Pko 22.11.2020

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la paroisse de la Cathédrale de Papeete n°51/2020
Dimanche 22 novembre 2020 – Le Christ, Roi de l’Univers - solennité – Année A

HUMEURS

ÉTAT DE LA PAUVRETE…

État de la pauvreté en Polynésie ?

Le Secours Catholique-Caritas France publie jeudi 12 novembre son rapport statistique annuel État de la pauvreté en France 2020. Un constat amer : « Avec la crise sanitaire, la France a ouvert les yeux sur une réalité qui passe d’ordinaire sous les radars : des familles, des personnes seules, des jeunes ont besoin de l’aide alimentaire pour ne pas avoir faim. À en croire le ministre de la Santé et des Solidarités, en cette fin 2020, 8 millions de personnes ont à subir cette humiliation. 12 % de la population. Huit fois plus que dans les années 1980. Tout le monde semble l’ignorer ou, pire, s’y être accoutumé. Cette situation est une honte dans notre pays riche ! »
Qu’en est-il en Polynésie ? Nous n’avons pas d’études… Mais l’observation sur le terrain nous montre qu’il en va de même à Tahiti ! Quelques chiffres1 au sujet des familles accompagnées à la Cathédrale grâce au « Caddie de la Miséricorde », d’un certain nombre de magasins et importateurs :
Colis effectifs : 2018 = 53… 2019 = 163… 2020 = 283 ;
Nombre de colis par semaine : 2018 = 1… 2019 = 3… 2020 = 6 ;
Nombre de famille concernées à ce jour en 2020 : 172.
Du côté des sans-abris… les nouvelles du front !
Le « cluster » prévisible et annoncé au Centre de Fare Ute est bien là… 11 personnes en isolement sur environ 80 accueillis… sans compter le couple sorti du Centre et détecté le lendemain matin positif !… soit 14% des personnes accueillies !!!
"L'idée n'est pas de créer un cluster"
Le Père Christophe craint néanmoins que rassembler autant de personnes en un même lieu ne soit "pas trop prudent" en ces temps de crise sanitaire. Il rappelle les préconisations sur l'interdiction de rassemblement de plus de six personnes et s'interroge sur le respect de cette mesure sur ce site d'accueil. Rémy Brillant se veut rassurant, et précise qu'il s'agit d'un "lieu de vie". "On n'est pas dans un lieu de rassemblement spontané", explique le DGS. Il ajoute que les gestes barrières et la distanciation au niveau des couchages sont de mises, mais n'exclut pas tout risque. "L'idée n'est pas de créer ici un cluster, bien au contraire (...). Pour autant est-ce qu'il faut les laisser dans leur situation actuelle ?".

Tahiti-infos 28 octobre 2020

La bonne nouvelle…
Le Gouvernement s’est engagé par écrit auprès de Mgr Jean-Pierre à mettre par convention, un terrain à disposition pour construire “Te Vai-ete ‘api”… ne reste plus qu’à avoir la patience administrative pour la concrétisation !!!
__________________
1 Une étude détaillée vous sera présentée en fin d’année.

CLIN D’ŒIL DE L’HISTOIRE

FRERE SENERY CHEVALIER – 1833-1878

Une semaine à peine après Frère Florentius, le Frère Senery, atteint lui aussi de dysenterie, décède…
CHEVALIER, Julien François (Frère Sénery Marie). (1833-1878). - Frère de l'Instruction Chrétienne de Ploërmel. Né le 23 juillet 1833 à Caden (Morbihan). Fils de Joseph Chevalier et Marie Lucas. Dernier d’une fratrie de sept enfants dont sa sœur jumelle, Louise Marie Chevalier. Entre à l’Institut le 4 mai 1850 et prend l'habit le 23 août 1850 et prononce ses vœux perpétuels le 21 septembre 1854. Il embarque pour Tahiti via les États-Unis le 26 octobre 1874 avec les frères Patrice Le Marrec et Dalvias de Jésus Méfret. Il arrive à Tahiti le 24 décembre 1874 à bord du brig-goelette américain Nautilus.
Remplace, à Tahiti, le Frère Cyr Bellec comme directeur, le 19 avril 1875. Il y a alors 150 élèves - dont 24 pensionnaires - à Papeete et 50 à Mataiea. On ouvre une 2e classe. Le Frère se plaint qu'il y avait toujours pas mal d'absentéisme, malgré le mutoi chargé de constater les absences, mais qui n'est pas efficace. Le Frère demande et obtient quelques aménagements. La fanfare de l'école fonctionne bien. « Notre maison est tout à fait insuffisante... les classes manquent de jour et d'air... la cour n'est pas assez spacieuse pour en éloigner les lieux d'aisance, l'air y est insupportable à certains moments de la journée... Nous sommes dans le voisinage du marché public qui se tient tous les soirs dans la rue de la Petite Pologne. Il y a de ce mauvais lieu, à l'auberge qui est près de nous, un va-et-vient qui se prolonge jusqu'au milieu de la nuit. Sous nos fenêtres se débitent les propos les plus malsains. Nous sommes condamnés, ainsi que nos internes, à entendre les discours, et à être témoin, le jour, d'actes qu'un honnête homme ne peut voir. »
Le 20 juin 1878, il entre à l’hôpital militaire de Papeete atteint de la dysenterie. Il en sort le 9 juillet pour décéder à la communauté des Frères le 11 juillet 1878 à une heure et demie du matin. Le Frère Priscien annonce ainsi la mort du frère Sénery : « Très Révérend Frère, je viens, les larmes aux yeux et le cœur navré de douleur, vous annoncer de tristes nouvelles. Les chers Frères Sénéry-Marie et Florentius ne sont plus ! Ils ont été atteints tous les deux de la dysenterie et ont succombé à huit jours d'intervalle. » Le jour de ses funérailles toute la ville de Papeete est présente, protestants comme catholiques. Les élèves tiennent à porter eux-mêmes son corps au cimetière. Mgr Tepano Jaussen a dit la sainte messe et fait l'absoute. Le R.P. Collette, deux missionnaires, l'aumônier de l'Amiral Serre l'ont accompagné jusqu'au cimetière. Le Frère Sénery « menait une vie très sobre, ne vivant presque que de fruits, travaillant beaucoup, et portant un cilice de crin, de la forme d'une chasuble, qui lui couvrait le dos et la poitrine. »

LAISSEZ-MOI VOUS DIRE

22 NOVEMBRE 2020 : FETE DU CHRIST, ROI DE L’UNIVERS
LE ROYAUME DE DIEU EST PROCHE

En ce dimanche, nous, chrétiens, prônons l’avènement de la royauté du Christ.  Les théologiens disent : « Cette royauté est déjà là, mais elle n’est pas encore pleinement réalisée ». Effectivement il n’est pas simple d’appréhender le « mystère du Royaume de Dieu ». C’est pourquoi il nous faut être prudents lorsque nous lisons les Saintes Écritures. Comme le recommandaient les premiers moines de l’Église, l’approche de l’Écriture Sainte nécessite trois types d’attention : “ad verba, ad sensum, ad Deum” ; attention “aux mots”, “au sens” et “à Dieu”. C’est pourquoi il faut se garder d’isoler un passage, un verset, sans le relier à son contexte. Ainsi nous lisons dans l’Évangile : « c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous. » (Luc 11,20) Et plus loin, « Jésus ajouta : “On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ; des phénomènes effrayants surviendront, (…) lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le royaume de Dieu est proche” ». (Luc 21,10-11.31)
C’est tout le Mystère de l’Église comme nous l’expliquent les Pères du Concile Vatican II dans la Constitution dogmatique Lumen Gentium (LG). « … le Christ, pour accomplir la volonté du Père, inaugura le Royaume des cieux sur la terre, tout en nous révélant son mystère et, par son obéissance, effectua la rédemption. L’Église, qui est le règne de Dieu déjà mystérieusement présent, opère dans le monde, par la vertu de Dieu, sa croissance visible. » (LG n°2) 
N’oublions pas que le point central de la mission et de la prédication de Jésus est l’annonce du Royaume. « Il faut que j’annonce la Bonne Nouvelle du règne de Dieu, car c’est pour cela que j’ai été envoyé. » (Luc 4,43) D’où cette injonction de Jésus : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît ».(Matthieu 6,33)
Au jour de l’Ascension du Seigneur l’Église a reçu mission d’annoncer le Royaume de Dieu : « vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre ». (Actes 1,8) Nous, Peuple de Dieu, peuple de baptisés marqués de l’onction du Saint Esprit, membres du Corps du Christ qu’est l’Église, nous participons au sacerdoce du Christ. Comme l’ont précisé les Pères conciliaires : « les fidèles eux, de par le sacerdoce royal qui est le leur, concourent à l’offrande de l’Eucharistie et exercent leur sacerdoce par la réception des sacrements, la prière et l’action de grâces, le témoignage d’une vie sainte, leur renoncement et leur charité effective. » (LG n°10)
Visiblement nous avons une rude tâche dans un monde qui semble s’éloigner de Dieu et au sein d’une Église marquée par des soubresauts qui entachent son image et sa notoriété. La situation n’est cependant pas nouvelle si l’on examine au fil des siècles l’Histoire de l’Église. De l’extérieur elle a subi outrages, persécutions, interdictions, expulsions… De l’intérieur elle a dû affronter de nombreuses tempêtes : clercs dévoyés, cupides, belliqueux ; mouvements subversifs ; hérésies ; schismes… Mais, grâce à l’action de l’Esprit Saint, des réformateurs se sont levés, des saints ont tracé de nouvelles perspectives et lignes de conduite, le navire a résisté et continue à suivre le cap indiqué par le Christ : annoncer le Royaume de Dieu.
L’Évangile de ce dimanche oriente clairement nos actions. « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. (…) le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. J’avais faim j’avais soif, j’étais un étranger, j’étais nu, j’étais malade…. Vous m’avez nourri, abreuvé, accueilli, vêtu, visité…” “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.” » (Matthieu 25,31.34-36.40) 
Comme on dit souvent : la feuille de route est claire. À nous d’agir pour que le Royaume de Dieu soit effectivement de plus en plus proche !

Dominique SOUPÉ
© Paroisse de la Cathédrale – 2020

REGARD SUR L’ACTUALITE…

FRATELLI TUTTI (4)

Le 3 Octobre dernier, le Pape François signait à Assise (Italie) sa troisième encyclique intitulée « Fratelli Tutti – Tous frères ». Ce titre est une expression qu’utilisait St François d’Assise pour inviter à un mode de vie aux couleurs de l’Évangile. Il entendait proposer à tous les Hommes et Femmes de vivre un amour qui dépassait toute barrière de quelque nature qu’elle soit, un amour capable de construire la fraternité et l’amitié sociale.
Après avoir évoqué dans les « Communiqué » précédents (21 Octobre, 04 et 12 Novembre) les premiers chapitres de cette encyclique, arrêtons-nous aujourd’hui sur le chapitre 5 intitulé : « La meilleure politique ».
Face à la tentation de dresser entre politique et religion une séparation infranchissable, le Pape François reprenant ce qu’il écrivait dans « La joie de l’Évangile » (§205) rappelle que la politique « est une vocation très noble, elle est une des formes les plus précieuse de la charité, parce qu’elle cherche le bien commun ». Il dénonce d’abord le « populisme malsain » par lequel certains cherchent à exacerber les penchants les plus bas et égoïstes de certains secteurs de la population afin de servir leurs projets personnels et favoriser leur accession ou leur maintien au pouvoir. Ils instrumentalisent ainsi les aspirations du Peuple pour leur propre service. (Fratelli Tutti §159).
La « meilleure politique », précise le Saint Père, est celle qui est centrée sur la dignité humaine, et ne saurait être soumise à la finance et aux spéculations financières. Elle est celle qui protège le travail qui contribue au bien des personnes, qui « assure à chacun la possibilité de faire germer les semences que Dieu a mises en lui, ses capacités, son sens d’initiative, ses forces. C’est la meilleure aide que l’on puisse apporter à un pauvre, c’est le meilleur chemin vers une existence digne » (Fratelli Tutti §162). Elle est celle qui permet de passer d’une politique dirigée « vers » les pauvres à une politique élaborée « avec » eux et venant d’eux.
La stratégie anti-pauvreté conduit à promouvoir chacun dans l’optique de la solidarité, et à faire en sorte que la société soit structurée de façon à ce que le prochain n’ait pas à se trouver dans la misère. C’est charité d’accompagner une personne qui souffre, mais c’est un devoir de changer les conditions sociales qui sont à la base de sa souffrance. C’est charité d’aider une personne âgée à traverser une rivière, mais c’est un devoir de construire un pont pour supprimer l’obstacle (Fratelli Tutti §186). Le devoir de la politique est en outre de trouver une solution à tout ce qui attente contre les droits humains fondamentaux : non-respect de la vie, exclusion sociale, culture du déchet, trafic d’organes, d’armes, de drogues, exploitation sexuelle, esclavage, terrorisme, crime organisé ! Le Pape François réitère un appel fort pour l’élimination de la traite qui considère des hommes, des femmes et des enfants comme de la marchandise, « une honte pour l’humanité », et pour l’élimination de la faim qui survient « lorsque la spéculation financière conditionne le prix des aliments… et que des millions de personnes souffrent et meurent de faim » alors que par ailleurs, on jette des tonnes de nourriture ! « La faim est un crime », écrit le Saint Père !
Enfin, un autre souhait présent dans ce chapitre de l’encyclique concerne l’ONU : face à la prédominance de la dimension économique, le devoir des Nations unies sera de donner un caractère concret au concept de « famille de Nations » en travaillant pour le bien commun, l’éradication de la pauvreté et la protection des droits humains. En assurant « un recours inlassable à la négociation, aux bons offices et à l’arbitrage », l’ONU doit promouvoir la force du droit sur le droit de la force, affirme le Pape François (Fratelli Tutti §173-175).

+Jean Pierre COTTANCEAU
© Archidiocèse de Papeete – 2020

AUDIENCE GENERALE

LA VIERGE MARIE, FEMME DE PRIERE

Ce mercredi 18 novembre, depuis la bibliothèque Palais apostolique, le Pape a poursuivi son cycle de catéchèses sur la prière lors de l’audience générale. Il s’est arrêté aujourd’hui sur la femme de prière qu’est la Vierge Marie. Suivant son exemple, François invite, dans la prière, à se mettre dans une attitude de disponibilité, avec un cœur ouvert à la volonté de Dieu, en ne dirigeant pas sa vie de manière autonome mais en la remettant entre les mains du Seigneur.
 
 
Chers frères et sœurs, bonjour !
Dans notre chemin de catéchèse sur la prière, nous rencontrons aujourd’hui la Vierge Marie, comme femme de prière. La Vierge priait. Quand le monde l’ignore encore, quand elle est encore une simple jeune fille fiancée à un homme de la maison de David, Marie prie. Nous pouvons imaginer la jeune fille de Nazareth recueillie en silence, en dialogue permanent avec Dieu, qui bientôt devait lui confier sa mission. Elle est déjà pleine de grâce et immaculée depuis sa conception, mais elle ne sait encore rien de sa vocation surprenante et extraordinaire et de la mer en tempête qu’elle devra sillonner. Une chose est certaine : Marie appartient au grand groupe de ces humbles de cœur que les historiens officiels n’insèrent pas dans leurs livres, mais avec lesquels Dieu a préparé la venue de son Fils.
Marie ne dirige pas sa vie de façon autonome : elle attend que Dieu prenne les rênes de son chemin et la guide où Il veut. Elle est docile, et avec cette disponibilité elle prédispose les grands événements auxquels Dieu participe dans le monde. Le Catéchisme nous rappelle sa présence constante et attentive dans le dessein bienveillant du Père et tout au long de la vie de Jésus (cf. CEC, n°2617-2618).
Marie est en prière, quand l’archange Gabriel vient lui apporter l’annonce à Nazareth. Son “Me voici”, petit et immense, qui à ce moment-là fait sursauter de joie la création tout entière, avait été précédé dans l’histoire du salut par tant d’autres “me voici”, par tant d’obéissances confiantes, par tant de disponibilités à la volonté de Dieu. Il n’y a pas de meilleure manière de prier que de se mettre, comme Marie, dans une attitude d’ouverture, de cœur ouvert à Dieu : “Seigneur, ce que Tu veux, quand Tu veux et comme Tu veux”. C’est-à-dire le cœur ouvert à la volonté de Dieu. Et Dieu répond toujours. Combien de croyants vivent ainsi leur prière ! Ceux qui sont les plus humbles de cœur prient ainsi : avec l’humilité essentielle, disons-le ainsi ; avec une humilité simple : « Seigneur, ce que Tu veux, quand Tu veux et comme Tu veux ». Et ces derniers prient ainsi, en ne se mettant pas en colère parce que les journées sont pleines de problèmes, mais en allant vers la réalité et en sachant que dans l’amour humble, dans l’amour offert dans chaque situation, nous devenons des instruments de la grâce de Dieu. Seigneur, ce que Tu veux, quand Tu veux et comme Tu veux. Une prière simple, mais c’est mettre notre vie entre les mains du Seigneur : que ce soit Lui qui nous guide. Nous pouvons tous prier ainsi, presque sans mots.
La prière sait adoucir l’inquiétude : mais, nous sommes inquiets, nous voulons toujours les choses avant de les demander et nous les voulons tout de suite. Cette inquiétude nous fait mal, et la prière sait adoucir l’inquiétude, elle sait la transformer en disponibilité. Quand je suis inquiet, je prie et la prière ouvre mon cœur et me rend disponible à la volonté de Dieu. La Vierge Marie, en ces quelques instants de l’Annonciation, a su repousser la peur, tout en ayant le présage que son “oui” lui aurait procuré des épreuves très dures. Si, dans la prière, nous comprenons que chaque jour donné à Dieu est un appel, alors nous élargissons notre cœur et nous accueillons tout. On apprend à dire : “Ce que Tu veux Seigneur. Promets-moi que tu seras présent à chaque pas de mon chemin”. Cela est important : demander sa présence au Seigneur à chaque pas de notre chemin : qu’il ne nous laisse pas seuls, qu’il ne nous abandonne pas dans la tentation, qu’il ne nous abandonne pas dans les mauvais moments. Le final du Notre Père est ainsi : la grâce que Jésus lui-même nous a enseignée à demander au Seigneur.
Marie accompagne en prière toute la vie de Jésus, jusqu’à la mort et à la résurrection ; et, à la fin elle continue, et elle accompagne les premiers pas de l’Église naissante (cf. Ac 1,14). Marie prie avec les disciples qui ont traversé le scandale de la croix. Elle prie avec Pierre, qui a cédé à la peur et a pleuré de remords. Marie est là, avec les disciples, parmi les hommes et les femmes que son Fils a appelés pour former sa communauté. Marie ne joue pas le rôle d’un prêtre parmi eux, non ! Elle est la mère de Jésus qui prie avec eux, en communauté, comme une personne de la communauté. Elle prie avec eux et elle prie pour eux. Et, à nouveau, sa prière précède l’avenir qui va se réaliser : par l’œuvre de l’Esprit Saint, elle est devenue la Mère de Dieu, et par l’œuvre de l’Esprit Saint, elle devient la Mère de l’Église. En priant avec l’Église naissante, elle devient la Mère de l’Église, elle accompagne les disciples dans les premiers pas de l’Église dans la prière, en attendant l’Esprit Saint. En silence, toujours en silence. La prière de Marie est silencieuse. L’Évangile nous raconte seulement une prière de Marie : à Cana, quand elle demande à son Fils, pour ces pauvres gens qui allaient faire une mauvaise impression pendant cette fête. Imaginons : faire une fête de mariage et la finir avec du lait parce qu’il n’y avait plus de vin ! Quelle mauvaise impression ! Et Elle prie et demande à son Fils de résoudre ce problème. La présence de Marie est en elle-même une prière, et sa présence parmi les disciples au Cénacle, en attendant l’Esprit Saint, est en prière. Ainsi, Marie fait naître l’Église, elle est la Mère de l’Église. Le Catéchisme explique : « Dans la foi de son humble servante le Don de Dieu - c’est-à-dire l’Esprit Saint - trouve l’accueil qu’il attendait depuis le commencement des temps. » (CEC, n°2617).
Chez la Vierge Marie, l’intuition féminine naturelle est exaltée par son union très particulière avec Dieu dans la prière. C’est pourquoi, en lisant l’Évangile, nous remarquons qu’elle semble quelquefois disparaître, pour ensuite ré-affleurer dans les moments cruciaux : Marie est ouverte à la voix de Dieu qui guide son cœur, qui guide ses pas là où il y a besoin de sa présence. Une présence silencieuse de mère et de disciple. Marie est présente parce qu’elle est Mère, mais elle est également présente parce qu’elle est la première disciple, celle qui a le mieux appris les choses de Jésus. Marie ne dit jamais : « Venez, je résoudrai les choses ». Mais elle dit : « Faites ce qu’Il vous dira », toujours en indiquant Jésus du doigt. Cette attitude est typique du disciple, et elle est la première disciple : elle prie comme Mère et elle prie comme disciple.
« Quant à Marie, elle conservait avec soin tous ces souvenirs et les méditait en son cœur » (Lc 2,19). C’est ainsi que l’évangéliste Luc décrit la Mère du Seigneur dans l’Évangile de l’enfance. Tout ce qui arrive autour d’elle finit par avoir un reflet au plus profond de son cœur : les jours pleins de joie, comme les moments les plus sombres, quand elle aussi a du mal à comprendre par quelles routes doit passer la Rédemption. Tout finit dans son cœur, pour être passé au crible de la prière et être transfiguré par celle-ci. Qu’il s’agisse des dons des Rois mages, ou bien de la fuite en Égypte, jusqu’à ce terrible vendredi de passion : la Mère conserve tout et porte tout dans son dialogue avec Dieu. Certains ont comparé le cœur de Marie à une perle d’une splendeur incomparable, formée et polie par l’accueil patient de la volonté de Dieu à travers les mystères de Jésus médités en prière. Comme il serait beau que nous puissions nous aussi ressembler un peu à notre Mère ! Avec le cœur ouvert à la parole de Dieu, avec le cœur silencieux, avec le cœur obéissant, avec le cœur qui sait recevoir la Parole de Dieu et qui la laisse grandir avec une semence du bien de l’Église.

© Libreria Editrice Vaticana – 2020

ÉCOLOGIE

EST-IL PLUS ECOLO DE S’INFORMER SUR PAPIER OU SUR ECRAN ?

Cas de conscience. Pour s’informer tout en respectant la nature, vaut-il mieux cliquer sur un article ou ouvrir un journal papier ? La réponse est plus nuancée qu’il n’y paraît.
 
 
« Je prends la version numérique, c’est plus écologique ! » L’argument, brandi par des voix souvent jeunes au service abonnement des journaux, paraît imparable. Surgissent des images d’arbres à terre, de rotatives projetant de l’encre polluante, de camions sillonnant l’Hexagone… Alors que, en face, un simple clic fait apparaître un article de presse sur un smartphone, sans matérialité apparente et une infime culpabilité écologique.
L’impact écologique du numérique
Plus vert, forcément plus vert, le journal sur écran ? La rare étude sur « l’empreinte carbone du secteur de l’édition » remonte à 2012. Commandée par l’Association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d’information (Wan-Ifra) et réalisée à partir de données suédoises et finlandaises, elle concluait étonnamment que la lecture d’un magazine sur support papier et son équivalent en ligne avaient des bilans carbones similaires, mais aussi très variables.
Plus un journal imprimé est lu et circule, moins il émet de CO2 au numéro, pour produire de l’information, être imprimé, distribué et recyclé. À l’inverse, la facture verte de sa version numérique grimpe en fonction du temps de lecture et de l’impression ou non des articles.
À défaut d’arbitrer le match, l’étude financée par la presse imprimée montre que la réponse est complexe et dépend de multiples facteurs (blanchiment du papier, durée d’utilisation des smartphones, etc…). Le journal papier, beaucoup plus consommateur d’énergie au stade de sa production, a l’avantage d’émettre une empreinte carbone unique. Une fois imprimé, il peut se conserver et se partager. À la différence de la presse numérique, où les articles téléchargés empruntent à chaque nouvelle lecture un réseau bien matériel de câbles et d’énergivores centres informatiques pour être acheminés jusqu’à nos ordinateurs, tablettes ou smartphones.
Ces terminaux, bourrés de technologie et gourmands en minerais rares, représentent jusqu’à 80 % de la facture verte du numérique, qui est responsable d’environ 4 % des émissions mondiales à effet de serre. Une part qui pourrait doubler d’ici à 2040.
Mesurer et comparer l’empreinte carbone
« Si l’on dispose d’une image claire des impacts du numérique au niveau global, il est très difficile de descendre avec précision à une échelle plus fine, car les réseaux numériques sont complexes et mondialisés. Et un smartphone sert à bien d’autres choses que lire un journal, souligne Éric Vidalenc, économiste à l’Agence de la transition écologique (Ademe). Alors que, en face, on a des filières qui connaissent bien leurs flux de matières et ressources. » Un «  gros projet d’analyse et de comparaison des différents services numériques versus leur version matérielle ou analogique » est toutefois en cours à l’Ademe dans la perspective de l’arrivée de la 5G.
« La force de l’imprimé par rapport au numérique est que l’on sait mesurer son empreinte carbone », insiste Benoît Moreau, qui a développé une méthodologie pour la quantifier. Sa société Infograph a ainsi calculé qu’un quotidien régional émettait au numéro, en moyenne, 200 grammes d’équivalent CO2 sur son cycle de vie, soit l’envoi d’une dizaine de courriels. De l’autre côté de l’Atlantique, une étude similaire a évalué l’impact sur l’environnement du National Geographic à 820 grammes d’équivalent CO2 par exemplaire, soit ce que parcourt une voiture sur trois kilomètres.
Comment la presse papier évolue
Disposer d’un outil de mesure permet aussi d’agir. C’est l’objectif de la « calculette carbone » développée par Infograph pour le groupe Bayard (auquel appartient La Croix L’Hebdo), pressé par ses lecteurs de la presse jeunesse de montrer patte verte. « Cet instrument nous permet de comparer les pratiques ou de rapprocher les centres de production, relève Nicolas Mathieu, le directeur industriel du groupe de presse. Notre bilan carbone provient en grande partie de la production de l’imprimé. Mais beaucoup d’efforts ont été accomplis. La production papier, issue de forêts labellisées, contribue davantage à développer les forêts qu’à les détruire. La plupart des papetiers réutilisent une partie de l’eau. Le papier de La Croix quotidien vient ainsi de l’usine vosgienne de Golbey (le papier de L’Hebdo, lui aussi, provient de forêts gérées durablement), mais des progrès restent à faire au niveau des transports, encore souvent au diesel », détaille-t-il.
La loi sur l’économie circulaire a par ailleurs programmé au 1er janvier 2022 l’interdiction du plastique emballant la presse et l’utilisation de certaines encres. Les éditeurs de presse, dont le groupe Bayard, travaillent à des solutions alternatives : blisters à partir de fibre de cellulose, suppression totale de l’emballage ou enveloppes papier. La loi a aussi fixé des objectifs de recyclage. « 95 % du papier d’un quotidien est déjà recyclé en moyenne sept fois, mais les magazines devront eux encore progresser », note Philippe Chantepie, coauteur d’un rapport sur la mise en œuvre de cette loi.
« L’imprimé comme le numérique doivent être plus sobres, mais la vraie question est celle de l’efficacité : quel mode d’information va le mieux vous faire lire ? », remarque Benoît Moreau, d’Infograph. Acheter un journal papier, c’est aussi soutenir la chaîne de valeurs et les emplois au sein d’une filière. C’est également davantage contribuer à la viabilité économique d’un journal, l’essentiel des recettes d’un titre de presse provenant encore de l’imprimé.

© La Croix – 2020

COVID-19

SUICIDE : L’AUTRE VAGUE A VENIR DU CORONAVIRUS ? (1)

Le lien entre le risque suicidaire et les crises économiques et sociales est connu, notamment depuis la crise de 1929. Qu’en est-il s’agissant de la crise sanitaire (et de ses effets économiques et sociaux) que nous sommes collectivement en train de vivre ? Afin de mesurer, notamment, les effets du premier confinement sur le risque suicidaire de certaines catégories de la population, la Fondation Jean-Jaurès a realisé une enquête dirigée par Michel Debout, professeur de médecine légale et membre de l’Observatoire national du suicide.
 
 
I – Les chiffres clefs
•    20 % des personnes interrogées ont déjà envisagé sérieusement de se suicider ; 
•    25 % des artisans-commerçants ont envisagé sérieusement de se suicider ; 
•    27 % des chômeurs et des dirigeants d’entreprise ont envisagé sérieusement de se suicider ; 
•    Parmi ceux qui ont envisagé de se suicider dans notre enquête, 25 % sont âgés entre 18 et 24 ans ;
•    Parmi les personnes qui ont envisagé de se suicider, 24 % sont des femmes de moins de 35 ans ; 
•    Parmi les personnes qui ont envisagé de se suicider, 11 % l’ont envisagé durant le premier confinement, 17 % depuis la fin du premier confinement ; 
•    Parmi les personnes qui ont déjà envisagé le suicide (20 % des Français), 27 % ont déjà fait une tentative de suicide provoquant une hospitalisation (22 % en 2016) ; 
•    Au total, en France, 5 % des personnes interrogées disent avoir fait une tentative de suicide provoquant une hospitalisation (5 % en 2016) ; 
•    Au cours des douze derniers mois, 10 % des Français ont pris des antidépresseurs (16 % des chômeurs) ; 
•    Au cours des douze derniers mois, 11 % des artisans-commerçants ont pris des anxiolytiques (9 % des Français), 7 % des neuroleptiques (2 % des Français). 
II – Les effets suicidaires des crises
Le lien entre le risque suicidaire et les crises économiques et sociales est connu depuis la crise de 1929, à l’origine d’une progression du nombre de suicides, observée notamment aux États-Unis. La crise de 1929 a particulièrement marqué ce pays, ses effets ont été l’objet d’une étude approfondie du sociologue Maurice Halbwachs, disciple d’Émile Durkheim. La progression du nombre de suicides se retrouve à l’occasion d’autres crises dans le monde, spécifiquement dans certains pays, notamment européens. C’est le cas par exemple de la crise financière de 2008 à l’origine d’une surmortalité suicidaire dans l’ensemble des pays européens.
Toutes les études montrent que les effets suicidaires des crises se font sentir dans un délai de plusieurs mois voire quelques années. Ainsi, pour celle de 1929, c’est à partir des années 1930-1931 qu’on a pu observer le pic le plus élevé et pour celle de 2008, c’est en 2009 et 2010. Il y a toujours un décalage entre la déstructuration économique et sociale et les réactions des personnes les plus affectées sur le plan individuel et collectif. Elles ne trouvent comme unique issue à leur vécu de dévalorisation, de désocialisation et de dépression que leur effacement de la vie quand ce n’est pas un passage à l’acte violent pour protester contre l’injustice du monde.
Ce décalage ne permet donc pas de connaître dès maintenant les effets de la crise liés à la pandémie de la Covid-19 sur le risque suicidaire en France. Il faudra plusieurs mois pour recueillir les données statistiques concernant le nombre de suicides et de tentatives de suicide recensées depuis le mois de mars 2020 et le premier confinement.
C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité mesurer, notamment, les idées suicidaires déclarées, avant, pendant et après le premier confinement, lors d’une enquête réalisée au mois de septembre dernier par l’Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès sous la direction de Jérôme Fourquet en les comparant avec les idées suicidaires mesurées il y a quatre ans, en février 2016, lors d’une autre enquête réalisée également par la Fondation Jean-Jaurès.
III – Le confinement facteur de protection, le déconfinement facteur de risque
Nos premiers résultats permettent de mesurer les effets sur les idées suicidaires de la période de confinement entre le 16 mars et le 15 juin 2020 en les comparant avec l’ensemble de l’année 2020 et avec la période du premier déconfinement.
Les enseignements globaux peuvent surprendre. On a pu considérer, en effet, la période de confinement comme une période de forte contrainte, notamment pour la population la plus démunie, ce qui ne s’est pas traduit par une augmentation des intentions suicidaires pendant cette période, notamment en comparaison avec « l’après confinement ». Cette observation n’est paradoxale qu’en apparence car au moins trois facteurs peuvent l’expliquer.
L’effet du confinement a largement modifié le rapport au quotidien mais aussi à l’existence elle-même du fait d’une menace diffuse et incertaine liée au virus. Avec une régularité surprenante, le ministre puis le directeur général de la Santé égrenaient jour après jour les effets morbides. Cette menace a atteint, de façon indifférenciée, tous les Français et les Françaises, quelles que soient leur situation personnelle et leur problématique psycho-relationnelle. Nous étions tous égaux face à la menace qui n’était pas relative à notre personne (comme peut l’être une réaction anxio-dépressive face à une situation personnelle difficile) mais extérieure à nous, provoquant une volonté de survie éliminant en partie les pensées suicidaires pour renforcer les dynamiques de protection collectives.
Cette observation est conforme à ce qu’a décrit Durkheim dès 1897 dans son ouvrage Le Suicide. Il a montré qu’en temps de guerre le taux de suicides diminuait de façon conséquente ; rappelons que le 16 mars 2020 lors de l’annonce du confinement par le président de la République, celui-ci a répété à six reprises : « Nous sommes en guerre ». Ce qu’ont retenu les Français, c’est qu’ils étaient tous concernés par la menace et qu’ils devaient tous remplir leur devoir de citoyen mobilisé (mais pas de soldat aux ordres de la hiérarchie présidentielle).
La deuxième explication, qui renforce la première, est la solidarité qui s’exprime chaque fois que le groupe lui-même se sent menacé, comme l’a été l’expression spontanée de soutien et de générosité lors de la crue dévastatrice dans les Alpes-Maritimes ou encore l’extraordinaire mouvement de compassion exprimé lors des attentats terroristes de l’année 2015. On retrouve cette expression de solidarité dans les applaudissements adressés à tous les soignants.
La troisième explication, la plus factuelle, réside dans la difficulté du passage à l’acte pendant la période de confinement du fait de l’obligation de résider en permanence avec ses conjoints et ses enfants (seuls 22 % des sondés de notre enquête déclarent être restés seuls durant le premier confinement) ou sous le regard policier chaque fois que l’on essayait d’échapper à ce huis clos. Tout passage à l’acte suicidaire nécessite un moment d’isolement pour sa réalisation rendue, évidemment, plus difficile pendant toute cette période.
Notre enquête nous montre par ailleurs le risque de la reprise des pensées suicidaires à la fin du confinement.
La comparaison des chiffres de 2016 avec ceux de 2020 aurait dû montrer une amélioration entre les deux années du fait qu’en 2016 nous étions au plus fort du chômage de masse (la courbe du chômage n’avait pas encore été inversée) mais elle l’a été à partir de 2018, avec ses effets les plus manifestes en 2019. L’année 2020 devait donc connaître une baisse des pensées suicidaires concernant notamment les chômeurs, les précaires, les plus démunis en moins grand nombre, avec un effet global sur les statistiques en population générale.
Le fait de retrouver des chiffres similaires à 2016 pour la période 2020 (20 % des personnes interrogées disent avoir pensé sérieusement au suicide en 2016 et en 2020) est bien le signe que la période de l’après confinement est une période de fragilisation psycho-sociale à l’origine d’une aggravation des pensées suicidaires.
D’ailleurs, c’est confirmé par les résultats de notre enquête : parmi les 20 % des personnes interrogées qui déclarent avoir déjà envisagé sérieusement de se suicider, 11 % déclarent l’avoir envisagé durant la période de confinement, 17 % depuis la fin du confinement, ce qui doit nous faire prendre conscience collectivement que la crise est devant nous.
IV – Le décès d’un proche suite à un suicide à un suicide élève la fréquence des idées suicidaires.
Un nombre important de familles se pose la question d’une possible hérédité du suicide pouvant expliquer la fréquence de cette mortalité dans l’histoire familiale.
Une étude américaine récente, publiée par la revue The Lancet en février 2019, affirme qu’une des explications possibles du suicide serait d’ordre génétique. Cette idée est ancienne. En effet, on a observé depuis longtemps que certaines familles sont confrontées plus que d’autres au suicide, ce qui laisse à penser que le risque suicidaire serait d’ordre génétique et se transmettrait d’une génération à une autre.
Constater qu’il y a des familles avec des risques suicidaires importants ne signifie pas pour autant qu’ils sont d’origine génétique. Il existe une autre piste explicative : un acte suicidaire initial va être déclencheur d’un traumatisme familial qui provoquera une fragilisation psychique et affective chez les descendants. Ce premier mort a été, parfois, un secret de famille (ce qui lui donnait dans sa filiation une place spécifique parfois obsédante) pour éviter l’opprobre social associé pendant des siècles à la mort par suicide. Ce drame inaugural agit alors comme un « leveur d’interdit » : s’il ou elle a pu le faire, alors pourquoi pas moi ?
Il est très fréquent que des parents confrontés au suicide d’un de leurs enfants craignent que leur frère ou leur sœur puisse à leur tour être en proie à des pensées suicidaires, voire passe à l’acte. Ils vont souvent rechercher dans leurs filiations respectives un aïeul mort lui-même par suicide, ce qui pourra devenir source de conflits entre eux. C’est pourquoi les psychologues doivent toujours aborder avec eux la question de l’hérédité suicidaire qui est très souvent présente dans leur processus de deuil et qui taraude leurs pensées.
Au-delà du suicide d’un proche parent, il est aussi utile de s’intéresser à l’effet du suicide d’un collègue de travail (ou le suicide d’un camarade de classe) sur les pensées suicidaires.
Notre enquête montre que les mentions de l’expérience dans sa vie du suicide d’un collègue de travail sont passées de 6 % dans l’enquête de 2016 à 3 % dans celle de 2020.
Le suicide d’un collègue de travail peut être à l’origine de ce que l’on qualifie de suicide « imitation » par une possible identification d’un travailleur et de ce qu’il vit dans son entreprise : « Si je vis les mêmes affres au travail que lui ou si je suis marqué par la perte de mon emploi comme lui, alors je sais ce qui me reste à faire. »
à suivre

© Jean-Jaurès.org – 2020