Pko 15.03.2020

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°13/2020

Dimanche 15 mars 2020 – 3ème Dimanche du Temps de Carême – Année A

Covid-19 – Communiqué épiscopal…

Lutte contre le Covid-19

 

Monseigneur Jean Pierre COTTANCEAU,

Archevêque de PAPEETE

Papeete, le 12 Mars 2020

LUTTE CONTRE LE « COVID 19 »

Afin de contribuer à la lutte contre l’épidémie de Coronavirus qui touche la Polynésie Française depuis hier 11 Mars, je, demande à l'ensemble des prêtres, des diacres, des katekita, tavini et des fidèles des paroisses du diocèse, tant à Tahiti que dans toutes les îles du diocèse de respecter les mesures suivantes au cours des messes, offices dans leur église et réunions dans les salles paroissiales :

  • Éviter de se serrer la main et de s’embrasser, ce qui conduit, dans la liturgie, à s’abstenir de tout contact physique lors du geste de paix.
  • Ne pas se donner la main au « Notre Père » ni signer sur le front ceux qui ne reçoivent pas la communion.
  • Pour le rite du lavabo, ne pas hésiter à utiliser un récipient d’eau et de l’eau savonneuse.
  • S’il y a concélébration, les prêtres et autres ministres ne communient que sous le geste de l’intinction.
  • La communion eucharistique ne peut être donnée que dans les mains.
  • Recommander aux prêtres, diacres et ministres de la Sainte Communion de se laver les mains après avoir donné la communion, même dans la main.
  • Vider les bénitiers présents dans l'église.

Je demande à chaque responsable de paroisse d’organiser une réunion d’information avec tous les tavinis afin d’expliquer ces mesures, et de communiquer l’information aux îles dont ils ont la charge.

Je demande que cette lettre soit affichée dans les paroisses, communautés religieuses, et autres lieux de rassemblement (Tibériade, Cana etc…)

Je demande au directeur de l’Enseignement Catholique d’assurer l’ampliation de cette lettre pour tous les établissements scolaires et foyers d’hébergement relevant de sa responsabilité.

Je remercie chacun et chacune pour le respect de ces consignes et invite les catholiques à prier pour les malades et les soignants.

+ Mgr Jean Pierre COTTANCEAU

Archevêque de Papeete

Laissez-moi vous dire…

11 mars 2020 : Le Covid-19 fait son entrée à tahiti

« Seigneur ? Ne sois pas sourd à mon appel » (Lamentations 3,51)

En toutes circonstances il nous faut rester sereins et réagir en bons pères et bonnes mères de famille, sans céder à la panique et encore moins à la psychose ambiante. L’épidémie que nous traversons est l’occasion de resserrer nos liens d’amitié et de fraternité en nous montrant solidaires dans des gestes simples qui peuvent éviter la propagation de la maladie.

La prière est également une possibilité de lien de fraternité et de charité entre toutes les personnes, notamment celles qui sont isolées, voire délaissées. Le Pape François, bien que « confiné » au Vatican, montre l’exemple à suivre. C’est ainsi que le Saint Père s’est tourné vers la « Madonna del Divino Amore », confiant « Rome, l’Italie et le monde à la protection de la Mère de Dieu ».

Le sanctuaire marial du « Divin amour » est un lieu de pèlerinage situé à 15 km au Sud-Est de Rome où l’on se rend habituellement à pied et de nuit, priant la Mère de Dieu pour des causes difficiles. Ainsi en 1944, Pie XII et les fidèles Romains s’y sont rendus en priant lors du retrait des troupes nazies.

Le 11 mars, le Pape François avait invité tous les fidèles à prier et jeûner pour « pour tous les contaminés et ceux qui prennent soin d’eux (…) et demander au Seigneur la fin de la propagation du coronavirus ».

Pendant la messe présidée mercredi soir (11 mars) par le Cardinal-vicaire de Rome Angelo De Donatis, dans le sanctuaire du « Divin amour », un message-vidéo du Saint Père a été diffusé. Le Pape François a demandé la protection de Notre-Dame du Divin amour :

Ô Marie,

Tu brilles toujours sur notre chemin

comme un signe de salut et d'espoir.

Nous nous confions à toi, Santé des malades,

qui auprès de la Croix, a été associée à la douleur de Jésus,

en restant ferme dans la foi.

Toi, Salut du peuple romain,

tu sais de quoi nous avons besoin

et nous sommes sûrs que tu y pourvoiras

pour que, comme à Cana de Galilée,

la joie et la fête reviennent

après cette épreuve.

Aide-nous, Mère de l'amour divin,

à nous conformer à la volonté du Père

et à faire ce que nous dira Jésus,

qui a pris sur lui nos souffrances

et s’est chargé de nos douleurs

pour nous conduire à travers la Croix,

à la joie de la résurrection. Amen.

Sous Ta protection, nous cherchons refuge

 Sainte Mère de Dieu.

Ne méprise pas les suppliques

de ceux d'entre nous qui sont dans l’épreuve,

et délivre-nous de tout danger,

ô Vierge glorieuse et bénie.

Il nous arrive souvent de dire à Dieu : « Seigneur, mon rocher, c'est toi que j'appelle : ne reste pas sans me répondre, car si tu gardais le silence, je m'en irais, moi aussi, vers la tombe. Entends la voix de ma prière quand je crie vers toi » (Psaume 27, 1-2a).

En fait, c’est nous qui sommes sourds aux appels du Seigneur ; nous empêchons les communications de circuler entre nous et Dieu au profit de discours sans intérêt qui attisent peurs, égoïsmes, polémiques...

Agissons toujours humblement, restons solidaires tant dans les gestes de protection que dans la prière.

Dominique SOUPÉ

Note : Lors de l’épidémie de choléra, en 1854, à Turin, Jean Bosco avait demandé à des jeunes gens qu’il avait mandaté pour rendre visite aux malades de porter sur eux une image de la Vierge et de prier régulièrement. Aucun d’entre eux n’avait été contaminé.

© Cathédrale de Papeete – 2020

Regard sur l’actualité…

Homme et femme il les créa

Le 29 février avait lieu à Paea le rassemblement annuel de l’Union des Femmes Catholiques sur le thème « Le couple dans le plan de Dieu ». Et le 8 mars avait lieu la « Journée Internationale de la Femme ». Le poète Aragon nous dit que « La Femme est l’avenir de l’Homme » ! En voyant fonctionner la société de notre Fenua, nous pourrions nous demander en effet ce que deviendrait cette société dans les domaines politique, économique, culturel et social, si les femmes en étaient absentes, réduites à rester à la maison ! Pour être parfaitement honnêtes, nous pourrions dire la même chose de notre Église : que deviendrait-elle si les femmes venaient à disparaître ? Que deviendraient la vie de nos paroisses, la transmission de la catéchèse, la qualité de nos liturgies, la décoration de nos églises sans les femmes !

Si aujourd’hui, chez nous en Polynésie, il n’est plus surprenant de voir une femme à un poste de haute responsabilité ou occuper un emploi autrefois réservé à des hommes, il serait particulièrement injuste et injurieux de considérer les femmes comme une simple force d’appoint dans le fonctionnement de notre société, ou de supporter leur présence parce qu’on ne peut pas faire autrement. Trop souvent encore, hélas, le « machisme » n’est pas loin, et la violence du fort se fait encore trop souvent sentir dans les rapports homme femme, surtout dans la relation de couple et dans la cellule familiale, sans parler de la place des femmes sur les listes électorales !

Le texte de la Genèse nous rappelle que l’Humanité fut créé mâle et femelle. La femme, prise du plus intime d’Adam se voit ainsi revêtue de la même dignité que l’homme. Sur le plan de la création, la femme accomplit l’homme en le faisant devenir son époux. Cette relation aurait dû demeurer parfaitement égale dans la différence si le péché n’avait pas dénaturé la relation entre Homme et Femme… ! Plus encore, la femme est la mère des vivants, Ève, la vivante, celle qui transmet la vie. Et dans les Écritures, certains hommes, écrivains anonymes, nous disent encore : « trouver une femme, c’est trouver le bonheur » ; c’est avoir une aide semblable à soi. Quelle belle reconnaissance !

Dans la société de son temps, société dominée par les hommes, Jésus fait preuve d’une audace que seul le Fils de Dieu pouvait se permettre en donnant à la femme toute sa dignité et toute sa place dans la proclamation de la Bonne Nouvelle. Jésus nait d’une femme, Marie, donnant ainsi à la maternité une dignité incomparable dans le plan de vie et de salut de Dieu pour toute l’humanité. Alors qu’il était impensable pour l’époque, qu’une femme devienne disciple d’un rabbi, l’Évangile fait de l’autre Marie, la sœur de Marthe et de Lazare, la première femme disciple, assise au pied du maître pour accueillir sa parole. À l’encontre des pratiques qui considéraient comme inconvenant pour une femme de s’adresser à un homme et pour un Juif d’adresser la parole à un Samaritain, Jésus réserve à une femme samaritaine l’une des plus belles pages de la révélation : « si tu savais le don de Dieu ? » Plus encore, alors que scribes et Pharisiens viennent questionner Jésus sur la répudiation de la femme par son mari (aucun mot sur la répudiation du mari par sa femme), celui-ci les renvoie à cette parole de la Genèse : « l’Homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et tous deux ne feront plus qu’un ! », signifiant par-là que l’épouse ne saurait être considérée comme un bien appartenant à son mari, un bien dont il pourrait se débarrasser quand l’envie lui en prendrait ! Rappelons enfin que ce sont des femmes qui se tiennent debout, au pied de la croix, avec Marie et le disciple bien aimé, et que ce sont aussi des femmes qui se rendent au tombeau du Christ. Elles seront les premières à recevoir l’annonce de sa résurrection et seront également les premières envoyées auprès des disciples pour leur annoncer cette Bonne Nouvelle de la résurrection du Seigneur, devenant ainsi les premières évangélisatrices. Puissions-nous tous en prendre acte !

+ Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete - 2020

Audience générale

Ceux qui ont faim et soif de la justice seront rassasiés

Dans son enseignement de ce mercredi matin, diffusé depuis la bibliothèque apostolique et sans public en raison de l’épidémie de coronavirus, le Pape s’est arrêté sur la quatrième Béatitude : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés » (Mt 5,6).

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans l’audience de ce jour, nous continuons de méditer la lumineuse voie du bonheur que le Seigneur nous a confiée dans les Béatitudes, et nous arrivons à la quatrième : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés » (Mt 5,6).

Nous avons déjà rencontré la pauvreté de cœur et les pleurs ; maintenant, nous nous confrontons à une autre forme de faiblesse, qui est liée à la faim et la soif. La faim et la soif sont des besoins essentiels, ils concernent notre survie. Il faut le souligner : il ne s’agit pas ici d’un désir générique, mais d’une exigence vitale et quotidienne, comme la nourriture.

Mais que signifie avoir faim et soif de justice ? Certes, nous ne parlons pas de ceux qui veulent la vengeance, au contraire, dans la béatitude précédente, nous avons parlé de douceur. Il est certain que les injustices blessent l’humanité ; la société humaine a un besoin urgent d’équité, de vérité et de justice sociale ; souvenons-nous que le mal subi par les femmes et par les hommes dans le monde atteint le cœur de Dieu le Père. Quel père ne souffrirait pas de la douleur de ses enfants ?

Les Écritures parlent de la douleur des pauvres et des opprimés que Dieu connaît et partage. Parce qu’il a écouté le cri d’oppression élevé par les fils d’Israël, comme le raconte le livre de l’Exode (cf. 3,7-10), Dieu est descendu libérer son peuple. Mais la faim et la soif de justice dont nous parle le Seigneur est encore plus profonde que le légitime besoin de justice humaine que tous les hommes portent dans leur cœur.

Dans le « discours sur la montagne », un peu plus loin, Jésus parle d’une justice plus grande que le droit humain ou la perfection personnelle, en disant : « Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux » (Mt 5,20). Et c’est là la justice qui vient de Dieu (cf. 1 Co 1,30).

Dans les Écritures, nous voyons exprimée une soif plus profonde que la soif physique, qui est un désir mis à la racine de notre être. Un psaume dit : « Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube : mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau » (Ps 63,2). Les Pères de l’Église parlent de cette inquiétude qui habite le cœur de l’homme. Saint Augustin dit : « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en toi »1. Il y a une soif intérieure, une faim intérieure, une inquiétude…

Dans tous les cœurs, jusque dans la personne la plus corrompue et loin du bien, est cachée une aspiration à la lumière, même si elle se trouve sous les décombres de mensonges et d’erreurs, mais il y a toujours la soif de la vérité et du bien, qui est la soif de Dieu. C’est l’Esprit Saint qui suscite cette soif : c’est lui l’eau vive qui a façonné notre poussière, c’est lui le souffle créateur qui lui a donné vie.

C’est pourquoi l’Église est envoyée annoncer à tous la Parole de Dieu, imprégnée de l’Esprit Saint. Parce que l’Évangile de Jésus-Christ est la plus grande justice que l’on puisse offrir au coeur de l’humanité, qui en a un besoin vital, même si elle ne s’en rend pas compte2.

Par exemple, quand un homme et une femme se marient, ils ont l’intention de faire quelque chose de grand et de beau, et s’ils gardent vive cette soif, ils trouveront toujours le chemin pour aller de l’avant, au milieu des problèmes, avec l’aide de la grâce. Les jeunes aussi ont cette faim et il ne faut pas qu’ils la perdent ! Il est nécessaire de protéger et d’alimenter dans le cœur des enfants ce désir d’amour, de tendresse, d’accueil qu’ils expriment dans leurs élans sincères et lumineux.

Chaque personne est appelée à redécouvrir ce qui compte vraiment, de quoi elle a vraiment besoin, ce qui fait vivre bien et, en même temps, ce qui est secondaire, et dont on peut tranquillement se passer.

Dans cette béatitude – la faim et la soif de justice – Jésus annonce qu’il existe une soif qui ne sera pas déçue ; une soif qui, si elle est satisfaite, sera assouvie et se terminera toujours bien parce qu’elle correspond au cœur même de Dieu, à son Saint Esprit qui est amour, et aussi à la semence que le Saint Esprit a semé dans nos cœurs. Que le Seigneur nous donne cette grâce : d’avoir cette soif de justice qui est précisément la volonté de le trouver, de voir Dieu et de faire du bien aux autres.

____________________

1   Les confessions, 1,1.5.

2   Cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 2017 : « La grâce de l’Esprit Saint nous confère la justice de Dieu. En nous unissant par le biais de la foi et le baptême à la passion et à la résurrection du Christ, l’Esprit nous rend participants de sa vie ».

© Libreria Editice Vaticana - 2020

Chronique

Déception

Martin STEFFENS, philosophe, nous partage une réflexion sur les « déceptions » que cause en nous les révélations d’hommes au cœur de l’Église…

Dans ces temps de tristes révélations sur les agissements de figures éminentes dans l’Église, en ces temps où la vérité blesse, le mot « déception », lui, ne nous décevra pas. Car si on l’entend bien, il embrasse toutes les dimensions de ce que nous vivons quand nous nous disons « déçus ». Il y a déception, en un sens d’abord ordinaire, quand une chose n’est pas à la hauteur de l’attente qu’elle avait par ailleurs suscitée. L’œuvre d’un jeune réalisateur déçoit quand le premier de ses films promettait mieux. Un élève déçoit quand ses efforts ne sont pas ajustés à un talent qu’on sent partout mais qui ne s’exprime pleinement nulle part. La déception a pour cause le différentiel entre ce qui est et ce qui aurait pu être. Une telle déception se balaie d’un haussement d’épaules et se paie en retour par un « peut mieux faire ».

Mais la déception est aussi, plus proprement, le sentiment de peine qui accompagne le constat que l’on a été trompé, abusé. C’est en tout cas le sens latin du mot. Dans ses Méditations métaphysiques, est nommé « deceptor » le Malin Génie, cet être « très puissant et très rusé » que Descartes invente pour parvenir à douter de tout : à supposer qu’on me trompe sans cesse, se demande-t-il, qu’est-ce qui reste vrai ? Décevoir signifie originellement « duper ». Avoir déçu quelqu’un, c’est l’avoir trahi. Il ne s’agit plus d’un manque à gagner, d’un simple « Peut mieux faire ». C’est un mal criant dont la douleur dit : « Tu n’aurais pas dû me faire ça ! »

Révolte et désespoir

Cette peine est d’autant plus forte que la confiance était grande. Découvrir que Jean Vanier n’était pas épargné par la duplicité, la faiblesse d’âme ni le mensonge, c’est, avouons-le, révoltant et un peu désespérant. Mais il y a un dernier sens de déception, qui permet peut-être d’en enrayer le mécanisme. « Déception » vient du latin « de-cipio ». Littéralement : « dé-prendre ». La déception est une déprise. Non seulement parce qu’il faut faire le deuil de la belle image que l’on s’était faite de tel ou tel être. Mais parce que l’on comprend soudain qu’une déception n’est possible que là où il y a d’abord eu emprise.

La déception ne libère pas qu’une juste colère. Comme dé-prise, elle libère aussi de la fascination que l’on exerce les uns sur les autres. Elle nous invite avec force à ne plus « s’y laisser prendre ». Elle nous invite, non pas à ne plus jamais faire confiance (car la confiance véritable se fait dans la conscience que l’on a de la faiblesse de l’autre), mais à ne plus idolâtrer personne. François d’Assise avait sous sa bure quelques patates pourries qu’il réservait à ceux qui, le voyant passer, lançaient vers lui : « Voici le saint ! » Il existe un art de décevoir l’autre qui libère l’un et l’autre, l’admiré et l’admirant, de l’emprise de la fascination. Saint Philippe Néri s’évertuait à faire rire de lui. Non seulement le ridicule ne tue pas, mais il permet à l’autre de respirer et d’exister. À un homme qui le couvrait de compliments, le curé d’Ars répondit : « Je vous remercie mais tout cela, voyez-vous, je le savais. Le diable me l’avait déjà dit. »

Il faut apprendre à décevoir, et vite : à se déprendre, ensemble, des liens qui nous aliènent. Car c’est au prix d’une telle déprise que l’on pourra chérir l’œuvre, en attendant de pardonner à l’homme.

© La Croix - 2020

Covid-19

Un temps propice à la solidarité et à l’amitiée

Alors que le monde est frappé par l'épidémie de coronavirus, le Préfet du dicastère pour le service du développement humain intégral a publié un message aux différentes conférences épiscopales ainsi qu'aux autorités civiles et aux malades, pour que chacun se mobilise afin de lutter contre ce mal et retrouver l'espérance. Le cardinal ghanéen invite à promouvoir la solidarité internationale en partageant les instruments et les ressources.

Aux présidents des Conférences épiscopales,

Aux évêques chargés de la pastorale de la santé,

Aux professionnels socio-médicaux et aux acteurs de la pastorale,

Aux autorités civiles,

Aux malades et à leurs familles,

Aux bénévoles et à toutes les personnes de bonne volonté,

La paix soit avec vous !

Nous vivons des jours de forte préoccupation et d’inquiétude croissante, jours où la fragilité humaine et la vulnérabilité de la sécurité présumée dans la technique sont menacées au niveau mondial par le Coronavirus (COVID-19), devant lequel plient toutes les activités les plus importantes, comme l’économie, l’entreprenariat, le travail, les voyages, le tourisme, le sport et même le culte, et sa contagion limite grandement aussi la liberté d’espace et de mouvement. Le Dicastère pour le Service du Développement humain intégral désire se joindre à la voix du Saint-Père, renouvelant ainsi la proximité de l’Église, dans l’animation de la pastorale de la santé, à tous ceux qui souffrent à cause de la contagion du COVID-19, aux victimes et à leurs familles, ainsi qu’à tous les professionnels de la santé, engagés en première ligne, déployant toutes leurs énergies pour soigner les personnes atteintes et pour leur apporter un soulagement.

Pensant particulièrement aux pays les plus concernés par la contagion, nous nous unissons, en nous souvenant d’eux dans notre prière, au travail des autorités civiles, des bénévoles et de toutes les personnes engagées pour arrêter la contagion et conjurer le risque pour la santé publique et la peur croissante que génère cette épidémie insidieuse. Nous encourageons aussi les structures et les organisations sanitaires laïques et catholiques, nationales et internationales, à continuer d’offrir en synergie l’assistance nécessaire aux personnes et aux populations, ainsi qu’à employer tous les efforts devenus indispensables pour trouver une solution à la nouvelle épidémie, selon les indications de l’OMS et des autorités politiques nationales et locales.

En cette circonstance, le Saint-Père et différents chefs d’État ont manifesté leur solidarité envers les pays les plus touchés, donnant des produits médicaux et sanitaires et des aides financières. Nous espérons qu’ils pourront tous poursuivre cette œuvre de soutien, puisque devant une telle situation d’urgence, un grand nombre de nations, surtout celles qui ont des systèmes de santé faibles, se trouveront dépassées par les effets du virus et ne seront peut-être pas en mesure de faire face aux demandes de soins et de proximité dans leur pays. Ce temps de grande nécessité pourra être, nous le souhaitons, un temps propice pour renforcer la solidarité et la proximité entre les États, et l’amitié entre les personnes. Le temps est venu d’encourager la solidarité internationale à partager instruments et ressources.

Certes, l’impact du virus, comme n’importe quelle situation d’urgence, souligne davantage les graves inégalités qui caractérisent nos systèmes socio-économiques. Ce sont des inégalités de ressources économiques, d’accès aux services de santé, au personnel qualifié et à la recherche scientifique. Devant cet éventail d’inégalités, la famille humaine est appelée à se sentir et à vivre réellement comme une famille interconnectée et interdépendante. L’impact du Coronavirus a donné la preuve de cette importance mondiale, ayant au début touché un seul pays pour se diffuser ensuite dans tous les coins du monde.

Pour chaque personne, croyante ou non croyante, ce temps est propice pour comprendre la valeur de la fraternité, du fait d’être liés les uns aux autres d’une manière indissoluble ; un temps dans lequel, à l’horizon de la foi, la valeur de la solidarité, qui découle de l’amour qui se sacrifie pour les autres, « nous aide à voir “l’autre” – personne, peuple ou nation – non pas comme un instrument quelconque […], mais comme un “semblable”, une “aide” (cf. Gn 2,18.20), à faire participer, comme nous, au banquet de la vie auquel tous les hommes sont également invités par Dieu » (Sollicitudo rei socialis, 39,5). La valeur de la solidarité a besoin en outre d’être incarnée. Pensons au voisin de palier, au collègue de bureau, à l’ami d’école, mais surtout aux médecins et aux infirmiers qui risquent la contagion et l’infection pour sauver les personnes contaminées. Ces professionnels vivent et nous indiquent le sens du mystère de Pâques : don et service.

Dans son Message de Carême 2020, le pape nous exhorte à contempler avec un cœur renouvelé le mystère de Pâques, mystère de la mort et de la résurrection de Jésus, et à accueillir librement et généreusement le don qu’il fait de lui-même : sa souffrance jusqu’à la mort comme don d’amour pour l’humanité. En embrassant la souffrance de Jésus, nous dit le pape François, nous embrassons tous les souffrants de notre monde, y compris tous ceux qui sont affectés par le COVID-19. Ils sont aujourd’hui l’expression du Christ qui souffre, et de la même manière que le malheureux dans la parabole du bon Samaritain, ils ont besoin de gestes concrets de proximité de la part de l’humanité. Les personnes qui souffrent, que ce soit en raison de la contagion ou d’autre chose, représentent un « laboratoire de miséricorde », en effet, la dimension polyédrique de la souffrance requiert différentes formes de miséricorde et de soin.

Au début de cet itinéraire de carême qui, pour beaucoup, est privé de certains signes liturgiques communautaires comme la célébration de l’Eucharistie, nous sommes appelés à un chemin encore plus enraciné dans ce qui soutient la vie spirituelle : la prière, le jeûne et la charité. Que l’engagement consenti pour contenir la diffusion du Coronavirus soit accompagné de celui de chaque fidèle pour le plus grand bien : la reconquête de la vie, la défaite de la peur, le triomphe de l’espérance. Aux communautés davantage éprouvées, nous recommandons de ne pas tout vivre comme une privation. Si nous ne pouvons pas nous réunir dans nos assemblées pour vivre ensemble notre foi, comme nous avons l’habitude de le faire, Dieu nous offre l’occasion de nous enrichir, de découvrir de nouveaux paradigmes et de retrouver une relation personnelle avec lui. Jésus nous le rappelle : « Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra » (Mt 6,6). Combien de fois le pape François nous a-t-il invités à avoir les Écritures à portée de main ! La prière est notre force, la prière est notre ressource. Voici alors le moment favorable pour redécouvrir la paternité de Dieu et notre condition de fils : « Nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Cor 5,20), dit saint Paul et c’est le Message pour le carême de cette année dont le pape François nous a fait le don. Quelle Providence !

Prions alors Dieu le Père pour qu’il augmente notre foi, aide les malades à guérir et soutienne les professionnels de la santé dans leur mission. Engageons-nous pour éviter la stigmatisation de ceux qui sont touchés : la maladie ne connaît ni frontière ni couleur de peau ; en revanche elle parle une même langue. Cultivons la « sagesse du cœur » qui est une « attitude inspirée par l’Esprit Saint à celui qui sait s’ouvrir à la souffrance de ses frères et reconnaît en eux l’image de Dieu ». Ainsi, pouvons-nous affirmer, comme Job, « j’étais les yeux de l’aveugle et les pieds du boîteux » (Jb 29,15). Nous réussirons ainsi à servir ceux qui souffrent, en les accompagnant le mieux possible et à être solidaires de ceux qui sont démunis, sans les juger.

Aux autorités politiques et économiques, nous demandons de ne pas négliger la justice sociale et le soutien à l’économie et à la recherche, maintenant que le virus crée, malheureusement, une nouvelle « crise économique ». Nous continuerons par tous les moyens de soutenir les efforts des professionnels de la santé et des structures médicales et de santé dans les différentes parties du monde, surtout celles qui sont plus éloignées et davantage en difficulté, confiant aussi dans la solidarité active de tous.

Demandons à l’Esprit-Saint d’éclairer les efforts des chercheurs, des professionnels de la santé et des gouvernants et confions toutes les populations concernées par la contagion à l’intercession de la Vierge Marie, Mère de l’humanité.

© Libreria Editrice Vaticana - 2020

Commentaire des lectures du dimanche

Chers frères et sœurs, bonjour !

L’Évangile de ce troisième dimanche de Carême nous présente le dialogue de Jésus avec la Samaritaine (cf. Jn 4,5-42). La rencontre a lieu alors que Jésus traverse la Samarie, une région entre la Judée et la Galilée, habitée par des gens que les juifs méprisaient, les considérant comme schismatiques et hérétiques. Mais cette population sera justement l’une des premières à adhérer à la prédication chrétienne des apôtres. Alors que les disciples vont dans le village pour se procurer à manger, Jésus reste auprès d’un puits et il demande à boire à une femme, venue là pour puiser de l’eau. Et à partir de cette requête, un dialogue commence. « Comment ! toi qui es juif, tu me demandes à boire à moi qui suis une femme samaritaine ? » Jésus lui répondit : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire, c’est toi qui l’aurais prié et il t’aurait donné de l’eau vive, [...] qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif; l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle » (cf. vv.10-14).

Aller au puits pour puiser de l’eau est fatigant et ennuyeux ; il serait beau d’avoir à disposition une source jaillissante ! Mais Jésus parle d’une eau différente. Lorsque la femme se rend compte que l’homme avec lequel elle est en train de parler est un prophète, elle lui confie sa vie et elle lui pose des questions religieuses. Sa soif d’affection et d’une vie pleine n’a pas été satisfaite par les cinq maris qu’elle a eus, au contraire, elle a connu des déceptions et des tromperies. C’est pourquoi cette femme est frappée par le grand respect que Jésus a pour elle et lorsqu’il lui parle même de la vraie foi comme d’une relation avec Dieu le Père, « en esprit et vérité », elle comprend alors que cet homme pourrait être le Messie, et Jésus — chose rarissime — le lui confirme : « Je le suis, moi qui te parle » (v.26). Il dit être le Messie à une femme qui avait une vie aussi désordonnée.

Chers frères, l’eau qui donne la vie éternelle a été répandue dans nos cœurs le jour de notre baptême ; Dieu nous a alors transformés et remplis de sa grâce. Mais il se peut que nous ayons oublié ce grand don, ou que nous l’ayons réduit à une simple information personnelle ; et peut-être allons-nous à la recherche de « puits » dont les eaux ne nous désaltèrent pas. Quand nous oublions l’eau véritable, nous allons à la recherche de puits dont les eaux ne sont pas propres. Alors, cet Évangile est précisément pour nous ! Pas seulement pour la Samaritaine, pour nous. Jésus nous parle, comme à la Samaritaine. Certes, nous le connaissons déjà, mais peut-être ne l’avons-nous pas encore rencontré personnellement. Nous savons qui est Jésus, mais peut-être ne l’avons-nous pas rencontré personnellement, en parlant avec lui, et ne l’avons-nous pas encore reconnu comme notre Sauveur. Ce temps de Carême est une bonne occasion pour nous rapprocher de lui, le rencontrer dans la prière dans un dialogue cœur à cœur, parler avec lui, l’écouter. C’est une bonne occasion pour voir son visage, également sur le visage d’un frère ou d’une sœur qui souffre. De cette manière, nous pouvons renouveler en nous la grâce du baptême, nous désaltérer à la source de la Parole de Dieu, et de son Esprit Saint ; et ainsi découvrir également la joie de devenir des artisans de réconciliation et des instruments de paix dans la vie quotidienne.

Que la Vierge Marie nous aide à puiser constamment à la grâce, à cette eau qui jaillit du roc qu’est le Christ Sauveur, afin que nous puissions professer notre foi avec conviction et annoncer avec joie les merveilles de l’amour de Dieu, miséricordieux et source de tout bien.

© Libreria Editrice Vaticana – 2017