Pko 14.06.2020

Eglise cath papeete 1

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°28/2020

Dimanche 14 juin 2020 – Solennité du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ – Année A

Humeurs…

Espérer contre toute espérance !

« Les jours se suivent et ne se ressemblent pas ! » Cette expression est particulièrement juste lorsque l’on regarde le travail de Dieu dans le cœur des hommes.

Nous sommes parfois tentés par le découragement lorsque nous regardons les actes des hommes… nos propres actes même ! Difficile d’y voir, d’y trouver l’image de Dieu… Alors à quoi bon de lutter contre l’inéluctable ? Et voilà, que nous arrive un clin d’œil du ciel ! Et l’on repart plein d’espérance, de courage et de force !

Cette semaine fut pour tous les acteurs de l’Accueil Te Vai-ete comme un clin d’œil du ciel… En l’espace de quelques jours, trois « oiseaux » de la rue, arrivés en fin de contrat CAE, se sont vus engagés, l’un en CDI directement et deux autres en CDD puis CDI… mais l’on ne s’arrête pas là ! Notre étudiante de la rue – même si désormais elle ne l’est plus – va décrocher sa License en « reo maohi » ! Enfin, samedi, un jeune couple, qui prépare son retour depuis plus d’un an dans leur île, a réceptionné les clefs de son tout nouveau Fare et prend le bateau pour s’y installer !

Après cette période de confinement, un rayon de soleil, dans le ciel assombri des sans-abris. Car s’ils ont été, pour certains choyés dans les centres de confinement, ils sont aujourd’hui, plus que les autres, les victimes de la crise économique qui s’annonce.

Ensemble, reprenons notre bâton de pèlerin ! Le travail ne manque pas… mais l’espérance demeure !

Laissez-moi vous dire…

Dimanche 14 juin 2020 : Solennité du saint Sacrement

Soif de connaissance ? Soif d’espérance ?

Éternel affamé l’être humain aspire à la plénitude de l’amour, de la connaissance, de la vie. On le remarque lorsqu’on observe les enfants, spontanément ils cherchent à découvrir et comprendre le monde. Malheureusement il y a des heurts et des malheurs dans la vie qui conduisent à des déceptions, des blocages, des traumatismes.

C’est le cas d’une frange de la population scolaire constituée des « élèves dys ». Environ 8% des enfants scolarisés en école primaire et collège présentent des troubles cognitifs tels que dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, dyspraxie, ou encore troubles de l’attention ou des processus de mémorisation (*). À l’heure où l’on parle de « décrochage scolaire », de « pédagogie de la réussite », d’« accompagnement individualisé »… il est crucial de bien cibler le type de difficultés rencontrées par les élèves et les collégiens.

Lors du confinement que nous venons de vivre, la « continuité pédagogique » a permis à un bon nombre de parents de se rendre compte de l’importance de l’accompagnement des enfants dans leur cursus scolaire. Quand on a un seul enfant c’est déjà compliqué, mais quand la fratrie s’élargit à 5 ou 6, auxquels peuvent s’ajouter des enfants faamu, des cousins ou même des voisins, le suivi « individuel » relève presque de l’exploit. On mesure alors l’épaisseur du travail demandé aux enseignant(e)s !

Tous les enfants qui ne réussissent pas ne sont pas forcément des paresseux ou des cas sociaux. Un enfant a -presque toujours- envie de réussir, envie de bien faire, de faire plaisir à son maître, à ses parents. Mais la motivation s’émousse lorsqu’on se trouve confronté à des difficultés d’apprentissage liées aux « dys ». Comment s’en sortir lorsqu’on peine à lire, à calculer, à maintenir son attention et… qu’on est « catalogué mauvais élève » ? D’où l’importance d’être vigilant dans l’observation de ces enfants et de diagnostiquer au plus tôt leurs difficultés.

Un accompagnement personnalisé, des temps de régulation et de dialogue sont possibles. Ils permettent à l’enfant, au jeune, de restaurer la confiance en lui, de reprendre pied dans les apprentissages et ainsi d’avoir de l’estime à ses propres yeux. Pour certains il suffit parfois de leur laisser plus de temps, de ne pas effacer le tableau trop vite, d’avoir un regard bienveillant, aimant qui déculpabilise.

Certes, dans une classe dite « normale » il peut sembler difficile de prendre en charge ce type d’enfants. C’est pourquoi des dispositifs sont envisageables : par exemple les « Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisé (PIAL) », les « Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap (AESH) »…

La fondation “Apprentis d’Auteuil”, reconnue d’utilité publique, développe des programmes d’accueil, d’éducation, de formation et d’insertion pour redonner aux jeunes et aux familles fragilisés ce qui leur manque le plus : la confiance. Elle compte 240 établissements en France et Outre-Mer qui accueillent 30 000 élèves et soutiennent 6 000 familles en difficulté dans l’éducation de leurs enfants.

En ce dimanche où nous célébrons le Saint Sacrement, le don de Dieu comme « vraie nourriture des personnes, des familles, des nations », nous devenons à notre tour « porteurs de pain d’espérance » vers celles et ceux qui ont besoin de notre attention.

Dominique SOUPÉ

(*) Les troubles « Dys » :

Dyslexie, dysorthographie : difficulté à lire, en particulier à haute voix ; difficulté à orthographier

Dysphasie : difficulté à parler

Dyspraxie : troubles du geste ; difficulté à dessiner

Dyscalculie : difficulté à compter, à comprendre les concepts mathématiques

Troubles de l’attention : difficultés dans l’organisation, la stratégie, la planification de tâches (cela peut être lié à de l’hyperactivité)

Troubles du développement des processus mnésiques : difficulté à mémoriser

(Source : Dossier “Troubles dys, accompagner chaque jeune”, Revue À L’ÉCOUTE, des Apprentis d’Auteuil, n°233, avril-mai 2020)

© Cathédrale de Papeete – 2020

Regard sur l’actualité…

Statistiques

Un article paru sur le site « Vatican News » du 26 Mars 2020 nous livre quelques statistiques récentes sur les effectifs de l’Église Catholique dans le monde. Si certaines de ces données statistiques peuvent nous réjouir et d’autres nous inquiéter, souvenons-nous qu’au pied de la croix, il y avait bien peu de monde : Marie, mère de Jésus, le disciple que Jésus aimait, quelques femmes, les soldats, et peut-être aussi pas loin, Simon de Cyrène et Joseph d’Arimathie… Pourtant, malgré ce petit nombre, la Bonne Nouvelle a fait son chemin ! Le critère du nombre ne doit donc pas polariser notre attention au point de devenir le seul critère ou le critère absolu de réussite de la mission, mission dont le but n’est pas de remplir les églises, mais de conduire les hommes et les femmes de notre temps à la rencontre de Jésus Christ. C’est vrai que pour y parvenir, nous devons sans cesse demander au maître d’envoyer des ouvriers pour la moisson, laïcs engagés, diacres, prêtres, religieuses et religieux etc… Ces statistiques nous aideront à nous faire une plus juste idée de la situation en effectifs de notre Église et des ouvriers actuellement à l’œuvre pour la mission. Voici donc cet article.

« Selon les données publiées le 25 Mars 2020 par l’Annuaire Pontifical 2020 et par l’Annuarium Statisticum Ecclesiae 2018, le nombre de catholiques baptisés est en légère augmentation dans le monde, tout comme le nombre d'évêques. En revanche les effectifs de prêtres, religieux, religieuses et séminaristes continuent de diminuer. L’Afrique et l’Asie se démarquent, avec des évolutions toujours à la hausse.

En 2018, les catholiques représentent un peu moins de 18 % de la population mondiale : entre 2013 et 2018, le nombre de catholiques baptisés sur les cinq continents a augmenté d'environ 6 %, passant de près de 1,254 à 1,329 milliard, soit une augmentation de 75 millions de personnes. Sur le continent américain, 63, 7 % des habitants sont recensés comme catholiques, contre près de 40 % pour l’Europe, 19, 4 % pour l’Afrique et seulement 3, 3 % pour l’Asie. Sur le nombre total de catholiques dans le monde, 48% vivent en Amérique, 21,5% en Europe et 11,1% en Asie, où l'on constate une augmentation particulière.

Intéressons-nous maintenant aux membres du clergé. Entre 2013 et 2018, le nombre d'évêques a augmenté de plus de 3,9 %, passant de 5 173 à 5 377, avec une hausse marquée en Océanie (+4,6 %), suivie par l'Amérique et l'Asie (toutes deux avec +4,5 %), l'Europe (+4,1 %) et l'Afrique (+1,4 %). Le nombre de prêtres a quant à lui légèrement baissé au niveau mondial, de 0,3 %. Entre 2013 et 2014, ce nombre a augmenté de 1 400, puis il a diminué entre 2016 et 2018. Contrairement à la moyenne mondiale, les vocations en Afrique et en Asie ont augmenté de 14,3 % et 11 % respectivement. En Amérique, le nombre de prêtres est constant, il y en a environ 123 000, en Europe et en Océanie les baisses atteignent respectivement de plus de 7% et un peu plus de 1%. Le nombre de diacres permanents a augmenté de 10 %. Ils sont passés de 43 195 en 2013 à 47 504 cinq ans plus tard.

Du côté des religieux, le nombre de profès non-prêtres (comme les Frères de La Mennais – NDLR) continue à diminuer (-8%), leur nombre étant passé de plus de 55 000 à moins de 51 000. La tendance à la baisse est commune aux différents continents, à l'exception de l'Afrique et de l'Asie où l'on observe une progression de +6,8% et +3,6%. On observe également une forte tendance à la baisse pour les religieuses professes, avec une contraction de 7,5 % entre 2013 et 2018. Leur effectif total est passé de près de 694 000 en 2013 à moins de 642 000 cinq ans plus tard. La baisse est de -15% en Europe, -14,8% en Océanie et -12% en Amérique. En Afrique et en Asie, en revanche, l'augmentation est décidément soutenue, avec une hausse de plus de 9 % en Afrique et +2,6 % en Asie.

Le nombre de candidats à la prêtrise dans le monde est passé de 118 251 en 2013 à 115 880 en 2018, soit une baisse de 2 %. Le déclin, à l'exception de l'Afrique, touche tous les continents, avec des réductions importantes pour l'Europe (-15,6 %) et l'Amérique (-9,4 %). L'Afrique, avec une variation positive de 15,6 %, a confirmé sa position de zone géographique ayant un grand potentiel pour répondre aux nécessités pastorales » (Source : Tiziana Campisi - Cité du Vatican « Vatican News » du 26 Mars 2020)

+ Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete – 2020

Audience générale

Nous laisser changer par Dieu

Lutter contre Dieu est une métaphore de la prière : le Pape François a poursuivi ce mercredi matin, lors de l'audience générale, son cycle de catéchèse sur la prière en revenant sur le combat de Jacob avec l'ange du Seigneur.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Il y a une voix qui résonne à l’improviste dans la vie d’Abraham. Une voix qui l’invite à entreprendre un chemin qui a un goût d’absurde : une voix qui le pousse à se déraciner de sa patrie, de ses racines familiales, pour aller vers un avenir nouveau, un avenir différent. Et tout cela fondé sur une promesse, à laquelle il faut seulement se fier. Et se fier à une promesse n’est pas facile, il faut du courage. Et Abraham a fait confiance.

La Bible ne dit rien sur le passé du premier patriarche. La logique des choses laisse entendre qu’il adorait d’autres divinités ; peut-être était-il un homme sage, habitué à scruter le ciel et les étoiles. Le Seigneur, en effet, lui promet que sa descendance sera aussi nombreuse que les étoiles parsemées dans le ciel.

Et Abraham part. Il écoute la voix de Dieu et se fie à sa parole. C’est important : il se fie à la parole de Dieu. Et son départ donne lieu à une nouvelle manière de concevoir la relation avec Dieu ; c’est pour cette raison que le patriarche Abraham est présent dans les grandes traditions spirituelles juives, chrétiennes et islamiques comme le parfait homme de Dieu, capable de se soumettre à lui, même lorsque sa volonté se révèle ardue, sinon carrément incompréhensible.

Abraham est donc l’homme de la Parole. Quand Dieu parle, l’homme devient le récepteur de cette Parole et sa vie le lieu où elle demande à s’incarner. C’est une grande nouveauté sur le chemin religieux de l’homme : la vie du croyant commence à se concevoir comme une vocation, c’est-à-dire comme un appel, comme le lieu où se réalise une promesse ; et il se meut dans le monde non pas tant sous le poids d’une énigme mais par la force de cette promesse qui se réalisera un jour. Et Abraham crut à la promesse de Dieu. Il a cru et il est parti, sans savoir où il allait – selon ce que dit la lettre aux Hébreux (cf. 11,8). Mais il a fait confiance.

En lisant le livre de la Genèse, nous découvrons comment Abraham a vécu la prière dans une fidélité continuelle à cette Parole qui faisait périodiquement surface sur son chemin. En résumé, nous pouvons dire que, dans la vie d’Abraham, la foi se fait histoire. La foi se fait histoire. Ou plutôt, par sa vie, par son exemple, Abraham nous enseigne ce chemin, cette route sur laquelle la foi se fait histoire. Dieu n’est plus seulement vu dans les phénomènes cosmiques, comme un Dieu lointain, qui peut inspirer la terreur. Le Dieu d’Abraham devient « mon Dieu », le Dieu de mon histoire personnelle, qui guide mes pas, qui ne m’abandonne pas ; le Dieu de mes jours, le compagnon de mes aventures ; le Dieu Providence. Je me demande et je vous demande : et nous, avons-nous cette expérience de Dieu ? « Mon Dieu », le Dieu qui m’accompagne, le Dieu de mon histoire personnelle, le Dieu qui guide mes pas, qui ne m’abandonne pas, le Dieu de mes jours ? Avons-nous cette expérience ? Réfléchissons-y un peu.

L’un des textes les plus originaux de l’histoire de la spiritualité, le Mémorial de Blaise Pascal, témoigne aussi de cette expérience d’Abraham. Il commence ainsi : « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, et non des philosophes et des sages. Certitude, certitude. Sentiment. Joie. Paix. Dieu de Jésus-Christ ». Ce mémorial, écrit sur un petit parchemin, et trouvé après sa mort, cousu à l’intérieur d’un vêtement du philosophe, exprime non pas une réflexion intellectuelle qu’un homme sage comme lui peut concevoir sur Dieu, mais la sensation vive, expérimentale, de sa présence. Pascal note jusqu’au moment précis où il ressentit cette réalité, l’ayant enfin rencontrée : le soir du 23 novembre 1654. Ce n’est pas un Dieu abstrait ni le Dieu cosmique, non. C’est le Dieu d’une personne, d’un appel, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu qui est une certitude, qui est un sentiment, qui est joie.

« La prière d’Abraham s’exprime avant tout par des actions : homme du silence, à chaque étape il construit un autel au Seigneur » (Catéchisme de l’Église catholique, 2570). Abraham n’édifie pas un temple, mais il dissémine le chemin de pierres qui rappellent le passage de Dieu. Un Dieu surprenant, comme quand il lui rend visite à travers les figures des trois hôtes qu’ils accueillent, avec Sarah, pleins d’attentions, et qui leur annoncent la naissance de leur fils Isaac (cf. Gn 18,1-15). Abraham avait cent ans et sa femme quatre-vingt-dix, plus ou moins. Et ils crurent, ils firent confiance à Dieu. Et Sarah, sa femme, conçut. À cet âge-là ! Voilà le Dieu d’Abraham, notre Dieu, qui nous accompagne. Ainsi, Abraham devient familier de Dieu, capable même de discuter avec lui, mais toujours fidèle. Il parle avec Dieu et il discute. Jusqu’à l’épreuve suprême, quand Dieu lui demande de sacrifier son propre fils Isaac, l’enfant de sa vieillesse, son unique héritier. Là, Abraham vit sa foi comme un drame, comme un chemin à tâtons dans la nuit, sous un ciel cette fois privé d’étoiles. Et cela nous arrive aussi bien souvent à nous, de marcher dans la nuit mais avec la foi. Dieu lui-même arrêtera la main d’Abraham, déjà prête à frapper, parce qu’il a vu sa disponibilité vraiment totale (cf. Gn 22,1-19).

Frères et sœurs, apprenons d’Abraham, apprenons à prier avec foi : écouter le Seigneur, marcher, dialoguer jusqu’à discuter. N’ayons pas peur de discuter avec Dieu ! Je vais même dire quelque chose qui peut sembler une hérésie. J’ai très souvent entendu des gens me dire : « Vous savez, il m’est arrivé ceci et je me suis mis en colère contre Dieu. – Tu as eu le courage de te mettre en colère contre Dieu ? – Oui, je me suis mis en colère. – Mais c’est une forme de prière ! ». Parce que seul un fils est capable de se mettre en colère contre son papa et ensuite de le rencontrer à nouveau. Apprenons d’Abraham à prier avec foi, à dialoguer, à discuter, mais toujours disposés à accueillir la parole de Dieu et à la mettre en pratique. Avec Dieu, apprenons à parler comme un fils avec son papa : l’écouter, répondre, discuter. Mais transparent, comme un fils avec son papa. C’est ainsi qu’Abraham nous apprend à prier. Merci.

© Libreria Editice Vaticana - 2020

Église et solidarité

Le Pape crée un fond pour les travailleurs en difficulté à Rome

Ce fonds, intitulé « Jésus Divin Travailleur », aura comme première dotation un million d'euros pour toutes les catégories sociales les plus faibles touchées par les conséquences de la pandémie dans le diocèse de Rome. Dans une lettre au cardinal-vicaire Angelo De Donatis, le Pape François lance l'invitation à une « alliance pour Rome » : que les institutions et les citoyens fassent renaître la ville avec un cœur solidaire.

La résurrection de Rome commence par les plus fragiles. En restituant aux personnes en situation de précarité, à ceux qui sont passés sous les radars, la dignité que des semaines de quarantaine ont réduite en poussière avec la lenteur d'un sablier dramatique. Il n'y a pas d'autre moyen pour François qui, il y a peu de temps déjà, en mettant en place la Commission post-Covid, avait pris en compte les préoccupations concernant les retombées sociales de la pandémie.

Cette fois, son regard s'est arrêté sur la ville dont il est l'évêque, Rome, où, dit-il, « nous voyons que tant de gens demandent de l'aide, et il semble que “les cinq pains et les deux poissons” ne suffisent pas ».

Pour les personnes les plus exposées

De cette constatation découle le nouveau geste concret du Pape, communiqué dans une lettre envoyée à son cardinal vicaire, Angelo De Donatis. Le Fonds « Jésus Divin Travailleur », avec un premier million d'euros versé à la Caritas diocésaine, veut « rappeler la dignité du travail » pour ce « grand groupe de travailleurs journaliers et occasionnels », ceux « avec des contrats à durée déterminée non renouvelés », « ceux payés à l'heure » et avec une pensée - François les énumère explicitement « aux stagiaires, aux travailleurs domestiques, aux petits entrepreneurs, aux travailleurs indépendants, surtout ceux des secteurs les plus touchés et de leurs industries connexes ». Parmi eux, il a noté que « beaucoup sont des pères et des mères de famille qui luttent laborieusement pour mettre la table pour leurs enfants et leur garantir le minimum nécessaire ».

Pour le bien commun

Le Pape sait qu'il parle à des tissus humains sensibles. « Le grand nombre de personnes qui, de nos jours, ont retroussé leurs manches pour aider et soutenir les faibles » le démontre, reconnaît-il. La preuve en est, souligne-t-il, « l'augmentation des dons » pour ceux qui s'occupent des malades et des pauvres et en général toutes ces « manifestations qui ont vu les Romains regarder par les fenêtres et les balcons pour applaudir les médecins et les agents de santé, chanter et jouer, créer des communautés et briser la solitude qui mine le cœur de beaucoup d'entre nous ». Des exemples, non pas d'une émotion passagère, mais de personnes qui veulent agir « pour le bien commun ».

Politiques de protection

La création du Fonds pour François est la démarche d'une Église qui connaît et partage l'inquiétude de ceux qui aujourd'hui connaissent plus d'incertitudes qu'autre chose, qui « accompagne les faibles avec sa charité, et est prête à collaborer avec les institutions de la ville et avec toutes les réalités sociales et économiques ». Et ici, le Pape s'adresse directement aux représentants de la société civile et du monde du travail, « appelés, écrit-il, à écouter cette demande et à la transformer en politiques et en actions concrètes pour le bien de la ville ». Des politiques qui « protègent », affirme-t-il encore, « surtout ceux qui risquent d'être exclus de la protection institutionnelle et qui ont besoin de soutien pour les accompagner, jusqu'à ce qu'ils puissent marcher à nouveau de manière autonome ».

La fleur de la solidarité

Le Pape espère que la réaction collective et solidaire face aux conséquences de la pandémie créera « une véritable alliance pour Rome dans laquelle chacun, pour sa part, se sentira protagoniste de la renaissance de notre communauté après la crise ». François exhorte les prêtres à « être les premiers à contribuer au fonds, et les partisans enthousiastes du partage dans leurs communautés ». Et la dernière prière est « au bon cœur des Romains » : maintenant, conclut-il, « il ne suffit pas de partager seulement le superflu. Je voudrais voir la solidarité "d'à côté" s'épanouir dans notre ville, les actions qui rappellent les attitudes de l'année sabbatique, où les dettes sont remises, les litiges abandonnés, le paiement est demandé en fonction de la capacité du débiteur et non du marché ».

La gratitude du cardinal De Donatis

En se déclarant « profondément reconnaissant » pour la création du Fonds, le cardinal De Donatis - rapporte une note du Vicariat - souligne dans la lettre « tout l'amour et la sollicitude » que le Pape, évêque de Rome, « ne cesse de manifester envers les hommes et les femmes de notre ville ». Il se dit dit « certain qu'avec les institutions - à commencer par la région du Latium et Rome Capitale – “chacun pour sa part”, nous répondrons tous ensemble et avec engagement en donnant vie à “une alliance véritable et appropriée pour Rome”, pour être “les protagonistes de la renaissance de notre communauté après la crise” ». Le Fonds, précise la note du Vicariat, sera présenté aux médias vendredi prochain 12 juin à 11 heures dans la salle du cardinal Ugo Poletti du Palais du Latran.

© Radio Vatican - 2020

Témoignage chrétien

Le rôle de Louis Massignon dans la postérité de Charles de Foucauld

Le 26 mai 2020, le Saint-Père a reçu le Cardinal Angelo Becciu, préfet de la congrégation pour les causes des saints. Le souverain pontife a reconnu le miracle attribué à l’intercession du Bienheureux Charles de Foucauld, prêtre diocésain, né à Strasbourg (France) le 15 septembre 1858 et mort à Tamanrasset (Algérie), le 1er décembre 1916.

Déjà béatifié et déclaré « Bienheureux » en 2005 sous le pontificat de Benoît XVI, Charles de Foucauld sera prochainement canonisé. Mondialement célèbre, l’ermite du Hoggar algérien doit pourtant sa reconnaissance à un personnage moins connu : Louis Massignon. Surnommé le « catholique musulman » par Pie XI en 1934, ce grand islamologue et mystique chrétien fait l’objet d’une nouvelle biographie parue chez Bayard[1] qui éclaire notamment la féconde relation entre cet orientaliste et son « frère aîné », Charles de Foucauld…

Louis Massignon (1883-1962) est un « converti de la Belle Époque » selon l’expression consacrée. Le début du XXe siècle est marquée par un « renouveau catholique » qui voit la conversion de nombreux jeunes gens, à la suite de leurs aînés Léon Bloy (1879), Paul Claudel (1886), Joris-Karl Huysmans (1891) et Charles de Foucauld (1886). A ceci près que le jeune Massignon a recouvré la foi « dans le miroir de l’islam », ayant été profondément marqué par la foi musulmane, en écho d’ailleurs à l’émotion que l’islam avait aussi suscité chez le vicomte de Foucauld, explorateur agnostique du Sahara, avant sa conversion.

Louis avait perdu la foi en 1900, mais il avait pris attache avec ce dernier eu égard à sa Reconnaissance du Maroc (1888) qui l’a beaucoup marqué pendant ses études. L’abbé lui avait chaleureusement répondu en « priant pour lui », mais le jeune homme n’avait pas donné suite. Par contre, une fois re-converti au christianisme en Mésopotamie en 1908, Louis ose reprendre contact avec l’ermite. Le courant passe admirablement et ils se rencontrent lors d’un passage de Foucauld à Paris, couronné par une mémorable nuit d’adoration au Sacré-Cœur. Un an plus tard, une lettre de l’abbé l’invite à le rejoindre au désert, dans le but de lui succéder un jour[2]. Il lui propose même une ordination secrète. Mais Louis hésite puis, influencé par certaines caricatures présentant Foucauld comme un prêtre excentrique et gyrovague, choisit en 1913 de rester dans le siècle et de se marier, tout en entrant dans la fraternité foucaldienne : l’Union. Durant la Grande Guerre, il suit les conseils de l’abbé et demande à être muté dans les tranchées du front d’Orient, pour endurer les souffrances de l’infanterie coloniale. Et c’est sous les balles de Macédoine qu’il apprend la mort de son « frère aîné ». Lors d’une permission à Paris début 1917, il décide de s’engager corps et âme pour sauver l’Union et « faire survivre » l’héritage foucaldien qui n’intéresse alors personne.

Exécuteur testamentaire, il est à l’origine de la grande biographie signée René Bazin (1921), succès de librairie qui rendra l’abbé si célèbre. C’est aussi Massignon qui fait publier son Directoire (1928), tout en assurant un rôle clé dans l’émergence des vocations et des différents groupes foucaldiens (Suzanne Garde, Alida Macoir-Capart, René Voillaume…), tandis qu’il anime à Paris la « sodalité du Directoire ». Il a aussi contribué à l’ouverture du procès de canonisation de l’ermite de Tamanrasset qui aboutira prochainement. Toute sa vie, il n’a eu de cesse de promouvoir l’œuvre et la spiritualité de son frère Charles, tout en le défendant de ses détracteurs qui pointent son rapport ambigu à la question de l’évangélisation des musulmans… Mais ceci est un autre sujet, complexe et épineux. Retenons ici ce que beaucoup ignorent, à savoir que Louis Massignon est à l’origine de la célébrité mondiale de Charles de Foucauld[3].

Manoël Pénicaud, Anthropologue

© Conférence des Évêques de France - 2020


[1] Manoël Pénicaud, Louis Massignon. Le « catholique musulman », Bayard, 450 p.

[2] Jean-François Six, L’Aventure de l’amour de Dieu, 80 lettres inédites de Charles de Foucauld à Louis Massignon, Seuil, 1993.

[3] Louis Massignon, « Toute une vie avec un frère parti au désert : Foucauld », Parole donnée, Seuil, 1983

Commentaire

 

Le thème de la mémoire revient plusieurs fois dans la solennité du Corpus Domini : « Souviens-toi de la longue marche que le Seigneur ton Dieu t’a imposée […] N’oublie pas le Seigneur ton Dieu, […] qui t’a donné la manne » (cf. Dt 8,2.14.16) dit Moïse au peuple. « Faites ceci en mémoire de moi » (1Co 11,24) – nous dira Jésus. « Souviens–toi de Jésus-Christ » (2Tm 2,8), dira Paul à son disciple. Le « pain vivant descendu du ciel » (Jn 6,51) est le sacrement de la mémoire qui nous rappelle, de manière réelle et tangible, l’histoire d’amour de Dieu pour nous.

Souviens-toi, dit aujourd’hui la Parole divine à chacun de nous. Le chemin du peuple dans le désert a pris force du souvenir des hauts faits du Seigneur. Notre histoire personnelle du salut se fonde dans le souvenir de tout ce que le Seigneur a fait pour nous. Se souvenir est essentiel pour la foi, comme l’eau pour une plante : de même qu’une plante sans eau ne peut rester en vie et donner du fruit, de même la foi, si elle ne se désaltère pas à la mémoire de tout ce que le Seigneur a fait pour nous. « Souviens-toi de Jésus-Christ »

Souviens-toi. La mémoire est importante, car elle nous permet de demeurer dans l’amour, de se souvenir, c’est-à-dire de porter dans le cœur, de ne pas oublier celui qui nous aime et que nous sommes appelés à aimer. Cependant, cette faculté unique que le Seigneur nous a donnée est de nos jours plutôt affaiblie. Dans la frénésie dans laquelle nous sommes plongés, beaucoup de personnes et beaucoup de faits semblent glisser sur nous. On tourne les pages rapidement, avides de nouveautés mais pauvres en souvenirs. Ainsi, brulant les souvenirs et vivant dans l’instant, on risque de rester à la surface, dans le flux des choses qui se succèdent, sans aller en profondeur, sans cette épaisseur qui nous rappelle qui nous sommes et où nous allons. Alors, la vie extérieure devient morcelée, la vie intérieure, inerte.

Mais la solennité d’aujourd’hui nous rappelle que, dans le morcellement de la vie, le Seigneur vient à notre rencontre dans une amoureuse fragilité, celle de l’Eucharistie. Dans le pain de vie le Seigneur vient nous visiter, se faisant humble nourriture qui guérit avec amour notre mémoire, malade de frénésie. Car l’Eucharistie est le mémorial de l’amour de Dieu. Là « le mémorial de sa passion est célébré » (Solennité du Corps et du Sang du Christ, Antienne du Magnificat, 2ème Vêpres), mémorial de l’amour de Dieu pour nous, qui est notre force, le soutien de notre marche. Voilà pourquoi le mémorial eucharistique nous fait tant de bien : il n’est pas un souvenir abstrait, froid, une simple notion, mais la mémoire vivante et consolante de l’amour de Dieu. Mémoire d’anamnèse et d’imitation. Dans l’Eucharistie se trouve tout le goût des paroles et des gestes de Jésus, la saveur de sa Pâques, le parfum de son Esprit. En la recevant, la certitude d’être aimé par lui s’imprime dans notre cœur. Et en disant cela, je pense en particulier à vous, enfants qui avez récemment reçu la Première Communion et êtes ici présents nombreux.

Ainsi l’Eucharistie forme en nous une mémoire reconnaissante, parce que nous nous reconnaissons enfants aimés du Père et rassasiés par lui. Une mémoire libre, car l’amour de Jésus, son pardon, guérit les blessures du passé et pacifie le souvenir des torts subis et infligés ; une mémoire patiente, car dans les adversités nous savons que l’Esprit de Jésus demeure en nous. L’Eucharistie nous encourage : même sur le chemin le plus accidenté nous ne sommes pas seuls, le Seigneur ne nous oublie pas et il nous redonne des forces avec amour chaque fois que nous allons à lui.

L’Eucharistie nous rappelle aussi que nous ne sommes pas des individus, mais un corps. De même que le peuple au désert récoltait la manne tombée du ciel et la partageait en famille (cf. Ex 16), de même Jésus, Pain du ciel, nous convoque pour le recevoir, le recevoir ensemble et le partager entre nous. L’Eucharistie n’est pas un sacrement « pour moi », elle est le sacrement d’une multitude qui forme un seul corps, le saint peuple fidèle de Dieu. Saint Paul nous l’a rappelé : « Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain » (1Co 10,17). L’Eucharistie est le sacrement de l’unité. Celui qui la reçoit ne peut être qu’artisan d’unité, parce que nait en lui, dans son “ADN spirituel”, la construction de l’unité. Que ce Pain d’unité nous guérisse de l’ambition de dominer les autres, de l’avidité de s’emparer pour soi, de fomenter des dissensions et de répandre des critiques ; qu’il suscite la joie de nous aimer sans rivalité, envie et bavardages malveillants.

Et maintenant, en vivant l’Eucharistie, adorons et remercions le Seigneur pour ce don suprême : mémoire vivante de son amour qui fait de nous un seul corps et nous conduit à l’unité.

© Libreria Editrice Vaticana – 2017