Pko 17.05.2020

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°22/2020
Dimanche 17 mai 2020 – 6ème Dimanche de Pâques – Année A

Humeurs…

Sans-abris… sans tambours ni trompettes… on déconfine

Alors que les sourires reviennent sur les visages, alors que petit à petit la vie reprend, alors que l’on sort petit à petit du « confinement »… un autre déconfinement se vit sans tambour ni trompette… dans la solitude… celui des sans-abris !

On se souvient des belles paroles, des images nombreuses dans les medias de la mise en œuvre du confinement des sans-abris… Aujourd’hui aucun responsable politique, aucun média pour filmer le retour sous les ponts et dans les rues de nos frères et sœurs… petit à petit les « centres de confinement » ferment… Il y a deux semaines se sont les locataires du Pont de Nahoata qui ont réinvesti le lieu après la fermeture du centre de Pirae. Dans la foulée, nous avons revus ce couple réinvestir le trottoir en bas de Nuutania et quelques autres suite à la fermeture du centre du Lycée Gauguin…

Vendredi c’était autour du centre d’Ateivi de fermer… une partie des occupants rejoignant le centre de Bambridge qui pourrait fermer lui aussi ses portes mercredi…

Pas de discours, ni tambours, ni trompettes… quel contraste avec l’ouverture très médiatiques de ces centres… Au diable le travail accompli par ces petites mains qui se sont démenées pour accompagner les sans-abris durant ce temps de confinement (infirmières, assistantes sociales…)… Désormais l’actualité est ailleurs…

Qu’importe, l’essentiel est que la population se souviennent des images fortes de l’ouverture de ces centres avant le retour aux urnes ! Les sans-abris eux ont l’habitude… des promesses sans lendemain !

Laissez-moi vous dire…

Lundi 18 mai : Nouvelle rentrée des classes aux îles-du-vent

Penser autrement pour sauver notre « fenua »

Ce lundi 18 mai, les enfants retournent à l’école à Tahiti et Moorea. Des précautions ont été prises, chemins d’accès et de sortie dédiés, aménagement des classes pour respecter la distanciation, dispositions spéciales pour les repas… etc… Comment vont réagir nos « tamarii » ? Cette semaine nos petits « mootua » sont venus nous dire bonjour. Chacun portait un joli masque (il paraît qu’ils en ont trois chacun pour aller à l’école). Au bout de cinq/dix minutes le masque a valsé, adieu les règles de distanciation… on a recommencé comme avant.

Il suffit de regarder dans les magasins et dans la rue comment se comportent les gens …

Et pourtant, nous devons rester sur nos gardes, et conserver de nouvelles habitudes surtout en prévision de l’ouverture progressive de nos frontières. C’est difficile, contraignant, mais ABSOLUMENT NECESSAIRE tant que le virus va continuer à voyager et que remèdes et vaccins efficaces ne seront pas validés et diffusés en masse.

Penser autrement, voilà la leçon à tirer de notre confinement. Cela demande des efforts, de la discipline tant au plan personnel que familial et collectif. Partout, dans le monde, où les gens se sont pliés aux exigences sanitaires le virus s’est peu propagé. Ce n’est pas le moment de fléchir. Nos assemblées dominicales et réunions de prière doivent être des modèles d’excellence pour toute la population.

Un autre domaine pour lequel il est urgent de PENSER AUTREMENT : notre manière de consommer.

Nous le savons toutes et tous, notre économie est fragile. Des petites entreprises sont au bord de la faillite. Le tourisme est au point mort. Des familles, plus nombreuses, sont sans ressources et tributaires de la solidarité des plus nantis.

Si nous voulons sauver notre « fenua », relancer l’économie et par conséquent l’emploi il nous faut « consommer local » : nourriture, vêtements, équipements, investissements, services, transports… Privilégier le « made in Tahiti » (même si c’est parfois plus cher que le « made in China » ; n’en déplaise aux importateurs). Pendant quelques temps, même si les frontières rouvrent progressivement, ceux qui peuvent voyager se feront un devoir de voyager en Polynésie (à condition qu’Air Tahiti ne « matraque » pas les clients avec des tarifs « hors norme »). Il dépend du bon vouloir des mieux lotis que, dès le mois de juin, le tourisme vers nos îles reparte.

Mais pour cela il faut CONTINUER A RESPECTER LES GESTES BARRIERES !

La tentation est forte de dire : « ce n’est pas notre problème ; c’est l’affaire du gouvernement, des dirigeants, des riches, des patrons... » C’est vrai, mais la situation est tellement grave dans certains secteurs que l’effort de tous est indispensable. C’est une question de justice sociale.

Nous sommes toujours en période électorale puisque le deuxième tour des élections municipales a été reporté. Dans le nouveau contexte de la « pandémie » les stratégies des candidats devraient s’adapter pour servir au plus près les populations fragilisées. Pour nous, chrétiens, cette attention aux plus faibles que nous appelons « charité sociale » ou « charité politique », selon la Doctrine sociale de l’Eglise, «est aux antipodes de l’égoïsme et de l’individualisme (…) L’égoïsme est l’ennemi le plus nuisible d’une société ordonnée : l’histoire montre la dévastation  qui se produit dans les cœurs lorsque l’homme n’est pas capable de reconnaître une autre valeur et une autre réalité effective que celle des biens matériels dont la recherche obsessionnelle étouffe et entrave sa capacité à se donner. » (Source : Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église, Éditions Saint-Augustin, 2005, n°581, p. 329)

En ce mois de mai n’hésitons pas à nous tourner vers la Vierge Marie, Elle, qui a connu toutes sortes de crises et de situations douloureuses et compliquées. Modèle de patience, de douceur, de tendresse et d’humilité, elle peut nous aider à trouver les paroles, les gestes, les comportements pour soutenir les un(e)s et les autres. Maman Marie, Mère du bon conseil et Saint Joseph aidez chacun(e) de nous dans nos choix de vie pour le bien de tous.

TOUS ENSEMBLE ON PEUT TOUT…

encore faut-il le vouloir !

Faaitoito !

Dominique SOUPÉ

© Cathédrale de Papeete – 2020

Regard sur l’actualité…

Se déconfiner

Pour nous aider à mieux vivre cette période de déconfinement progressif, voici un article de Pierre Durieux du 8 mai 2020, paru sur le site « Aleteia » (fr.aleteia.org). Cette réflexion pourra nous permettre de mieux saisir dans quel esprit nous pourrions reprendre notre vie quotidienne, une vie quelque peu transformée par l’épreuve que nous venons de traverser.

« Se déconfiner

avec les quatre premières paroles du Ressuscité

Et si les premières paroles de Jésus fraîchement déconfiné inspiraient, guidaient et nourrissaient notre déconfinement à nous ?...

Que dit donc Jésus après l’événement le plus important de l’histoire, après la seule chose véritablement nouvelle qui soit arrivée depuis l’origine, après ce confinement improbable que Dieu a consenti dans l’humanité, cet enfermement que le Christ a accepté dans la mort ?

1- BONJOUR, NE CRAIGNEZ PAS !

Ce n’est pas seulement la politesse de Dieu ! La première parole du Christ ressuscité aux saintes femmes, dans l’évangile de Matthieu, c’est un “bon-jour”, autrement dit le souhait d’une nouvelle étape pour l’humanité, qui soit tout imprégnée de bonté.

Ces “bonjours” et “saluts” nous ont manqué pendant le confinement. Nous allons devoir les redire sous un jour nouveau. Nous en avons glissé ici ou là, à son voisin, mais il est venu le moment de se saluer différemment, comme une bénédiction prononcée du fond du cœur, accompagnée d’un “ne craignez pas !”. Nombreux sont les Français à avoir râlé au jour du confinement, mais ils sont probablement et silencieusement aussi nombreux à craindre le déconfinement… “La paix”, la voilà la grande promesse, annoncée, répétée par Jésus plusieurs fois par la suite ! Shalom !

2- DE QUOI DISCUTIEZ-VOUS EN CHEMIN ?

C’est la question de Jésus aux disciples d’Emmaüs. Dieu vient de changer le sens de l’histoire, il retrouve deux disciples et, selon Luc, Il ne leur fait pas d’abord une homélie ! Il prend des nouvelles !... Dis-moi ton souci, je te dirais qui tu es… Dis-moi, pendant ce confinement, de quoi tu as parlé le plus souvent ? Pour nous aussi, il est venu le temps de rattraper le temps avec nos familles, nos amis : remonter le fil de nos conversations interdites parce que confinées, impossibles parce qu’il est des confidences qu’on ne peut pas faire en visio-conférence. Et vous les amis, de quoi parliez-vous dans votre confinement ?

3- POURQUOI PLEURES-TU ? QUI CHERCHES-TU ?

Dans l’Évangile de Jean, voici la question de Jésus fraîchement déconfiné, tout juste ressuscité, à Marie-Madeleine. Des larmes, il y en a eu aussi depuis le début de cette épidémie : nos deuils, nos angoisses, nos colères contre le gouvernement, notre incompréhension devant le mal, nos exaspérations liées au confinement… Quelle est la raison profonde de ces pleurs ? Qui cherchons-nous par-delà ces larmes ? L’ivresse romantique de se sentir exister ou la faim réelle d’un Autre ?

4-ALLEZ DANS LE MONDE ENTIER !

Voici les premiers mots de Jésus dans l’Évangile de Marc après le drame de la Croix : on y lit que Jésus a probablement parlé auparavant, mais cet appel à partir dans le monde entier est la première phrase rapportée par l’évangéliste et d’ailleurs, selon lui, sa dernière prise de parole terrestre.

À partir de 11 mai, et prudemment, il nous faudra aussi quitter nos domiciles. Sortir pour aller où ? et surtout pourquoi ? Pour proclamer et pour baptiser, c’est le programme ! Il est vraiment déconfiné, et ce temps sera celui d’une sortie, si chère au pape François, sortie accompagnée d’une parole et d’un plongeon. Ce sera aussi le temps de l’écoute : une écoute approfondie de tous ceux qui nous diront : “Bon-jour ! Tu as fait quoi pendant ce confinement ? Ça été dur pour toi ? Tu vas où, maintenant ?” Bref, ces paroles anodines, confites des appels amoureux de l’Inconfinable !

Pierre DURIEUX »

+ Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete – 2020

Audience générale

Prier, c’est rendre son cœur disponible pour la visite de Dieu

Lors de l’audience générale de ce mercredi 13 mai 2020, tenue en la bibliothèque du Palais apostolique, le Pape a poursuivi son cycle de catéchèses sur la prière.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, nous faisons un second pas sur le parcours de catéchèses sur la prière, initié la semaine dernière.

La prière appartient à tout le monde : aux hommes de toute religion et probablement aussi à ceux qui n’en professent aucune. La prière naît dans le secret de nous-mêmes, dans ce lieu intérieur que les auteurs spirituels appellent souvent le « cœur » (cf. Catéchisme de l’Église catholique, 2562-2563). Ce qui prie donc en nous n’est pas quelque chose de périphérique, ce n’est pas une faculté secondaire et marginale que nous aurions, mais c’est le mystère le plus intime de nous-mêmes. C’est ce mystère qui prie. Les émotions prient, mais on ne peut pas dire que la prière soit seulement une émotion. L’intelligence prie, mais prier n’est pas seulement un acte intellectuel. Le corps prie, mais on peut parler avec Dieu même si l’on est un grand invalide. C’est donc tout l’homme qui prie, si son « coeur » prie.

La prière est un élan, c’est une invocation qui nous dépasse : quelque chose qui naît au plus profond de notre personne et qui s’étend, éprouvant la nostalgie d’une rencontre. Cette nostalgie qui est plus qu’un besoin, plus qu’une nécessité : c’est une route. La prière est la voix d’un « je » qui tâtonne, qui marche à tâtons, à la recherche d’un « tu ». La rencontre entre le « je » et le « tu » ne peux pas se faire par des calculatrices : c’est une rencontre humaine et bien souvent on marche à tâtons pour trouver le « tu » que mon « je » cherche.

La prière du chrétien, en revanche, est née d’une révélation : le « tu » n’est pas resté enveloppé de mystère, mais il est entré en relation avec nous. Le christianisme est la religion qui célèbre continuellement la « manifestation » de Dieu, c’est-à-dire son épiphanie. Les premières fêtes de l’année liturgique sont la célébration de ce Dieu qui ne reste pas caché, mais qui offre son amitié aux hommes. Dieu révèle sa gloire dans la pauvreté de Bethléem, dans la contemplation des mages, dans le baptême au Jourdain, dans le miracle des noces de Cana. L’Évangile de Jean conclut par une affirmation synthétique le grand hymne du Prologue : « Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique (…) lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître » (Jn 1,18). C’est Jésus qui nous a révélé Dieu.

La prière du chrétien fait entrer en relation avec le Dieu au visage très tendre, qui ne veut nullement inspirer la peur aux hommes. C’est la première caractéristique de la prière chrétienne. Si les hommes ont toujours été habitués à s’approcher de Dieu, un peu intimidés, un peu effrayés par ce mystère fascinant et terrible, s’ils ont été habitués à le vénérer dans une attitude servile, semblable à celle d’un sujet qui ne veut pas manquer de respect à son seigneur, les chrétiens, eux, s’adressent à lui en osant l’appeler avec confiance du nom de « Père ». Et même, Jésus emploie un autre terme : « Papa ».

Le chrétien a banni tout rapport « féodal » dans son lien avec Dieu. Dans le patrimoine de notre foi, on ne trouve pas d’expressions comme « assujettissement », « esclavage » ou « allégeance », mais au contraire des mots comme « alliance », « amitié », « promesse », « communion », « proximité ». Dans son long discours d’adieu à ses disciples, Jésus dit ceci : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera » (Jn 15, 15-16). Mais c’est un chèque en blanc : « Tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, je vous le donne »

Dieu est l’ami, l’allié, l’époux. Dans la prière, on peut établir un rapport de confiance avec lui, au point que, dans le « Notre Père », Jésus nous a appris à lui adresser toute une série de demandes. Nous pouvons tout demander à Dieu, tout ; tout expliquer, tout raconter. Peu importe si, dans notre relation à Dieu, nous nous sentons en défaut : nous ne sommes pas de bons amis, nous ne sommes pas des enfants reconnaissants, nous ne sommes pas des époux fidèles. Il continue de nous aimer. C’est ce que Jésus montre définitivement à la dernière Cène, quand il dit : « Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang répandu pour vous » (Lc 22,20). Dans ce geste, Jésus révèle au cénacle le mystère de la Croix. Dieu est un allié fidèle : si les hommes cessent d’aimer, il continue de nous aimer, même si l’amour le conduit au Calvaire. Dieu est toujours près de la porte de notre cœur et il attend que nous lui ouvrions. Et parfois, il frappe à notre cœur mais il n’est pas envahissant : il attend. La patience de Dieu avec nous est la patience d’un papa, de quelqu’un qui nous aime beaucoup. Je dirais que c’est en même temps la patience d’un papa et d’une maman. Toujours près de notre cœur et, quand il frappe, il le fait avec tendresse et beaucoup d’amour.

Essayons tous de prier ainsi, en entrant dans le mystère de l’Alliance. De nous mettre par la prière dans les bras miséricordieux de Dieu, de nous sentir enveloppés de ce mystère de bonheur qui est la vie trinitaire, de nous sentir comme des envoyés qui ne méritaient pas autant d’honneur. Et de redire à Dieu, dans l’étonnement de la prière : est-il possible que tu ne connaisses que l’amour ? Il ne connaît pas la haine. Il est haï, mais il ne connaît pas la haine. Il ne connaît que l’amour. Voilà le Dieu que nous prions. C’est le cœur incandescent de toute prière chrétienne. Le Dieu d’amour, notre Père qui nous attend et nous accompagne.

© Libreria Editice Vaticana - 2020

Mémoire

La grippe espagnole à Tahiti – Rapport du Dr Allard en 1922

L’épidémie de grippe espagnole touche Tahiti alors qu’on vient d’y apprendre la fin de la guerre et qu’on s’apprête à fêter la victoire. Elle est apportée par le « Navua », navire à vapeur provenant de San Francisco, qui arrive au port de Papeete avec plusieurs malades à bord. À postériori, il est facile de dire qu’on aurait dû empêcher le navire d’accoster. Le docteur Allard, médecin dirigeant le Service de la Santé de la colonie écrit un rapport de la situation deux ans plus tard. Le voici :

L‘ÉPIDÉMIE D’INFLUENZA DE 1918-1919

IV. - COLONIES FRANÇAISES DE L'OCÉANIE.

1° ÉTABLISSEMENTS FRANÇAIS DE L'OCÉANIE.

Rapport de M. Allard,

médecin-major de 1ère classe des troupes coloniales,

Chef du service de santé.

À partir du mois de mai 1918, la grippe saisonnière s'était manifestée non seulement à Tahiti, mais aussi aux Tuamotu et aux Iles-sous-le-Vent ; en août et septembre tout particulièrement, les cas avaient été assez nombreux mais généralement bénins ; en octobre, la situation sanitaire était redevenue partout presque normale.

Le 16 novembre 1918, arrivait en rade de Papeete, le steamer Navua ; ce navire sans passagers, venant directement de San-Francisco, avait une patente nette ne portant aucune mention de l'épidémie sévère de grippe qui sévissait dans ce dernier port.

Au cours de la visite à bord du Navua, le médecin arraisonneur trouvait, parmi les hommes de l'équipage, trois malades présentant un état mal défini, mais, en apparence, peu grave ; l'un d'eux, originaire de Tahiti, était immédiatement débarqué et hospitalisé ; les deux autres étaient isolés à bord, et le navire recevait la libre pratique.

Il convient de signaler que, trois semaines plus tôt, le steamer Paloona, provenant lui aussi de San-Francisco, avait fait escale à Papeete, avec patente nette, ayant à bord plusieurs cas d'indispositions paraissant être de la grippe légère ; les mêmes mesures avaient été prises sans qu'il en résultât rien de fâcheux.

Le 17 novembre, au matin, un des deux malades isolés à bord. du Navua succombait brusquement avec des phénomènes asphyxiques ; plusieurs hommes tombaient malades dans la journée, le navire se trouvant, dès lors, dans l'impossibilité de reprendre la mer, recevait l'ordre d'aller mouiller en rade, de s'isoler rigoureusement, et de débarquer ses malades au lazaret voisin de l'ilot Motu-Uta.

À terre, on n'avait constaté jusque-là que des cas très peu nombreux de grippe, qui ne semblaient pas devoir évoluer autrement que ceux observés depuis plusieurs mois. Mais brusquement, la situation sanitaire se modifiait : coup sur coup, le médecin arraisonneur, sa femme, les matelots du port, et plusieurs autres personnes qui, les premières, avaient été en relation avec le personnel du Navua, étaient atteintes de grippe ; dès Iors, les cas allèrent en se multipliant avec une rapidité déconcertante, affectant des allures de plus en plus graves.

Presque en même temps, et malgré les mesures prises, les districts en relation constante avec Papeete étaient atteints ; et la grippe faisait son apparition à Mooréa et aux Iles-sous-le-Vent dès le 20 novembre.

Au bout de quinze jours, c'est-à-dire dans la première semaine de décembre, l'épidémie était à son apogée, puis elle alla en s'atténuant, pour s'éteindre à la fin du mois.

Quant au Navua, il avait pris la mer vers le 30 novembre après avoir perdu un officier et quatre hommes de son équipage sur 22 malades traités.

Èpidemiologie - Il ne semble pas que l'on puisse établir une relation entre la grippe saisonnière, constatée dans les archipels océaniens, el la pandémie qui s'est abattue sur eux pendant les six dernières semaines de l'année ; les cas survenus de mai à octobre étaient, pour la plupart, bénins et espacés ; beaucoup de personnes avaient été épargnées par la maladie. Toutefois, il convient de signaler que, pendant cette période, la mortalité de la population de la ville de Papeete avait été notablement plus élevée que celle survenue, en 1917, au cours des mois correspondants; la statistique enregistrait, du 1er mai au 31 octobre, 58 décès en 1917 et 91 en 1918.

Il n'est pas douteux que l'infection grippale, sous sa forme massive et extrêmement virulente, ait été introduite dans la colonie par le Navua qui provenait directement de San-Fran­cisco où sévissait une épidémie très sévère. Ce navire, en effet, avait des malades à bord au moment où il mouillait sur la rade de Papeete, et ce sont les personnes venues de terre, ayant pris contact, dès son arrivée, avec les hommes de l'équipage, qui furent les premières atteintes et terrassées en quelques heures (le médecin arraisonneur, le pilote, les six matelots du port chargés de porter les amarres à terre ; trois de ces derniers succombèrent).

En dehors du réveil très net de la virulence de la grippe locale, déterminé par l'arrivée des malades provenant d'un navire infecté, la population de Tahiti, naturellement très impres­sionnable, était sous l'empire d'un état particulier d'énervement provoqué par des causes diverses : annonce de la victoire et fêtes qui s'ensuivirent ; état très orageux et fort pénible de l'atmosphère du fait du retard de la saison des pluies ; secousses sismiques fréquentes et assez accentuées que ne manquèrent pas d'exploiter les semeurs de panique, en présageant la fin du monde.

Les districts de Tahiti, en relations incessantes avec le chef-lieu, furent contaminés presque en même temps que lui ; pour les mêmes raisons, Mooréa el les Iles-sous-le-Vent furent atteintes dès le 20 novembre. Mais aussitôt que la nouvelle allure de l'épidémie fut confirmée, la sortie du port de Papeete fut interdite à toutes les goélettes el embarcations à destination des autres archipels ; on put ainsi préserver le groupe, important des Tuamotu, les Marquises, les Gambier, ainsi que les îles Australes.

Formes de la maladie. - La grippe, observée dans nos Établissements de l'Océanie, a présenté tous les degrés d'intensité, depuis la simple indisposition jusqu'à l'attaque foudroyante enlevant le malade en moins de quarante-huit heures.

Les formes les plus communément observées ont été :

1° Les formes fébriles avec courbature, céphalée violente, fièvre très élevée, collapsus, et, quelquefois, manifestations convulsives ;

2° La forme angineuse avec agitation, fièvre intense et troubles digestifs ;

3° Les formes respiratoires : broncho-pneumonie à noyaux multiples ; pneumonies à gros·foyer hépatisé ; œdème aigu du poumon avec dyspnée asphyxique.

Ces dernières formes ont été les plus fréquentes et les plus graves ; ce sont elles qui ont entraîné la très grande majorité des décès par suite de l'intensité des phénomènes et de la précocité du retentissement cardiaque aboutissant à une véritable myocardite infectieuse.

À signaler également quelques cas de formes gastro-intestinales avec ou sans ictère et quelques rares pleurésies. Très souvent, on a constaté des troubles cérébraux : délire conscient, agitation, manie-ambulatoire, persistant après que la température était redevenue voisine de la normale. Beaucoup de ces malades ont fait des rechutes fatales ; les autres ont conservé, longtemps après la guérison, une sorte de torpeur mentale et d'hébétude qui ne se sont dissipées que très lentement.

Enfin, les formes larvées à marche insidieuse n'ont pas été rares : fièvre atypique persistant pendant plusieurs semaines et pour aboutir parfois à l'explosion de phénomènes suraigus.

Morbidité et mortalité. - La grippe s'est attaquée indifféremment à toutes les races : Européens, Tahitiens, Asiatiques ont été également atteints, mais le coefficient de la mortalité a différé très notablement dans chacun de ces groupes ; ce sont les indigènes qui ont été de beaucoup les plus éprouvés.

Si l'épidémie a fait de pareils ravages parmi les Tahitiens, il faut en trouver la cause dans leur insouciance et dans les imprudences commises, comme à plaisir, malgré les conseils donnés. Beaucoup, obéissant aux prescriptions des sorciers­médecins, se sont soignés par des bains de rivière glacée, ou même par des applications directes de glace sur la poitrine et sur le dos. D'autres, préoccupés par la crainte d'un tremblement de terre, passaient les nuits sous les vérandas ou en plein air, couchés sur le gazon humide. Dans la plupart des maisons, à mesure que l'épidémie devenait plus intense et plus meurtrière, familles et amis se groupaient dans des pièces exiguës où l'encombrement ne pouvait que favoriser la contagion.

La maladie a frappé plus particulièrement les adultes, et, parmi eux, les sujets forts, ainsi que les individus précocement gras que l'on rencontre fréquemment dans la race tahitienne. Par contre, les vieillards et les enfants ont été relativement peu touchés ; la maladie a toujours été beaucoup plus grave chez les femmes en état de grossesse.

Par un étrange privilège, les soldats tahitiens provenant de l'armée d'Orient, et tous plus ou moins entachés de paludisme, ont été épargnés. Alors que tout le détachement de Papeete était terrassé par la grippe, les premiers ont échappé à la con­tagion. Cette immunité a-t-elle été la conséquence non pas du paludisme, mais de la quininisation intensive à laquelle les intéressés avaient été soumis ? On serait plutôt enclin à penser qu'elle fut le résultat des vaccinations (antityphoïdique, anti­cholérique) qu'ils avaient subies. Il est, en tout cas, certain qu'il ne s'agit pas d'une simple coïncidence, car la constatation faite sur les hommes ne comporte qu'une seule exception ; encore s'agit-il d'un « malin », qui s'était vanté de s'être dérobé à toutes les séances de vaccination pendant son séjour en Orient, et qui a succombé à une grippe à forme pneumonique.

Enfin, il n'est pas sans intérêt de signaler que la plupart des personnes atteintes par la grippe saisonnière avant novembre, ont été épargnées par l'épidémie hivernale, ou n'ont contracté que des formes atténuées.

À Tahiti et dans l'archipel des Iles-sous-le-Vent, sur 15 300 habitants, on compta 2 498 décès, soit 16,3 p. 100 ; ils se répartissent comme suit :

Tahiti                  1 250      décès pour              7 000 habitants

Moorea                253      décès pour              1 500 habitants

Makatea                  95      décès pour                 800 habitants

Îles-Sous-le-Vent 900      décès pour              6 000 habitants

Pour l'Ile de Tahiti seule, sur 7 000 habitants, on enregistra 1 160 décès, soit 17,8 p. 100 ; à Papeete, chef-lieu de nos Établissements, qui compte 4 000 habitants, la morbidité fut de 90 p. 100 ; le chiffre des décès s'éleva à 609 (jusqu'à 70 par jour), soit 15 pour 100 habitants ; en réalité, près du quart de la population périt sous la rafale, en quelques semaines, car nombre d'habitants, fuyant la ville, allèrent mourir dans les districts.

Pour les différentes races constituant la population de Papeete, les coefficients respectifs de la mortalité pour 100 habitants, ont été les suivants : Européens, 0,52 ; indigènes et métis, 51,9 ; Asiatiques, 6,25.

Mesure, prophylactique. - Le licenciement des écoles, la fermeture des cinémas, l'interdiction de toutes réunions, furent ordonnés dès le début de l'épidémie. Au chef-lieu, les malades reçurent des soins soit à domicile, soit à l'hôpital colonial, soit enfin dans trois formations auxiliaires organisées dès les premiers jours.

Des personnes de bonne volonté se partagèrent la tâche d'aller de maison en maison pour y porter du lait, du bouillon et du thé aux malades et à leur entourage. Des tracts rédigés en français et en tahitien, indiquent les précautions à prendre et le traitement à suivre, furent répandus partout ; une potion antigrippale pouvant s'appliquer à tous les cas était distribuée par les soins des sœurs, des frères, des pasteurs et de divers agents, à tous les malades que le médecin n'avait pas encore pu voir. Des tournées médicales furent organisées à Tahiti, à Moorea et aux Iles-sous-le-Vent, dès que les disponibilités du personnel, très éprouvé par la grippe, le permirent.

À Papeete, au plus fort de l'épidémie, faute de bras pour creuser des fosses, on dut se résoudre à brûler les corps, dans une vaste et unique fosse, après les avoir arrosée de goudron.

Toutes les communications par mer furent interdites avec les archipels non contaminés (Tuamotu, Marquises, Gambier, Tubuaï), qui échappèrent ainsi à l'épidémie.

Traitement. - Le traitement symptomatique (antithermiques, purgatifs, stimulants, toni-cardiaques) n'a eu généralement qu'une influence peu appréciable sur l'évolulion des cas graves à forme pneumonique ; par contre, les saignées fréquentes par ventouses scarifiées, ainsi que les injections d'électrargol, ont donné assez souvent des résultats satisfaisants.

© Annales de médecine et de pharmacie coloniale - 1922

Solidarité

Des plats pour les sans-abri

Une chaîne de solidarité s'est créée pendant le confinement pour venir en aide à Père Christophe lors de ses distributions de repas aux SDF. En quelques semaines, 97 bénévoles se sont mobilisés pour cuisiner jusqu'à 120 repas par jour pour les livrer aux SDF de la zone urbaine.

Un groupe de citoyen s'est constitué pendant le confinement pour venir en aide aux SDF de la zone urbaine entre Arue et Faa'a. Tout est parti d'une publication postée sur Facebook par Bénédicte, une citoyenne qui aide Père Christophe depuis plusieurs années déjà. « J'ai partagé un appel pour aider Père quand lorsqu'ils font des repas pour les distribuer ensuite aux SDF », explique l'instigatrice du mouvement. Revanui, une enseignante sensible à cette cause, a participé à la diffusion du message et d'autres bénévoles ont rejoint le mouvement. « Nous avons commencé en mars, suite à l'annonce du confinement », explique-t-elle. De fil en aiguille, la chaîne solidaire est passée d'une dizaine de membres à 97 bénévoles aujourd'hui. « Ce sont des personnes issues de tous horizons : des enseignants, des politiques et des personnes de la société civile », détaille Revanui.

120 repas par jour

Les bénévoles ont mis en place une organisation millimétrée. L'organisation pendant le confinement était assez particulière puisque seule Bénédicte récupérait les plats et les livrait à Père Christophe. Les bénévoles disposaient les repas qu'ils avaient concoctés devant leur portail au moment où Bénédicte passait pour éviter tout contact. « C'était très pratique car avec une seule personne du groupe qui se déplaçait, on n'a jamais eu de problème pour les attestations par exemple », justifie la jeune enseignante.

Une fois les mesures allégées, Revanui a mis en place des plannings pour dispatcher les tâches à effectuer du mercredi au samedi inclus. « Chaque semaine, chaque bénévole s'inscrit en fonction de ses possibilités pour la semaine suivante ». Certains bénévoles cuisinent, d'autres vont récupérer les plats et les livrent à Père Christophe pour qu'il puisse les distribuer à son tour auprès des sans-abris.

Les familles se mobilisent, et les enfants mettent également la main à la pâte. « Il y a eu des enfants qui ont fait des petits mots et des prières pour les mettre avec les plats. C'est vraiment un bel exemple d'implication de la part de tous ».

Besoin de main-d'œuvre

Maintenant que le confinement a été allégé et que le déconfinement se profile, les bénévoles sont face à un vrai challenge : comment faire coïncider leurs emplois du temps avec cette action. Selon Revanui, tous souhaitent continuer cette chaîne de solidarité qui était censée prendre fin cette semaine. Père Christophe les a d'ailleurs sollicités pour les repas du mardi et du jeudi pour la semaine prochaine. Une requête favorablement accueillie par les bénévoles. « Avec tous ces chamboulements nous aurons besoin d'aide et nous aimerions faire appel à des personnes sérieuses et volontaires et pourquoi pas à des restaurateurs » indique Revanui. En plus de ce programme chargé pour la semaine qui arrive, d'autres projets sont déjà en cours de réflexion. « Nous aimerions beaucoup continuer et d'ailleurs, on a quelques projets de ce genre en tête, toujours en partenariat avec Père » conclut-elle.

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Commentaire des lectures du dimanche

Chers frères et sœurs, bonjour !

L’Évangile d’aujourd’hui (cf. Jn 14,15-21), continuation de celui de dimanche dernier, nous ramène à ce moment émouvant et dramatique qu’est la Dernière Cène de Jésus avec ses disciples. L’évangéliste Jean recueille de la bouche et du cœur du Seigneur ses derniers enseignements, avant sa passion et sa mort. Jésus promet à ses amis en ce moment triste, sombre, qu’après Lui, ils recevront « un autre Paraclet » (v.16). Cette parole signifie un autre « Avocat », un autre Défenseur, un autre Consolateur : « l’Esprit de vérité » (v.17); et il ajoute : « Je ne vous laisserai pas orphelins. Je viendrai vers vous » (v.18). Ces paroles transmettent la joie d’une nouvelle venue du Christ : ressuscité et glorifié, il demeure dans le Père et, dans le même temps, vient à nous dans l’Esprit Saint. Et dans sa nouvelle venue se révèle notre union avec Lui et avec le Père : « vous reconnaîtrez que je suis en mon Père et vous en moi et moi en vous » (v.20).

En méditant ces paroles de Jésus, nous percevons aujourd’hui avec un sentiment de foi que nous sommes le peuple de Dieu en communion avec le Père et avec Jésus à travers l’Esprit Saint. Dans ce mystère de communion, l’Église trouve la source inépuisable de sa mission, qui se réalise à travers l’amour. Jésus dit dans l’Évangile d’aujourd’hui : « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c'est celui-là qui m’aime; or celui qui m’aime sera aimé de mon Père; et je l’aimerai et je me manifesterai à lui » (v.21). C’est l’amour qui nous introduit dans la connaissance de Jésus, grâce à l’action de cet « avocat » que Jésus a envoyé, c’est-à-dire l’Esprit Saint. L’amour envers Dieu et envers le prochain est le plus grand commandement de l’Évangile. Le Seigneur nous appelle aujourd’hui à répondre généreusement à l’appel évangélique à l’amour, en plaçant Dieu au centre de notre vie et en nous consacrant au service de nos frères, spécialement ceux qui ont le plus besoin de soutien et de consolation.

S’il y a une attitude qui n’est jamais facile, qui n’est jamais évidente, même pour une communauté chrétienne, c’est celle de savoir s’aimer, de s’aimer à l’exemple du Seigneur et avec sa grâce. Parfois, les différends, l’orgueil, les envies, les divisions, laissent une empreinte également sur le beau visage de l’Église. Une communauté de chrétiens devrait vivre dans la charité du Christ, et en revanche, c’est précisément là que le malin « s’en mêle » et parfois nous nous laissons tromper. Et ce sont les personnes spirituellement plus faibles qui en font les frais. Combien d’entre elles — et vous en connaissez certaines —, combien d’entre elles se sont éloignées parce qu’elles ne se sont pas senties accueillies, elles ne se sont pas senties comprises, elles ne se sont pas senties aimées. Combien de personnes se sont éloignées, par exemple, d’une paroisse ou d’une communauté, à cause du climat de médisances, de jalousies, d’envies, qu’elles y ont trouvé. Pour un chrétien aussi, savoir aimer n’est jamais acquis une fois pour toutes ; il faut recommencer chaque jour, il faut s’exercer pour que notre amour envers nos frères et sœurs que nous rencontrons devienne mûr et purifié de ces limites ou péchés qui le rendent partiel, égoïste, stérile et infidèle. Chaque jour, il faut apprendre l’art d’aimer. Écoutez bien cela : chaque jour il faut apprendre l’art d’aimer, chaque jour, il faut suivre avec patience l’école du Christ, chaque jour, il faut pardonner et regarder Jésus, et cela avec l’aide de cet « Avocat », de ce Consolateur que Jésus nous a envoyé, qui est l’Esprit Saint.

Que la Vierge Marie, parfaite disciple de son Fils et Seigneur, nous aide à être toujours plus dociles au Paraclet, l’Esprit de vérité, pour apprendre chaque jour à nous aimer comme Jésus nous a aimés.

© Libreria Editrice Vaticana - 2017