Pko 06.09.2020
Bulletin gratuit de liaison de la paroisse de la Cathédrale de Papeete n°41/2020
Dimanche 6 septembre 2020 – 23ème Dimanche du Temps ordinaire – Année A
Humeurs
L’ultracrépidarianisme
En guise d’humeur, une réflexion du philosophe Étienne Klein : « On est tous pour ou contre le nucléaire, tous pour ou contre les nanosciences, pour ou contre les OGM. Mais qui d’entre nous est capable de dire ce qu’on met vraiment dans un réacteur nucléaire ? Ce qu’est une réaction de fission ? Comment ça fonctionne ? Qu’implique E=mc2 ? Qu’est-ce que c’est qu’une cellule souche, un OGM ? Personne. L’ulltracrepidarianisme c’est un mot savant pour dire que, souvent, on parle avec assurance de choses que nous ne connaissons pas, et c’est dérivé d’une locution latine qui est : “Sutor, ne supra crepidam” qui veut dire en gros que le cordonnier ne doit pas parler au-delà de la chaussure. Moi j’ai noté cette tendance-là au tout début de l’épidémie. Je rentrai du Chili, et en arrivant en France, alors que le confinement avait commencé depuis quelques jours. Je voyais des tweet écrit par des personnalités politiques, parfois de très haut rang, qui commençaient par : “Je ne suis pas médecin, mais je pense…” etc. Et après cette déclaration honnête d’incompétence, s’en suivaient des injonctions sur ce qu’il fallait faire ou penser à propos de tel ou tel traitement. Au tout début de l’épidémie. Ça m’avait étonné qu’on puisse avoir autant d’assurance alors même qu’on vient de déclarer qu’on est incompétent. J’ai remarqué en étudiant un peu la question que c’était une tendance assez naturelle, qui a d’ailleurs été étudiées par des psychologues américains à la fin du XXème siècle, qui s’appellent Dunning et Kruger qui avait remarqué que pour se rendre compte qu’on est incompétent il faut être compétent. Au début qu’en on découvre un nouveau champ, on se sent spontanément compétent. Par exemple, moi je n’y connais rien au football mais si on me demandait d’être sélectionneur de l’équipe de France de football, spontanément je dirais : “Pourquoi pas, ça a l’air simple.” On s’asseoit sur un banc, on fait des gestes, on crie un peu et ça doit être suffisant pour que l’équipe gagne. Et puis en regardant les choses d’un peu plus près on s’aperçoit que c’est beaucoup plus compliqué. Nous sommes tous appelés à être victimes de cet ultracrépidarianisme. Quand vous conversez au café avec vos amis, vous dites des choses qui vont au-delà de vos compétences. C’est tout à fait naturel dans la conversation, simplement il faut en avoir conscience, et quand on a une parole publique qui peut avoir des effets politiques importants, il faut être prudent. L’idée c’est pas du tout de dire que chacun est contraint dans sa liberté à laisser la parole aux experts. En fait en démocratie n’importe qui a le droit de poser une question aux experts, de les interpeller, de les interroger. Mais s’est pas ce qui est fait, là. C’est qu’on donne son avis sans savoir.
Nous avons tendance à écouter ceux qui parlent de tout. Comme s‘ils nous rassuraient, comme si des gens qui ont des formes de certitude, une forme d’arrogance aussi, nous rassuraient dans une période d’incertitude. Dans les mêmes canaux de communication circulent aujourd’hui des connaissances scientifiques ou autres, des informations, des commentaires, des opinions, des fake-news et le fait que toutes ces choses circulent dans les mêmes canaux fait que leurs statuts respectifs, qui sont pourtant très différent, se contaminent.
Je me rends compte que les gens qui sont modérés, qui sont prudents, qui sont en quelque sorte “centristes” pour ce qui est des questions relatives à la vérité, parlent beaucoup moins que les gens qui sont extrémistes dans ces domaines. C’est un peu comme en politique : les gens qui sont aux extrêmes parlent plus que les gens qui font partie de ce que l’on appelle la majorité silencieuse. Et moi je pense que notre démocratie, pour garder de sa vivacité, a besoin que les gens modérés s’engagent passionnément. L’idée même de démocratie a à voir avec le fait qu’on puisse argumenter, et s’en donner le temps, sans simplement s’opposer avec des arguments assez primaires qui donnent l’impression que ce sont des arguments d’autorité qui se combattent et non pas des analyses ».
Liberté
De quel droit mettez-vous des oiseaux dans des cages ?
De quel droit ôtez-vous ces chanteurs aux bocages,
Aux sources, à l'aurore, à la nuée, aux vents ?
De quel droit volez-vous la vie à ces vivants ?
Homme, crois-tu que Dieu, ce père, fasse naître
L'aile pour l'accrocher au clou de ta fenêtre ?
Ne peux-tu vivre heureux et content sans cela ?
Qu'est-ce qu'ils ont donc fait tous ces innocents-là
Pour être au bagne avec leur nid et leur femelle ?
Qui sait comment leur sort à notre sort se mêle ?
Qui sait si le verdier qu'on dérobe aux rameaux,
Qui sait si le malheur qu'on fait aux animaux
Et si la servitude inutile des bêtes
Ne se résolvent pas en Nérons sur nos têtes ?
Qui sait si le carcan ne sort pas des licous ?
Oh! de nos actions qui sait les contre-coups,
Et quels noirs croisements ont au fond du mystère
Tant de choses qu'on fait en riant sur la terre ?
Quand vous cadenassez sous un réseau de fer
Tous ces buveurs d'azur faits pour s'enivrer d'air,
Tous ces nageurs charmants de la lumière bleue,
Chardonneret, pinson, moineau franc, hochequeue,
Croyez-vous que le bec sanglant des passereaux
Ne touche pas à l'homme en heurtant ces barreaux ?
Prenez garde à la sombre équité. Prenez garde8
Partout où pleure et crie un captif, Dieu regarde.
Ne comprenez-vous pas que vous êtes méchants ?
À tous ces enfermés donnez la clef des champs !
Aux champs les rossignols, aux champs les hirondelles ;
Les âmes expieront tout ce qu'on fait aux ailes.
La balance invisible a deux plateaux obscurs.
Prenez garde aux cachots dont vous ornez vos murs !
Du treillage aux fils d'or naissent les noires grilles ;
La volière sinistre est mère des bastilles.
Respect aux doux passants des airs, des prés, des eaux !
Toute la liberté qu'on prend à des oiseaux
Le destin juste et dur la reprend à des hommes.
Nous avons des tyrans parce que nous en sommes.
Tu veux être libre, homme ? et de quel droit, ayant
Chez toi le détenu, ce témoin effrayant ?
Ce qu'on croit sans défense est défendu par l'ombre.
Toute l'immensité sur ce pauvre oiseau sombre
Se penche, et te dévoue à l'expiation.
Je t'admire, oppresseur, criant : oppression !
Le sort te tient pendant que ta démence brave
Ce forçat qui sur toi jette une ombre d'esclave
Et la cage qui pend au seuil de ta maison
Vit, chante, et fait sortir de terre la prison.
Victor HUGO
Décret n°8 - Avenant
Avenant au Décret n°8 pour l’ensemble de l’Archidiocèse
Papeete, le 31 Août 2020
Chers Frères dans le Christ,
Suite à la rencontre des responsables des confessions religieuses avec Mr Sorain, Haut-Commissaire et Mr Fritch, Président de la Polynésie Française, rencontre qui eut lieu ce Mardi 25 Août, en ces jours où notre Fenua se trouve confronté à une recrudescence du nombre de personnes touchées par la Covid 19, une vigilance accrue nous a été demandée pour contribuer à la lutte contre ce virus.
C’est ainsi que je vous communique cet avenant au décret n°8. Merci de l’attention que vous lui porterez, et merci de le faire passer aux fidèles de vos communautés.
Fraternellement
**********
AVENANT AU DECRET n°8
POUR L’ENSEMBLE DE L’ARCHIDIOCESE
Les mesures prises dans le décret n°8 restent valables. Il faut y ajouter les précisions suivantes.
- Insister sur la distanciation physique en marquant à l’adhésif ou tout autre moyen une place sur deux comme inutilisable. On peut utiliser tous les bancs, en agençant en quinconce d’un banc au banc suivant les places utilisables.
- Pour la quête, ne pas faire passer les corbeilles d’une main à l’autre. Prévoir par exemple des paniers avec long manche que le quêteur est seul à manier, ou mettre la corbeille à la porte de l’église, ou faire passer les quêteurs des deux côtés des bancs quand c’est possible.
- Donner une bénédiction sans contact au front pour les personnes (adultes et enfants) se présentant dans la procession de communion mais qui ne communient pas.
- Demander que célébrants, lecteurs et chanteurs des chorales gardent le masque quand ils officient, quand ils lisent ou quand ils chantent.
- Insister sur le lavement des mains par les célébrants et tavini avant chaque office et pour ceux qui distribuent la communion, avant de donner la communion et après.
- À la fin des offices, célébrants et tavini regagnent directement la sacristie.
- Lors de réunions dans les salles paroissiales, limiter le nombre en fonction des capacités d’accueil de la salle, avec respect des mesures de protection : distanciation physique, masque, lavement des mains, pas de contacts physiques (accolades, embrassades etc…) et en tout cas ne pas dépasser 30 personnes.
- La catéchèse obéit aux mêmes règles que l’école : mesures de protection plus nettoyage du mobilier avant les séances de caté, ou entre deux groupes qui se suivent dans le même local.
- Les prêtres seuls sont autorisés à se rendre uniquement au chevet des mourants hospitalisés au CHPF, et aux cliniques Cardella et Paofai, à la demande des familles, pour administrer le sacrement des malades. Toute autre visite est suspendue.
- Lors de déplacements pour motif pastoral dans les îles, limiter à 3 voyageurs (diacres, épouses, prêtres).
Cet avenant au décret n°8 est applicable à compter de ce Mardi 1er Septembre 2020
Papeete le 31 Août 2020
© Archidiocèse de Papeete – 2020
Laissez-moi vous dire
5 septembre : Journée internationale de la Charité
La Charité ne passera pas
En 2013, l’O.N.U. a décrété une Journée internationale de la charité, fixée au 5 septembre de chaque année, en mémoire de Mère Teresa de Calcutta, décédée le 5 septembre 1997.
En septembre 2015, à travers le Programme de développement durable à l'horizon 2030, les Nations Unies reconnaissent l'éradication de la pauvreté sous toutes ses formes comme le défi le plus important et un prérequis indispensable pour le développement durable. L’arrivée de la pandémie que nous connaissons bouleverse les perspectives !
La pauvreté est une situation qui peut être cachée, subie, exposée, refusée ou parfois choisie.
J’ai connu une dame d’origine chinoise qui, chaque fois qu’elle allait en ville, veillait à revêtir une de ses trois seules robes, bien propres et repassées et qui s’efforçait d’arborer un sourire en allant vendre les quelques produits que son mari récoltait sur un domaine dont il avait obtenu le métayage. Évidemment on croyait que cette famille nombreuse était riche, selon l’adage local : « tous les Chinois sont riches ». Mais tout le monde ignorait que cette femme se privait de nourriture pour donner le meilleur à ses enfants et soutenir son époux. Le soir, une fois la douche prise, les devoirs terminés, on mangeait une soupe de riz avec un petit morceau de poisson salé (ou café, pain, beurre), se couchait avec le soleil pour économiser le pétrole du mori-gaz réservé pour la pêche. Grâce à un prêtre missionnaire parlant hakka qui avait été expulsé de Chine continentale, la famille a pu découvrir le Christ et son message de salut. La pauvreté de cette famille : de fatalité est alors devenue oblation et espérance.
Un autre exemple de pauvreté, celle-ci est transmise par les médias qui montrent une jeune femme sans domicile fixe qui clame que personne ne se soucie des SDF, et plus spécialement en cette période de Covid. L’information est reprise par plusieurs télévisions et sites francophones, au risque de porter le discrédit sur tous les SDF de Tahiti, faisant croire qu’ils sont comme des oiseaux ouvrant le bec en attendant leur pitance ! C’est méconnaitre tel homme sans logis qui, tous les jours, va de poubelle en poubelle ramasser ce qui est récupérable et négociable. C’est passer sous silence la solidarité qui se vit dans les districts où l’on ne stigmatise pas les SDF ; passage de la main qui quémande à la main qui partage.
Il importe que notre regard ne confonde pas l’homme (la femme) avec le mal et la souffrance qu’il (elle) vit. Ainsi chaque semaine une femme passe dans mon quartier pour vendre soit des gâteaux ou des cuisses de poulet préparés par un de ses fils. Comme disait André Frossard : « Dieu ne sait compter que jusqu’à un. » Cette femme n’a que faire de ma pitié, elle a besoin d’être reconnue dans sa dignité et sa démarche. Certes elle a besoin de pain pour vivre et nourrir sa famille, mais un autre pain lui est nécessaire, celui que mon regard, mes paroles peuvent lui apporter.
Il nous faut distinguer la pauvreté de la misère. La misère déshumanise, aliène, elle fait perdre toute dignité. La misère c’est la perte de toute espérance ; c’est la condamnation à accepter des situations dégradantes pour survivre (prostitution, vol, trafics de toutes sortes…). Un quart (25%) de la population mondiale vit dans des bidonvilles ou dans la rue ou dans des camps de réfugiés. La Polynésie française n’échappe pas à ce constat… alors qu’en bien des lieux, on brasse par milliards de l’argent qui ne profite qu’à une poignée d’individus. Heureusement des personnes réagissent en choisissant la pauvreté pour mieux servir les plus pauvres. C’est le cas des religieux, religieuses ou encore des laïcs qui œuvrent bénévolement au sein d’associations caritatives ou d’ONG.
Une journée mondiale par an pour lutter contre la pauvreté ? C’est bien… mais pour nous, chrétiens, c’est chaque jour qui devrait (doit) être une journée de rencontre, d’aide, de don pour plus pauvre que soi. Cela suppose, avant tout, par une attention à celui (celle) qui a besoin d’être écouté, entendu. Les silences et les non-dits du pauvre que je croise à l’église, dans ma rue, mon quartier ne peuvent se révéler qu’au cours d’un échange fraternel. Mais nous ne sommes pas tous prêts à accompagner tel ou telle. Savoir rester à sa place et ne pas chercher à « se faire l’autre » est une règle. Ne pas faire, ni décider pour l’autre, c’est à ces conditions que chaque personne sera respectée et reconnue dans sa dignité.
Si la misère ne nous choque pas, ne nous scandalise pas, alors c’est que nous n’avons pas compris le langage de la Croix, alors il y a désespérance pour notre humanité. Comme l’affirme Saint Paul : « Si je n’ai pas la charité je ne suis rien … La charité ne passera jamais. » (1 Corinthiens 13).
Dominique SOUPÉ
© Paroisse de la Cathédrale – 2020
Regard sur l’actualité…
Vers un nouveau texte de la Messe
Allons-nous vers un nouveau texte français de la Messe ? Pour répondre, il convient d’abord de savoir pourquoi cette question se pose. Le point de départ est la demande adressée en 2003 par la Congrégation pour le Culte Divin et la discipline des Sacrements qui siège à Rome à la Commission Épiscopale francophone pour les traductions liturgiques : entreprendre une retraduction du Missel en français pour le rendre davantage conforme et plus fidèle à l’original Latin, tout en tenant compte des caractéristiques propres de la langue française. Ce n’est donc pas seulement le texte de la Messe, mais tout le Missel qui est concerné par cette nouvelle traduction. Pour y voir clair, rappelons que le texte actuellement en vigueur pour la liturgie, notamment pour la célébration de l’Eucharistie est traduit du Latin. Cette première traduction du Missel en langue française à partir de l’original latin était entrée en vigueur pour le monde francophone en 1974. Elle avait été voulue et menée à son terme rapidement à la suite du renouveau de la liturgie consécutive au concile Vatican II et constituait le fruit d’un travail colossal réalisé en un temps record ! Après plus de 40 ans, le moment était venu de réviser cette traduction. Au point de départ, une décision du Pape Saint Jean Paul II qui, en 2001, promulguait un nouveau guide officiel des traductions liturgiques. En 2002 était également publiée une nouvelle édition typique du Missel Romain en langue latine, qui dorénavant devrait servir de modèle à toutes les traductions en différentes langues. En 2003 débutaient les travaux de traduction en langue française. Ce fut l’œuvre de la Commission épiscopale francophone composée des évêques d’Afrique du Nord, de Belgique, du Canada, de France, du Luxembourg, de Suisse auxquels était associée la Conférence des évêques du Pacifique en la personne de Mgr Michel Calvet, archevêque de Nouméa. Cette traduction devait se faire sans ajout ni omission, en utilisant des mots compréhensibles, mais respectant la beauté et le contenu doctrinal exact des textes. Il fallait également éviter des expressions contenues dans des publicités commerciales, des projets politiques et idéologiques, des termes ambigus ou des expressions à caractère régional. Il fallait enfin une traduction recevable dans tous les pays francophones !
C’est donc tout le Missel qui a fait l’objet de cette nouvelle traduction. Pour mémoire, rappelons que le Missel regroupe : les oraisons et liturgies pour les fêtes de l’année liturgique (Semaine Sainte, Pâques, Noël etc…), pour les fêtes des Saints, pour les messes votives, les rituels pour les baptêmes, les mariages, les célébrations d’obsèques, mais surtout le rituel de la Messe, celui qui nous est le plus familier. Pour ce qui est du texte de la Messe, qu’on se rassure. Les changements à venir ne vont pas bouleverser le rite de la messe que nous connaissons. D’ailleurs, nous avons déjà enregistré un premier changement dans la prière « Notre Père » : « …et ne nous soumets pas à la tentation » est devenu « Et ne nous laisse pas entrer en tentation ». Une vingtaine d’autres changements doivent caractériser ce nouveau texte de notre liturgie Eucharistique. Quelques-uns sont des ajouts : par exemple dans le « Je confesse », le mot « bienheureuse » a été ajouté à « Vierge Marie » ; dans le « Gloria », on a traduit le mot latin « peccata » par « les péchés » et non plus « le péché ». Beaucoup de ces changements concernent les paroles dites par le prêtre. À l’offertoire lorsqu’il présente le pain, il dira : « Tu es béni, Seigneur, Dieu de l’Univers : nous avons reçu de ta bonté le pain que nous te présentons, fruit de la terre… ». Signalons enfin que cette nouvelle traduction en français ne modifie en rien le texte de la Messe en Tahitien qui est une traduction « Latin/Tahitien ».
Ces considérations « techniques » ne doivent cependant pas occulter l’essentiel. Le but de cette nouvelle traduction est de contribuer à réaliser un vœu du Concile Vatican II qui justifia ainsi les décisions sur le renouveau liturgique qui allait marquer la vie des fidèles : « … Faire progresser la vie Chrétienne de jour en jour chez les fidèles, favoriser tout ce qui peut contribuer à l’union de tous ceux qui croient au Christ, fortifier tout ce qui concourt à appeler tous les hommes dans le sein de l’Église… et favoriser une participation pleine, consciente et active des fidèles » (Constitution sur la liturgie, §1 et 14). Que cette « remise à jour » de nos textes liturgiques soit pour chacun l’occasion de prendre davantage conscience que « la beauté de la liturgie reflète la présence de la gloire de notre Dieu resplendissant en son peuple vivant et consolé » (Pape François, Homélie de la messe chrismale du 28 Mars 2013).
+Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU
© Archidiocèse de Papeete – 2020
Audience générale
Guérir le monde : la solidarité et la vertu de la foi
Lors de l’audience générale de ce mercredi 2 septembre, le Pape François a poursuivi son cycle de catéchèse « Guérir le monde », abordant cette fois le thème de « La solidarité et la vertu de la foi ». La solidarité est « la voie à parcourir dans un monde après la pandémie ». Guidée par la foi, elle permet de former une véritable famille humaine incarnant l’amour de Dieu.
Chers frères et sœurs, bonjour !
Après tant de mois, nous reprenons notre rencontre face à face et non devant un écran. Face à face. C’est beau ! L’actuelle pandémie a mis en évidence notre interdépendance : nous sommes tous liés, les uns aux autres, tant dans le mal que dans le bien. C’est pourquoi, pour sortir meilleurs de cette crise, nous devons le faire ensemble. Ensemble, pas tout seuls, ensemble. Seuls non, parce que l’on ne peut pas ! Ou on le fait ensemble, ou on ne le fait pas. Nous devons le faire ensemble, tous, dans la solidarité. Je voudrais souligner ce mot aujourd’hui : solidarité.
En tant que famille humaine, nous avons notre origine commune en Dieu ; nous habitons dans une maison commune, la planète-jardin, la terre dans laquelle Dieu nous a placés ; et nous avons une destination commune dans le Christ. Mais quand nous oublions tout cela, notre interdépendance devient dépendance de certains à l’égard d’autres – nous perdons cette harmonie de l’interdépendance dans la solidarité – qui accroît l’inégalité et la marginalisation ; le tissu social s’affaiblit et l’environnement se dégrade. Toujours la même chose. La même façon d’agir.
C’est pourquoi, le principe de solidarité est aujourd’hui plus que jamais nécessaire, comme l’a enseigné saint Jean-Paul II (cf. Enc. Sollicitudo rei socialis, nn.38-40). Dans un monde interconnecté, nous faisons l’expérience de ce que signifie vivre dans le même « village global ». Cette expression est belle : le grand monde n’est autre qu’un village global, parce que tout est lié. Mais nous ne transformons pas toujours cette interdépendance en solidarité. Il y a un long chemin entre l’interdépendance et la solidarité. Les égoïsmes – individuels, nationaux et des groupes de pouvoir – ainsi que les rigidités idéologiques alimentent au contraire des « structures de péché » (ibid., n.36).
« Le mot “solidarité” est un peu usé et, parfois, on l’interprète mal, mais il désigne beaucoup plus que quelques actes sporadiques de générosité. C’est plus que cela ! Il demande de créer une nouvelle mentalité qui pense en termes de communauté, de priorité de la vie de tous sur l’appropriation des biens par quelques-uns » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n.188). Cela signifie solidarité. Il ne s’agit pas seulement d’aider les autres - c’est bien de le faire, mais c’est plus que cela –il s’agit de justice (cf. Catéchisme de l’Église catholique, nn.1938-1940). L’interdépendance, pour être solidaire et porter des fruits, a besoin de fortes racines dans l’humain et dans la nature créée par Dieu, elle a besoin du respect des visages et de la terre.
Dès le début, la Bible nous avertit. Pensons au récit de la Tour de Babel (cf. Gn 11,1-9), qui décrit ce qui se produit quand nous cherchons à atteindre le ciel – notre objectif – en ignorant le lien avec l’humain, avec la création et avec le Créateur. C’est une façon de dire : cela arrive chaque fois que l’on veut monter, monter, sans tenir compte des autres. Moi seulement ! Pensons à la tour. Nous construisons des tours et des gratte-ciels, mais nous détruisons la communauté. Nous unifions les édifices et les langues, mais nous mortifions la richesse culturelle. Nous voulons être les maîtres de la Terre, mais nous détruisons la biodiversité et l’équilibre écologique. Je vous ai raconté au cours d’une autre audience l’histoire de ces pêcheurs de San Benedetto del Tronto qui sont venus cette année et qui m’ont dit : « Nous avons récupéré de la mer 24 tonnes de déchets, dont la moitié était du plastique ». Imaginez ! Ces hommes capturent des poissons, oui, mais ils ont aussi l’idée de capturer les déchets et de les extraire pour nettoyer la mer. Mais cette [pollution] signifie détruire la terre, ne pas avoir de solidarité avec la terre qui est un don et l’équilibre écologique.
Je me souviens d’un récit médiéval qui décrit ce « syndrome de Babel », qui se produit quand il n’y a pas de solidarité. Ce récit médiéval dit que, lors de la construction de la tour, quand un homme tombait – c’étaient des esclaves – et mourait, personne ne disait rien, au mieux : « Le pauvre, il s’est trompé et est tombé ». Mais si une brique tombait, tous se plaignaient. Et si quelqu’un était coupable, il était puni ! Pourquoi ? Parce qu’une brique coûtait cher à fabriquer, à préparer, à cuire. Il fallait du temps et du travail pour fabriquer une brique. Une brique valait plus que la vie humaine. Que chacun de nous pense à ce qui se produit aujourd’hui. Malheureusement, aujourd’hui aussi, quelque chose de ce genre peut se produire. Le marché financier perd quelques points – nous l’avons vu sur les journaux ces jours-ci – et la nouvelle est rapportée par toutes les agences. Des milliers de personnes tombent à cause de la faim, de la misère, et personne n’en parle.
En opposition totale à Babel, nous trouvons la Pentecôte, nous l’avons entendu au début de l’audience (cf. Ac 2,1-3). L’Esprit Saint, en descendant d’en haut comme le vent et le feu, investit la communauté enfermée au cénacle, lui insuffle la force de Dieu, la pousse à sortir et à annoncer à tous le Seigneur Jésus. L’Esprit crée l’unité dans la diversité, il crée l’harmonie. Dans le récit de la Tour de Babel, il n’y avait pas l’harmonie : il y avait le fait d’aller de l’avant pour gagner de l’argent. Là, l’homme n’était qu’un simple instrument, une simple « force de travail », mais ici, avec la Pentecôte, chacun de nous est un instrument, mais un instrument communautaire qui participe de tout son être à l’édification de la communauté. Saint François d’Assise le savait bien et, animé par l’Esprit, il donnait à toutes les personnes, et même aux créatures, le nom de frère ou sœur (cf. LS, n.11 ; cf. Saint Bonaventure, Legenda maior, VIII, 6: FF 1145). Même le frère loup, rappelons-nous.
Avec la Pentecôte, Dieu se fait présent et inspire la foi de la communauté unie dans la diversité et dans la solidarité. Diversité et solidarité unies dans l’harmonie, telle est la voie. Une diversité solidaire possède les « anticorps » afin que la particularité de chacun – qui est un don, unique et irrépétible – ne tombe pas malade à cause de l’individualisme, de l’égoïsme. La diversité solidaire possède également les anticorps pour guérir les structures et les processus sociaux qui ont dégénéré en systèmes d’injustice, en systèmes d’oppression (cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Église, n.192). La solidarité est donc aujourd’hui la voie à parcourir vers un monde après la pandémie, vers la guérison de nos maladies interpersonnelles et sociales. Il n’y en a pas d’autre. Ou nous allons de l’avant sur la voie de la solidarité ou les choses seront pires. Je veux le répéter : on ne sort pas pareils qu’avant d’une crise. La pandémie est une crise. On sort d’une crise meilleurs ou pires. Nous devons choisir. Et la solidarité est précisément une voie pour sortir meilleurs de la crise, pas avec des changements superficiels, avec un coup de peinture comme ça tout va bien. Non ! Meilleurs !
Au milieu de la crise, une solidarité guidée par la foi nous permet de traduire l’amour de Dieu dans notre culture mondialisée, non pas en construisant des tours ou des murs – et combien de murs se construisent aujourd’hui – qui divisent mais ensuite s’écroulent, mais en tissant des communautés et en soutenant des processus de croissance véritablement humaine et solide. C’est pour cela que la solidarité peut aider. Je pose une question : est-ce que je pense aux besoins des autres ? Que chacun réponde dans son cœur.
Au milieu des crises et des tempêtes, le Seigneur nous interpelle et nous invite à réveiller et à rendre active cette solidarité capable de donner une solidité, un soutien et un sens à ces heures où tout semble sombrer. Puisse la créativité de l’Esprit Saint nous encourager à engendrer de nouvelles formes d’accueil familial, de fraternité féconde et de solidarité universelle. Merci.
© Libreria Editrice Vaticana – 2020
Entretien
Qu’est-ce le Covid-19 nous a révélé ?
Figure bien connue du monde catholique et fondateur, en 1996, de la Fraternité Eucharistein, le prêtre valaisan Nicolas Buttet porte un regard d’intellectuel et de mystique sans concession sur ce que la pandémie de COVID-19 a révélé à l’humanité et à l’Église.
Début juillet, le Père Nicolas Buttet nous a longuement reçu dans le chalet sur les hauts de Saxon (VS) où il entame une période sabbatique marquant la fin de ses 23 ans à la tête d’Eucharistein, une fraternité d’inspiration franciscaine qu’il a fondée à Epinassey, près de Saint-Maurice (VS), en 1996. Dès la fin de ce mois et jusqu’en 2021, le Valaisan se mettra à disposition des Missionnaires de la Charité de Mère Teresa à Rome, au Kenya, à Madagascar, à l’île Maurice, puis à Calcutta. Il reviendra ensuite comme frère au sein de sa fraternité. Lové dans la solitude d’une nature puissante qu’il aime tant, au pied de la Pierre Avoi et sous l’œil d’une magnifique icône orthodoxe de la Vierge trônant entre livres et notes dans son bureau improvisé, il a eu tout loisir d’analyser en profondeur la crise du coronavirus. Il nous livre ses réflexions sans filtre.
Écho : Qu’est-ce que la crise de la COVID- 19 a révélé, selon vous ?
Nicolas Buttet : L’une des choses les plus frappantes est que la COVID-19 a réduit l’homme à sa survie biologique, méprisant ses facettes psychologique et spirituelle, que la médecine holistique avait enfin pris en compte ces dernières décennies. Les rapports humains s’en sont trouvés appauvris. Une grand-mère me disait : « La meilleure façon, pour mes enfants et mes petit-enfants, de me montrer qu’ils m’aiment est de ne pas me toucher ni même venir me voir ». Sur ce terreau a prospéré une épidémie psychique attisée en grande partie par la médiatisation anxiogène de la crise. Une étude de l’Université de Bâle a révélé qu’en Suisse, 20% des personnes interrogées ont développé des symptômes de dépression.
Écho : On a parfois l’impression que les citoyens ont renoncé facilement à nombre de leurs libertés individuelles sur l’autel de la santé publique...
Nicolas Buttet : Cette pandémie a été marquée par le même conformisme social que toutes les périodes de crise. Une vaste majorité silencieuse subissait les événements sans réussir à les comprendre. Beaucoup de lâches comprenaient, mais n’agissaient pas. Et une minorité de « héros » faisaient ce qu’ils pouvaient. Cette ambiance délétère a permis de mettre en place pas à pas un totalitarisme sournois dans lequel drones, hélicoptères, applications, reconnaissance faciale et autres outils technologiques ont été mis à profit pour nous surveiller pour notre bien. C’est L’Empire du bien de Philippe Muray. On va vous donner de la santé, du pain et de la sécurité, mais il faudra céder votre liberté en échange, disait déjà le Grand Inquisiteur chez Dostoïevski...
Écho : Mais chacun ne pouvait-il pas, malgré tout, exercer son libre arbitre ?
Nicolas Buttet : Oui, mais c’est difficile. Car dans ce contexte, on est stigmatisé si on s’affranchit des règles. C’est ainsi par exemple qu’on a vu des médecins interdire à une dame âgée hospitalisée d’assister à l’enterrement de son mari après 67 ans de mariage !
Écho : La manière dont ont été traitées les personnes âgées, malades ou en fin de vie vous a-t-elle choqué ?
Nicolas Buttet : J’ai entendu le cri et les larmes de ces personnes, isolées pour « leur bien », qui suppliaient qu’on les aime. Peu leur importait de mourir six mois plus tôt. Pourvu de ne pas finir isolées. On a pratiqué un déni total des besoins spirituels en empêchant l’accompagnement des malades et des mourants. Pour la première fois depuis l’homme des cavernes, les sépultures sont passées à la trappe sous l’influence de l’idéologie hygiéniste. Or, « quand il n’y a pas de sépulture, on ne cicatrise pas ou mal », rappelle le psychanalyste Boris Cyrulnik.
Écho : La dimension spirituelle de la personne a donc été en grande partie occultée. Pourquoi ?
Nicolas Buttet : L’Église a complètement loupé son rendez-vous avec l’histoire en se laissant piéger par cette idée fausse qui voudrait qu’au nom de la santé, toutes les restrictions soient admissibles. Les Grecs disaient qu’aux grandes tragédies, il faut opposer de grands mots, rappelle Pascal Bruckner. L’Église n’en a guère prononcé... Quand le gouvernement italien a demandé de fermer les lieux publics qui n’étaient pas de première nécessité, les évêques ont devancé l’appel dans leurs églises. C’était un aveu effarant : pour eux, les besoins spirituels n’étaient pas de première nécessité ! Heureusement, le pape les a rappelés à la raison et les églises ont été rouvertes.
Écho : Des instances étatiques ont aussi rappelé quelques grands principes en la matière. Plutôt rassurant, non ?
Nicolas Buttet : En Allemagne, il a fallu que la Cour constitutionnelle rappelle qu’il était illégal d’interdire les cultes pour que les évêques de ce pays se réveillent. Même chose en France ! Et cela suite à des plaintes de paroissiens courageux. Mais ce sont les prêtres qui auraient dû être les premiers veilleurs. J’ai été extrêmement déçu par l’incapacité totale d’une écrasante majorité d’entre eux à porter un regard libre sur la situation et à honorer malgré tout leur mission évangélique tout en tenant compte des contraintes sanitaires.
Écho : Certains religieux ont quand même proposé que la communion soit distribuée par les parents au sein des familles...
Nicolas Buttet : Sauf que cette belle idée venue d’une poignée de courageux a été massivement refusée par les clercs, qui craignaient de perdre du pouvoir au profit de laïcs ! Bien avant la COVID-19, le pape avait pourtant asséné qu’en temps de crise, l’Église devait être comme « un hôpital de campagne après une bataille ». C’est dire qu’elle devait aller droit au but en s’affranchissant, si nécessaire, des règles habituelles. On en était si loin que cet hôpital a carrément fermé ! À la place, on a dispensé de la virtualité béni-oui-oui, par exemple en diffusant des messes désincarnées sur internet. Ou on a déployé une inventivité théologique remarquable, mais un peu stérile et décalée, pour vanter la communion spirituelle...
Écho : En quoi est-ce gênant ?
Nicolas Buttet : La communion spirituelle n’est que la part subjective de la communion concrète, sacramentelle, dont elle est indissociable. Beaucoup de gens, et parmi eux nombre de pauvres, réclamaient de communier réellement. Enfermée dans sa tour d’ivoire, l’Église n’a pas su entendre la faim de ces gens qui étaient alors nos maîtres, car l’Esprit Saint parlait à travers eux. Cela laisse deviner un autre drame : aujourd’hui, je le crains, de nombreux prêtres ne semblent plus croire en la présence réelle du Christ dans l’eucharistie !
Écho : L’Église aurait aussi manqué à son devoir social, dites-vous. En quoi ?
Nicolas Buttet : La pauvreté et la faim revenaient en force et les services sociaux de l’Église sont restés fermés. Les prêtres et les évêques, alors désœuvrés et le plus souvent payés par l’État dans notre pays, auraient dû puiser dans leurs salaires pour alimenter un fonds d’entraide. Cela aurait été prophétique. Malgré la gêne, des gens sont venus demander de l’aide à notre communauté. Rien qu’en Valais, on a pu soulager 250 familles. Mais globalement, l’Église n’a pas su écouter les gens qui n’arrivaient plus à payer leur loyer ou leurs primes d’assurance-maladie. Cette crise a révélé le décalage entre une certaine Église institutionnelle, la vie des gens et la souffrance du monde ! Plusieurs croyants m’ont dit : « L’Église nous a abandonnés ! ».
Écho : La pandémie a aussi réveillé un formidable esprit de solidarité...
Nicolas Buttet : Oui. Grâce à Dieu, et souvent malgré l’Église, des initiatives ont jailli de la société civile. Certains ont vécu un renouveau spirituel. C’est une raison d’espérer dans l’optique de la crise économique, sociale et sociétale majeure que nos dirigeants s’échinent à repousser depuis des années et qui est désormais à nos portes. Sans la crise sanitaire de la COVID-19, il n’est pas du tout sûr que les autres crises auraient été capables de réveiller cette entraide qui nous sera si nécessaire pour les surmonter sans trop de violence. Jusque-là, l’Église était présente sur tous les lieux de drames de l’humanité. Sa paralysie durant la pandémie est une première. Elle ne peut plus rester dans cette passivité bienveillante et asservie. Il va falloir qu’elle commence à « aboyer » fort ses valeurs, pour reprendre le mot de l’archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit !
Écho : Certains chrétiens voient dans cette tragédie une punition divine s’inscrivant dans un mouvement apocalyptique. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Nicolas Buttet : Ces événements me semblent plutôt empreints de pédagogie divine. Ils nous invitent à une humilité absolue, à revenir au réel, à l’altérité. Et à faire face à notre incapacité à tout maîtriser. Malheureusement, ils génèrent des angoisses existentielles débouchant parfois sur des théories du complot ou des velléités de voir dans la crise un châtiment de Dieu. Et puis, énormément de gens se sont tournés vers les technosciences, qui restent la religion de notre époque même si leur impuissance est évidente. Il y a bien quelque chose de la révélation apocalyptique dans cette tragédie et ses conséquences auxquelles seule l’émergence de la transcendance pourra apporter une solution.
Écho : Êtes-vous optimiste pour la suite ?
Nicolas Buttet : Je me veux réaliste. Il a fallu cette crise, presque anecdotique au regard, par exemple, des dix enfants qui meurent de faim dans le monde chaque minute depuis des années, pour nous secouer. Cela sera-t-il suffisant pour que le monde d’après ne soit pas le monde d’avant ? Pas sûr ! Beaucoup de personnes semblent déjà envisager ces semaines comme une parenthèse désagréable. Je suis convaincu, pour ma part, qu’on ne peut pas faire l’économie d’un courageux débriefing sur les régressions anthropologiques et les conséquences humaines que nous a fait vivre cet épisode épidémiologique.
Recueilli par Laurent Grabe
*************
« Dans une faiblesse totale »
Personnellement, comment avez-vous vécu la pandémie ?
– J’ai attrapé le coronavirus en janvier. On avait d’abord cru à une pneumonie atypique. Je suis resté isolé dans mon cabanon d’Epinassey (VS) afin de ne contaminer personne. J’avais perdu le sens du goût et étais dans une faiblesse physique totale. Si j’essayais de travailler, ma tête s’effondrait sur le clavier. La frustration passée, j’ai dû accepter le réel. Expérimenter le décalage entre le volontaire que je suis habituellement et l’incapable que j’étais alors fut édifiant. D’autant qu’avec l’âge, cette vulnérabilité deviendra peut-être mon état général.
Avez-vous eu peur de mourir ?
– Non. Car c’est une peur que j’avais travaillée au contact des avalanches et des guerres. Et parce que pour moi, la mort est une espérance.
L’isolement vous a pesé ?
– Non. Je n’ai jamais cherché à courir le monde pour donner des conférences. Et je garde une immense nostalgie de mes cinq années d’ermitage solitaire dans la falaise de Saint-Maurice. Cela faisait des années que je n’avais pas dormi plus de quatre nuits au même endroit. Cette existence m’avait rendu inattentif à certains détails de ma vie intérieure. Ce fut providentiel de retrouver un rythme plus humain et de me recentrer même si ce processus relevait parfois de la « claquothérapie » (rires).
© ‘Echo – 2020
Solidarité
En Indonésie, des catholiques aident des élèves musulmans mis en quarantaine
Le 31 août 2020, plus de 600 élèves d’un pensionnat musulman dans la province orientale de Java ont été testés positifs au Covid-19. Depuis, les catholiques du voisinage se mobilisent pour subvenir aux besoins des 6 000 autres filles et garçons contraints à la quarantaine dans l’établissement scolaire.
« Accompagné de plusieurs religieuses et du conseil pastoral de la paroisse, le père Fadjar est venu directement à l’école Darussalam pour apporter, entre autres, 50 boîtes de serviettes hygiéniques pour les 2 500 filles et un certain nombre de produits de première nécessité pour le fonctionnement de la soupe populaire”, relate Kompas.
Le 31 août 2020, plus de 600 élèves d’un pensionnat musulman dans la province orientale de Java ont été testés positifs au Covid-19. Depuis, les 6 000 autres élèves accueillis par l’établissement sont contraints de rester en quarantaine dans leur pensionnat.
Pour leur venir en aide, sous des tentes dressées à 1 kilomètre de l’établissement, plus de 200 volontaires de toutes confessions cuisinent au quotidien 1,8 tonne de riz pour servir 18 000 repas.
Un grand nombre de pensionnats
Le père Fadjar Tedjo Soekarno, prêtre de l’église catholique Saint-Paul de Banyuwangi, dans la province orientale de Java, a déclaré que les catholiques de la région étaient très préoccupés par la pandémie qui frappe les 6 000 élèves du pensionnat musulman Darussalam Blokagung :
« Je pense que la gestion du Covid-19 n’est pas la seule responsabilité du gouvernement. En tant que nation spirituelle, nous prions selon nos convictions respectives pour que la pandémie de Covid-19 se termine bientôt, en particulier au Darussalam Blokagung. »
L’Indonésie compte plus de 28 000 pensionnats musulmans – pesantren, un terme dérivé du sanskrit et qui fait partie de l’héritage hindou bouddhiste de Java –, avec 18 millions de santri – élèves, garçons et filles –, dont 5 millions de pensionnaires qui vivent dans une grande promiscuité dans des chambres souvent surpeuplées.
Besoin d’unité face à la maladie
Lors de la rentrée scolaire, à la mi-août, le gouvernement avait évoqué le haut risque de contagion dans ces pesantren.
À la date du 3 septembre 2020, selon les données officielles, on compte plus de 186 646 cas dans tout le pays, dont 7 616 décès, pour une population de 270 millions d’habitants.
« Le père Fadjar a également exprimé le souhait que les divers groupes sociaux, gouvernementaux ou religieux, cessent de se critiquer mutuellement dans les efforts visant à gérer la situation du cluster du pensionnat musulman. Il espère que les bonnes solutions vont émerger pour surmonter cette situation difficile », précise le quotidien.
© Courrier International - 2020
Commentaire
Chers frères et sœurs, bonjour !
L’Évangile de ce dimanche, tiré du chapitre 18 de Matthieu, présente le thème de la correction fraternelle dans la communauté des croyants : c’est-à-dire la manière dont je dois corriger un autre chrétien quand il fait quelque chose qui n’est pas bien. Jésus nous enseigne que si mon frère chrétien commet une faute contre moi, s’il m’offense, je dois faire preuve de charité envers lui et, en premier lieu, je dois lui parler personnellement, en lui expliquant que ce qu’il a dit ou fait n’est pas bien. Et si mon frère ne m’écoute pas ? Jésus suggère une intervention progressive : tout d’abord, recommencer à lui parler avec deux ou trois autres personnes, pour qu’il soit davantage conscient de l’erreur qu’il a commise ; si, malgré cela, il n’accueille pas l’exhortation, il faut le dire à la communauté ; et s’il n’écoute pas non plus la communauté, il faut lui faire percevoir la fracture et le détachement qu’il a lui-même provoqués, en faisant disparaître la communion avec ses frères dans la foi.
Les étapes de cet itinéraire indiquent l’effort que le Seigneur demande à sa communauté pour accompagner celui qui commet une faute, afin qu’il ne se perde pas. Il faut tout d’abord éviter la clameur du fait divers et le commérage de la communauté — c’est la première chose, il faut éviter cela. « Va le trouver et reprends-le, seul à seul » (v.15). L’attitude est une attitude de délicatesse, prudence, humilité, attention à l’égard de celui qui a commis une faute, en évitant que les mots puissent blesser et tuer notre frère. Car, vous le savez, les paroles tuent aussi ! Quand je dis du mal, quand je fais une critique injuste, quand j’« écorche » un frère avec ma langue, cela signifie tuer la réputation de l’autre ! Même les paroles tuent. Faisons attention à cela. Dans le même temps, cette discrétion en lui parlant seul a pour but de ne pas rabaisser inutilement le pécheur. On parle entre deux personnes, personne ne s’en aperçoit et tout finit là. C’est à la lumière de cette exigence que l’on comprend également la série d’interventions successives, qui prévoit la participation de certains témoins et ensuite celle de la communauté aussi. Le but est d’aider la personne à se rendre compte de ce qu’elle a fait, et qu’avec sa faute, elle n’a pas offensé une personne, mais toutes. Mais également de nous aider à nous libérer de la colère ou du ressentiment, qui ne font que du mal : cette amertume du cœur qui conduit à la colère et au ressentiment et qui nous conduisent à insulter et à agresser. Cela est très laid de voir sortir de la bouche d’un chrétien une insulte ou une agression. Cela est laid. Comprenez-vous ? Pas d’insulte ! Insulter n’est pas chrétien. Comprenez-vous ? Insulter n’est pas chrétien.
En réalité, devant Dieu, nous sommes tous pécheurs et nous avons besoin de pardon. Tous. En effet, Jésus nous a dit de ne pas juger. La correction fraternelle est un aspect de l’amour et de la communion qui doivent régner dans la communauté chrétienne, c’est un service réciproque que nous pouvons et que nous devons nous rendre les uns les autres. Corriger notre frère est un service, et il est possible et efficace uniquement si chacun reconnaît qu’il est pécheur et qu’il a besoin du pardon du Seigneur. Cette même conscience qui me fait reconnaître l’erreur de l’autre, me rappelle encore auparavant que j’ai moi-même fait des erreurs et que j’en commets souvent.
C’est pourquoi, au début de la Messe, nous sommes à chaque fois invités à reconnaître devant le Seigneur que nous sommes pécheurs, en exprimant avec des mots et avec des gestes le repentir sincère du cœur. Et nous disons : « Prends pitié, Seigneur. Je confesse à Dieu tout-puissant, je reconnais devant mes frères, que j'ai péché ». Et nous ne disons pas : « Seigneur, prends pitié de celui-là qui est à côté de moi, ou de celle-là, qui sont pécheurs ». Non ! « Aie pitié de moi ! ». Nous sommes tous pécheurs et nous avons besoin du pardon du Seigneur. C'est l'Esprit Saint qui parle à notre esprit et nous fait reconnaître nos fautes à la lumière de la parole de Jésus. C'est le même Jésus qui nous invite tous, saints et pécheurs, à sa table, en nous rassemblant à la croisée des chemins, dans les diverses situations de la vie (cf. Mt 22,9-10). Et parmi les conditions qui rapprochent les participants à la célébration eucharistique, deux sont fondamentales, deux conditions pour bien suivre la Messe : nous sommes tous pécheurs et Dieu donne sa miséricorde à tous. Ce sont deux conditions qui ouvrent la porte pour bien participer à la Messe. Nous devons toujours nous rappeler cela avant d'aller trouver notre frère pour une correction fraternelle.
Nous demandons tout cela par l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, que nous célébrerons demain lors de la fête liturgique de sa Nativité.
© Libreria Editrice Vaticana – 2014