Pko 09.02.2020

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°07/2020

Dimanche 9 février 2020 – 5ème Dimanche du Temps ordinaire – Année A

Humeurs…

Quand on marche sur la tête… ça donne cela !

Vous avez probablement déjà croisée, soit autour du Marché, soit sur la route entre Papeete et Hamuta, cette jeune femme sur sa chaise roulante, un pied manquant, poussé courageusement par son époux.

Il y a quelques années, ils étaient retournés dans leur île d’origine mais des problèmes de santé les ont obligés à revenir et rester sur Tahiti… Après avoir erré plusieurs mois dans les rues de la ville, faute de logement, ils se sont vu attribuer un logement à Hamuta.

Notre jeune femme, considérant son handicap, s’est vu attribué une Allocation Adulte Handicapé en 2018 et ce jusqu’en 2023. Elle touchait ainsi 91 836 xfp [33 115 xfp (allocation de base) + 36 885 xfp (allocation complémentaire de ressources) + 21 836 xfp (allocation compensatrice 2)]… avec une augmentation depuis janvier 2020… soit 95 721 xfp.

Jusque-là, tout va bien… c’est la mise en œuvre des textes concernant les aides aux personnes handicapée : délibération n°82-36 du 30/04/1982 ; loi de pays n°20153 du 25/02/2015 sur le RSPF ; arrêté n°2875/CM du 16/12/2019.

En 2019, le Pays met en place une nouvelle aide pour les personnes dépendantes, « Aidant feti’i » :

Pour la personne en difficulté, pouvoir compter sur un de ses proches est un réel réconfort. Le proche aidant dispose de compétences qu’il a développées en lui apportant son soutien. Son implication et le lien qu’il entretient avec cette dernière lui apportent de multiples joies, des satisfactions et un enrichissement. Grâce à cette veille permanente, la personne dépendante peut continuer à vivre chez elle en toute sécurité et sérénité. C’est pour ces multiples raisons que le Ministère de la Solidarité, de la Famille et de l’Égalité propose le dispositif « Aidant feti’i » pour permettre le maintien à domicile de ces proches en perte d’autonomie et qui ont la possibilité d’être assistés au quotidien par la personne de leur choix et issue de leur environnement.

Nos deux tourtereaux correspondent exactement aux critères. Elle ne peut s’assumer seule et son époux assure vraiment l’aide dont elle a besoin. Ils montent par conséquent le dossier… et tout naturellement obtiennent cette nouvelle aide.

Mais c’est sans compter les méandres de la loi ! Il y a toujours un petit alinéa qu’on a oublié de lire ! Ici, le petit grain de sable, c’est l’article 25-5 de la Délibération n°82-36 du 30 avril 1982 (modifiée) relative à l’action en faveur des handicapés :

Le montant de l’allocation de base aux adultes handicapés est fixé à :

- 37 000 F CFP au 1er janvier 2020 ;

- 42 000 F CFP au 1er janvier 2021 ;

- 46 000 F CFP au 1er janvier 2022 ;

- 50 000 F CFP au 1er janvier 2023.

Cette allocation est accordée aux personnes handicapées dont le plafond des ressources est inférieur ou égal au 2/3 du SMIG.

Pour le calcul des ressources il n’est pas tenu compte de l’allocation de base aux handicapés (AAH).

Cette allocation peut être majorée d’un complément sous la forme d’une allocation complémentaire dont le cumul avec l’allocation de base ne peut excéder un pourcentage du montant mensuel du SMIG, dont le taux sera arrêté en conseil des ministres. Pour la détermination de ce complément, sont prises en compte l’allocation aux adultes handicapés et les ressources personnelles du bénéficiaire, de son conjoint(e) ou de son(sa) concubin(e).

Autrement dit notre jeune femme touchant 95 721 xfp d’AHH et son conjoint les 50 000 xfp du dispositif « Aidant fetii » leur revenu est désormais de 145 721 xfp par mois… Là, ils dépassent le montant plafond du RSPf de 97 346 xfp par couple !!!

Et voilà comment notre jeune femme perd les 36 885 xfp d’allocation complémentaire ressource et se retrouve avec une allocation de 54 836 xfp… quant à Monsieur il touche les 50 000xfp… Le couple est ainsi passé de 95 721 xfp à 104 386 xfp !

« Aidant fetii » vous avez dit !!!

J’ai conseillé au couple de divorcé, de séparer ainsi Madame pourra récupérer l’intégralité de son AHH et Monsieur garder l’indemnité « Aidant fetii »… ce qui évitera à notre jeune femme de devoir faire la manche autour du marché pour boucler les fins de mois et pouvoir manger en adéquation avec les exigences de sa maladie !

On peut toujours espérer une modification de la Loi… mais en ces temps de préparation des élections… on a d’autres chats à fouetter…

On marche sur la tête !!! Et ce n’est pas fini tant nos élus et aspirants élus vivent en culture hors sol !!!

Dans bien des parties du monde la grogne monte contre les inégalités sociales… Tahiti fait partie du monde !

Dixit 2020…

Edito
La parité, un concept à revisiter

Le Dixit 2020 arrive… déjà consultable en ligne, il sera dans les librairies dans le courant de la semaine prochaine. Il fait cette année une large place à la parité femme/homme dans les entreprises : « Garçons ou filles, homme ou femme, il n’y a que des individus fiable sou non » Françoise Giroud.

Et si la bataille pour la parité Homme/Femme était en passe de devenir, d'ici une ou deux décennies, un combat dépassé ?

La montée en puissance des femmes dans le monde du travail à des postes de responsabilité est graduelle et constante en Polynésie. La volonté de parité affichée par les grandes entreprises cache un fait indéniable : les femmes gagnent leurs postes parce qu'elles le méritent. Plus diplômées que les hommes (lire à ce sujet les chiffres de l'Université p.174), de plus en plus entreprenantes (en 2019, 51 % des auto-entrepreneurs sont des femmes), les femmes avancent sans revendiquer davantage que ce qu'elles obtiennent parleurs compétences.

Cette facette de la réalité, parce qu'elle est prometteuse, ne saurait cacher d'autres aspects plus sombres du monde du travail, notamment les inégalités salariales qui perdurent dans certains secteurs (même si les écarts se réduisent) ou le harcèlement sexuel, un fléau encore peu dénoncé. Le sujet mériterait d'être inscrit dans les programmes de formation des entreprises.

Cette progression des femmes dans le monde du travail est aussi en partie accrue par la dégradation de la situation des hommes jeunes, de tous les milieux, par la déscolarisation et les addictions à l'alcool et aux drogues. Le manque de formation cantonne ceux qui souhaitent travailler dans le secteur ouvrier alors que le secteur des services progresse. Ces postes, de plus en plus occupés par des femmes, ont contribué à réduire l'écart entre hommes et femmes dans l'accès à l'emploi. Ce dossier nous aura appris que la préoccupation de la décennie à venir risque d'être la détérioration de la situation des jeunes hommes sur le marché du travail.

Ces mouvements évolutifs de fond de la société polynésienne ne justifieraient-ils pas la création d'un observatoire permanent pour en comprendre les causes et mettre en place des plans d'actions ?

Bonne lecture et bonne année 2020

Dominique MORVAN

© Créaprint – 2020

Laissez-moi vous dire…

11 février 2020 : N.D. de Lourdes / Journée mondiale du malade

Briser les murs de nos peurs

Il y a quelques jours je rencontrais des touristes qui revenaient pour la seconde fois à Tahiti ; leur premier séjour remontait à plus de 30 ans. Ils s’étonnaient du nombre incalculable de propriétés protégées par des murs… si bien qu’en longeant la côte Ouest on cherche les accès à la mer. Fini l’époque où on passait d’un fare à l’autre à travers une cocoteraie au gazon impeccablement entretenu !

Oui, Tahiti n’échappe pas à la tendance mondiale : élever des murs, des barrières visibles ou invisibles. Les raisons sont multiples : méfiance, peurs, rejet, haine, insécurité… Selon un dossier publié par l’ACAT(1)-France : le premier mur de l’ère moderne a été érigé en 1954 entre l’Algérie et le Maroc. Alors qu’on détruisait le mur de Berlin en 1989, on comptait 11 murs dans le monde. Aujourd’hui on en dénombre plus d’une cinquantaine [soit, au niveau planétaire, 40 000 km de murs sur les 250 000 km de frontières terrestres] ! Peur des terroristes, des migrants, des clandestins, haine interethnique… sont autant de motifs. [Source : Humains - Magazine chrétien des droits de l’homme, n°12 – juillet-août 2019]

Les murs invisibles sont encore plus nombreux : fermeture des frontières à certaines populations (la Corée du Nord interdit à ses ressortissants de quitter le pays), refus de visas aux citoyens de Pays inscrits sur une « liste rouge », reconduction à la frontière de certains « sans papier », interdiction aux Bengali et Pakistanais de confession musulmane d’entrer en Inde…

Et maintenant avec l’épidémie de coronavirus on entend des propos indignes -notamment à l’égard des asiatiques- semblables à ceux que l’on trouve dans les chroniques du Moyen-Age relativement à la peste, au choléra ou la lèpre !

Partout les murs témoignent d’un repli sur soi, d’un refus de s’ouvrir aux autres. Cette attitude devrait être inadmissible pour un chrétien. Souvenons-nous de ces deux paroles bibliques : « Grâce à la foi les murs de Jéricho tombèrent » (Hébreux 11,30) ; « Dans sa chair, le Christ a détruit le mur de la séparation : la haine » (Éphésiens 2,14).

Justement les maladies contagieuses ou chroniques incurables, celles qui nécessitent des soins palliatifs, les pathologies psychiques et celles qui sont liées à la vieillesse, les handicaps de toutes natures… sont autant de facteurs qui peuvent établir des murs entre le malade et les soignants, entre le malade et sa famille ou même entre le malade et toute une frange de population.

Je me souviens d’une femme qui souffrait d’une tendinite de la main et du poignet droit. Elle ne pouvait plus exercer son métier de laborantine, ni porter aucune charge et encore moins son bébé de neuf mois. Tout le monde, ses collègues, certains amis et même son mari pensaient qu’elle simulait sa souffrance. Ainsi des murs « de silence, et de chuchotements » se sont érigés ; jusqu’au jour où un de ses collègues a interrogé un grand laboratoire de recherche français. Les symptômes décrits correspondaient tout à fait à une maladie professionnelle reconnue en France, liée au maniement de pipettes doseuses non automatiques… Cela a suffi à faire tomber les murs !

Le Pape François, dans son message pour la XXVIIIème Journée mondiale du malade, attire l’attention sur la fragilité du malade : « Lorsqu’elle est malade, la personne ressent que, non seulement son intégrité physique est compromise, mais aussi ses dimensions relationnelle, intellectuelle, affective et spirituelle. Elle attend donc, en plus des thérapies, un soutien, une sollicitude, une attention… en somme, de l’amour. En outre, aux côtés du malade, il y a une famille qui souffre et qui demande, elle aussi, réconfort et proximité. » [Message du Pape François pour la XXVIIIème journée mondiale du malade, §2]

On parle beaucoup de « la crise française du système de santé » marquée historiquement par la démission d’un grand nombre de chefs de clinique. En fait cette crise touche de nombreux pays. Les difficultés d’accès aux soins, l’inégalité de la prise en charge des malades (dans les zones rurales par rapport aux zones urbaines), le manque de médecins, de lits d’hôpitaux… sont liés à l’inégale répartition des richesses. Les services de santé (aussi bien publics que privés) sont tributaires de l’économie, de la recherche de la rentabilité. Le progrès technique est mis au service du soin, de la diminution de la souffrance, et souvent de la guérison ; mais il a un coût ! C’est pourquoi le Saint Père exhorte les personnels soignants : « Chers agents du monde de la santé, toute intervention diagnostique, préventive, thérapeutique, de recherche, de soin et de rééducation, s’adresse à la personne malade, où le substantif “ personne ” prime toujours sur l’adjectif “malade”. Par conséquent, votre action doit tendre constamment à la dignité et à la vie de la personne, sans jamais céder à des actes de nature euthanasiste, de suicide assisté ou de suppression de la vie, pas même quand le stade de la maladie est irréversible. (…) Rappelons que la vie est sacrée, qu’elle appartient à Dieu et, par conséquent, qu’elle est inviolable et qu’on ne peut en disposer» [ibid. §4]

Toutes et tous, un jour ou l’autre, nous sommes confrontés à la maladie, au handicap, à la souffrance soit directement, soit par la situation d’un(e) de nos proches. En tant que chrétiens la référence au Christ souffrant, au Dieu de l’espérance est implicite. Comme Saint Paul le dit : « Dans toutes nos détresses, Dieu nous réconforte ; ainsi, nous pouvons réconforter tous ceux qui sont dans la détresse, grâce au réconfort que nous recevons nous-mêmes de Dieu. » (2 Corinthiens 1,4) Ainsi, seront brisés les murs de nos peurs.

Dominique SOUPÉ

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(1) ACAT = Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture

© Cathédrale de Papeete – 2020

Regard sur l’actualité…

28ème Journée mondiale des Malades

Le Mardi 11 Février, en la fête de Notre Dame de Lourdes aura lieu la 28ème journée mondiale du malade. À cette occasion, le Pape François a voulu adresser un message à ceux qui doivent affronter la maladie, la leur ou celle de leurs proches. Il rappelle dans un premier temps l’attitude d’accueil et de miséricorde sans réserve du Christ Jésus envers ces malades qui croisaient sa route ou que l’on déposait devant lui pour qu’il les guérisse : « Jésus regarde l’humanité blessée. Lui, il a des yeux qui voient, qui s’aperçoivent, car ils regardent en profondeur. Il ne s’agit pas d’un regard rapide et indifférent, mais qui s’attarde et accueille tout l’homme, tout homme, dans sa condition de santé, sans écarter personne, mais en invitant chacun à entrer dans sa vie pour faire une expérience de tendresse ». Le Saint Père invite ensuite à considérer non seulement la maladie au niveau médical, mais plus profondément la souffrance qui l’accompagne : « Il existe diverses formes graves de souffrance : les maladies incurables et chroniques, les pathologies psychiques, celles qui nécessitent de la rééducation ou des soins palliatifs, les divers handicaps, les maladies de l’enfance et de la vieillesse… Dans ces circonstances, on ressent parfois un manque d’humanité et il apparaît alors nécessaire de personnaliser l’approche à l’égard du malade, non plus seulement en soignant mais aussi en prenant soin, pour une guérison humaine intégrale. Lorsqu’elle est malade, la personne… attend donc, en plus des thérapies, un soutien, une sollicitude, une attention… en somme, de l’amour. En outre, aux côtés du malade, il y a une famille qui souffre et qui demande, elle aussi, réconfort et proximité. » Ce défi de soulagement, de réconfort et de guérison, souligne le Saint Père, est porté par tous ceux et celles qui œuvrent de près ou de loin dans le monde de la santé et du corps médical auprès des malades : « C’est dans cette œuvre de réconfort envers les frères malades que se situe le service du personnel de santé, médecins, infirmiers, agents sanitaires et administratifs, aides-soignants et volontaires » Et il leur adresse un vibrant appel, une invitation : « Chers agents du monde de la santé, toute intervention diagnostique, préventive, thérapeutique, de recherche, de soin et de rééducation, s’adresse à la personne malade, où le substantif “personne” prime toujours sur l’adjectif “malade”. Par conséquent, votre action doit tendre constamment à la dignité et à la vie de la personne, sans jamais céder à des actes de nature euthanasiste, de suicide assisté ou de suppression de la vie, pas même quand le stade de la maladie est irréversible… La vie doit être accueillie, protégée, respectée et servie, de la naissance à la mort : c’est à la fois une exigence tant de la raison que de la foi en Dieu auteur de la vie. Dans certains cas, l’objection de conscience est pour vous le choix nécessaire pour rester cohérents au “oui” à la vie et à la personne. »

À ce même propos, le Dimanche 2 Février avait lieu à la paroisse de Pirae une rencontre des membres de l’équipe d’aumônerie du centre hospitalier du Taaone, en présence de Mgr Jean Pierre et du curé de Ste Trinité qui assure la messe à la chapelle de l’hôpital une fois par mois. Plus d’une vingtaine de volontaires, sous la responsabilité du diacre Tom Mervin, se sont engagés à assurer auprès des malades et de leurs familles la présence réconfortante du Christ au moyen de la prière et des sacrements de l’Église. Ils assurent également si besoin est, l’accompagnement des défunts et de leurs familles, surtout quand ils sont originaires des îles.  D’autres fidèles assurent de façon régulière ou à la demande ce même service pour les malades des cliniques Cardella et Paofai. Qu’ils et elles soient ici remerciés pour leur disponibilité et leur service. Alors, ce 11 Février, dans notre prière pour les malades et ceux qui souffrent, n’oublions pas ceux et celles qui, comme le bon Samaritain, savent s’approcher d’eux pour leur apporter par leur simple présence, ne serait-ce qu’un rien de réconfort !

Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete - 2020

Audience générale

La liberté vient de l’humilité

Le Pape a initié une nouvelle série de catéchèses sur les huit Béatitudes de l’Évangile selon saint Matthieu. Lors de l’audience générale du mercredi 5 février, le Saint-Père est revenu sur la première d’entre elles : « Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux ».

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous abordons aujourd’hui la première des huit Béatitudes de l’Évangile de Matthieu. Jésus commence à proclamer son chemin du bonheur par une annonce paradoxale : « Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des cieux est à eux » (5,3). Une voie surprenante et un étrange objet de béatitude : la pauvreté.

Nous devons nous demander : qu’est-ce qu’on entend ici par « pauvres » ? Si Matthieu n’employait que ce mot, il aurait simplement une signification économique, c’est-à-dire qu’il indiquerait les personnes qui ont peu ou qui n’ont pas du tout de moyens de subsistance et qui ont besoin de l’aide des autres.

Mais l’Évangile de Matthieu, à la différence de celui de Luc, parle de « pauvres de cœur ». Que veut-il dire ? L’esprit (en français : le cœur, ndr) selon la Bible, est le souffle de la vie que Dieu a communiqué à Adam ; c’est notre dimension la plus intime, disons la dimension spirituelle, la plus intime, celle qui fait de nous des personnes humaines, le noyau profond de notre être. Alors les « pauvres de cœur » sont ceux qui sont et qui se sentent pauvres, mendiants, dans l’intime de leur être. Jésus les proclame heureux, parce que c’est à eux qu’appartient le Royaume des cieux.

Combien de fois nous a-t-on dit le contraire ! Il faut être quelque chose dans la vie, être quelqu’un… Il faut se faire un nom… C’est de là que nait la solitude et la tristesse : si je dois être « quelqu’un », je suis en compétition avec les autres et je vis dans la préoccupation obsessionnelle de mon ego. Si je n’accepte pas d’être pauvre, je prends en haine tout ce qui me rappelle ma fragilité. Parce que cette fragilité m’empêche de devenir une personne importante, un riche non seulement d’argent, mais de réputation, de tout.

Toute personne, face à elle-même, sait bien que, quel que soit le mal qu’elle se donne, elle reste toujours radicalement incomplète et vulnérable. Il n’existe pas de maquillage pour couvrir cette vulnérabilité. Chacun de nous est vulnérable, à l’intérieur. Il doit voir où. Mais comme on vit mal, si l’on refuse ses propres limites ! On vit mal. On ne digère pas sa limite, elle est là. Les personnes orgueilleuses ne demandent pas d’aide, ne peuvent pas demander d’aide, il ne leur vient pas à l’esprit de demander de l’aide parce qu’elles doivent montrer qu’elles sont auto-suffisantes. Et combien parmi elles ont besoin d’aide, mais l’orgueil empêche de demander de l’aide.

Et comme il est difficile d’admettre une erreur et de demander pardon ! Quand je donne un conseil aux jeunes époux, qui me demandent comment bien vivre leur mariage, je leur dis : « Il y a trois mots magiques : s’il te plaît, merci, excuse-moi ». Ce sont des mots qui viennent de la pauvreté de cœur. Il ne faut pas être envahissant, mais demander la permission : « Que penses-tu de faire ceci ? », ainsi il y a un dialogue en famille, l’épouse et l’époux dialoguent. « Tu as fait cela pour moi, merci, j’en avais besoin ». Et puis on fait toujours des erreurs, on glisse : « Excuse-moi ! ». Et en général, les couples, les jeunes ménages, ceux qui viennent ici et ils sont nombreux, me disent : « Le troisième est le plus difficile », s’excuser, demander pardon. Parce que l’orgueilleux n’y arrive pas. Il ne peut pas s’excuser : il a toujours raison. Il n’est pas pauvre de cœur. En revanche, le Seigneur ne se lasse jamais de pardonner ; c’est nous qui nous lassons de demander pardon. (cf. Angelus, 17 mars 2013). La lassitude de demander pardon : c’est une mauvaise maladie !

Pourquoi est-il difficile de demander pardon ? Parce que cela humilie notre image hypocrite. Et pourtant, vivre en cherchant à occulter nos propres carences est fatigant et angoissant. Jésus-Christ nous dit : être pauvre est une occasion de grâce : et il nous montre l’issue de cette lassitude. Nous avons reçu le droit d’être pauvres de cœur, parce que c’est là le chemin du Royaume de Dieu.

Mais il faut redire quelque chose qui est fondamental : nous ne devons pas nous transformer pour devenir pauvres de cœur, nous ne devons faire aucune transformation parce que nous le sommes déjà ! Nous sommes pauvres… ou, plus clairement : nous sommes de « pauvres types » de cœur ! Nous avons besoin de tout. Nous sommes tous pauvres de cœur, nous sommes des mendiants. C’est la condition humaine.

Le Royaume de Dieu appartient aux pauvres de cœur. Il y a ceux qui ont les royaumes de ce monde : ils ont des biens et ils ont le confort. Mais ce sont des royaumes qui prennent fin. Le pouvoir des hommes, même les empires les plus grands, passent et disparaissent. Nous voyons si souvent aux nouvelles télévisées ou dans les journaux que tel gouvernant fort, puissant, ou tel gouvernement qui existait hier et qui n’existe plus aujourd’hui, est tombé. Les richesses de ce monde passent, même l’argent. Les personnes âgées nous enseignaient que le linceul n’avait pas de poche. C’est vrai. Je n’ai jamais vu, derrière un cortège funèbre, un camion pour le déménagement : personne n’emporte rien avec soi. Ces richesses restent ici.

Le Royaume de Dieu appartient aux pauvres de cœur. Il y a ceux qui ont les royaumes de ce monde, ils ont des biens et ils ont le confort. Mais nous savons comment ils finissent. Règne vraiment celui qui sait aimer le véritable bien plus que lui-même. Et c’est cela, le pouvoir de Dieu.

En quoi le Christ s’est-il montré puissant ? Parce qu’il a su faire ce que les rois de la terre ne font pas : donner sa vie pour les hommes. Et c’est cela, le vrai pouvoir. Le pouvoir de la fraternité, le pouvoir de la charité, le pouvoir de l’amour, le pouvoir de l’humilité. Voilà ce qu’a fait le Christ.

C’est en cela qu’est la vraie liberté : celui qui a ce pouvoir de l’humilité, du service, de la fraternité est libre. La pauvreté dont les Béatitudes font l’éloge est au service de cette liberté.

Parce qu’il y a une pauvreté que nous devons accepter, celle de notre être, et une pauvreté que nous devons, en revanche, chercher, la pauvreté concrète, des choses de ce monde, pour être libres et pouvoir aimer. Nous devons toujours chercher la liberté du cœur, celle qui plonge ses racines dans la pauvreté de notre être.

© Libreria Editrice Vaticana - 2020

28ème Journée mondiale des Malades

Se mettre sous le regard de Jésus

Le message du Pape François pour la 28e Journée mondiale du malade, prévue le 11 février prochain, est centré sur les paroles de Jésus : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau et je vous soulagerai » (Mt 11,28) ; un message dans lequel le Saint-Père rappelle notamment que le droit à la vie est le « vrai droit humain ». Il y met aussi en garde contre les manipulations politiques de l'assistance médicale.

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS À L'OCCASION DE LA

XXVIIIe JOURNÉE MONDIALE DU MALADE 2020

11 février 2020

« Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai » (Mt 11,28)

Chers frères et sœurs,

1. Les paroles que Jésus prononce : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai » (Mt 11,28) indiquent le mystérieux chemin de la grâce qui se révèle aux simples et qui offre un soulagement à ceux qui peinent et qui sont fatigués. Ces mots expriment la solidarité du Fils de l’homme, Jésus-Christ, face à une humanité affligée et souffrante. Que de personnes souffrent dans leur corps et dans leur esprit ! Il appelle tous les hommes à aller vers lui, « venez à moi », et il leur promet soulagement et repos. « Quand Jésus dit cela, il a face à lui les personnes qu’il rencontre chaque jour sur les routes de Galilée : tant de gens simples, pauvres, malades, pécheurs, exclus par le poids de la loi et du système social oppressif... Ces personnes l’ont sans cesse poursuivi pour écouter sa parole – une parole qui donnait l’espérance » (Angélus, 6 juillet 2014).

En cette XXVIIIème Journée Mondiale du Malade, Jésus adresse son invitation aux malades et aux opprimés, aux pauvres qui savent bien qu’ils dépendent entièrement de Dieu et qui, blessés par le poids des épreuves, ont besoin de guérison. Jésus-Christ, n’impose pas de lois à ceux qui vivent l’angoisse de leur propre situation de fragilité, de douleur et de faiblesse, mais il offre sa miséricorde, c’est-à-dire sa personne qui les réconforte. Jésus regarde l’humanité blessée. Lui, il a des yeux qui voient, qui s’aperçoivent, car ils regardent en profondeur. Il ne s’agit pas d’un regard rapide et indifférent, mais qui s’attarde et accueille tout l’homme, tout homme, dans sa condition de santé, sans écarter personne, mais en invitant chacun à entrer dans sa vie pour faire une expérience de tendresse.

2. Pourquoi Jésus-Christ nourrit-il ces sentiments ? Parce qu’il s’est fait faible lui-même, faisant ainsi l’expérience de la souffrance humaine et recevant à son tour le réconfort du Père. De fait, seul celui qui fait personnellement cette expérience saura être un réconfort pour l’autre. Il existe diverses formes graves de souffrance : les maladies incurables et chroniques, les pathologies psychiques, celles qui nécessitent de la rééducation ou des soins palliatifs, les divers handicaps, les maladies de l’enfance et de la vieillesse… Dans ces circonstances, on ressent parfois un manque d’humanité et il apparaît alors nécessaire de personnaliser l’approche à l’égard du malade, non plus seulement en soignant mais aussi en prenant soin, pour une guérison humaine intégrale. Lorsqu’elle est malade, la personne ressent que, non seulement son intégrité physique est compromise, mais aussi ses dimensions relationnelle, intellectuelle, affective et spirituelle. Elle attend donc, en plus des thérapies, un soutien, une sollicitude, une attention… en somme, de l’amour. En outre, aux côtés du malade, il y a une famille qui souffre et qui demande, elle aussi, réconfort et proximité.

3. Chers frères et sœurs malades, la maladie vous place d’une façon toute particulière parmi ceux qui sont « fatigués et opprimés », ceux qui attirent le regard et le cœur de Jésus. C’est de là que vient la lumière pour vos moments d’obscurité, l’espérance pour votre réconfort. Il vous invite à aller à lui : « Venez ». En lui, en effet, les inquiétudes et les interrogations qui surgissent en vous, dans cette “nuit” du corps et de l’esprit, trouveront de la force pour être traversées. Certes, le Christ ne nous a pas donné de recettes, mais, par sa passion, sa mort et sa résurrection, il nous libère de l’oppression du mal.

Dans votre condition, vous avez certainement besoin d’un lieu pour vous réconforter. L’Église veut être toujours davantage et toujours mieux l’“auberge” du bon Samaritain qu’est le Christ (cf. Lc 10,34), à savoir la maison où vous pouvez trouver sa grâce, qui s’exprime par la familiarité, l’accueil, le soulagement. Dans cette maison, vous pourrez rencontrer des personnes qui, guéries par la miséricorde de Dieu dans leur fragilité, sauront vous aider à porter la croix en faisant de leurs propres blessures des ouvertures par lesquelles regarder l’horizon au-delà de la maladie et recevoir la lumière et l’air pour votre vie.

C’est dans cette œuvre de réconfort envers les frères malades que se situe le service du personnel de santé, médecin, infirmiers, agents sanitaires et administratifs, aides-soignants et volontaires qui, par leur compétence, agissent en faisant sentir la présence du Christ, qui offre sa consolation et se charge de la personne malade en soignant ses blessures. Mais, eux aussi, sont des hommes et des femmes, avec leurs fragilités et leurs maladies. Pour eux, en particulier, s’applique ce propos selon lequel « une fois que nous avons reçu le repos et le réconfort du Christ, nous sommes appelés à notre tour à devenir repos et réconfort pour nos frères, avec une attitude douce et humble, à l’imitation du Maître » (Angélus, 6 juillet 2014).

4. Chers agents du monde de la santé, toute intervention diagnostique, préventive, thérapeutique, de recherche, de soin et de rééducation, s’adresse à la personne malade, où le substantif “personne” prime toujours sur l’adjectif “malade”. Par conséquent, votre action doit tendre constamment à la dignité et à la vie de la personne, sans jamais céder à des actes de nature euthanasiste, de suicide assisté ou de suppression de la vie, pas même quand le stade de la maladie est irréversible.

Dans l’expérience de la limite et même de l’échec possible de la science médicale face à des cas cliniques toujours plus problématiques et à des diagnostics funestes, vous êtes appelés à vous ouvrir à la dimension transcendante, qui peut vous offrir le sens plénier de votre profession. Rappelons que la vie est sacrée, qu’elle appartient à Dieu et, par conséquent, qu’elle est inviolable et qu’on ne peut en disposer (cf. Instr. Donum vitae, n. 5 ; Enc. Evangelium vitae, n. 29-53). La vie doit être accueillie, protégée, respectée et servie, de la naissance à la mort : c’est à la fois une exigence tant de la raison que de la foi en Dieu auteur de la vie. Dans certains cas, l’objection de conscience est pour vous le choix nécessaire pour rester cohérents au “oui” à la vie et à la personne. En tout cas, votre professionnalisme, animé par la charité chrétienne, sera le meilleur service rendu au vrai droit humain : le droit à la vie. Quand vous ne pouvez pas guérir, vous pouvez toujours soigner grâce à des gestes et à des procédures qui apportent soulagement et réconfort au malade.

Hélas, dans certains contextes de guerre et de conflit violent, le personnel de santé et les structures qui s’occupent de l’accueil et de l’assistance des malades sont pris pour cibles. Dans certaines zones, le pouvoir politique aussi prétend manipuler l’assistance médicale en sa faveur, limitant la juste autonomie de la profession sanitaire. En réalité, attaquer ceux qui se consacrent au service des membres souffrants du corps social ne profite à personne.

5. En cette XXVIIIème Journée Mondiale du Malade, je pense aux nombreux frères et sœurs qui, dans le monde entier, n’ont pas la possibilité d’accéder aux soins, parce qu’ils vivent dans la pauvreté. Je m’adresse donc aux institutions sanitaires et aux Gouvernants de tous les pays du monde, afin qu’ils ne négligent pas la justice sociale au profit de l’aspect économique. Je souhaite qu’en conjuguant les principes de solidarité et de subsidiarité, il soit possible de coopérer pour que tous aient accès aux soins appropriés pour sauvegarder et retrouver la santé. Je remercie de tout cœur les volontaires qui se mettent au service des malades, en allant souvent suppléer les carences structurelles et en reflétant, par des gestes de tendresse et de proximité, l’image du Christ bon Samaritain.

Je confie à la Vierge Marie, Santé des malades, toutes les personnes qui portent le poids de la maladie, avec leurs familles, ainsi que tous les personnels de santé. Je vous assure que je suis proche de vous tous dans la prière et je vous envoie de grand cœur la Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 3 janvier 2020,

Mémoire du Saint Nom de Jésus.

François

© Libreria Editrice Vaticana - 2020

Commentaire des lectures du dimanche

Chers frères et sœurs, bonjour !

Au cours de ces dimanches, la liturgie propose ce que l’on appelle le Discours sur la montagne, dans l’Évangile de Matthieu. Après avoir présenté les Béatitudes dimanche dernier, aujourd’hui il met l’accent sur les paroles de Jésus décrivant la mission de ses disciples dans le monde (cf. Mt 5,13-16). Il utilise les métaphores du sel et de la lumière et ses paroles s’adressent aux disciples de toutes les époques, et donc à nous aussi.

Jésus nous invite à être un reflet de sa lumière, à travers le témoignage des bonnes œuvres. Et il dit : « Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,16). Ces paroles soulignent que nous sommes reconnaissables comme véritables disciples de Celui qui est la Lumière du monde, non pas dans les paroles, mais dans nos œuvres. En effet, c’est avant tout notre comportement — dans le bien ou dans le mal — qui laisse une trace chez les autres. Nous avons donc un devoir et une responsabilité pour le don reçu : nous ne devons pas garder la lumière de la foi, qui est en nous au moyen du Christ et de l’action du Saint-Esprit, comme si elle était notre propriété. Au contraire, nous sommes appelés à la faire resplendir dans le monde, à la donner aux autres à travers les œuvres bonnes. Combien le monde a besoin de la lumière de l’Évangile qui transforme, guérit et garantit le salut à ceux qui l’accueillent ! Nous devons apporter cette lumière à travers nos bonnes œuvres.

En se donnant, la lumière de notre foi ne s’éteint pas, mais se renforce. Elle peut au contraire disparaître, si nous ne l’alimentons pas à travers l’amour et les œuvres de charité. Ainsi, l’image de la lumière rencontre celle du sel. La page évangélique nous dit en effet qu’en tant que disciples du Christ, nous sommes également « le sel de la terre » (v.13). Le sel est un élément qui, tout en donnant de la saveur, préserve les aliments de l’altération et de la corruption — à l’époque de Jésus, il n’y avait pas de réfrigérateurs ! —. Par conséquent, la mission des chrétiens dans la société est de donner de la « saveur » à la vie avec la foi et l’amour que le Christ nous a donnés, et dans le même temps, de tenir éloignés les germes polluants de l’égoïsme, de l’envie, de la médisance et ainsi de suite. Ces germes abîment le tissu de nos communautés, qui doivent au contraire resplendir comme des lieux d’accueil, de solidarité, de réconciliation. Pour remplir cette mission, il faut que nous soyons nous-mêmes les premiers libérés de la dégénérescence corruptrice des influences mondaines, contraires au Christ et à l’Évangile ; et cette purification ne finit jamais, elle doit se faire continuellement, elle doit se faire tous les jours !

Chacun de nous est appelé à être lumière et sel dans son cadre de vie quotidien, persévérant dans la tâche de régénérer la réalité humaine dans l’esprit de l’Évangile et dans la perspective du Royaume de Dieu. Que la protection de Marie, première disciple de Jésus, et modèle des croyants qui vivent leur vocation et leur mission chaque jour dans l’histoire ; nous vienne toujours en aide. Que notre Mère nous aide à nous laisser toujours purifier et illuminer par le Seigneur, pour devenir à notre tour « sel de la terre » et « lumière du monde ».

© Libreria Editrice Vaticana – 2017