Pko 20.09.2020

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la paroisse de la Cathédrale de Papeete n°43/2020

Dimanche 20 septembre 2020 – 25ème Dimanche du Temps ordinaire – Année A

Humeurs

« Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ;
quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire
 »
Georges CLÉMENCEAU

Laissez-moi vous dire

5-6 septembre 2020 : Salon « Désir d’enfant », Porte Champerret à Paris
« La qualité d’une civilisation se mesure au respect qu’elle porte aux plus faibles de ses membres » (Jérôme Lejeune)

Dans la nuit de vendredi 31 juillet 2020, l'Assemblée nationale a adopté, en deuxième lecture, le projet de Loi n° 474 relatif à la bioéthique. En fin de séance, samedi 1er août à 3h40 du matin, Adrien Taquet, secrétaire d’État en charge de l'Enfance et des Familles auprès du ministre des Solidarités et de la Santé concluait ainsi : « Au total, vous venez d’adopter un texte équilibré et porteur d’avancées majeures, véritable hommage à la bioéthique à la française dont nous sommes tous fiers. (…) nous pouvons être fiers de l’étape que nous avons franchie aujourd’hui. » On se demande où se niche la fierté de nos députés alors qu’il n’y avait que 101 votants1 sur 577 députés (!?). Le projet a été adopté par 60 voix contre 37 et 4 abstentions. (Source : assemblee-nationale.fr) Prochaine étape : la seconde lecture du projet par les sénateurs.

Si la légalisation de la DPI-A2 a été rejetée, d’autres dispositions inquiètent les défenseurs de la vie et de la dignité humaine : ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules ; autorisation des embryons transgéniques et chimériques animal-homme ; IMG (Interruption Médicale de Grossesse) autorisée jusqu’à neuf mois pour cause de « détresse psychosociale » ! Cette dernière disposition est la porte ouverte aux IVG jusqu’au terme de la grossesse.

Nous le voyons, ce qui a été présenté par les promoteurs de cette loi comme un véritable « changement de civilisation » piétine les droits de l’enfant à naître au profit des désirs des adultes… Témoin ce salon dénommé « Désir d’enfant » qui a été organisé à Paris les 5-6 septembre. Les organisateurs l’ont présenté comme un « salon informatif non commercial ». Or parmi les conférences proposées, plusieurs étaient centrées sur la PMA et même la GPA. Ainsi des organismes privés étrangers ont exposé ce qu’ils proposent aux femmes ayant un « désir d’enfant ». Une des conférences s’intitulait : « Le contrôle des coûts de la GPA : réduire le stress et se sentir en confiance. Dons d’ovocytes, PMA, GPA… » (Source : desirdenfant.fr) Ainsi, on a appris qu’une GPA aux USA revenait à environ 150 000 $US (15 millions CFP !), mais on pouvait trouver moins cher en Ukraine pour 37 500 $US (3,75 millions CFP). L’association « Juristes pour l’enfance » avait déposé un référé liberté au tribunal administratif de Paris ; le tribunal a estimé que la présence de sociétés étrangères n’était pas une atteinte aux libertés fondamentales.

Le docteur Jérôme Lejeune a été confronté très jeune à la détresse des enfants déficients intellectuels et de leurs familles. La médecine était impuissante face à ces enfants, Jérôme Lejeune leur a consacré sa vie, et a commencé des recherches pour tenter de pénétrer le mystère de ces intelligences blessées qui empêchent la personne d’être pleinement elle-même et pour soulager la souffrance qui en résulte.

En 1958, dans le laboratoire du Pr Turpin, le Dr Jérôme Lejeune assisté de Marthe Gautier, découvre la cause du mongolisme : un chromosome supplémentaire sur la paire 21. Pour la première fois au monde, un lien est établi entre un état de déficit intellectuel et une aberration chromosomique. 

Alors que les résultats de ces recherches auraient dû permettre l’avancée de la médecine dans la voie de la guérison, un bon nombre de scientifiques préfèrent l’élimination des fœtus plutôt que de tenter de soigner la maladie.

Jérôme Lejeune dénonce l'argument du « droit à disposer de son corps ». Il considère qu'un fœtus est un corps distinct de celui de la femme, expliquant que la femme fait le nécessaire pour rejeter l’enfant lors de l'accouchement, preuve qu’il n'est pas le corps de la femme . Face aux propositions d'interruption volontaire de grossesse (IVG), il détourne l'acronyme en parlant d'« interruption de la vie gênante ».

La Fondation Jérôme Lejeune, reconnue d’utilité publique depuis 1996, agit pour les personnes atteintes de déficience intellectuelles d’origine génétique (Trisomie 21, Williams-Beuren, X-fragile, maladie du cri du chat, Smith Magenis, syndrome de Rett et syndrome d’Angelman, retards mentaux inexpliqués…). Elle poursuit trois missions : chercher, soigner, défendre. [Source : fondationlejeune.org]

À l’heure où l’écologie, la défense de la nature, la sauvegarde des espèces en voie de disparition… alimentent tous les discours politiques on s’étonne que la vie humaine -plus particulièrement celle de l’enfant à naître ait si peu d’importance. Notre civilisation serait-elle sur le déclin ? Comme Jérôme Lejeune, nous affirmons que : « la qualité d’une civilisation se mesure au respect qu’elle porte aux plus faibles de ses membres ».

Dominique SOUPÉ

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1.Les députés de Polynésie française n’ont pas pris part au vote.

2.DPI-A = Diagnostic génétique Pré-implantatoire des Aneuploïdies, technique qui permet lors de la fécondation in vitro (FIV) de détecter les embryons qui comportent une anomalie chromosomique (comme la trisomie 21) et de les éliminer pour ne réimplanter que des embryons dits « sains ».

3. Après cinq ans de recueil d’informations, l’enquête diocésaine pour la cause de béatification du « serviteur de Dieu » Jérôme Lejeune (1926-1994) a été clôturée le 11 avril 2012, et transmise à Rome à la Congrégation des causes des saints.

© Paroisse de la Cathédrale – 2020

Regard sur l’actualité…

Mort d’un enfant « secoué » !

Il y a quelques jours de cela, l’actualité du Fenua faisait état de ce dramatique évènement d’un nourrisson décédé d’avoir été violemment secoué. L’évocation médicale de ce qu’avait subi ce bébé, et surtout le fait de l’implication de ses parents ne pouvaient laisser personne indifférent. Il était même légitime que d’aucuns se posent la question de savoir comment une telle chose était possible.

Sans chercher à « récupérer » cet évènement, et sans vouloir se substituer à la justice des Hommes pour déterminer responsabilités et circonstances atténuantes, nous pouvons cependant refuser la fatalité, refuser de baisser les bras et chercher une lumière ouvrant à l’espérance pour que de pareilles tragédies ne se reproduisent plus. N’est-ce pas notre combat à la suite du Christ, croire en la personne humaine ? Dans son exhortation apostolique « Amoris Laetitia », le Pape François nous ouvre à ce qui peut aider nos familles à devenir aussi de « saintes familles », c’est-à-dire des familles où jour après jour, et malgré obstacles et difficultés psychologiques, économiques ou autres, le désir d’aimer grandit et porte du fruit.

Il nous invite d’abord à sortir de ce mirage du « tout, tout de suite » qui conduit à des engagements fondamentaux pris à la hâte et pour lesquels nous ne sommes pas prêts par manque de maturité : « L’amour a besoin de temps disponible et gratuit, qui fait passer d’autres choses au second plan. Il faut du temps pour dialoguer, pour s’embrasser sans hâte, pour partager des projets, pour s’écouter, pour se regarder, pour se valoriser, pour renforcer la relation. Parfois le problème, c’est le rythme frénétique de la société, ou les horaires ».

Il insiste sur la qualité des relations, de l’écoute de l’autre lorsqu’il ou elle partage des peines cachées, des souffrances intérieures, des incompréhensions. Problème de la communication qui fait que souvent, on entend, mais on n’écoute pas ! « Nous partageons uniquement un espace physique mais sans nous prêter attention mutuellement » nous dit le Pape François. Entre mari et femme, entre parents et enfants, quel cœur à cœur nous relie, pour que chaque membre de la famille grandisse et s’épanouisse ? Pour que difficultés personnelles, souffrances intérieures soient portées à deux dans un dialogue mari–femme ?

Il rappelle également à sa façon ce que déclare le Psaume 127 : « Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs ; si le Seigneur ne garde la ville, en vain la garde veille ». Ainsi, écrit-il, « il faut encourager chacun des conjoints à avoir des moments de prière dans la solitude face à Dieu, car chacun a ses croix secrètes. Pourquoi ne pas dire à Dieu ce qui perturbe le cœur, ou lui demander la force de guérir les blessures personnelles, et implorer la lumière nécessaire pour pouvoir répondre à son propre engagement ? » En d’autres termes, la prière ne résout pas les problèmes comme par miracle, mais elle peut donner le courage de les affronter en face avec courage, lucidité, et aider à prendre les bonnes décisions. Et c’est déjà beaucoup !!!

Marie et Joseph réunis dans un même mystère d’amour accueilli, donné et partagé ont accueilli Jésus qui a pu compter sur une maman et sur un père adoptif pour grandir harmonieusement et prendre sa dimension d’adulte. Sainte Famille où la relation entre époux et épouse se développe dans le respect de chacun, l’attention et le dialogue, la bienveillance et la patience. Sainte Famille où Dieu a sa place…

Ne nous décourageons pas, et reprenons notre route, pour que nos familles soient un peu plus chaque jour de « saintes familles » où les enfants soient accueillis et aimés...

+Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete – 2020

Audience générale

Guérir le monde : Retrouver le sens de la contemplation pour soigner la création

Devant quelques centaines de fidèles réunis dans la cour Saint Damase pour l’audience générale hebdomadaire, le Pape François a poursuivi son cycle de catéchèse sur « guérir le monde » après la pandémie. Pour le Saint-Père, le soin que nous portons à nos frères et sœurs humains doit s’appliquer aussi envers la création. Pour ce faire, il est important de retrouver un regard contemplatif sur elle.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Pour sortir d'une pandémie, il est nécessaire de se soigner et de nous soigner mutuellement. Et il faut soutenir ceux qui prennent soin des plus pauvres, des malades et des personnes âgées. On a l'habitude de laisser de côté les personnes âgées, de les abandonner : cela n’est pas bien. Ces personnes – bien définies par le terme espagnol “cuidadores”, ceux qui prennent soin des malades – exercent un rôle essentiel dans la société d'aujourd'hui, même si souvent elles ne reçoivent pas la reconnaissance et la rémunération qu'elles méritent. Prendre soin est une règle d'or de notre condition d'êtres humains, et cela apporte en soi la santé et l'espérance (cf.  Enc. Laudato si’ [LS], n. 70). Prendre soin de celui qui est malade, de celui qui a besoin, de celui qui est laissé de côté : c'est une richesse humaine et également chrétienne.

Ce soin, nous devons également l'apporter à notre maison commune : à la terre et à chaque créature. Toutes les formes de vie sont liées (cf. ibid., nn.137-138), et notre santé dépend des écosystèmes que Dieu a créés et dont il nous a chargé de prendre soin (cf. Gn 2,15). En abuser, en revanche, est un grave péché qui crée des dommages, qui fait mal et qui rend malade (cf. LS, n.8 ; n.66). Le meilleur antidote contre cette usage impropre de notre maison commune est la contemplation (cf. ibid., n.85 ; 214). Mais comment cela se fait-il ? N'y a-t-il pas un vaccin pour cela, pour le soin de la maison commune, pour ne pas la laisser de côté ? Quel est l'antidote contre la maladie de ne pas prendre soin de la maison commune ? C'est la contemplation. « Quand quelqu’un n’apprend pas à s’arrêter pour observer et pour évaluer ce qui est beau, il n’est pas étonnant que tout devienne pour lui objet d’usage et d’abus sans scrupule » (ibid., n.215). Toutefois, notre maison commune, la création, n'est pas une simple “ressource”. Les créatures ont une valeur en elles-mêmes et « reflètent, chacune à sa façon, un rayon de la sagesse et bonté infinies de Dieu » (Catéchisme de l'Église catholique, n.339). Cette valeur et ce rayon de lumière divine doit être découvert et, pour le découvrir, nous avons besoin de rester en silence, nous avons besoin d'écouter, et nous avons besoin de contempler. Même la contemplation guérit l'âme.

Sans contemplation, il est facile de tomber dans un anthropocentrisme déséquilibré et orgueilleux, le “moi” au centre de tout, qui sur-dimensionne notre rôle d'êtres humains, en nous plaçant comme les dominateurs absolus de toutes les autres créatures. Une interprétation déformée des textes bibliques sur la création a contribué à cette vision erronée, qui conduit à exploiter la terre jusqu'à l'étouffer. Exploiter la création : voilà quel est le péché. Nous croyons être au centre, en prétendant occuper la place de Dieu et, ainsi, nous détruisons l'harmonie de la création, l'harmonie du dessein de Dieu. Nous devenons des prédateurs, nous oublions notre vocation de gardiens de la vie. Certes, nous pouvons et nous devons travailler la terre pour vivre et nous développer. Mais le travail n'est pas synonyme d'exploitation, et il est toujours accompagné par le soin : labourer et protéger, travailler et prendre soin… Telle est notre mission (cf. Gn 2,15). Nous ne pouvons pas prétendre continuer à grandir au niveau matériel, sans prendre soin de la maison commune qui nous accueille. Nos frères les plus pauvres et notre mère la terre gémissent à cause des dommages et de l'injustice que nous avons provoqués et ils réclament une autre route. Ils réclament de nous une conversion, un changement de route : prendre soin également de la terre, de la création.

Il est donc important de retrouver cette dimension contemplative, c'est-à-dire de regarder la terre, la création comme un don, pas comme quelque chose à exploiter pour le profit. Quand nous contemplons, nous découvrons chez les autres et dans la nature quelque chose de beaucoup plus grand que leur utilité. Le cœur du problème est là : contempler c'est aller au-delà de l'utilité d'une chose. Contempler la beauté ne veut pas dire l'exploiter : contempler est gratuité. Nous découvrons la valeur intrinsèque des choses que Dieu leur a conférée. Comme l'ont enseigné de nombreux maîtres spirituels, le ciel, la terre et la mer, chaque créature possède cette capacité iconique, cette capacité mystique de nous reconduire au Créateur et à la communion avec la création. Par exemple, saint Ignace de Loyola, à la fin de ses exercices spirituels, invite à se mettre en “contemplation pour parvenir à l'amour”, c'est-à-dire à considérer comment Dieu regarde ses créatures et à se réjouir avec elles ; à découvrir la présence de Dieu dans ses créatures et, avec liberté et grâce, les aimer et en prendre soin.

La contemplation, qui nous conduit à une attitude de soin, n'est pas le fait de regarder la nature de l'extérieur, comme si nous n'y étions pas plongés. Mais nous sommes à l'intérieur de la nature, nous faisons partie de la nature. Elle se fait plutôt à partir de l'intérieur, en nous reconnaissant comme une partie de la création, en devenant des protagonistes et non de simples observateurs d'une réalité amorphe qui s'agirait seulement d'exploiter. Celui qui contemple de cette manière éprouve de l'émerveillement non seulement pour ce qu'il voit, mais également parce qu'il se sent faire partie intégrante de cette beauté ; et il se sent également appelé à la préserver, à la protéger. Et il y a une chose que nous ne devons pas oublier : celui qui ne sait pas contempler la nature, la création, ne sait pas contempler les personnes dans leur richesse. Et celui qui vit pour exploiter la nature, finit par exploiter les personnes et les traiter comme des esclaves. C'est une loi universelle : si tu ne sais pas contempler la nature, il sera très difficile que tu saches contempler les gens, la beauté des personnes, ton frère, ta sœur.

Celui qui sait contempler se mettra plus facilement à l'œuvre pour changer ce qui cause la dégradation et des dommages à la santé. Il s'engagera à éduquer et à promouvoir de nouvelles habitudes de production et de consommation, à contribuer à un nouveau modèle de croissance économique qui garantisse le respect de la maison commune et le respect pour les personnes. Le contemplatif en action tend à devenir un gardien de l'environnement : cela est beau ! Chacun de nous doit être un gardien de l'environnement, de la pureté de l'environnement, en cherchant à conjuguer les savoirs ancestraux de cultures millénaires avec les nouvelles connaissances techniques, afin que notre style de vie soit toujours durable.

Enfin, Contempler et prendre soin : voilà deux attitudes qui montrent la voie pour corriger et rééquilibrer notre relation d'êtres humains avec la création. Très souvent, notre relation avec la création semble être une relation entre ennemis : détruire la création à mon avantage ; exploiter la création à mon avantage. N'oublions pas que cela se paye cher ; n'oublions pas ce dicton espagnol : “Dieu pardonne toujours ; nous pardonnons parfois; la nature ne pardonne jamais”. Aujourd'hui, je lisais dans le journal une nouvelle sur ces deux grands glaciers de l'Antarctique, près de la Mer d'Amundsen : ils vont tomber. Ce sera terrible, parce que le niveau de la mer montera et cela provoquera de nombreuses, nombreuses difficultés et beaucoup de mal. Et pourquoi ? À cause du réchauffement, du manque de soin de l'environnement, du manque de soin de la maison commune. En revanche, si nous avons cette relation – je me permets le mot – “fraternelle” au sens figuré avec la création, nous deviendrons les gardiens de la maison commune, les gardiens de la vie et les gardiens de l'espérance, nous sauvegarderons le patrimoine que Dieu nous a confié afin que les générations futures puissent en jouir. Et certains peuvent dire : “Mais moi, je m'en tire bien comme ça”. Mais le problème n'est pas comment tu t'en tires aujourd'hui – c'était ce que disait un théologien allemand, protestant, compétent : Bonhoeffer – le problème n'est pas comment tu t'en tires toi, aujourd'hui ; le problème est : quel sera l'héritage, la vie de la génération future. Pensons aux enfants, aux petits-enfants : que leur laisserons-nous si nous exploitons la création. Sauvegardons ce chemin, ainsi nous deviendrons des “gardiens” de la maison commune, des gardiens de la vie et de l'espérance. Sauvegardons le patrimoine que Dieu nous a confié, afin que les générations futures puissent en profiter. Je pense de manière particulière aux peuples autochtones, envers lesquels nous avons tous une dette de reconnaissance – et même de pénitence, pour réparer tout le mal que nous leur avons fait. Mais je pense également à ces mouvements, associations, groupes populaires, qui s'engagent pour protéger leur territoire avec ses valeurs naturelles et culturelles. Ces réalités sociales ne sont pas toujours appréciées, on leur fait même parfois obstacle, parce qu'elles ne produisent pas d'argent ; mais en réalité, elles contribuent à une révolution pacifique, nous pourrions l'appeler la “révolution du soin”. Contempler pour prendre soin, contempler pour sauvegarder, nous sauvegarder, ainsi que la création, nos enfants, nos petits-enfants et sauvegarder l'avenir. Contempler pour prendre soin et pour sauvegarder et pour laisser un héritage à la génération future.

Il ne faut cependant pas déléguer à certaines personnes ce qui est la tâche de chaque être humain. Chacun de nous peut et doit devenir un “gardien de la maison commune”, capable de louer Dieu pour ses créatures, de contempler les créatures et de les protéger.

© Libreria Editrice Vaticana – 2020

Tribune

Référendum en Nouvelle Calédonie :
« La posture anticoloniale venue de la métropole nous indigne car elle nous déresponsabilise »

Les « stéréotypes » simplificateurs ne rendent pas compte de la réalité d’un peuple métissé qui cherche à se forger un destin commun, affirment quatre intellectuels calédoniens, parmi lesquels Emmanuel Tjibaou, dans une tribune au « Monde ».

« La parole est le fruit du silence. » Ces mots de Déwé Gorodé trouvent une résonance particulière en nous. Comme notre illustre compatriote, poétesse kanak, figure indépendantiste de notre pays, la Nouvelle-Calédonie, nous savons que prendre la parole, chez nous, n’est jamais anodin. Dans la culture kanak, la parole est une manifestation de « l’être », donc de la vie. Le chef initie et reçoit les paroles qui voyagent à travers le pays. Cette valorisation du verbe s’est largement transmise aux autres communautés. Les Calédoniens ne s’expriment qu’en légitimité, après avoir énoncé qui ils sont et d’où ils viennent.

Nous sommes des intellectuels calédoniens – kanak et européens. Nous étions enfants pendant les « événements » [1984-1988], chacun retranché dans son « camp ». Trente-cinq ans plus tard, nous nous apprêtons à voter au référendum. Dans des sens différents. Jolie revanche sur notre histoire : quand nos anciens ont pu prendre les armes les uns contre les autres, aujourd’hui nous prenons la plume ensemble et sortons du silence pour dire notre exaspération face à une pensée simplificatrice venue de métropole. Comme celle d’Edwy Plenel.

Dans la postface de l’ouvrage Une décolonisation au présent, de Joseph Confavreux et Mediapart (La Découverte), paru en août, il écrit : « Un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre (…) Soit [la France] persiste dans des logiques d’appropriation, de puissance et de domination (…). Soit elle saisit cette occasion pour se libérer elle-même de la question coloniale, en accompagnant l’indépendance en relation voulue par les indépendantistes de Kanaky. »

Comme tant d’autres, il continue d’observer notre archipel avec une grille de lecture datant des années 1980. Quarante ans ont passé ! Nous devons sortir de l’imposture intellectuelle réduisant l’analyse de la situation calédonienne à l’existence d’un système colonial institutionnalisé, où le peuple kanak serait aujourd’hui encore opprimé. Dire cela n’est pas s’opposer à la perspective d’une indépendance, c’est simplement affirmer que la réflexion doit être guidée par une éthique de vérité. Il faut avoir le courage de la nuance, et refuser les stéréotypes réconfortants, pour embrasser cette réalité calédonienne tellement complexe.

Oui, notre pays s’est bâti sur des ségrégations créées par l’histoire coloniale. Et comme il est toujours, pour l’observateur, plus simple de voir les différences que de comprendre la structuration de ce qui est homogène, on nous assomme depuis un demi-siècle avec les mêmes clichés opposant Noirs et Blancs, colonisés et colons, riches et pauvres, sans donner de place, jamais, aux familles métisses, si nombreuses, et qui portent en elle la mémoire de toutes nos communautés. Qu’on le veuille ou non, notre créolisation se tisse en silence, depuis bientôt deux siècles. Comme l’écrivait Édouard Glissant : « Nous “savons” que l’Autre est en nous, qui non seulement retentit sur notre devenir mais aussi sur le gros de nos conceptions et sur le mouvement de notre sensibilité. »

Au moment où nous cherchons une solution inédite de vivre-ensemble, les analyses simplificatrices nous indignent parce qu’elles nous déresponsabilisent. Nourrir un discours de victimisation des Calédoniens d’origine kanak, qui, en 2020, seraient délaissés de l’État colonial, est non seulement une contre-vérité absolue (des programmes de discrimination positive existent, des investissements colossaux ont été réalisés pour l’éducation des jeunes Kanak, pour le développement des provinces administrées par des élus indépendantistes) mais entretien l’idée que tout mérite réparation, que tout est un dû.

Par porosité, ce discours a infusé dans toute la Calédonie. Au quotidien, nous assumons les conséquences délétères de ces discours répandus dans toutes les communautés : demandes farfelues d’embauche, acceptation et défiscalisation de projets sans cohérence économique. Voilà comment une posture anticoloniale à la Plenel, nourrie d’une mauvaise conscience aussi compréhensible qu’inutile, entretient par sa prétendues bienveillance un paternalisme tout à fait colonial.

Victoire intellectuelle

Notre identité qui se créolise efface-t-elle els douleurs du passé (spoliations foncières, insurrections kanak réprimées dans le sang, atrocités du bagne…) ? Non, bien entendu. Gomme-t-elle els effets structurels de la colonisation ? Non, car malgré les progrès des trente dernières années, l’accès des Kanaks aux diplômes et aux postes à responsabilité est toujours en deça de celui des autres Calédoniens.

Las, les compétences pour réformer cette situation sont aux mains des élus calédoniens loyalistes et indépendantistes, depuis l’accord de Nouméa (signé en 1998). Ce sont nos élus qui n’ont pas su assez réformer le pays. La « France » d’aujourd’hui n’y est pour rien. Notre incurie est calédonienne. Notre solution sera aussi calédonienne, que l’on reste dans l’espace national ou que l’on quitte la France.

Pour autant, devons-nous nous flageller ? Quel pays peut s’enorgueillir d’être passé si vite d’un état de guerre civile à créolité en consolidation ? Imaginez : à 8 ans, pendant les « évènements », nous pensions respectivement : « ces Blancs veulent nous tuer ! » ou « ces Kanaks veulent nous mettre dans un bateau ! ». En 2018, lors du référendum, un quart des votants se déclarait indécis, d’après une étude du centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipol). Quelle victoire intellectuelle ! Qui aurait été indécis au moment des « évènements » ? Personne. Nous étions bloc contre bloc.

Nous sommes de plus en plus nombreux à ne plus systématiquement nous inscrire dans des fidélités historiques familiales ou ethniques. Chaque jour, nous travaillons concrètement pour le vivre ensemble et le destin commun. Nous ne sommes pas là pour panser les maux de la mauvaise conscience française, mais bien pour sortir d’une pensée idéologisée et aller vers une pensée qui objective. Nous, Calédoniens, qui démontrons au quotidien notre capacité à penser contre nous-mêmes, n’avons de leçons à recevoir de personne.

Jenny BRIFFA, journaliste et auditrice ;

Louis LAGARDE, maître de conférences en archéologie de l’Océanie à l’université de la Nouvelle Calédonie ;

Emmanuel DJIBAOU, directeur de l’Agence de développement de la culture kanak (ADCK). Centre culturel Tjibaou.

Jean-Marie WADRAWANE, conservateur à l’Institut d’archéologie de la Nouvelle Calédonie et du Pacifique.

© Le Monde – 2020

Spiritualité

La messe « virtuelle » ne remplace pas la participation personnelle à l’Église

Dans une lettre adressée aux présidents des conférences épiscopales, le cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, affirme la nécessité de revenir à la normalité de la vie chrétienne, là où la situation sanitaire liée au coronavirus le permet: assister à la messe par le biais des médias n'est pas comparable à la participation physique à l'église, souligne-t-il.

Il est urgent de revenir à la normalité de la vie chrétienne avec la présence physique à la messe, lorsque les circonstances le permettent : aucune retransmission n'est comparable à une participation personnelle ou ne peut la remplacer, explique en substance le cardinal Robert Sarah, Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, dans une Lettre sur la célébration de la liturgie pendant et après la pandémie de Covid-19, intitulée “Revenons avec joie à l'Eucharistie !” Le texte, adressé aux présidents des conférences épiscopales de l'Église catholique, a été signé le 15 août dernier et approuvé par le Pape François le 3 septembre.

La dimension communautaire de la vie chrétienne

« La pandémie due au nouveau coronavirus, écrit le cardinal Sarah, a provoqué des bouleversements non seulement dans les dynamiques sociales, familiales (…) mais aussi dans la vie de la communauté chrétienne, y compris dans la dimension liturgique ». Le prélat rappelle que « la dimension communautaire a une signification théologique : Dieu est la relation des Personnes dans la Très Sainte Trinité » et « il se met en relation avec l'homme et la femme et les appelle à son tour à une relation avec Lui ». Ainsi, « tandis que les païens construisaient des temples dédiés à la seule divinité, auxquels les gens n'avaient pas accès, les chrétiens, dès qu'ils jouirent de la liberté de culte, construisirent immédiatement des lieux qui seraient domus Dei et domus ecclesiæ, où les fidèles pourraient se reconnaître comme communauté de Dieu ». C'est pourquoi « la maison du Seigneur suppose la présence de la famille des enfants de Dieu ».

Collaboration de l'Église avec les autorités civiles

« La communauté chrétienne, lit-on dans la lettre, n'a jamais recherché l'isolement et n'a jamais fait de l'église une ville à huis clos. Formés dans la valeur de la vie communautaire et dans la recherche du bien commun, les chrétiens ont toujours cherché l'insertion dans la société ». « Et même dans l'urgence pandémique, un grand sens des responsabilités a émergé: à l'écoute et en collaboration avec les autorités civiles et avec les experts, les évêques et leurs conférences territoriales ont été prompts à prendre des décisions difficiles et douloureuses, jusqu'à la suspension prolongée de la participation des fidèles à la célébration de l’Eucharistie », tient à rappeler le préfet de la Congrégation pour le Culte divin.

Une urgence : revenir à la normalité de la vie chrétienne

« Cependant, dès que les circonstances le permettent, souligne le cardinal Sarah, il est nécessaire et urgent de revenir à la normalité de la vie chrétienne, qui a le bâtiment de l'église pour foyer et la célébration de la liturgie, en particulier l'Eucharistie, comme “le sommet vers lequel tend l'action de l'Église et en même temps la source d'où émane toute sa force” (Sacrosanctum Concilium, 10). Conscients du fait que Dieu n'abandonne jamais l'humanité qu'il a créée, et que même les épreuves les plus dures peuvent porter des fruits de grâce, nous avons accepté l’éloignement de l'autel du Seigneur comme un temps de jeûne eucharistique, utile pour nous en faire redécouvrir l’importance vitale, la beauté et la préciosité incommensurable. Le plus tôt possible » avec « avec un désir accru de rencontrer le Seigneur, de demeurer avec lui, de le recevoir pour l'amener à nos frères avec le témoignage d'une vie pleine de foi, d’amour et d’espoir », assure le prélat.

Nécessité d'une participation personnelle à la messe

Comme l’explique ensuite le cardinal Sarah, « bien que les médias rendent un service apprécié aux malades et à ceux qui ne peuvent pas aller à l'église, et ont fourni un grand service dans la transmission de la Sainte Messe au moment où il n'y avait aucune possibilité de célébrer d’une manière communautaire, aucune transmission équivaut à une participation personnelle ou peut la remplacer. En effet, ces transmissions, à elles seules, risquent de nous éloigner d'une rencontre personnelle et intime avec le Dieu incarné qui s'est donné à nous non pas de manière virtuelle, mais réellement, en disant : "Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui" (Jn 6,56). Ce contact physique avec le Seigneur est vital, indispensable, irremplaçable. Une fois que les mesures concrètement réalisables ont été identifiées et adoptées pour minimiser la contagion du virus, il faut que tous reprennent leur place dans l'assemblée des frères », en encourageant ceux qui sont « découragés, effrayés, et depuis trop longtemps absents ou distraits ».

Suggestions pour un retour à la célébration de l'Eucharistie

La lettre suggère également « suggérer quelques lignes d'action pour promouvoir un retour rapide et sûr à la célébration de l'Eucharistie. Une attention particulière aux normes d'hygiène et de sécurité ne peut pas conduire à la stérilisation des gestes et des rites », met-on en garde. Par ailleurs, la Congrégation compte sur « l'action prudente mais ferme des évêques pour que la participation des fidèles à la célébration de l'Eucharistie ne soit pas déclassifiée par les autorités civiles comme un “rassemblement”, et ne soit pas considérée comme comparable ou même subordonnée à formes d'agrégation récréative. Les normes liturgiques ne sont pas une matière sur laquelle les autorités civiles peuvent légiférer, seules peuvent le faire les autorités ecclésiastiques compétentes (cf. Sacrosanctum Concilium, 22) ».

Respect des normes liturgiques

Le cardinal Sarah exhorte à « faciliter la participation des fidèles aux célébrations», «mais sans expériences rituelles improvisées et dans le plein respect des normes contenues dans les livres liturgiques qui régissent leur déroulement », et en reconnaissant « aux fidèles le droit de recevoir le Corps du Christ et d'adorer le Seigneur présent dans l'Eucharistie de la manière prévue, sans limitations allant même au-delà de ce qui est prévu par les règles d'hygiène édictées par les autorités publiques ou par les évêques ».

Un principe sûr : l'obéissance aux évêques

Sur ce point, le cardinal donne une indication précise : « L'obéissance est un principe sûr pour ne pas commettre d'erreur. Obéissance aux normes de l'Église, obéissance aux évêques. En période de difficulté (par exemple on pense aux guerres, aux pandémies), les évêques et les conférences épiscopales peuvent donner des règlements provisoires auxquels il faut se conformer. L'obéissance sauvegarde le trésor confié à l'Église. Ces mesures dictées par les évêques et les conférences épiscopales expirent lorsque la situation revient à la normalité ».

Santé publique et salut éternel

L'Église, conclut le préfet de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, protège la personne humaine « dans sa totalité », et « à la préoccupation nécessaire pour la santé publique », elle « unit l'annonce et l'accompagnement des âmes vers le salut éternel des âmes ».

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Éthique sociale

Des frères en cadeau : l’expérience de Saint François d’Assise

Dans la vie de saint François, la fraternité n'est pas une théorie abstraite, mais un don concret de Dieu à chacun. Le “Poverello” d'Assise nous rappelle, aujourd'hui encore, que nous ne pouvons pas être de vrais frères si nous ne nous reconnaissons pas comme les enfants d'un seul Père.

François d'Assise revient pour inspirer le pape qui, le premier dans l'histoire, a pris son nom. Si, il y a cinq ans, c'est la louange à Dieu pour la création, le Cantique des Créatures, qui a donné une âme à l'encyclique Laudato Si’, cette fois, c'est la fraternité (et l'amitié sociale) qui est au centre de l'attention du nouveau document magistériel qui, sur la terre même du Poverello, sera signé le 3 octobre prochain. Mais quels sont-ils, ou plutôt qui sont les frères de saint François ? Une réponse intime et révélatrice se trouve au début de son Testament, où, après avoir raconté la rencontre avec les lépreux - auxquels le Christ l'a conduit, alors qu’il en avait peur et ressentait du dégoût - il dit : « Après que le Seigneur m'eut donné des frères, personne ne m'a montré ce que je devais faire, mais le Très-Haut Lui-même m'a révélé que je devais vivre selon la forme du Saint Évangile ».

Les frères se présentent à François avant tout comme un don de Dieu. Un cadeau inattendu et, à vrai dire, non indolore, car ils apportent une situation nouvelle qui le force à demander l'aide du Seigneur, car personne ne sait lui dire quoi faire. Ils ne sont pas notre conquête, les frères, et ils ne sont pas non plus comme nous le souhaiterions. Ils sont l'œuvre vivante du Créateur offerte gratuitement à chacun d'entre nous. Ils sont donnés, précisément, et nous ne pouvons donc pas les choisir ou les posséder, mais seulement les accueillir et les aimer tels qu'ils sont, avec leurs faiblesses et leurs différences. Ces différences, et parfois ces dissonances, seul le Seigneur peut les recomposer en fin de compte parce que, comme le dirait le Pape, l'harmonie n'est pas faite par nous, mais par l'Esprit Saint.

La fraternité n’est pas une idée abstraite

Ce qui ressort clairement chez François d'Assise, et qui trouve confirmation dans cet écrit fondamental dans la parabole conclusive de sa vie terrestre, c'est que la fraternité pour lui n'est pas une idée, une théorie abstraite, mais un fait concret, une expérience qui change la vie. À côté de ce principe de réalité, et d'autant plus pertinent qu'il en est la source, nous découvrons que pour François il n'y a pas de fraternité si nous ne reconnaissons pas et n'acceptons pas la filiation commune de notre Père céleste. Nous sommes tous frères parce que nous sommes tous les enfants d'un même Père.

Personne n'est donc étranger à l'autre. Cette révolution de perspective, dans la vie de François, conduira à des choix surprenants qui trouvent leur point culminant dans la célèbre visite au sultan d'Égypte. Cette fraternité vécue est le noyau de la conversion du Saint d'Assise, et un tel noyau se trouve en chaque femme et chaque homme qui a rencontré authentiquement Jésus Christ. En fait, si nous ne reconnaissons pas le projet commun d'amour du Père pour nous, il ne suffira pas d'être sœurs ou frères. Même pas biologiquement. D’ailleurs, c'est un frère de sang qui a tué Abel. Et il le tue parce que la haine a fermé les yeux de Caïn qui, ne voyant plus l'amour du Père, ne reconnaît même pas son frère comme tel.

Une ligne de conduite toujours actuelle

Pour François d'Assise, cependant, la fraternité n'est pas un don statique, une fin en soi. Elle se nourrit et grandit en se nourrissant de la charité. Et cela apporte toujours la paix. La relation avec les frères trace un chemin, initie un processus qui se développe dans une dimension communautaire. C'est après la rencontre avec ses frères, en effet, que le Seigneur lui révèle qu'il doit se conformer à l’Évangile, prendre la forme même du « saint Évangile », et le faire donc de manière radicale, « sans tranquillisants », afin de reprendre une image efficace du Pape François.

Pour le Saint-Patron de l'Italie, prendre soin des autres comme soi-même devient la voie et l'espace privilégié de l'évangélisation. Il ne peut donc pas y avoir un frère qui se retire dans un état d’isolement. Ce serait un contre-sens, un contre-témoignage. Pour le saint, en effet, l'amour pour le Père grandit autant que l'amour pour le frère au visage duquel se trouvent les traits du Créateur. Un amour qui, chez François, s'étend jusqu'à devenir cosmique car la fraternité devient une étreinte envers toute créature : même le Soleil est appelé frère et la Lune sœur.

Huit siècles plus tard, malgré la croissance des égoïsmes et la montée des barrières de toutes sortes, le monde a toujours soif de fraternité et de paternité. Il est constamment à sa recherche. Le témoignage du Poverello d'Assise, qui a voulu devenir « frère de tous les hommes », est très actuel et nous pousse, avec un autre François, à parcourir le chemin de la fraternité.

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Éthique

Les Chrétiens forment les consciences

Le Pape François a reçu la rédaction de l’hebdomadaire belge chrétien, Tertio, vendredi 18 septembre 2020 en salle Clémentine du Palais apostolique au Vatican. Devant ses membres, le Saint-Père a insisté sur la haute mission des journalistes chrétiens dans des sociétés sécularisées.

C’est à l’occasion du vingtième anniversaire de son existence que la rédaction du magazine flamand d’informations religieuses, Tertio, a péleriné vers Rome, où elle a été reçue par le Souverain pontife, ce vendredi 18 septembre. 

Devant ce parterre de journalistes chrétiens, le Pape a loué « la grande importance » de l’existence de tels médias spécialisés « dans l’information de qualité sur la vie de l’Église dans le monde», contribuant à une « formation des consciences ».

Enrichir un paysage médiatique sécularisé

« D’ailleurs, le nom même de votre hebdomadaire, Tertio, se réfère à la Lettre Apostolique du saint Pape Jean-Paul II Tertio millennio adveniente, à l’approche du grand Jubilé de l’an 2000, pour préparer les cœurs à l’accueil du Christ et de son message libérateur », a précisé le Saint-Père, comparant cette référence « non seulement un appel à l’espérance », mais aussi « visant à faire entendre la voix de l’Église et celle d’intellectuels chrétiens dans un paysage médiatique de plus en plus sécularisé afin de l’enrichir avec des réflexions constructives ».

Ainsi en tant que média chrétien, il s’agit pour le titre de presse « de favoriser une culture de la rencontre », en cherchant « une vision positive des personnes et des faits, tout en rejetant les préjugés », a estimé le Pape. 

Le journaliste chrétien ne doit pas voiler la vérité

« Les chrétiens engagés dans la communication sont appelés à mettre en œuvre de manière très concrète l’appel du Seigneur à aller dans le monde et à proclamer l’Évangile (cf. Mc 16,15) » a aussi souligné l’évêque de Rome. Par sa haute conscience professionnelle, le journaliste chrétien est donc invité à porter « un témoignage nouveau dans le monde de la communication sans voiler la vérité, ni manipuler l’information ».

Porter « une parole de réconfort »

« Le professionnel chrétien de l’information doit donc être un porteur d’espérance et de confiance en l’avenir. Car c'est seulement lorsque l'avenir est assumé en tant que réalité positive et possible que le présent devient aussi vivable », a affirmé le Pape, faisant ensuite allusion à son message pour la 54ème Journée des Communications Sociales, le 24 janvier 2020.

Dans le contexte particulier de la pandémie, le Successeur de Pierre a enfin estimé important que les moyens de communication sociale contribuent à faire en sorte que les personnes « ne demeurent pas enfermées dans leur solitude et puissent recevoir une parole de réconfort ».

Le magazine catholique néerlandophone Tertio a vu le jour en 2000 dans un contexte flamand de progression des idées libertaires dans le débat public belge, avec une sous-représentation et perte de terrain connexe du catholicisme. Il doit effectivement son nom à la lettre du pape Jean-Paul II, « Tertio Millennio Adveniente ». Il est tiré à environ 6 000 exemplaires, et diffusé en Flandres et à Bruxelles.

© Radio Vatican - 2020

Commentaire

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans la page évangélique d’aujourd’hui (Mt 20,1-16), nous trouvons la parabole des ouvriers journaliers, que Jésus raconte pour communiquer deux aspects du Royaume de Dieu : le premier, que Dieu veut appeler tout le monde à travailler pour son Royaume ; le deuxième, qu’à la fin il veut donner à tous la même récompense, c’est-à-dire le salut, la vie éternelle.

Le maître d’une vigne, qui représente Dieu, sort à l’aube et embauche un groupe de travailleurs, se mettant d’accord avec eux sur le salaire d’un denier pour la journée, c’était un salaire juste. Ensuite, il sort également les heures suivantes — ce jour-là, il sort cinq fois —, jusque tard dans l’après-midi, pour embaucher d’autres ouvriers qu’il voit sans travail. À la fin de la journée, le maître ordonne qu’on donne un denier à chacun, même à ceux qui n’ont travaillé que quelques heures. Naturellement, les travailleurs embauchés en premier se plaignent, parce qu’ils se voient payés de la même manière que ceux qui ont moins travaillé. Mais le maître leur rappelle qu’ils ont reçu ce qui avait été convenu ; ensuite, s’il veut être généreux avec les autres, ils ne doivent pas être envieux.

En réalité, cette « injustice » du maître sert à provoquer, chez ceux qui écoutent la parabole, un saut de qualité, car ici, Jésus ne veut pas parler du problème du travail ou du juste salaire, mais du Royaume de Dieu ! Et le message est le suivant : dans le Royaume de Dieu, il n’y a pas de chômeur, tous sont appelés à travailler; et pour tous, à la fin, il y aura la récompense qui vient de la justice divine — pas humaine, heureusement pour nous ! — c’est-à-dire le salut que Jésus Christ a acquis pour nous par sa mort et sa résurrection. Un salut qui n’est pas mérité, mais donné — le salut est gratuit —, de sorte que « les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers » (Mt 20,16).

Par cette parabole, Jésus veut ouvrir nos cœurs à la logique de l’amour du Père, qui est gratuit et généreux. Il s’agit de se laisser étonner et fasciner par des « pensées » et des « voies » de Dieu qui, comme le rappelle le prophète Isaïe, ne sont pas nos pensées et ne sont pas nos voies (cf. Is 55,8). Les pensées humaines sont souvent marquées par de l’égoïsme et par des intérêts personnels, et nos sentiers étroits et tortueux ne sont pas comparables aux voies larges et droites du Seigneur. Il use de miséricorde — il ne faut pas oublier cela, il use de miséricorde —, il pardonne largement, il est plein de générosité et de bonté qu’il répand sur chacun de nous, il ouvre à tous les territoires sans fin de son amour et de sa grâce, qui seuls peuvent donner au cœur humain la plénitude de la joie.

Jésus veut nous faire contempler le regard de ce maître : le regard avec lequel il voit chacun des travailleurs qui attendent du travail, et il les appelle à aller dans sa vigne. C’est un regard plein d’attention, de bienveillance ; c’est un regard qui appelle, qui invite à se lever, à se mettre en marche, parce qu’il veut la vie pour chacun de nous, il veut une vie pleine, engagée, sauvée du vide et de l’inertie. Dieu qui n’exclut personne et veut que chacun atteigne sa plénitude. Voilà l’amour de notre Dieu, de notre Dieu qui est Père.

Que la Très Sainte Vierge Marie nous aide à accueillir dans notre vie la logique de l’amour, qui nous libère de la présomption de mériter la récompense de Dieu et du jugement négatif sur les autres.

© Libreria Editrice Vaticana – 2017