Pko 12.07.2020

Eglise cath papeete 1

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°32/2020

Dimanche 12 juillet 2020 – 15ème Dimanche du Temps ordinaire – Année A

Humeurs

« Il est temps que Dieu monte à la tribune, sinon il risque de ne pas repasser aux prochaines élections ».

(Frédéric DARD – 1921-2000)

Laissez-moi vous dire…

15 juillet 2020 : Réouverture du ciel polynésien aux touristes
L’intelligence artificielle au service de l’humanité

À compter du 15 juillet, les vols internationaux reprennent, les risquent d’épidémie aussi ! D’où l’urgence de respecter les précautions d’usage : port du masque, distanciation, gestes barrières… C’est à chacun(e) d’agir en citoyen(ne) responsable.

Le 2 juin dernier, en France métropolitaine, le gouvernement a autorisé le téléchargement, sur Apple Store et Google Play, de l’application StopCovid. Les objectifs sont : « vous protéger, protéger les autres, et soutenir les efforts des soignants et du système de santé pour stopper au plus vite les chaînes de contamination et éviter une deuxième vague de l’épidémie de Covid-19 ».  Le principe de cette application est le suivant : « prévenir les personnes qui ont été à proximité d’une personne testée positive, afin que celles-ci puissent être prises en charge le plus tôt possible, le tout sans jamais sacrifier nos libertés individuelles ». [Source : economie.gouv.fr]

Au 23 juin, 1,9 million personnes avaient téléchargé l’application. Mais les résultats escomptés par le gouvernement étaient loin d’être atteints puisque seulement 68 utilisateurs se sont déclarés positifs au virus, et le serveur central n’a remonté que 205 contacts de proximité. Beaucoup d’usagers ont craint une utilisation détournée de leurs données personnelles. Ceci, bien que la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) ait donné son feu vert et recommandé un contrôle des "entrailles" de l'appli pour vérifier que les données des utilisateurs sont bien supprimées et qu'elle respecte "les droits d'accès et d'opposition" des citoyens. [Source : Le Monde, 23 juin 2020]

Cette application rejoint toutes les préoccupations éthiques liées à l’utilisation et aux développements de l’Intelligence Artificielle (IA). L'IA est « l'ensemble des théories et des techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence ». (Définition de l’Encyclopédie Larousse) Plus simplement : dans le langage courant, l’IA englobe les dispositifs imitant ou remplaçant l'être humain dans certaines mises en œuvre des capacités de notre cerveau qui nous permettent de communiquer, de percevoir notre environnement, de nous concentrer, de nous souvenir d’un événement ou d’accumuler des connaissances.

Prenons un exemple simple : vous souhaitez vous rendre dans un magasin pour acheter du tissu pour confectionner des rideaux. Votre cerveau met en œuvre une stratégie pour réaliser cet objectif : connaître les dimensions de la fenêtre, avoir une idée sur le type de tissu, les coloris possibles, le prix à mettre, le choix du magasin, quel chemin je vais prendre pour m’y rendre… Tout ce processus qui « se passe dans mon cerveau » constitue ce qu’on appelle en informatique : « un algorithme ».

L’algorithme est l’ensemble fini des règles nécessaires à la résolution d'un calcul ou à l'obtention d'un résultat en un nombre fini d'étapes. Les programmes informatiques sont en réalité des algorithmes codés dans un langage que la machine peut interpréter et exécuter.

L’IA met en œuvre de nombreux algorithmes pour réaliser plus rapidement ce que l’intelligence humaine est capable de faire. L’Intelligence Artificielle fascine, suscite des fantasmes et un questionnement éthique depuis de nombreuses années. Souvenons-nous de cette phrase célèbre de George Orwell dans son livre « 1984 » : « Big Brother is watching you » (Le Grand Frère vous espionne !). Les craintes liées aux applications de l’IA sont nombreuses : risques d’atteinte aux libertés individuelles, peur d’être remplacés par des machines et d’en devenir esclaves …

L’astrophysicien Stephen Hawking, dans un message vidéo pour le Web Summit de Lisbonne 2017, interrogeait de sa voix synthétique : Stephen Hawking : « Serons-nous aidés par l’intelligence artificielle ou mis de côté, ou encore détruits par elle ? » Et le chercheur d’appeler à l’adoption urgente de « règles » pour encadrer les recherches sur les robots et l’intelligence artificielle.[Source : Le Monde, 10 novembre 2017]

L’église n’est pas indifférente à tous ces questionnements suscités par l’IA. En février dernier. Lors de sa 26è assemblée générale l’Académie pontificale pour la vie a organisé au Vatican une rencontre internationale sur le thème : « Le "bon" algorithme ? Intelligence artificielle, éthique, droit et santé ». Dans son allocution, transmise aux participants le Pape François a souligné : « L’intelligence artificielle se trouve vraiment au cœur du changement d’époque que nous traversons. L’innovation numérique, en effet touche tous les aspects de la vie, tant personnels que sociaux. (…) Les nouvelles technologies ne sont pas des instruments neutres car elles façonnent le monde et engagent les consciences au niveau des valeurs. C’est pourquoi, il faut mener une action éducative plus large que celle qui existe pour le moment afin de persévérer dans la recherche du bien commun. Il faut par conséquent créer des corps sociaux intermédiaires pour assurer la représentation de la sensibilité éthique des utilisateurs et des éducateurs.

Face à la profondeur et l’accélération des transformations de l’ère numérique et aux problèmes inattendus, il existe une nouvelle frontière : “l’éthique algorithmique”». Celle-ci doit devenir un pont pour permettre aux principes de la Doctrine sociale de l’Église de s’appliquer concrètement à travers un dialogue interdisciplinaire efficace. Il s’agit entre autres de la dignité de la personne, de la justice, du principe de subsidiarité et de la solidarité. » [Source : cath.ch/imedia/cd/pad/mp]

En fin de conférence a été signé le document “Rome Call for AI Ethics” (Appel de Rome pour une éthique de l’Intelligence Artificielle) qui demande la mise en place de critères internationaux pour anticiper et prévenir les risques que comporte l’IA. Ce document énumère une série de principes en faveur de l'algor-éthique et formule la volonté de travailler ensemble dans le domaine de l'intelligence artificielle au niveau national et international, afin de mettre les technologies au service de la protection de la planète et de tous les êtres humains. Parmi les signataires de cet appel, outre S.E. Mgr Vincenzo Paglia, président de l'Académie pontificale pour la vie, se trouvaient le Vice-Président d’IBM, le Président de Microsoft, le Président du parlement européen, le Directeur Général de la FAO.

Le Saint-Siège apparait comme un acteur incontournable de la réflexion éthique sur les nouvelles technologies. L’Intelligence Artificielle doit rester un outil au service de l’humanité.

Dominique SOUPÉ

© Cathédrale de Papeete – 2020

Regard sur l’actualité…

Projet de loi bioéthique

Depuis ce lundi 6 Juillet, l'Assemblée Nationale a remis la loi Bioéthique en discussion. Au sortir de l’épisode du Covid-19 qui a mis à mal un certain nombre de réalités économiques et sociales dans la vie de beaucoup, cette loi visant la PMA pour toutes mériterait un délai de réflexion et un contexte plus favorable permettant un débat à la hauteur des enjeux. Hélas, il semble qu’au milieu des difficultés issues du Covid-19 et des nombreux problèmes à résoudre, la priorité soit donnée à cette question. Pourtant, selon un récent sondage (Ifop, 15 juin 2020 https://www.ifop.com/wpcontent/uploads/2020/06/117458-Rapport.pdf) il apparait que la très grande majorité des Français ne considéraient pas cette loi comme prioritaire, donnant très nettement leur préférence au traitement économique et social de la crise post Covid - la procréation médicalement assistée (PMA) arrivant en toute dernière position des préoccupations « prioritaires » (1% des réponses).

Parmi les réactions face à cette situation, signalons celle de Mgr AUPETIT, archevêque de Paris qui a réagi dans une tribune publiée mardi 30 juin 2020 dans « Le Figaro ». Il y dénonce une décision précipitée et décalée et fait part de sa stupéfaction face à cette volonté d’arriver à tout prix à bout du projet de loi « comme si rien ne s’était passé ». Signalons également celle de l’AFC de Polynésie qui, par le biais de sa présidente, a interpelé les députés de Polynésie en ces termes : « Alors que la France vient à peine de sortir d’une grave crise sanitaire et que la plupart des réformes importantes sont à reporter ou à revoir, la priorité a été de faire passer en force et dans la discrétion du mois de juillet le projet de loi bioéthique revu et aggravé, qui aura des portées incommensurables à l’heure où l’on prône l’écologie : - bouleversement des relations généalogiques avec la disparition programmée du père ouverture incontrôlée du marché des enfants - avancée masquée vers la GPA avec la méthode ROPA (réception d’ovocyte du partenaire) - banalisation de la sélection des embryons humains tendant à l’eugénisme… Nous demandons que l’Assemblée de Polynésie en débatte avant toute prise d’ordonnance du Président de la République nous imposant l’application de la loi Bioéthique. Cette possibilité de débat est inscrite dans le statut d’autonomie dans le respect de l’esprit et la lettre de nos compétences institutionnelles. »

Dans une interview publiée sur le site « Gènéthique », Olivia Sarton, juriste et auteur du livre « PMA : ce qu’on ne vous dit pas » évoque les conséquences possibles de cette loi sur les enfants : « La PMA pour les couples de femmes ou les femmes seules soulève des objections particulières liées à des violations spécifiques des droits des enfants, qui ont été maintes et maintes fois dénoncées et qui sont donc bien connues : privation légale de père, établissement d’un acte de filiation irréel, interdiction d’inscription dans sa généalogie biologique, inégalité entre les enfants selon leur mode de conception, exposition plus grande aux risques de précarité et de fragilité face aux aléas de la vie pour les enfants conçus au profit de femmes seules. Mais, comme vous le soulignez, c’est en réalité la PMA elle-même qui est source de difficultés majeures. C’est le cas bien sûr de la PMA avec tiers donneur et c’est un point sur lequel je tiens à insister : toutes les PMA avec tiers donneur (et non pas seulement celles qui seraient destinées à des couples de femmes ou à des femmes seules) portent atteinte aux droits des enfants puisqu’ils sont privés de l’accès à leurs origines et privés de leur filiation biologique, ce qui génère pour au moins la moitié d’entre eux, un mal-être important ».

Si l’on considère que la généalogie et la notion de filiation sont si importantes dans la culture Maohi, et si nous gardons au cœur le projet de Dieu sur la famille comme lieu unique et singulier où peuvent s’épanouir pour le bonheur de tous, les relations époux – épouse et les relations père – mère enfants, le débat sur cette loi de bioéthique ne peut ni ne doit nous laisser indifférents !

+ Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete – 2020

Histoire

Notre Dame de Paris sera restaurée à l’identique

Emmanuel Macron a fait savoir jeudi 9 juillet qu’il abandonnait le projet d’un geste contemporain pour la flèche de la cathédrale. L’architecte en chef plaide pour une charpente en bois et une toiture en plomb.

La flèche de Viollet-le-Duc sera bien rebâtie et la cathédrale Notre-Dame restaurée à l’identique. Alors que se tenait jeudi 9 juillet la réunion de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), le président a fait savoir dans la soirée qu’il entérinait l’option d’une restauration au plus proche de l’état dans lequel se trouvait la cathédrale avant l’incendie.

Sur les modalités de la restauration, l’Élysée a indiqué que le président laisserait les spécialistes trancher, sans s’immiscer dans le dossier technique. Dans son étude présentée jeudi 9 juillet devant la CNPA, Philippe Villeneuve, architecte en chef des monuments historiques en charge de Notre-Dame, a proposé une restauration au plus proche de l’historique, y compris dans les matériaux : charpente en bois à la manière de l’illustre « forêt » du XIIIe siècle, flèche recouverte de plomb. Pour l’architecte, seul ce matériau permettrait de retrouver les couleurs et les nuances de la flèche disparue.

L’architecte en chef des monuments historique a reçu un soutien de poids : la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), obligatoirement consultée sur les interventions concernant les monuments historiques, a voté à l’unanimité un avis favorable à l’étude d’évaluation présentée par Philippe Villeneuve. « Elle a également approuvé à l’unanimité les parties pris de restauration qui concernent la couverture et la flèche dans le respect des matériaux d’origine : le chêne pour la charpente et le plomb pour la couverture », a indiqué à La Croix Jean-Pierre Leleux, sénateur et président de la CNPA, à l’issue d’une longue après-midi de débats.

Le « geste architectural contemporain » que le président avait appelé de ses vœux pour la flèche au lendemain de l’incendie est donc définitivement abandonné. Il pourrait être reporté sur les « abords » de la cathédrale, dont le périmètre doit encore être défini. Les discussions vont reprendre à ce sujet avec la Mairie de Paris et le diocèse, mais le président souhaite déjà qu’une « Maison du chantier » permettant expositions, débats et sensibilisation aux métiers d’art voie le jour dans la cour de l’Hôtel-Dieu.

Des voix pour une restauration à l’identique

Jeudi 9 juillet au matin sur France Inter, la nouvelle ministre de la culture Roselyne Bachelot avait préparé les esprits au choix présidentiel. « Un large consensus se dégage dans l’opinion publique et les décideurs (…) pour une reconstruction à l’identique » avait-elle déclaré. La veille, la Mission d’information parlementaire évaluant l’application de la loi du 29 juillet 2019 sur la restauration de Notre-Dame allait dans le même sens.

Dans un rapport rendu public mercredi 8 juillet, sa présidente Brigitte Kuster indiquait que « chez les personnes auditionnées par la mission d’information, la restauration à l’identique l’emporte quasiment à l’unanimité, au moins d’un point de vue visuel. Seule la question des matériaux fait débat ». « Certains, par principe, ne se sont pas exprimés, relève toutefois la députée interrogée par La Croix, mais on a senti cette volonté d’une reconstruction à l’identique chez ceux qui s’expriment, particulièrement pour tous ceux qui travaillent en prise directe avec les métiers d’art et de la restauration. »

Les fondations collectant les dons - Fondation du patrimoine, Fondation de France, Fondation pour l’avenir du patrimoine à Paris - auraient elles aussi fait remonter que les donateurs ne voulaient pas que leur argent «  serve à financer un nouveau projet qu’à ce jour ils ne connaissent pas », rapporte la députée.

Un tempo défavorable pour innover

Le débat a-t-il été plié avant d’avoir eu lieu ? Une chose est sûre, le tempo donné par l’Élysée d’une restauration en cinq ans et les incertitudes sur l’état de l’édifice - pas encore sauvé à ce jour - n’ont pas invité les architectes à multiplier les propositions de restauration intégrant un geste contemporain. Et comment le faire en l’absence d’un cahier des charges défini ? Seuls quelques architectes s’y sont risqués. Depuis de longs mois, le projet de concours international d’architecture pour la flèche, annoncé le 17 avril 2019 par l’ancien premier ministre Édouard Philippe, était devenu un sujet fantôme.

À l’inverse, les défenseurs d’une restauration à l’identique ont occupé le devant de la scène. Fin avril 2019, une pétition de 1188 spécialistes du patrimoine invitait le chef de l’État à « la prudence » dans ses choix concernant Notre-Dame. Les spécialistes de Viollet-le-Duc et de l’art du XIXe siècle ont fait entendre leur voix, tandis que les entreprises du patrimoine et du bois ont fait valoir leurs arguments : maintien de l’emploi, développement de la filière, sauvegarde des savoir-faire…

Pas de renoncement du chef de l’État

« Notre-Dame est un symbole et étymologiquement, cela signifie ce qui rassemble. On ne peut pas faire quelque chose de clivant sur un symbole », souligne Jean-Michel Leniaud, historien de l’architecture et président de l’Association des amis de Notre-Dame. Pour ce spécialiste de Viollet-le-Duc, le « sens politique » comme « le respect de la doctrine de la restauration » plaidaient en faveur du conservatisme. « Mais la modernité va pouvoir s’exprimer autour du parvis et dans les abords, souligne-t-il. Et pourquoi pas dans un vrai Musée de l’Œuvre. »

À l’Élysée, on récuse toute idée de renoncement du chef de l’État. On parle d’« écoute », de « volonté de consensus » et de décision « longuement mûrie ». Mais alors qu’Emmanuel Macron avait lancé avec panache le grand chantier de Notre-Dame le soir de l’incendie, cette façon de communiquer aujourd’hui mezza voce sur le choix de rénovation peut surprendre. Emmanuel Macron a de fait choisi de se concentrer sur une séquence politique très chargée, avec la formation du nouveau gouvernement, le discours de politique générale de Jean Castex puis l’intervention présidentielle du 14 juillet qui fixera le cap de la relance.

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Quinze mois de chantier

15 avril 2019 : Incendie de la flèche, de la toiture et de la charpente de Notre-Dame.

16 avril : Le président Macron promet une reconstruction en cinq ans.

24 avril : Nomination de Jean-Louis Georgelin, ancien chef d’état-major des armées, à la tête d’une mission spéciale sur l’avancement des travaux.

16 juillet : Adoption de la loi pour « la conservation et la restauration » de Notre-Dame, qui prévoit des dérogations aux règles d’urbanisme.

25 juillet : Suspension des travaux en raison de la pollution au plomb. Ils reprennent le 19 août.

2 décembre : Mise en place de l’établissement public, présidé par le général Georgelin.

16 mars - 27 avril : Interruption du chantier en raison de l’épidémie de coronavirus.

2 juillet : Auditionné par les députés, le général Georgelin précise que le budget pour la phase de consolidation de l’édifice jusqu’à l’été 2021 est évalué à 165 millions d’euros.

9 juillet : Avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture sur les grands principes de rénovation.

© La Croix - 2020

Histoire

Basilique Sainte Sophie d’Istanbul

Tour à tour basilique byzantine, mosquée ottomane et musée laïque, la « merveille des merveilles » est toujours convoitée par le pouvoir islamo-conservateur turc.

Basiliquestesophie 1Quelle est son histoire ?

Les plus de 3 millions de touristes qui foulent chaque année ses dalles de marbre le constatent sans peine : Sainte-Sophie d’Istanbul a eu trois vies, au moins. Sous ses voûtes aériennes, de vastes médaillons noirs célèbrent, en lettres d’or, Allah, Mohammed et les premiers califes de l’islam, tandis que les mosaïques byzantines se chargent de rappeler au visiteur les origines chrétiennes de l’édifice. Sa structure, du reste, est bien celle d’une basilique, même si quatre minarets encadrent désormais sa silhouette massive. Mais depuis 1934, Sainte-Sophie n’est plus un lieu de culte, ni chrétien ni musulman. Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne et laïciste convaincu, en a fait un « musée offert à l’humanité », aujourd’hui sous l’égide du ministère turc de la culture.

Bâti sur les restes d’une église du IVe siècle, ce chef-d’œuvre est né au VIe siècle. Justinien règne alors sur l’Empire romain d’Orient et contribue, par ses constructions, à l’épanouissement de l’art byzantin. Nichée au cœur de Constantinople, Sainte-Sophie est sans conteste la plus grandiose de ses réalisations. Consacrée en 537, moins de six ans après le début des travaux, la monumentale basilique est dédiée au Christ, « sagesse de Dieu » selon la théologie orientale (son nom vient du grec Haghia Sophia et signifie « sagesse divine »). « Constantinople est alors la nouvelle Rome, la nouvelle capitale du monde chrétien, explique Jean-François Colosimo, théologien orthodoxe et directeur des éditions du Cerf. Au centre de cette capitale se trouve le temple de la sagesse divine, qui lie la terre et le ciel. » Sainte-Sophie deviendra le siège du patriarcat orthodoxe et accueillera le couronnement des empereurs byzantins.

En 1204, les croisés venus d’Occident profanent la basilique, tuent et violent même en son sein selon des écrits de l’époque, par haine des orthodoxes autant que par volonté de piller les richesses du lieu.

La deuxième vie de Sainte- Sophie commence en 1453. Après neuf mois de siège, Constantinople tombe aux mains des Turcs. Le soir même, le sultan Mehmet II vient prier à Sainte-Sophie, désormais dédiée au culte musulman. Le patriarcat grec-orthodoxe est chassé, et le monument prend le nom de « Aya Sofya ». Dans un premier temps, l’intérieur n’est que légèrement transformé : son passé d’église doit rester bien visible, pour signaler à quel point sa prise constitue une victoire pour les Ottomans. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle, sous la poussée des religieux, que toutes les mosaïques chrétiennes sont recouvertes de plâtre. Au cours des siècles, Sainte-Sophie servira de modèle pour la construction des autres mosquées d’Istanbul, avant de devenir un musée en 1934.

En quoi est-ce un monument d’exception ?

Conçue pour être une construction unique, Sainte-Sophie l’est restée tout au long de son histoire. Avec ses 55 mètres de hauteur et 30 mètres de diamètre, son dôme fut pendant mille ans, jusqu’à la construction de la basilique Saint-Pierre à Rome, le plus grand du monde. L’ensemble, prouesse née de la science d’architectes mathématiciens et du labeur de plus de 10 000 ouvriers, est un temple imposant mais d’une légèreté absolue. « Les bâtisseurs ont projeté un ensemble qui sort du sol pour atteindre le ciel, et qui représente le monde sous la voûte céleste, s’émerveille Jean-François Colosimo. C’est un univers massif mais qui laisse partout passer la lumière. Un lieu de révélation, d’épiphanie, une image du cosmos transfiguré par l’incarnation du Christ. »

L’édifice a par ailleurs traversé des dizaines de tremblements de terre venant régulièrement ébranler la capitale turque. Ces séismes ont bien provoqué des fissures et même plusieurs effondrements de la coupole, mais la basilique est toujours restée debout depuis le milieu du VIe siècle. Quel est donc le secret de Sainte-Sophie ? « Le monument n’est pas d’une rigidité absolue, indique encore Jean-François Colosimo. Par leur élasticité, les matériaux corrigent les tensions très fortes qui pèsent sur l’édifice et qui finiraient, sinon, par le casser en deux. »

L’état actuel de la structure n’en reste pas moins une inconnue majeure, et il se peut qu’elle soit endommagée. « En tout cas, elle est en rénovation permanente depuis des années », observe Sébastien de Courtois, écrivain et historien, spécialiste des chrétiens d’Orient, installé à Istanbul. Il refuse néanmoins de céder à l’alarmisme de certains quant à l’imminence d’un écroulement… Quoi qu’il en soit, l’édifice reste sous surveillance : des capteurs sismiques y ont été installés en 1991.

Sainte-Sophie peut-elle redevenir une mosquée ?

Ces deux dernières années, des prières et récitations du Coran ont été organisées au sein de l’édifice pendant le Ramadan : des épisodes qui ne manquent pas de susciter l’émoi et l’indignation de la communauté internationale, notamment de la Conférence des Églises européennes rassemblant 125 Églises d’Europe (KEK). En outre, deux églises-musées également appelées Sainte-Sophie ont été enregistrées comme mosquées en 2011 et 2013 en Turquie : celle d’Iznik, l’ancienne Nicée, dans l’ouest du pays, et celle de Trabzon, l’ancienne Trébizonde, sur les bords de la mer Noire.

Faire à nouveau de Sainte-Sophie d’Istanbul un lieu de culte musulman est une revendication récurrente des milieux islamistes turcs depuis une quinzaine d’années et, désormais, du pouvoir turc lui-même. L’argument le plus souvent invoqué est l’absence de valeur juridique du décret de 1934 qui a fait de ce monument un musée : il n’aurait jamais été publié au Journal officiel et la signature d’Atatürk serait un faux. Par ailleurs, dès les années 1950, le gouvernement conservateur d’Adnan Menderes a fait raccrocher, en haut des piliers de la nef, les larges panneaux circulaires comportant des calligraphies arabes, alors qu’Atatürk les avait fait enlever.

Jean-François Colosimo n’exclut pas que le président Erdogan aille au bout de cette entreprise. « Pour lui, ce serait une manière de régler ses comptes avec Atatürk et sa laïcité, mais aussi avec les Grecs, qui ont sans cesse été opposés aux Turcs au cours de l’histoire (or Sainte-Sophie est un monument grec byzantin, NDLR), avec le christianisme, et enfin avec l’Occident, en montrant qu’il fait ce qu’il veut et qu’il n’hésite plus à imposer la religion partout. Les oppositions le galvanisent plus qu’elles ne l’inquiètent. » Une chose néanmoins pourrait l’en dissuader, affirme le spécialiste : la désapprobation de Vladimir Poutine, protecteur auto-proclamé de l’orthodoxie, dont Sainte-Sophie demeure un symbole historique.

© La Croix – 2017

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Sainte Sophie redeviendra une mosquée

La décision du Conseil d’État turc, attendue depuis plusieurs jours, a été rendue publique ce vendredi 10 juillet 2020 : le statut de musée de Sainte Sophie, en vigueur depuis 1934, est révoqué. L’ancienne basilique byzantine redeviendra donc une mosquée.

Le plus haut tribunal administratif de Turquie a donc répondu favorablement aux demandes formulées depuis des années par plusieurs associations soutenues par le président Recep Tayyip Erdogan, arguant que le sultan Mehmet II, le conquérant ottoman de Byzance en 1453, en avait fait une mosquée « à perpétuité ». En conséquence, ce statut, estime le Conseil d’État, n’aurait pas dû être modifié.

Sur les rives du Bosphore, ses coupoles sont reconnaissables entre toutes : Hagia Sofia (Sainte Sagesse ou Sainte Sophie) fut construite au VIe siècle par les Byzantins qui y couronnaient leurs empereurs. Le magistral édifice, qui recèle de somptueuses mosaïques, fut converti en mosquée lors de la prise de la ville par les troupes ottomanes. En 1934, Mustapha Kemal, père de la Turquie moderne, prit la décision de la transformer en musée, désireux, disait-il de « l’offrir à l’humanité ». Elle figure sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco et représente l'une des plus importantes attractions touristiques d'Istanbul.

La ministre grecque de la Culture dénonce ce soir une « provocation envers le monde civilisé » ; le patriarcat de Moscou a également réagi, disant regretter que les « voix de millions de chrétiens n’aient pas été entendues ». Les mises en garde inquiètes se sont en effet multipliées ces derniers jours, émanant du monde orthodoxe – patriarcat œcuménique de Constantinople, patriarcat de Jérusalem- mais aussi des chancelleries occidentales. Le président Erdogan doit délivrer un discours dans la soirée.

© Radio Vatican - 2020

Histoire

Cave à vin, discothèque… la deuxième vie des églises délaissées

Depuis 2006, l'église et la chapelle des Jésuites, à Nantes, se sont métamorphosées en bureaux et boutiques, et notamment un magasin de meubles.

Les foules du 15 août ne doivent tromper personne : faute de pratiquants, de plus en plus d'églises sont transformées en théâtre ou en commerce. Un phénomène qui va prendre de l'ampleur.

C'est une charmante chapelle connue de tous les amoureux d'Etretat (Seine-Maritime). Depuis le milieu du XIXe siècle, elle se dresse face à la mer, au sommet des célèbres falaises. Détruite par les Allemands en 1942, reconstruite après la guerre, Notre-Dame-de-la-Garde a résisté à bien des tempêtes. En revanche, elle a bien failli être victime du matérialisme et de la cupidité des hommes.

Propriété familiale, cet édifice spectaculaire est mis en vente en 2014 pour 280 000 euros. « Silhouette de pierre, coiffée d'un toit à deux pentes recouvert d'ardoises et aux façades en pierre de taille, ornées de gargouilles à tête de poisson », indique l'annonce, qui ne passe pas inaperçue.

« Le prix étant raisonnable, j'ai reçu très vite trois propositions d'investisseurs qui avaient repéré la bonne affaire », se souvient l'agent immobilier Patrice Besse, spécialiste des demeures de caractère et des édifices religieux. Horresco referens, l'un d'eux envisage carrément d'y installer... une friterie. Un sacrilège que ce protestant soucieux d'éthique parviendra à empêcher. Finalement, le Conservatoire du littoral, le département et la région rachèteront la chapelle, transformée en lieu d'expositions et de rencontres. 

Désertées, des dizaines d'églises sont reconverties

Ainsi va l'époque. La déchristianisation est telle que bien des églises sont aujourd'hui désertes, quand elles ne menacent pas de tomber en ruine. Chaque année, une vingtaine d'entre elles fait ainsi l'objet d'un « décret d'exécration », selon la terminologie ecclésiale. En clair : elles sont désacralisées, avant d'être vendues puis reconverties. 

Que les esprits chagrins se rassurent : il ne s'agit pas là d'un mouvement massif. « Depuis 1905, seules 250 églises paroissiales ont été désaffectées », souligne Mgr Jacques Habert, chargé du dossier au sein de la Conférence des évêques de France. Par ailleurs, le phénomène n'a rien de nouveau. « Sous la Révolution et sous l'Empire, de nombreux lieux de culte ont été transformés en grange, en étable, en prison, quand ils n'ont pas servi de carrière ou été détruits », rappelle Benoît de Sagazan, créateur d'un blog très complet sur le patrimoine religieux.

Il concerne en outre essentiellement des édifices sans grand intérêt architectural des XIXe et XXe siècles. En revanche, le mouvement devrait s'amplifier dans les années qui viennent. On compte environ 45 000 églises paroissiales en France. Sur ce total, 42 000 ont été érigées avant la loi de 1905 et appartiennent aux communes ou à l'État, le solde étant détenu par l'Église catholique et, marginalement, par quelques propriétaires privés.

Or tout ce petit monde est bien désargenté et la localisation de nos clochers, adaptée à la France rurale et catholique de jadis, ne correspond plus aux besoins. « J'ai 550 églises dans mon diocèse de l'Orne, alors que 150 suffiraient amplement », reprend Mgr Habert. 

Des reconversions convenables, l'évêque y veille

Reste à leur trouver un nouvel usage qui ne soit pas inconvenant. Une bibliothèque, un auditorium, un musée ? Très bien. Un sex-shop, une boîte de nuit ? Pas question ! Un garde-fou est prévu : « Avant de céder une église, les maires doivent obtenir l'accord de l'évêque », précise Benoît de Sagazan. C'est pourquoi, le plus souvent, elles trouvent une nouvelle vocation sous la forme d'institutions culturelles.

Si l'on assiste pourtant, de temps à autre, à de hasardeuses reconversions, c'est qu'une fois l'édifice acquis par un propriétaire privé, rien n'empêche ensuite celui-ci de le céder à son tour et, cette fois, sans s'encombrer de l'avis d'un ecclésiastique. « C'est au moment de la deuxième ou de la troisième vente que les problèmes se posent », souligne Maxime Cumunel, de l'Observatoire du patrimoine religieux. C'est ainsi que d'anciennes chapelles sont devenues des lingeries ou des sièges sociaux d'entreprise. Mammon a délogé Jésus...

Et Mahomet ? S'il suscite de terribles polémiques, le phénomène est marginal : en France, le nombre d'églises transformées en mosquées serait compris entre... deux et quatre. « Les musulmans n'ont pas envie de prier devant des vitraux à la gloire de la Vierge Marie ! rappelle avec humour Maxime Cumunel. Par ailleurs, ils n'ont aucune envie de renforcer les fantasmes de leurs pires adversaires en alimentant la thèse du grand remplacement. »

L'église Saint-Jean-de-la-Rive de Graulhet (Tarn), devenue mosquée en 1981, est l'une de ces rarissimes exceptions. À l'époque, l'opération s'est déroulée le plus simplement du monde. Les musulmans cherchaient un lieu de culte et les catholiques en avaient trop : l'affaire a été vite conclue. « Personne ou presque ne s'en est offusqué. Les musulmans n'étaient pas stigmatisés et une opération similaire avait eu lieu au bénéfice des protestants », se souvient l'actuel maire de la cité, Claude Fita (PS). Le FN, il est vrai, était alors moins puissant et les Français ne subissaient pas d'attentats islamistes.

« Touche pas à mon église ! »

Rien de tel en 2015, quand le recteur de la grande mosquée de Paris suggère de généraliser cette pratique. Cette fois, la levée de boucliers est immédiate. Une pétition intitulée « Touche pas à mon église ! » est aussitôt lancée par l'écrivain Denis Tillinac dans l'hebdomadaire Valeurs actuelles. Elle recueille de nombreuses signatures, dont celles de Nicolas Sarkozy, Eric Zemmour, Alain Finkielkraut, Christine Boutin, Gilbert Collard ou Philippe de Villiers... Arrière-pensées politiques ? Réflexes islamophobes ? En partie, bien sûr, mais pas seulement.

De fait, les églises émeuvent tous leurs visiteurs. « Un jour, une femme de confession musulmane m'a déclaré spontanément: “Nos églises, quand même, on ne peut pas en faire n'importe quoi” », se souvient Maxime Cumunel. Une réaction que l'on retrouve aussi chez les communistes les plus orthodoxes. La municipalité de Boussois (Nord), dirigée sans interruption par le parti de la place du Colonel-Fabien depuis la guerre, a ainsi racheté l'église Saint-Martin à l'archevêché de Cambrai, en 2013.

« En tant que maire, je dois tenir compte des gens qui croient, de ceux qui ne croient pas, de ceux qui souhaitaient que l'édifice revive et je n'aurais pas voulu qu'il tombe entre les mains d'un groupe hôtelier, a expliqué le maire, Jean-Claude Maret, à La Voix du Nord. C'est un problème de conscience qui dépasse les orientations politiques. » Coco, oui. Anticlérical, non.

C'est ainsi : la France a beau être un pays laïc, les églises participent de l'imaginaire national, que l'on croie ou non en Dieu. Deux millénaires de christianisme les ont transformées en maisons du peuple et en symboles identitaires. Chacun s'y rend pour baptiser un enfant, enterrer un proche ou célébrer un mariage. Ce sont souvent, de surcroît, des œuvres d'art de première importance -la seule, souvent, dans bien des localités. En fin connaisseur des tréfonds de l'âme nationale, François Mitterrand l'avait parfaitement compris en décidant, en 1981, de poser devant le clocher d'un village nivernais pour ses affiches électorales.

Alors, que faire des lieux de culte désaffectés ? Des commerces, des habitations, des hôtels, des auditoriums voire, comme c'est le cas à l'étranger, des spas, des garages ou des skateparks ? Pour aider chacun à se forger une opinion, L'Express a sélectionné plusieurs exemples d'édifices religieux déjà reconvertis. Avec plus ou moins de bonheur...

À Poitiers, un hôtel

Les bons Jésuites se sont-ils retournés dans leurs tombes ? C'est un hôtel 4 étoiles qui a été aménagé il y a quelques années dans l'ancienne chapelle de Gésu qu'ils occupaient jadis. Bâti en 1854, fermé au culte en 1870, l'édifice a été dédié aux archives départementales à partir de 1950. Racheté par un investisseur privé, Thierry Minsé, au tournant des années 2010, il a depuis été transformé en hôtel de luxe de 50 chambres et doté d'un restaurant installé dans l'ancienne nef.

À Angers, une boîte de nuit

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Un écran géant, un éclairage aux teintes rosées, des soirées alcoolisées, des couples se trémoussant au son d'une musique électro, une cabane de DJ suspendue à une mezzanine et parfois même la présence de célébrités en goguette... C'est peu dire que le nouveau destin de l'église érigée au XIXe siècle par la communauté des Servantes du Saint-Sacrement n'est pas resté conforme à sa vocation initiale. La Chapelle, ancien K9, est aujourd'hui l'un des repaires des nuits angevines.

À Nantes, un magasin de meubles

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C'est ce que l'on appelle une transformation radicale. Depuis 2006, l'église et la chapelle des Jésuites de la rue Dugommier, à Nantes (Loire-Atlantique), s'est métamorphosée pour laisser la place à des bureaux, une école de design, des appartements et même un magasin de meubles...

Les atouts de cet espace pas comme les autres ? Une vaste surface d'exposition, des clients immédiatement impressionnés, une implantation en centre-ville et un prix d'achat modéré. Sa destination marchande, en revanche, heurte certains passants. Lesquels se rassureront peut-être en apprenant que l'édifice a failli dans un premier temps être transformé en parking, voire définitivement rasé.

À Tourcoing, un centre culturel

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Voici un projet qui fait l'unanimité. À Tourcoing (Nord), Silvany Hoarau, charpentier couvreur de son état, a commencé par sauver de l'effondrement l'ancienne église Saint-Louis, qu'il a rachetée en 2009. Il y a ensuite installé son logement. La rénovation de la nef est toujours en cours, mais, d'ores et déjà, il l'ouvre au public pour des rencontres, des expositions, des concerts, des cours de danse et de yoga.

En prévision : un jardin suspendu, un café culturel, des chambres d'hôtes dans le clocher et même une microbrasserie, à la manière des moines d'autrefois ! La conviction de Silvany Hoarau ? Une église doit rester un lieu de sociabilité, ouvert à tous. On n'a trouvé personne pour lui donner tort.

À Hirson, une salle de concert

Faut-il parler de miracle ? En 2012, Kit Armstrong rachète l'église Sainte-Thérèse-de-l'Enfant-Jésus et décide d'y installer un piano à queue Steinway. Le choix de cette commune en souffrance perdue dans l'Aisne semble déconseillé ? Pas pour cet artiste né à Los Angeles d'une mère américano-taïwanaise et d'un père anglais, qui parle quatre langues et passe trois cents jours par an en tournée.

« Les églises sont des lieux d'une grande valeur intellectuelle et culturelle, pleins d'histoire et d'émotion. La musique y est transcendée », déclarait le virtuose à L'Express en 2014. À Hirson, il contribue à redonner espoir à un territoire qui en a vraiment besoin.

Dans l'Yonne, une habitation

Sur un coup de cœur, ils ont accompli un saut en arrière de sept siècles. En 1971, Georges Guette, ancien secrétaire général du Théâtre national populaire de Jean-Vilar et de la Comédie-Française, et son épouse, Nicole, tombent amoureux de la chapelle du Saulce, à Island, vestige d'une ancienne commanderie templière de la fin du XIIIe siècle située près de Vézelay, dans l'Yonne. Elle est dans un état pitoyable, mais le couple en perçoit aussitôt le potentiel et entreprend de la restaurer.

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Les dimensions sont impressionnantes, les dépenses élevées et les travaux complexes -il s'agit d'un édifice classé aux Monuments historiques-, mais le résultat est là. Quinze ans plus tard, la chapelle revit. Le couple s'y installe définitivement et y reçoit ses amis, dont l'écrivain Jules Roy, qui écrira dans Les Années cavalières : « Dehors, c'est le temps qui tourne. À l'intérieur, c'est l'éternité. »

À Meaux, une cave à vin

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Dans l'ancienne église Saint-Christophe de Meaux (Seine-et-Marne), on ne sert plus de vin de messe, mais on honore toujours la dive bouteille. C'est en effet un restaurant, les Petits Bouchons, qui s'est agrandi récemment en ouvrant une cave dans le saint lieu. Faut-il s'en consoler ? Désaffecté après la Révolution, le bâtiment, dont il ne subsiste que l'ancien portail brisé et quelques voûtes, abritait auparavant une lingerie. À tout prendre...

À Paris, un temple républicain

Voilà sans doute la plus célèbre des églises reconverties, et l'occasion de rappeler que le phénomène n'est pas né avec le troisième millénaire. Le Panthéon, dont Louis XV posa la première pierre en 1764, était censé abriter la châsse de sainte Geneviève. Las, en raison de la mort de son architecte, Soufflot, en 1780, et des multiples retards du chantier, l'édifice n'est achevé qu'en 1790.

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La Révolution étant passée par là, on décide d'en faire une nécropole à l'intention des noms les plus glorieux de l'histoire de France. L'Empire comme la Restauration tenteront de bien de rendre au bâtiment sa vocation originelle ; il n'en sera rien. Sur la montagne Sainte-Geneviève, le culte catholique a cédé la place à celui des grands hommes.

© L’Express - 2017

Commentaire

Chers frères et sœurs, bonjour !

Quand il parlait, Jésus utilisait un langage simple et se servait aussi d’images qui étaient des exemples tirés de la vie quotidienne, de façon à pouvoir être compris facilement par tous. C’est pourquoi on l’écoutait volontiers. On appréciait son message qui arrivait droit au cœur ; et ce n’était pas ce langage compliqué à comprendre, celui qu’utilisaient les docteurs de la loi de l’époque qui ne se comprenait pas bien, mais qui était plein de rigidité et éloignait les personnes. Et avec ce langage, Jésus faisait comprendre le mystère du Royaume de Dieu ; ce n’était pas une théologie compliquée. Ce que l’Evangile propose aujourd’hui en est un exemple : la parabole du semeur.

Le semeur c’est Jésus. Notons que, par cette image, il se présente comme quelqu’un qui ne s’impose pas, mais se propose ; il ne nous attire pas en nous conquérant, mais en se donnant; il jette la semence. Il répand avec patience et générosité sa Parole, qui n’est pas une cage ou un piège, mais une graine qui peut porter du fruit. De quelle façon peut- elle porter du fruit ? Si nous l’accueillons.

C’est pourquoi la parabole nous concerne surtout nous : elle parle en effet du terrain plus que du semeur. Jésus réalise, pour ainsi dire, une « radiographie spirituelle » de notre cœur, qui est le terrain dans lequel tombe la semence de la Parole. Notre cœur, comme un terrain, peut être bon et alors la parole porte du fruit, et beaucoup, mais il peut aussi être dur, imperméable. Cela arrive quand nous entendons la Parole, mais elle nous rebondit dessus, précisément comme sur une route: elle n’entre pas.

Entre le bon terrain et la route, le goudron — si nous jetons des graines sur les « sanpietrini » il ne pousse rien — il y a deux terrains intermédiaires que nous pouvons avoir en nous à divers degrés. Le premier, dit Jésus, est le sol pierreux. Essayons de l’imaginer : un terrain pierreux est un terrain « où il n’y a pas beaucoup de terre » (cf. v.5), et donc la graine germe, mais ne réussit pas à planter des racines profondes. Ainsi est le cœur superficiel, qui accueille le Seigneur, veut prier, aimer et témoigner, mais ne persévère pas, se lasse et ne « décolle » jamais. C’est un cœur sans épaisseur, où les cailloux de la paresse l’emportent sur la bonne terre, où l’amour est inconstant et passager. Mais qui accueille le Seigneur seulement quand il le veut bien, ne porte pas de fruit.

Il y a ensuite le dernier terrain, épineux, plein de ronces qui étouffent les bonnes plantes. Que représentent ces ronces ? « Le souci du monde et la séduction de la richesse » (v.22), dit Jésus de façon explicite. Les ronces sont les vices qui se battent à coups de poings avec Dieu, qui en étouffent la présence : avant tout les idoles de la richesse mondaine, un mode de vie avide, pour soi-même, pour l’avoir et le pouvoir. Si nous cultivons ces ronces, nous étouffons la croissance de Dieu en nous. Chacun peut reconnaître ses petites et grandes ronces, les vices qui habitent son cœur, ces arbustes plus ou moins enracinés qui ne plaisent pas à Dieu et empêchent d’avoir le cœur propre. Il faut les arracher, sinon la Parole ne portera pas de fruit, la graine ne grandira pas.

Chers frères et sœurs, Jésus nous invite aujourd’hui à regarder en nous : à rendre grâce pour notre bonne terre et à travailler sur des terrains qui ne sont pas encore bons. Demandons-nous si notre cœur est ouvert pour accueillir avec foi la semence de la Parole de Dieu. Demandons-nous si les pierres de la paresse sont encore nombreuses et grandes ; identifions et appelons par leur nom les ronces des vices. Trouvons le courage de faire un bon assainissement du terrain, un bel assainissement de notre cœur, en portant au Seigneur dans la confession et dans la prière nos pierres et nos ronces. En faisant ainsi, Jésus, bon semeur, sera heureux d’accomplir un travail supplémentaire : purifier notre cœur, en enlevant les cailloux et les épines qui étouffent sa Parole.

Que la Mère de Dieu, qu’aujourd’hui nous fêtons sous le titre de Bienheureuse Vierge du Mont Carmel, incomparable dans l’accueil de la Parole de Dieu et dans sa mise en pratique (cf. Lc 8,21), nous aide à purifier notre cœur et à y préserver la présence du Seigneur.

© Libreria Editrice Vaticana – 2017