Pko 11.10.2020

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la paroisse de la Cathédrale de Papeete n°46/2020
Dimanche 11 octobre 2020 – 28ème Dimanche du Temps ordinaire – Année A

HUMEURS

SANS UN PROJET POUR TOUS

 Ce que j’écris habituellement ne convient pas, notamment à ceux qui savent et décident ! Moi - comme beaucoup d’entre nous - je ne peux pas comprendre… je sais pas !!! Il n’y a qu’eux qui peuvent comprendre… c’est normal ! Ils nous gouvernent !
Alors pour montrer ma bonne volonté, je ne dirais rien aujourd’hui ! Je laisse le Pape François s’adresser à eux… quoique c’est pas sûr qu’il comprenne bien tout… il est pas de chez nous le Pape !!!
« La meilleure façon de dominer et d’avancer sans restrictions, c’est de semer le désespoir et de susciter une méfiance constante, même sous le prétexte de la défense de certaines valeurs. Aujourd’hui, dans de nombreux pays, on se sert du système politique pour exaspérer, exacerber et pour polariser. Par divers procédés, le droit d’exister et de penser est nié aux autres, et pour cela, on recourt à la stratégie de les ridiculiser, de les soupçonner et de les encercler. Leur part de vérité, leurs valeurs ne sont pas prises en compte, et ainsi la société est appauvrie et réduite à s’identifier avec l’arrogance du plus fort. De ce fait, la politique n’est plus une discussion saine sur des projets à long terme pour le développement de tous et du bien commun, mais uniquement des recettes de marketing visant des résultats immédiats qui trouvent dans la destruction de l’autre le moyen le plus efficace. Dans ce jeu mesquin de disqualifications, le débat est détourné pour créer une situation permanente de controverse et d’opposition. »

(Fratelli tutti n°15 – Pape François)

 
CLIN D’ŒIL DE L’HISTOIRE

SAINTE THERESE D’AVILA MORTE LE 4 OCTOBRE ET ENTERREE LE LENDEMAIN 15 OCTOBRE !

Sainte Thérèse de Cepeda de Jésus, d’Avila, fondatrice du Carmel déchaussé, mourut le soir du 4 octobre 1582. C’était le dernier jour du calendrier Julien. Elle fut enterrée le lendemain, c’est-à-dire 11 jours plus tard, le 15 octobre, premier jour du calendrier Grégorien, le nôtre. Passage fabuleux du calendrier Julien au calendrier Grégorien qui suscita des émeutes en raison de la suppression de 11 jours.
Tous les pays résistèrent à ce passage. Ce n’est que progressivement qu’ils acceptèrent de réorganiser leur calendrier. La Russie ne le fit qu’en 1918 et le dernier fut la Turquie en 1923.
Pourquoi ce changement ?
La réforme de Jules César
À Rome, l'année débutait en mars et comportait 355 jours et dix mois. Les Romains payaient leurs dettes au début de chaque mois, ces jours étant appelés calendes (ou calendae). D'où le mot « calendrier » qui désigne le registre où sont inscrits les comptes puis la mesure du temps elle-même.
En 46 avant JC, Jules César donne à l'année 365 jours et 12 mois. Il la fait débuter le 1er janvier et prévoit des années bissextiles. Ce nouveau calendrier est dit julien en référence à son promoteur. L'Église, au Moyen Âge, lui demeure fidèle tout en faisant remonter le décompte des années à la naissance du Christ (ce décompte s'est aujourd'hui imposé à toute la planète).
Mais sous la Renaissance, les astronomes s'aperçoivent que l'année calendaire dépasse l'année solaire de... 11 minutes 14 secondes. Le cumul de cette avance quinze siècles après la réforme julienne se monte à une dizaine de jours avec pour conséquence de plus en plus de difficultés à fixer la date de Pâques !
La réforme de Grégoire XIII
Grégoire XIII décide donc d'attribuer désormais 365 jours, et non 366, à trois sur quatre des années de passage d'un siècle à l'autre. Les années en 00 ne sont pas bissextiles sauf les divisibles par 400 : 1600, 2000, 2400...
Cette modeste réforme ramène à 25,9 secondes l'écart avec l'année solaire (une broutille).
Par ailleurs, le pape décide de rattraper les dix jours de retard du calendrier julien entre le 4 et le 15 octobre 1582.
La réforme va s'étendre peu à peu à l'ensemble des pays. Le calendrier grégorien est aujourd'hui d'application universelle ou à peu près.
L’Espagne ayant adhérée à cette réforme dès sa mise en place…, Sainte Thérèse d’Avila est décédée le 4 octobre 1582 et fût enterrée le lendemain 15 octobre 1582 !!!
Qu’est-ce que Sainte Thérèse est devenue pendant ces 11 jours qui lui ont été volés à la fin de sa vie, entre sa mort et son enterrement ? Elle a clôturé un cycle important. Comme pour beaucoup de saints, à l’heure où elle mourut, une colombe sortit de sa bouche puis elle dégagea une odeur suave. A côté de sa cellule, il y avait un arbre tout sec, recouvert de décombres et de chaux, qui se mit à reverdir et commença à porter des fleurs.

LAISSEZ-MOI VOUS DIRE

DU 11 AU 18 OCTOBRE : SEMAINE MISSIONNAIRE MONDIALE
« ME VOICI : ENVOIE-MOI » (ISAÏE 6,8)

Ce dimanche 11 octobre nous entrons dans la semaine missionnaire mondiale. Le Pape François a centré son message pour la Journée Mondiale des Missions sur le récit de la vocation du prophète Isaïe qui répond à la question du Seigneur : « Qui enverrai-le ? », en se portant lui-même volontaire : « Me voici : envoie-moi ? ». [voir le message du Saint-Père ci-dessous pp.5 à 7]
Le Patriarche d’Antioche des Maronites, le Cardinal Bechara Raï, rappelle que « la MISSION est le mandat confié par le Christ Notre Seigneur à l’Église : “Allez par le monde entier, proclamez l’Évangile à toutes les créatures” (Mc 16,15). Elle comprend trois dimensions indivisibles et complémentaires : enseigner (Kerygma), sanctifier (Liturgia), gouverner (Diakonia) qui sont celles du Christ Prophète, Prêtre et Roi ». [in Bulletin de l’œuvre d’Orient, n°800, juillet-août-septembre 2020, p.30] Ceci n’est pas uniquement l’affaire des évêques, prêtres, religieux, religieuses et consacré(e)s mais la MISSION concerne tous les chrétiens puisque par leur baptême ils ont été configurés au Christ.
C’est pourquoi le Pape nous interpelle TOUS :
« Sommes-nous prêts à accueillir la présence de l’Esprit Saint dans notre vie, à écouter l’appel à la mission, soit à travers la voie du mariage, soit à travers celle de la virginité consacrée ou du sacerdoce ordonné, et de toute façon dans la vie ordinaire de tous les jours ?
Sommes-nous disposés à être envoyés partout, pour témoigner de notre foi en Dieu Père miséricordieux, pour proclamer l’Évangile du salut de Jésus Christ, pour partager la vie divine de l’Esprit Saint en édifiant l’Église ? » [voir le message cité plus haut]
Il ne s’agit pas de se lancer dans des actions de « conversion à tout prix » (ce serait du prosélytisme) mais davantage de témoigner de son appartenance au Christ par sa façon de vivre, de parler, par le respect des personnes et surtout par son attention et sa générosité envers tous.
Pour cela nous devons être animés par l’Esprit Saint, c’est Lui qui nous rend missionnaires. N’oublions pas que « les disciples étaient assidus à l’enseignement des Apôtres, à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2,42). C’est comme cela qu’ils faisaient « leur plein de carburant », en accueillant la puissance de l’Esprit Saint !
La MISSION ne doit pas nous effrayer car l’Esprit Saint nous précède, nous conseille, nous pousse à agir et à parler. Notre MISSION se vit d’abord dans notre famille, au coin de notre rue, au magasin, au travail, au cours d’une promenade, à la plage, ou lors d’une conversation, d’une visite… Soyons des chrétiens HEUREUX DE SEMER DE L’ESPOIR. Comme Saint Pierre (voir Actes 3), nous n’avons pas nécessairement d’argent, de grandes connaissances, mais le trésor qui nous habite : « notre FOI en Christ Sauveur » nous pouvons et devons le partager. Voilà notre MISSION première.
Alors, Seigneur ! « Me voici : envoie-moi ! »

Dominique SOUPÉ
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Suggestion : pour vivre cette semaine missionnaire mondiale, on peut se référer au site des Œuvres Pontificales Missionnaires de France qui propose chaque jour une « découverte » différente : https://www.opm-france.org/semaine-missionnaire-mondiale-2020-me-voici-envoie-moi/

© Paroisse de la Cathédrale – 2020


REGARD SUR L’ACTUALITE…

« TOUS FRERES »… A L’EXEMPLE DU JEUNE CARLO ACUTIS

Le Pape François, toujours poussé par ses références à Saint François d’Assise, comme il l’a été pour Laudato si, consacre sa troisième Encyclique Fratelli tutti à « la fraternité et l’amitié sociale » (n°1) C’est une sorte de mode d’emploi de Laudato si. Les références à la visite de St François au Sultan Malik-el-Kamil et à son amitié personnelle avec l’imam Ahmad Al-Tayyeb vont probablement alimenter un bon nombre de critiques dans un contexte où le monde musulman est malmené tant par certaines puissances occidentales qu’asiatiques. Mais, faisant mention de Martin Luther King et son célèbre « I have a dream », le Souverain Pontife s’interroge et nous questionne sur « Comment construire un monde plus juste et fraternel ? ». Il formule ce vœu : « Rêvons en tant qu’une seule et même humanité, comme des voyageurs partageant la même chair humaine, comme des enfants de cette même terre qui nous abrite tous, chacun avec la richesse de sa foi ou de ses convictions, chacun avec sa propre voix, tous frères. » (n°8)
Le Pape François admet que « la paix sociale est difficile à construire », c’est pourquoi il propose -notamment aux responsables politiques- de développer « une culture de la rencontre (…) Ce qui est bon, c’est de créer des processus de rencontre, des processus qui bâtissent un peuple capable d’accueillir les différences. Outillons nos enfants des armes du dialogue ! Enseignons-leur le bon combat de la rencontre ! » (n°217)
Se référant à ce qu’il avait exprimé à Abu-Dhabi, le Souverain Pontife s’oppose à l’idée de « religions sources de guerre » car « La vérité, c’est que la violence ne trouve pas de fondement dans les convictions religieuses fondamentales, mais dans leurs déformations ». (n°282)
L’encyclique s’achève par l’exemple du Bienheureux Charles de Foucauld : « Il a orienté le désir du don total de sa personne à Dieu vers l’identification avec les derniers, les abandonnés, au fond du désert africain. Il exprimait dans ce contexte son aspiration de sentir tout être humain comme un frère ou une sœur. (…) c’est seulement en s’identifiant avec les derniers qu’il est parvenu à devenir le frère de tous. » (n°287) [Texte intégral de l’encyclique disponible sur : http://www.vatican.va/]
C’est aussi ce que le jeune italien Carlo Acutis -qui va être béatifié samedi 10 octobre¬- a compris intuitivement en vivant l’Eucharistie qu’il considérait comme « son autoroute vers le Ciel ». Dès sa première communion, à sept ans, il ressentit l’importance d’être fidèle à la Messe quotidienne.  Cela lui permettait d’être pacifique, d’être l’ami de tous, de se montrer généreux envers les étrangers, les plus pauvres. Plus tard il affirmera : « Être uni à Jésus, tel est le but de ma vie…Ce qui nous rendra vraiment beau aux yeux de Dieu, ce sera la façon dont nous L’aurons aimé et aurons aimé nos frères. » Élève doué, il a le souci de faire fructifier les talents reçus de Dieu. Il ne garde rien pour lui ; en toute modestie il partage avec les autres ses connaissances. Il noue de nombreuses amitiés aussi bien avec des garçons qu’avec des filles. A l’adolescence son attitude de respect à l’égard des jeunes filles témoigne de sa fidélité à l’Église et à ses enseignements.
Très doué en informatique, notamment dans la programmation, il aide de nombreux camarades à utiliser leur ordinateur. Il crée un site internet consacré aux miracles eucharistiques qui se sont produits au cours des siècles. (Consulter : http://www.miracolieucaristici.org/fr)
Début octobre 2006, à l’âge de quinze ans et demi, Carlo est atteint d’une leucémie aiguë. La maladie provoque de grandes souffrances. Il reçoit les sacrements puis, le 11 octobre, tombe dans le coma. Il décède le 12 octobre au matin. Une foule immense assiste à ses obsèques. 
En juin 2018, en vue du procès de béatification son corps est exhumé et trouvé intact. Le 21 février 2020 un enfant brésilien atteint d’une grave malformation du pancréas est guéri de manière inexplicable ; la famille de l’enfant avait invoqué Carlo.
La béatification de Carlo sera célébrée à Assise, ville où il aimait passer ses vacances et où il avait souhaité être inhumé. (Informations tirées de la Lettre de l’Abbaye Saint-Joseph de Clairval, du 16 septembre 2020).

Dominique SOUPÉ
© Archidiocèse de Papeete – 2020

 
AUDIENCE GENERALE

LE PROPHETE ÉLIE, UN MODELE DE FIDELITE DANS LA PRIERE

En raison des intempéries sur la ville de Rome, l’audience générale de ce mercredi matin s’est tenue en Salle Paul VI. Le Pape François, après un cycle d’enseignements ces deux derniers mois sur le thème « Guérir le monde », a repris ce matin sa série de catéchèses sur la prière. Il est revenu aujourd’hui sur la figure du prophète Élie.
 
 
Chers frères et sœurs, bonjour !
Nous reprenons aujourd’hui les catéchèses sur la prière, que nous avons interrompues pour passer à la catéchèse sur la sauvegarde de la création, et maintenant nous reprenons ; et nous rencontrons l’un des personnages les plus passionnants de toute l’Écriture Sainte : le prophète Elie. Il transcende les frontières de son époque et nous pouvons déceler sa présence également dans certains épisodes de l’Évangile. Il apparaît aux côtés de Jésus, avec Moïse, au moment de la Transfiguration (cf. Mt 17,3). Jésus lui-même fait référence à sa figure pour accréditer le témoignage de Jean-Baptiste (cf. Mt 17,10-13).
Dans la Bible, Elie apparaît à l’improviste, de façon mystérieuse, provenant d’un petit village tout à fait marginal (cf. 1R 17,1) ; et à la fin, il sortira de scène, sous les yeux du disciple Élisée, sur un char de feu qui le conduit au ciel (cf 2R 2,11-12). Il s’agit donc d’un homme sans origine précise, et surtout sans but, enlevé au ciel : c’est pourquoi son retour était attendu avant l’avènement du Messie, comme un précurseur. Ainsi l’on attendait le retour d’Elie.
L’Écriture nous présente Elie comme un homme à la foi limpide : dans son nom même, qui pourrait signifier « Yahvé est Dieu », est contenu le secret de sa mission. Il en sera ainsi tout au long de sa vie : homme intègre, incapable de compromis mesquins. Son symbole est le feu, image de la puissance purificatrice de Dieu. Il sera le premier à être mis à dure épreuve, et demeurera fidèle. Il est l’exemple de toutes les personnes de foi qui connaissent les tentations et les souffrances, mais qui ne trahissent pas l’idéal pour lequel elles sont nées.
La prière est la sève qui alimente constamment son existence. C’est pourquoi c’est l’un des personnages les plus chers à la tradition monastique, au point que certains l’ont élu comme père spirituel de la vie consacrée à Dieu. Elie est l’homme de Dieu, qui s’élève au rang de défenseur du primat du Très Haut. Et pourtant, lui aussi est contraint à se mesurer avec sa propre fragilité. Il est difficile de dire quelles expériences lui furent les plus utiles : avoir vaincu les faux prophètes sur le mont Carmel (cf. 1R 18,20-40), ou bien l’égarement au cours duquel il constate « n’être pas meilleurs que ses pères » (1R 19,4). Dans l’âme de celui qui prie, la conscience de sa faiblesse est plus précieuse que les moments d’exaltation, quand il semble que la vie est une chevauchée de victoires et de succès. Dans la prière il arrive toujours ceci : des moments de prière qui nous élèvent, nous donnent de l’enthousiasme, et des moments de prière ou nous ressentons de la douleur, de l’aridité, de l’épreuve. La prière est ainsi : se laisser porter par Dieu et se laisser frapper aussi par de mauvaises situations et également par les tentations. C’est l’une des réalités que l’on retrouve dans de nombreuses autres vocations bibliques, également dans le Nouveau Testament, pensons par exemple à saint Pierre et à saint Paul. Même leur vie était ainsi : des moments d’exaltation et des moments d’abattements, de souffrance. 
Elie est l’homme de la vie contemplative et, dans le même temps, de la vie active, préoccupé par les événements de son temps, capable de se dresser contre le roi et la reine après qu’ils ont fait tué Nabot pour s’emparer de sa vigne (cf. 1R 21,1-24). Combien avons-nous besoin de croyants, de chrétiens zélés, qui agissent face à des personnes qui ont des responsabilités de direction avec le courage d’Elie, pour dire : « Cela ne va pas ! Cela est un assassinat ! ». Nous avons besoin de l’esprit d’Elie. Il nous montre qu’il ne doit pas y avoir de séparation dans la vie de celui qui prie : on se tient devant le Seigneur et l’on va à la rencontre de ses frères auxquels Il nous envoie. La prière ce n’est pas se renfermer avec le Seigneur pour se maquiller l’âme : non, cela n’est pas la prière, c’est une fausse prière. La prière est une confrontation avec Dieu et se laisser envoyer pour servir nos frères. Le banc d’essai de la prière est l’amour concret pour le prochain. Inversement, les croyants agissent dans le monde après s’être tus et avoir prié ; autrement, leur action est impulsive, elle est privée de discernement, c’est une course effrénée sans but. Les croyants se comportent ainsi, ils commettent de nombreuses injustices, parce qu’ils ne se sont pas présentés devant le Seigneur pour prier, pour discerner ce qu’ils doivent faire.
Les pages de la Bible laissent supposer que la foi d’Elie a elle aussi connu un progrès : lui aussi a grandi dans la prière, il l’a affinée peu à peu. Le visage de Dieu est devenu pour lui plus clair au cours du chemin. Jusqu’à atteindre son point culminant dans cette expérience extraordinaire, quand Dieu se manifeste à Elie sur le mont (cf. 1R 19,9-13). Il se manifeste non pas dans la tempête impétueuse, non pas dans le tremblement de terre ou dans le feu dévorant, mais dans « le bruit d’une brise légère » (v.12). Ou mieux encore, une traduction qui reflète bien cette expérience : dans un courant de silence sonore. Ainsi se manifeste Dieu à Elie. C’est à travers ce signe humble que Dieu communique avec Elie, qui à ce moment est un prophète en fuite qui a égaré la paix. Dieu va à la rencontre d’un homme fatigué, un homme qui pensait avoir échoué sur tous les fronts, et avec cette brise légère, avec ce courant de silence sonore, il fait revenir le calme et la paix dans son cœur.
Telle est l’histoire d’Elie, mais elle semble écrite pour nous tous. Certains soirs, nous pouvons nous sentir inutiles et seuls. C’est alors que la prière viendra frapper à la porte de notre cœur. Nous pouvons tous saisir un pan du manteau d’Elie, comme son disciple Élisée a saisi la moitié du manteau. Et même si nous avions commis des erreurs, ou si nous nous sentions menacés et effrayés, en revenant devant Dieu avec la prière, la sérénité et la paix reviendront aussi comme par miracle. C’est ce que nous enseigne l’exemple d’Elie.

© Libreria Editrice Vaticana – 2020

ÉTHIQUE SOCIALE

FRATELLI TUTTI… L’ENCYCLIQUE SOCIAL DU PAPE FRANÇOIS

La fraternité et l’amitié sociale sont les voies indiquées par le Pape pour construire un monde meilleur, plus juste et plus pacifique, avec l’engagement de tous, peuples et institutions. Il rappelle avec force l’opposition à la guerre et à la mondialisation de l’indifférence. Voici une synthèse…
  
Quels sont les grands idéaux mais aussi les voies concrètes que peuvent parcourir ceux qui veulent construire un monde plus juste et plus fraternel dans leurs relations quotidiennes, dans leur vie sociale, dans la vie politique, dans les institutions ? C’est la question à laquelle veut répondre Fratelli tutti, que le Pape présente comme une « encyclique sociale ». Elle tire son titre des Admonitions de saint François d’Assise, qui utilisait ces paroles « en s’adressant à tous ses frères et sœurs, pour leur proposer un mode de vie au goût de l’Évangile » (1). L’encyclique a pour objectif de promouvoir une aspiration mondiale à la fraternité et à l’amitié sociale. « Quand je rédigeais cette lettre, a soudainement éclaté la pandémie de la Covid-19 qui a mis à nu nos fausses certitudes », écrit François. Mais la crise sanitaire mondiale a démontré que « personne ne se sauve tout seul » et qu’est vraiment arrivé le moment de « rêver d’une seule et même humanité » dans laquelle nous sommes « tous frères » (7-8).
Dans le premier des huit chapitres, intitulé « les ombres d’un monde fermé », le document s’arrête sur les nombreuses distorsions de l’époque contemporaine : la manipulation et la déformation de concepts comme la démocratie, la liberté, la justice ; l’égoïsme et le désintérêt pour le bien commun ; la prévalence d’une logique de marché fondée sur le profit et la culture du déchet ; le chômage, le racisme, la pauvreté ; la disparité des droits et ses aberrations comme l’esclavage, la traite, les femmes exploitées et ensuite forcées à avorter, le trafic d’organes (10-24). Il s’agit de problèmes globaux qui exigent des actions globales, souligne le Pape, en pointant le doigt aussi contre une « culture de murs » qui favorise la prolifération des mafias, alimentées par la peur et la solitude (27-28).
Face à tant d’ombres, toutefois, l’encyclique répond avec un exemple lumineux, celui du bon samaritain, auquel est dédié le second chapitre, « Un étranger sur la route ». Le Pape y souligne que, dans une société malade qui tourne le dos à la douleur et qui est « analphabète » dans le soin des plus faibles et des plus fragiles (64-65), nous sommes tous appelés à nous faire proches de l’autre (81), en surmontant les préjugés et les intérêts personnels. Tous, en effet, nous sommes coresponsables dans la construction d’une société qui sache inclure, intégrer et soulager celui qui souffre (77). L’amour construit des ponts et nous « sommes faits pour l’amour » (88), ajoute le Pape, exhortant en particulier les chrétiens à reconnaître le Christ dans le visage de tout exclu (85).
Le principe de la capacité d’aimer selon « une dimension universelle »(83) est repris aussi dans le troisième chapitre, « Penser et gérer un monde ouvert ». François nous exhorte à « sortir de nous-mêmes » pour trouver dans les autres « un accroissement d’être » (88), en nous ouvrant au prochain selon le dynamisme de la charité qui nous fait tendre vers la « communion universelle » (95). Fondamentalement, l’encyclique rappelle que la stature spirituelle de la vie humaine est définie par l’amour qui nous amène à chercher le meilleur pour la vie de l’autre (92-93). Le sens de la solidarité et de la fraternité naît dans les familles, qui doivent être protégées dans leur « mission éducative première et incontournable » 114).
Le droit à vivre dans la dignité ne peut être nié à personne, affirme encore le Pape, et puisque les droits sont sans frontières, personne ne peut rester exclu en fonction de son lieu de naissance (121). Dans cette optique, le Pape appelle aussi à penser à une « éthique des relations internationales » 126), car chaque pays est aussi celui de l’étranger et les biens du territoire ne peuvent pas être niés à celui qui est dans le besoin et provient d’un autre lieu. Le droit naturel à la propriété privée sera donc secondaire par rapport au principe de la destination universelle des biens créés (120). L’encyclique se penche aussi sur la question de la dette extérieure : le principe du remboursement de toute dette légitimement contractée reste ferme, mais cela ne doit pas compromettre la croissance et la subsistance des pays les plus pauvres (126).
Le thème des migrations est abordé dans le deuxième et le quatrième chapitre, « Un cœur ouvert au monde entier ». Avec leurs « vies détruites », ayant fui des guerres, des persécutions, des catastrophes naturelles, des trafiquants sans scrupule, arrachés à leurs communautés d’origine, les migrants doivent être accueillis, protégés, promus et intégrés. Dans les pays de destination, le juste équilibre doit être trouvé entre la protection des droits des citoyens et la garantie de l’accueil et de l’assistance pour les migrants (38-40). Dans le détail, le Pape indique certaines « réponses indispensables » surtout pour ceux qui fuient de « graves crises humanitaires » : développer et simplifier l’octroi de visas, ouvrir des couloirs humanitaires, assurer logement, sécurité et services essentiels, offrir des possibilités de travail et de formation, favoriser le regroupement familial, protéger les mineurs, garantir la liberté religieuse. Ce qui est surtout nécessaire, est-il précisé dans le document, c’est une gouvernance globale pour les migrations, qui puisse ouvrir des projets à long terme, en allant au-delà de la seule gestion des urgences, au nom d’un développement solidaire de tous les peuples (129-132).
Le thème du cinquième chapitre est « La meilleure politique », c’est-à-dire celle qui représente une des formes les plus précieuses de la charité parce qu’elle se met au service du bien commun (180) et reconnaît l’importance du peuple, compris comme une catégorie ouverte, disponible au débat et au dialogue (160). Ceci est le sens du peuple indiqué par François, qui s’oppose au « populisme » qui ignore la légitimité de la notion de « peuple », en créant du consensus pour l’instrumentaliser à son propre service (159).
Mais la meilleure politique est aussi celle qui protège le travail, une « dimension incontournable de la vie sociale » et cherche à assurer à tous la possibilité de développer ses propres capacités (162). La vraie stratégie anti-pauvreté, affirme l’encyclique, ne vise pas simplement à contenir les indigènes, mais à les promouvoir dans l’optique de la solidarité et de la subsidiarité (187). Le devoir de la politique est en outre de trouver une solution à tout ce qui attente contre les droits humains fondamentaux, comme l’exclusion sociale, le trafic d’organes, de tissus humains, d’armes et de drogue, l’exploitation sexuelle, l’esclavage, le terrorisme et le crime organisé. Le Pape réitère un appel fort pour l’élimination de la traite, « une honte pour l’humanité », et de la faim, qui est « un crime » car l’alimentation est un «droit inaliénable » (188-189).
La politique dont on a besoin, souligne encore François, est celle qui est centrée sur la dignité humaine et non pas soumise à la finance, parce que « tout ne se résout pas avec la liberté du marché ». Les « ravages » provoqués par la spéculation financière l’ont démontré (168). Les mouvements populaires ont donc une importance particulière. Ils doivent être impliqués dans la société, d’une façon coordonnée, en provoquant un « torrent d’énergie morale ». C’est de cette façon qu’on pourra passer d’une politique dirigée « vers » les pauvres à une politique élaborée «avec» eux et venant d’eux (169).
Un autre souhait présent dans l’encyclique concerne la réforme de l’ONU : face à la prédominance de la dimension économique, en effet, le devoir des Nations unies sera de donner un caractère concret au concept de « famille de Nations » en travaillant pour le bien commun, l’éradication de la pauvreté et la protection des droits humains. En assurant « un recours inlassable à la négociation, aux bons offices et à l’arbitrage », l’ONU doit promouvoir la force du droit sur le droit de la force, affirme le document pontifical (173-175).
Du sixième chapitre, « Dialogue et amitié sociale », émerge en outre le concept de la vie comme « art de la rencontre » avec tous, aussi avec les périphéries du monde et avec les peuples premiers, parce qu’on « peut apprendre quelque chose de chacun, personne n’est inutile » (215). Le Pape appelle au « miracle de la gentillesse », une attitude à récupérer parce que cela constitue « une étoile dans l’obscurité »et une « libération de la cruauté, de l’anxiété et de l’empressement distrait » qui prévalent à notre époque contemporaine (222-224).
Le septième chapitre, intitulé « Parcours d’une nouvelle rencontre », réfléchit sur la valeur de la promotion de la paix. Le Pape y souligne que la paix est « proactive » et vise à former une société basée sur le service des autres et sur la poursuite de la réconciliation et du développement réciproque. La paix est un « artisanat » dans lequel chacun doit faire sa part et dont la tâche n’est jamais terminée (227-232). Le pardon est relié à la paix : il faut aimer tout le monde, sans exception, mais aimer un oppresseur signifie l’aider à changer et ne pas lui permettre d’opprimer le prochain (241-242). Le pardon ne veut pas dire l’impunité, mais la justice et la mémoire, parce que pardonner ne signifie pas oublier, mais renoncer à la force destructrice du mal et de la vengeance. Le Pape exhorte à ne jamais oublier des horreurs comme la Shoah, les bombardements atomiques à Hiroshima et Nagasaki, les persécutions et les massacres ethniques. Ils doivent toujours être rappelés à nouveau, pour ne pas nous anesthésier et maintenir vive la flamme de la conscience collective. Et il est aussi important de faire mémoire du bien (246-252).
Une partie du septième chapitre s’arrête ensuite sur la guerre, une « menace constante » qui représente « la négation de tous les droits », « l’échec de la politique et de l’humanité », la « reddition honteuse aux forces du mal ». En outre, à cause des armes nucléaires, chimiques et biologiques qui frappent de nombreux civils innocents, on ne peut plus penser comme dans le passé à une possible « guerre juste » mais il faut réaffirmer avec force « Jamais plus la guerre ! ».
L’élimination totale des armes nucléaires est « un impératif moral et humanitaire », et, avec l’argent des armements il serait plus judicieux de constituer un Fonds mondial pour l’élimination de la faim (255-262). François exprime une position tout aussi nette à propos de la peine de mort : elle est inadmissible et doit être abolie dans le monde entier. « Le meurtrier garde sa dignité personnelle et Dieu lui-même s’en fait le garant », écrit le Pape (263-269). Est également rappelée la nécessité de respecter « la sacralité de la vie »(283), là où aujourd’hui « certaines parties de l’humanité semblent dignes d’être sacrifiées », comme les enfants en gestation, les pauvres, les handicapés, les personnes âgées (18).
Dans le huitième et dernier chapitre, le Pape s’arrête sur « Les religions au service de la fraternité dans le monde » et rappelle que le terrorisme n’est pas dû à la religion, mais à des interprétations erronées des textes religieux, ainsi qu’à des politiques de faim, de pauvreté, d’injustice et d’oppression (282-283). Un chemin de paix entre les religions est donc possible. Il est nécessaire pour cela de garantir la liberté religieuse, un droit humain fondamental pour tous les croyants (279). L’encyclique mène en particulier une réflexion sur le rôle de l’Église : elle ne doit pas reléguer sa mission dans la sphère privée, et sans pour autant faire de la politique, elle ne renonce pas à la dimension politique de l’existence, à l’attention au bien commun et à la préoccupation pour le développement humain intégral, selon les principes évangéliques (276-278).
Enfin, François cite le Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune, signé par lui le 4 février 2019 à Abou Dhabi, avec le Grand-Imam d’Al-Azhar, Ahmed Al-Tayyeb : de cette pierre milliaire du dialogue interreligieux, le Pape reprend l’appel afin qu’au nom de la fraternité humaine, on adopte le dialogue comme voie, la collaboration commune comme conduite, la connaissance réciproque comme méthode et critère (285).

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JOURNEE MONDIALE DES MISSIONS

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS P OUR LA JOURNEE MONDIALE DES MISSIONS 2020
« ME VOICI : ENVOIE MOI ! »

Voici le message du Pape pour la Journée Missionnaire Mondiale, qui se tiendra le 18 octobre 2020. Un message empli d’une résonance particulière, compte tenu de cette année chamboulée par la crise sanitaire. « La mission est une réponse, libre et consciente, à l’appel de Dieu », rappelle François dans ce texte.
  
Chers frères et sœurs,
Je désire rendre grâce à Dieu pour l’engagement avec lequel le Mois Missionnaire Extraordinaire a été vécu dans toute l’Église, durant le mois d’octobre passé. Je suis convaincu qu’il a contribué à stimuler la conversion missionnaire dans beaucoup de communautés, sur le chemin indiqué par le thème « Baptisés et envoyés : l’Église du Christ en mission dans le monde ».
En cette année, marquée par les souffrances et les défis causés par la pandémie de COVID-19, ce cheminement missionnaire de toute l’Église se poursuit à la lumière de la parole que nous trouvons dans le récit de la vocation du prophète Isaïe : « Me voici : envoie-moi ! » (Is 6,8). C’est la réponse toujours renouvelée à la question du Seigneur : « Qui enverrai-je ? » (ibid.). Cet appel provient du cœur de Dieu, de sa miséricorde qui interpelle tant l’Église que l’humanité, dans la crise mondiale actuelle. « Comme les disciples de l’Évangile, nous avons été pris au dépourvu par une tempête inattendue et furieuse. Nous nous rendons compte que nous nous trouvons dans la même barque, tous fragiles et désorientés, mais en même temps importants et nécessaires, tous appelés à ramer ensemble, tous ayant besoin de nous réconforter mutuellement. Dans cette barque… nous nous trouvons tous. Comme ces disciples qui parlent d’une seule voix et dans l’angoisse disent : "Nous sommes perdus" (v.38), nous aussi, nous nous sommes aperçus que nous ne pouvons pas aller de l’avant chacun tout seul, mais seulement ensemble » (Méditation à la Place Saint Pierre, 27 mars 2020). Nous sommes vraiment effrayés, désorientés et apeurés. La douleur et la mort nous font expérimenter notre fragilité humaine ; mais en même temps, nous reconnaissons que nous sommes tous habités par un profond désir de vie et de libération du mal. Dans ce contexte, l’appel à la mission, l’invitation à sortir de soi-même par amour de Dieu et du prochain, se présente comme une opportunité de partage, de service, d’intercession. La mission, que Dieu confie à chacun, fait passer du moi peureux et fermé au moi retrouvé et renouvelé par le don de soi.
Dans le sacrifice de la croix, où s’accomplit la mission de Jésus (cf. Jn 19,28-30), Dieu révèle que son amour est pour chacun et pour tous (cf. Jn 19,26-27). Et il nous demande notre disponibilité personnelle à être envoyés, parce qu’il est Amour en perpétuel mouvement de mission, toujours en sortie de soi-même pour donner vie. Par amour pour les hommes, Dieu le Père a envoyé son Fils Jésus (cf. Jn 3,16). Jésus est le Missionnaire du Père : sa Personne et son œuvre sont entièrement obéissance à la volonté du Père (cf. Jn 4,34 ; 6,38 ; 8, 12-30 ; He 10, 5-10). À son tour Jésus, crucifié et ressuscité pour nous, nous attire dans son mouvement d’amour, par son Esprit même, lequel anime l’Église, il fait de nous des disciples du Christ et nous envoie en mission vers le monde et les nations.
« La mission, "l'Église en sortie", ne constituent pas un programme à réaliser, une intention à concrétiser par un effort de volonté. C'est le Christ qui fait sortir l'Église d'elle-même. Dans la mission d'annoncer l'Évangile, vous vous mettez en mouvement parce que l'Esprit Saint vous pousse et vous porte » (Sans Jésus nous ne pouvons rien faire, LEV-Bayard, 2020, p.23). Dieu nous aime toujours le premier et avec cet amour, il nous rencontre et nous appelle. Notre vocation personnelle provient du fait que nous sommes tous fils et filles de Dieu dans l’Église, sa famille, frères et sœurs dans cette charité que Jésus nous a témoignée. Tous, cependant, ont une dignité humaine fondée sur l’appel divin à être enfants de Dieu, à devenir, par le sacrement du baptême et dans la liberté de la foi, ce qu’ils sont depuis toujours dans le cœur de Dieu.
Déjà dans le fait de l’avoir reçue gratuitement, la vie constitue une invitation implicite à entrer dans la dynamique du don de soi : une semence qui, chez les baptisés, prendra une forme mature en tant que réponse d’amour dans le mariage et dans la virginité pour le Règne de Dieu. La vie humaine naît de l’amour de Dieu, grandit dans l’amour et tend vers l’amour. Personne n’est exclu de l’amour de Dieu, et dans le sacrifice du Fils Jésus sur la croix, Dieu a vaincu le péché et la mort (cf. Rm 8,31-39). Pour Dieu, le mal – même le péché – devient un défi d’aimer et d’aimer toujours plus (cf. Mt 5,38-48 ; Lc 23,33-34). Pour cela, dans le Mystère pascal, la divine miséricorde guérit la blessure originelle de l’humanité et se déverse sur l’univers entier. L’Église, sacrement universel de l’amour de Dieu pour le monde, continue dans l’histoire la mission de Jésus et nous envoie partout afin que, à travers notre témoignage de foi et l’annonce de l’Évangile, Dieu manifeste encore son amour et puisse toucher et transformer les cœurs, les esprits, les corps, les sociétés et les cultures en tout lieu et en tout temps.
La mission est une réponse, libre et consciente, à l’appel de Dieu. Mais cet appel, nous ne pouvons le percevoir que lorsque nous vivons une relation personnelle d’amour avec Jésus vivant dans son Église. Demandons-nous : sommes-nous prêts à accueillir la présence de l’Esprit Saint dans notre vie, à écouter l’appel à la mission, soit à travers la voie du mariage, soit à travers celle de la virginité consacrée ou du sacerdoce ordonné, et de toute façon dans la vie ordinaire de tous les jours ? Sommes-nous disposés à être envoyés partout, pour témoigner de notre foi en Dieu Père miséricordieux, pour proclamer l’Évangile du salut de Jésus Christ, pour partager la vie divine de l’Esprit Saint en édifiant l’Église ? Comme Marie, la mère de Jésus, sommes-nous prêts à être sans réserve au service de la volonté de Dieu (cf. Lc 1,38) ? Cette disponibilité intérieure est très importante pour répondre à Dieu : Me voici, Seigneur : envoie-moi ! (cf. Is 6,8). Et cela non pas dans l’abstrait, mais dans l’aujourd’hui de l’Église et de l’histoire.
Comprendre ce que Dieu est en train de nous dire en ce temps de pandémie devient aussi un défi pour la mission de l’Église. La maladie, la souffrance, la peur, l’isolement nous interpellent. La pauvreté de qui meurt seul, de qui est abandonné à lui-même, de qui perd son travail et son salaire, de qui n’a pas de maison et de nourriture nous interroge. Obligés à la distance physique et à rester à la maison, nous sommes invités à redécouvrir que nous avons besoin de relations sociales, et aussi de la relation communautaire avec Dieu. Loin d’augmenter la méfiance et l’indifférence, cette condition devrait nous rendre plus attentifs à notre façon d’entretenir nos relations avec les autres. Et la prière, par laquelle Dieu touche et meut notre cœur, nous ouvre aux besoins d’amour, de dignité et de liberté de nos frères, de même qu’au soin de toute la création. L’impossibilité de nous réunir en tant qu’Église pour célébrer l’Eucharistie nous a fait partager la condition de nombreuses communautés chrétiennes qui ne peuvent pas célébrer la Messe chaque dimanche. Dans ce contexte, la question que Dieu pose : « Qui enverrai-je ? », nous est adressée de nouveau et attend de nous une réponse généreuse et convaincue : « Me voici : envoie-moi ! » (Is 6,8). Dieu continue de chercher qui envoyer au monde et aux nations pour témoigner de son amour, de son salut du péché et de la mort, de sa libération du mal (cf. Mt 9,35-38 ; Lc 10,1-12).
Célébrer la Journée Missionnaire Mondiale signifie aussi réaffirmer comment la prière, la réflexion et l’aide matérielle de vos offrandes sont une opportunité permettant de participer activement à la mission de Jésus dans son Église. La charité, exprimée dans les collectes des célébrations liturgiques du troisième dimanche d’octobre, a pour objectif de soutenir le travail missionnaire accompli en mon nom par les Œuvres Pontificales Missionnaires, pour répondre aux nécessités spirituelles et matérielles des peuples et des Églises dans le monde entier, pour le salut de tous.
Que la Très Sainte Vierge Marie, Etoile de l’évangélisation et Consolatrice des affligés, disciple missionnaire de son Fils Jésus, continue d’intercéder pour nous et de nous soutenir.
Rome, Saint Jean de Latran, 31 mai 2020, Solennité de la Pentecôte.

François
© Libreria Editrice Vaticana – 2020

COMMENTAIRE

La parabole que nous avons entendue nous parle du Royaume de Dieu comme d’une fête de noces (cf. Mt 22,1-14). Le protagoniste est le fils du roi, l’époux, dans lequel il est facile d’entrevoir Jésus. Dans la parabole, cependant, on ne parle jamais de l’épouse, mais des nombreux invités, désirés et attendus : ce sont eux qui revêtent l’habit nuptial. Ces invités, ce sont nous, nous tous, parce qu’avec chacun de nous le Seigneur désire « célébrer les noces ». Les noces inaugurent la communion de toute la vie : c’est tout ce que Dieu désire avec chacun de nous. Alors, notre relation avec lui ne peut être seulement celle des sujets dévoués au roi, des serviteurs fidèles au patron ou des écoliers appliqués avec le maître, mais c’est surtout celle de l’épouse aimée avec l’époux. En d’autres termes, le Seigneur nous désire, nous cherche et nous invite, et il ne se contente pas que nous accomplissions bien nos devoirs et observions ses lois, mais il veut avec nous une véritable communion de vie, une relation faite de dialogue, de confiance et de pardon.
Voilà la vie chrétienne, une histoire d’amour avec Dieu, où le Seigneur prend gratuitement l’initiative et où aucun de nous ne peut revendiquer l’exclusivité de l’invitation : personne n’est privilégié par rapport aux autres, mais chacun est privilégié devant Dieu. De cet amour gratuit, tendre et privilégié naît et renaît toujours la vie chrétienne. Nous pouvons nous demander si, au moins une fois par jour, nous confessons au Seigneur notre amour pour Lui ; si nous nous souvenons, parmi tant de paroles, de lui dire chaque jour : « Je t’aime Seigneur. Tu es ma vie ». Parce que, si l’amour se perd, la vie chrétienne devient stérile, devient un corps sans âme, une morale impossible, un ensemble de principes et de lois à faire cadrer sans raison. Au contraire, le Dieu de la vie attend une réponse de vie, le Seigneur de l’amour attend une réponse d’amour. S’adressant à une Église, dans le livre de l’Apocalypse, il fait un reproche précis : « Tu as abandonné ton premier amour » (2,4). Voilà le danger : une vie chrétienne de routine, où on se contente de la « normalité », sans élan, sans enthousiasme, et avec la mémoire courte. Ravivons au contraire la mémoire du premier amour: nous sommes les bien-aimés, nous sommes les invités aux noces, et notre vie est un don, parce que chaque jour est l’occasion magnifique de répondre à l’invitation.
Mais l’Évangile nous met en garde : l’invitation, toutefois, peut être refusée. Beaucoup d’invités ont dit non, parce qu’ils étaient pris par leurs intérêts : « Ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ l’autre à son commerce », dit le texte (Mt 22,5). Une parole revient : son ; c’est la clé pour comprendre le motif du refus. Les invités, en effet, ne pensait pas que les noces soient tristes ou ennuyeuses, mais simplement « ils n’en tinrent aucun compte » : ils étaient détournés par leurs intérêts, ils préféraient avoir quelque chose plutôt que de prendre des risques, comme l’amour le demande. Voilà comment se prennent les distances avec l’amour, non par méchanceté, mais parce qu’on préfère ce qui est à soi : les sécurités, l’auto-affirmation, les commodités... Alors on s’étend sur les fauteuils des gains, des plaisirs, de quelque hobby qui rend un peu joyeux, mais ainsi on vieillit vite et mal, parce qu’on vieillit à l’intérieur : quand le cœur ne se dilate pas, il se ferme, il vieillit. Et quand tout dépend du « moi » — de ce qui me va, de ce qui me sert, de ce que je veux — on devient également rigides et méchants, on réagit de mauvaise manière pour un rien, comme les invités de l’Évangile, qui arrivent à insulter et même à tuer (cf. v.6) tous ceux qui portaient l’invitation, seulement parce qu’ils les incommodaient.
Alors l’Évangile nous demande de quel côté être : du côté du moi ou du côté de Dieu ? Parce que Dieu est le contraire de l’égoïsme, de l’auto-référentialité. Lui — nous dit l’Évangile — devant les refus continuels qu’il reçoit, devant les fermetures des regards de ses invités, continue, ne renvoie pas la fête. Il ne se résigne pas, mais il continue d’inviter. Devant les « non », il ne claque pas la porte, mais il inclut encore davantage. Devant les injustices subies, Dieu répond par un amour encore plus grand. Nous, quand nous sommes blessés par des torts et des refus, nous éprouvons souvent de l’insatisfaction et de la rancœur. Alors qu’il souffre à cause de nos « non », Dieu continue au contraire de relancer, il continue de préparer le bien même pour celui qui fait le mal. Parce qu’ainsi est l’amour, fait l’amour ; parce que seulement ainsi il vainc le mal. Aujourd’hui, ce Dieu, qui ne perd jamais l’espérance, nous entraîne à faire comme lui, à vivre selon l’amour véritable, à dépasser la résignation et les caprices de notre moi susceptible et paresseux. 
Il y a un dernier aspect que l’Évangile souligne : l’habit des invités est indispensable. Il ne suffit pas en effet de répondre une fois à l’invitation, de dire « oui » et puis c’est tout, mais il faut revêtir l’habit, il faut l’habitude de vivre l’amour chaque jour. Parce qu’on ne peut dire : « Seigneur, Seigneur » sans vivre et mettre en pratique la volonté de Dieu (cf. Mt 7,21). Nous avons besoin de nous revêtir chaque jour de son amour, de renouveler chaque jour le choix de Dieu. Les saints canonisés aujourd’hui, les nombreux martyrs, surtout, indiquent cette voie. Ils n’ont pas dit « oui » à l’amour en paroles et pour un moment, mais par leur vie et jusqu’au bout. Leur habit quotidien a été l’amour de Jésus, cet amour fou qui nous a aimés jusqu’au bout, qui a laissé son pardon et son vêtement à ceux qui le crucifiaient. Nous aussi, nous avons reçu dans le baptême le vêtement blanc, l’habit nuptial de Dieu. Demandons-lui, par l’intercession de ces saints, nos frères et sœurs, la grâce de choisir et d’endosser cet habit chaque jour et de le maintenir propre. Comment faire ? Par-dessus tout en allant recevoir sans peur le pardon du Seigneur : c’est le pas décisif pour entrer dans la salle de noces afin de célébrer la fête de l’amour avec Lui.

© Libreria Editrice Vaticana – 2017