnait néanmoins que dans certains cas, ces mesures peuvent devenir « disproportionnées, soit parce que leur administration n'est plus efficace, soit parce que les moyens de les administrer créent une charge excessive et entraînent des effets négatifs qui l'emportent sur les avantages ». Le document répète qu’un soutien adéquat devrait être fourni aux proches du malade afin qu’ils puissent supporter « le poids que constitue une assistance prolongée aux malades en état végétatif ».
Objection de conscience
Enfin, la lettre demande aux Églises locales des positions claires et unifiées sur ces questions et invite les établissements de santé catholiques à « être des témoins fidèles de l'indispensable attention éthique au respect des valeurs humaines fondamentales et des valeurs chrétiennes qui constituent leur identité, en s’abstenant de comportements clairement illicites moralement et par une obéissance déclarée et formelle aux enseignements du Magistère ecclésial ».
Les lois approuvant l'euthanasie non seulement « ne créent pas d'obligations pour la conscience » mais elles entraînent «une obligation sérieuse et précise de s'y opposer par l'objection de conscience» poursuit le texte. Le médecin « n'est jamais un simple exécutant de la volonté du patient » et « conserve le droit et le devoir de se soustraire à des volontés s’opposant au bien moral tel que sa propre conscience le perçoit ». Il est d'autre part rappelé qu'il n'existe « aucun droit de disposer arbitrairement de sa vie, de sorte qu'aucun agent de santé ne peut devenir le tuteur exécutif d'un droit inexistant ».
Il est important que les médecins et tout membre du personnel de santé soient formés à l'accompagnement chrétien des mourants, comme l'ont montré les récents événements dramatiques liés à l'épidémie de Covid-19.
Quant à l'accompagnement spirituel et sacramentel de ceux qui demandent l'euthanasie, « même lorsqu'une personne n'est pas en condition objective pour recevoir les sacrements, une proximité qui invite toujours à la conversion est nécessaire » alors qu’« aucun geste extérieur pouvant être interprété comme une approbation de l'euthanasie, tel que rester présent au moment de sa réalisation, n'est admissible. Une telle présence ne peut être interprétée que comme une complicité ».
© Radio Vatican – 2020
Commentaire
Chers frères et sœurs, bonjour !
« Dieu qui donne la preuve suprême de ta puissance, lorsque tu patientes et prends pitié… » avons-nous dit dans la collecte du jour. Dans la première lecture nous avons entendu comment Dieu, dans l’histoire d’Israël a manifesté la puissance de sa miséricorde. L’expérience de l’exil babylonien avait fait tomber le peuple dans une profonde crise de la foi : pourquoi ce malheur était-il survenu ? Peut-être que Dieu n’était pas vraiment puissant absolument ?
Il y a des théologiens qui, face à toutes les choses terribles qui surviennent aujourd’hui dans le monde, disent que Dieu ne peut être absolument tout-puissant. Face à cela, nous professons Dieu, le Tout-Puissant, le Créateur du ciel et de la terre. Et nous sommes heureux et reconnaissants qu’il soit tout-puissant. Mais nous devons, en même temps, nous rendre compte qu’il exerce sa puissance de manière différente de ce que nous, les hommes, avons l’habitude de faire. Lui-même a mis une limite à son pouvoir, en reconnaissant la liberté de ses créatures. Nous sommes heureux et reconnaissants pour le don de la liberté. Toutefois, lorsque nous voyons les choses horribles qui arrivent à cause d’elle, nous nous effrayons. Faisons confiance à Dieu dont la puissance se manifeste surtout dans la miséricorde et dans le pardon. Et nous en sommes certains, chers fidèles : Dieu désire le salut de son peuple. Il désire notre salut, mon salut, le salut de chaque personne. Toujours, et surtout en des temps de péril et de changement radical, il nous est proche, et son cœur s’émeut pour nous, il se penche sur nous. Pour que la puissance de sa miséricorde puisse toucher nos cœurs, il faut s’ouvrir à Lui, il faut librement être prêt à abandonner le mal, à sortir de l’indifférence, et à donner un espace à sa Parole. Dieu respecte notre liberté. Il ne nous contraint pas. Il attend notre « oui » et, pour ainsi dire, il le mendie.
Dans l’Évangile, Jésus reprend ce thème fondamental de la prédication prophétique. Il raconte la parabole des deux fils qui sont envoyés par leur père pour travailler dans la vigne. Le premier fils répond : « ‘Je ne veux pas’. Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla » (Mt 21,29). L’autre au contraire dit à son père : « ‘Oui Seigneur ! » mais « il n’y alla pas » (Mt 21,30). À la demande de Jésus, qui des deux a accompli la volonté du père, les auditeurs répondent justement : « Le premier » (Mt 21,31). Le message de la parabole est clair : ce ne sont pas les paroles qui comptent, mais c’est l’agir, les actes de conversion et de foi. Jésus –nous l’avons entendu- adresse ce message aux grands prêtres et aux anciens du peuple d’Israël, c’est-à-dire aux experts en religion dans son peuple. Eux, d’abord, disent « oui » à la volonté de Dieu. Mais leur religiosité devient routine, et Dieu ne les inquiète plus. Pour cela ils ressentent le message de Jean Baptiste et le message de Jésus comme quelque chose qui dérange. Ainsi, le Seigneur conclut sa parabole par des paroles vigoureuses : « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu. Car Jean Baptiste est venu à vous, vivant selon la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; tandis que les publicains et les prostituées y ont cru. Mais vous, même après avoir vu cela, vous ne vous êtes pas repentis pour croire à sa parole » (Mt 21,31-32). Traduite en langage de ce temps, l’affirmation pourrait correspondre plus ou moins à ceci : les agnostiques, qui au sujet de la question de Dieu ne trouvent pas la paix ; les personnes qui souffrent à cause de leurs péchés et ont le désir d’un cœur pur, sont plus proches du royaume de Dieu que ne le sont les fidèles « de routine », qui dans l’Église voient désormais seulement ce qui paraît, sans que leur cœur soit touché par la foi.
Ainsi la parole doit faire beaucoup réfléchir, et même, doit nous secouer tous. Ceci, cependant, ne signifie pas que tous ceux qui vivent dans l’Église et travaillent pour elle sont à estimer comme loin de Jésus et du royaume de Dieu. Absolument pas ! Non, c’est plutôt le moment de dire une parole de profonde gratitude à tant de collaborateurs employés et volontaires, sans lesquels la vie dans les paroisses et dans l’Église tout entière serait impensable. L’Église en Allemagne a de nombreuses institutions sociales et caritatives, dans lesquelles l’amour pour le prochain est exercé sous une forme qui est aussi socialement efficace et jusqu’aux extrémités de la terre. À tous ceux qui s’engagent dans la Caritas allemande ou dans d’autres organisations ou qui mettent généreusement à disposition leur temps et leurs forces pour des tâches de volontariat dans l’Église, je voudrais exprimer, en ce moment, ma gratitude et mon appréciation. Ce service demande avant tout une compétence objective et professionnelle. Mais dans l’esprit de l’enseignement de Jésus il faut plus : le cœur ouvert, qui se laisse toucher par l’amour du Christ, et donne ainsi au prochain, qui a besoin de nous, plus qu’un service technique : l’amour, dans lequel se rend visible à l’autre le Dieu qui aime, le Christ. Alors interrogeons-nous aussi à partir de l’Évangile d’aujourd’hui : comment est ma relation personnelle avec Dieu, dans la prière, dans la participation à la messe dominicale, dans l’approfondissement de la foi par la méditation de la sainte Écriture et l’étude du Catéchisme de l’Église catholique ? Chers amis, le renouveau de l’Église, en dernière analyse, ne peut se réaliser qu’à travers la disponibilité à la conversion et à travers une foi renouvelée.
Dans l’Évangile de ce dimanche –nous l’avons vu- on parle de deux fils, derrière lesquels, cependant, se tient, de façon mystérieuse, un troisième. Le premier fils dit non, mais réalise ensuite la volonté de son père. Le deuxième fils dit oui, mais ne fait pas ce qui lui a été ordonné. Le troisième fils dit « oui » et fait aussi ce qui lui est ordonné. Ce troisième fils est le Fils unique de Dieu, Jésus Christ, qui nous a tous réunis ici. Entrant dans le monde, Jésus a dit : « Voici, je viens […], pour faire, ô Dieu, ta volonté » (He 10,7). Ce « oui », il ne l’a pas seulement prononcé, mais il l’a accompli et il a souffert jusqu’à la mort. Dans l’hymne christologique de la deuxième lecture on dit : « Lui qui était dans la condition de Dieu, il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix » (Ph 2,6-8). En humilité et obéissance, Jésus a accompli la volonté du Père, il est mort sur la croix pour ses frères et ses sœurs –pour nous- et il nous a rachetés de notre orgueil et de notre obstination. Remercions-le pour son sacrifice, fléchissons les genoux devant son Nom et proclamons ensemble avec les disciples de la première génération : « Jésus Christ est le Seigneur – pour la gloire de Dieu le Père » (Ph 2,10).
La vie chrétienne doit se mesurer continuellement sur le Christ : « Ayez entre vous les dispositions que l’on doit avoir dans le Christ Jésus » (Ph 2,5), écrit saint Paul dans l’introduction à l’hymne christologique. Et quelques versets avant il nous exhorte déjà : « S’il est vrai que dans le Christ on se réconforte les uns les autres, si l’on s’encourage dans l’amour, si l’on est en communion dans l’Esprit, si l’on a de la tendresse et de la pitié, alors, pour que ma joie soit complète, ayez les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments ; recherchez l’unité » (Ph 2,1-2). Comme le Christ était totalement uni au Père et lui obéissant, ainsi ses disciples doivent obéir à Dieu et avoir les mêmes dispositions entre eux. Chers amis, avec Paul, j’ose vous exhorter : rendez ma joie complète en étant solidement unis dans le Christ ! L’Église en Allemagne surmontera les grands défis du présent et de l’avenir et demeurera un levain dans la société si les prêtres, les personnes consacrées et les laïcs croyants dans le Christ, en fidélité à leur vocation spécifique, collaborent dans l’unité ; si les paroisses, les communautés et les mouvements se soutiennent et s’enrichissent mutuellement ; si les baptisés et les confirmés, en union avec l’Évêque, tiennent haut le flambeau d’une foi inaltérée et laissent illuminer par elle leurs riches connaissances et capacités. L’Église en Allemagne continuera d’être une bénédiction pour la communauté catholique mondiale, si elle demeure fidèlement unie aux Successeurs de saint Pierre et des Apôtres, si elle soigne de multiples manières la collaboration avec les pays de mission et se laisse aussi « gagner » en cela par la joie dans la foi des jeunes Églises.
À l’exhortation à l’unité, Paul joint l’appel à l’humilité. Il dit : « Ne soyez jamais intrigants ni vantards, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de lui-même, mais aussi des autres » (Ph2,3-4). L’existence chrétienne est une pro-existence : un être pour l’autre, un engagement humble pour le prochain et pour le bien commun. Chers fidèles, l’humilité est une vertu qui, dans le monde d’aujourd’hui et, en général, de tous les temps, ne jouit pas d’une grande estime. Mais les disciples du Seigneur savent que cette vertu est, pour ainsi dire, l’huile qui rend féconds les processus de dialogue, possible la collaboration et cordiale l’unité. Humilitas, le mot latin pour « humilité », a quelque chose à voir avec humus, c'est-à-dire avec l’adhérence à la terre, à la réalité. Les personnes humbles ont les deux pieds sur la terre. Mais surtout ils écoutent le Christ, la Parole de Dieu, qui renouvelle sans arrêt l’Église et chacun de ses membres.
Demandons à Dieu le courage et l’humilité de cheminer sur la route de la foi, de puiser à la richesse de sa miséricorde et de tenir fixé notre regard sur le Christ, la Parole qui fait toutes choses nouvelles, qui pour nous est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6), qui est notre avenir. Amen.
© Libreria Editrice Vaticana – 2011