Pko 05.01.2020
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°02/2020
Dimanche 5 janvier 2020 – Épiphanie du Seigneur – Année A
Vœux pour 2020…
2020 : Une année d’espérance et de paix… et non de paroles
Nous laissons derrière nous 2019… une multitude d’espérances, de joies mais aussi de déceptions, et de peines… L’une d’elle ne pourra s’effacer de notre mémoire… la mort de 11 de nos frères et sœurs de la rue dans l’indifférence ! Il y a aussi - ni joie, ni peine - le défi qui nous est lancé par notre archevêque : « Te Vai-ete doit continuer sa mission qui lui a été confiée par l’Église »… Saurons-nous y répondre… en aurons-nous la force ?
S’ouvre une nouvelle année : 2020. Le Pape François nous insuffle son espérance fondée sur l’humilité : « Chers frères et sœurs, descendons des piédestaux de notre orgueil – nous avons tous la tentation de l’orgueil – et demandons la bénédiction de la Sainte Mère de Dieu, l’humble Mère de Dieu. Elle nous montre Jésus : laissons-nous bénir, ouvrons notre cœur à sa bonté. Ainsi l’année qui commence sera un chemin d’espérance et de paix, non pas en paroles, mais par des gestes quotidiens de dialogue, de réconciliation et de souci de la création ».
Que 2020 ouvre nos cœurs à l’autre… au sens du bien commun. Que l’on redécouvre qu’une société ne se fonde pas seulement sur l’économie mais sur le social, la culture, l’éducation… Les richesses accumulées conduisent à l’égoïsme et l’individualisme…
Je nous souhaite pour 2020 de découvrir que les pauvres sont notre richesse… ils sont le chemin de notre Humanité…
Dieu s’est fait pauvre pour que nous devenions riches de Lui !
Sainte Année à chacun de vous…
Le train de ma vie
À la naissance, on monte dans le train et on rencontre nos parents.
Et on croit qu’ils voyageront toujours avec nous.
Pourtant, à une station, nos parents descendront du train,
nous laissant seuls continuer le voyage…
Au fur et à mesure que le temps passe,
d’autres personnes montent dans le train.
Et elles seront importantes : notre fratrie, nos amis, nos enfants,
même l’amour de notre vie.
Beaucoup démissionneront
(même éventuellement l’amour de notre vie),
et laisseront un vide plus ou moins grand.
D’autres seront si discrets qu’on ne réalisera pas
qu’ils ont quitté leurs sièges.
Ce voyage en train sera plein de joies, de peines, d’attentes,
de bonjours, d’au-revoirs et d’adieux.
Le succès est d’avoir de bonnes relations avec tous les passagers
pourvu qu’on donne le meilleur de nous-mêmes.
On ne sait pas à quelle station nous descendrons,
donc vivons heureux, aimons et pardonnons.
Il est important de le faire car lorsque nous descendrons du train,
nous ne devrons laisser que de beaux souvenirs
à ceux qui continueront leur voyage.
Soyons heureux avec ce que nous avons
et remercions le ciel de ce voyage fantastique.
Aussi, merci d’être un des passagers de mon train.
Et si je dois descendre à la prochaine station,
je suis content d’avoir fait un bout de chemin avec vous.
Je veux dire à chaque personne qui lira ce texte
que je vous remercie d’être dans ma vie
et de voyager dans mon train.
Jean d’Ormesson
Laissez-moi vous dire…
5r janvier 2020 : Épiphanie du Seigneur
Comme les Rois mages… en Galilée ?
La marcho di Rèi
« Comme les Rois Mages en Galilée
Suivaient des yeux l´étoile du Berger
Je te suivrai, où tu iras j´irai
Fidèle comme une ombre jusqu´à destination »
Qui n’a pas fredonné un jour cette chanson de Sheila (*) ? On y fait allusion aux Mages de l’Épiphanie, qui n’étaient probablement pas des Rois, et qui ne sont certainement jamais passés par la Galilée pour aller à Bethléem en Judée !
Un autre chant – encore plus connu – trotte dans toutes les têtes, y compris celles de nos petits-enfants : La Marche des Rois (**) [La Marcho di Rèi, comme on dit en provençal]. Georges Bizet a popularisé ce thème musical en composant la célèbre Farandole de l’Arlésienne.
La fête de l’Épiphanie donne lieu à des parades populaires dans de nombreux villages provençaux. La grande parade des Rois Mages à Aix-en-Provence formée par les bergers, cavaliers, tambourinaires, chameaux… traverse la ville et s’achève à la cathédrale Saint-Sauveur. Rois et santons déposent leurs présents devant l’Enfant-Jésus de la crèche. C’est l’occasion de récolter des fonds pour des œuvres de bienfaisance.
Seul l’Évangile de Saint Matthieu parle de « Mages venus d’Orient », cherchant le Roi des Juifs qui vient de naître. « Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » (Matthieu 2,2) Ils allèrent à Bethléem ; « Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. » (Matthieu 2,11)
On ne sait pas si ce sont des rois, des sages ou des prêtres ; ni s’ils sont deux, trois ou davantage. La Tradition les désigne « Rois » et, au regard des présents offerts, en dénombre trois. Les noms traditionnels de « Gaspard, Melchior et Balthazar » apparaissent pour la première fois dans un manuscrit du VIIIe siècle.
Quel est donc le sens profond de cette fête populaire ? Épiphanie signifie “manifestation” en grec. Dieu se donne à voir, à toute l'humanité représentée par les mages venus du bout du monde. Dieu entre dans notre monde. Les Mages, ces personnes sages disent : « Nous avons vu Son Étoile et nous sommes venus… ». En quittant leur pays, laissant leurs certitudes, ils ont suivi la « certitude » de l’étoile du Christ. Ils sont arrivés chez l’Enfant qui portait l’éternel Amour dans le monde pour toujours. Arrivés à Bethléem, ils découvrent un nouveau-né dans une crèche. Leur recherche s’achève, alors leur mission commence. Après avoir vu, adoré, et offert des dons au « petit Roi » de la crèche, ces « Mages » repartirent. La lumière qu’ils avaient contemplée était dans leur cœur. Cette manifestation de Dieu, ils vont la porter au monde ; c’est, en quelque sorte, un mystère de miséricorde qu’ils portent en empruntant une autre route.
Aujourd’hui, il nous appartient, à nous chrétiens du XXIème siècle, de porter au monde cette lumière de Bethléem qui continue de resplendir pour toute l’humanité. Et nous ne pouvons la porter en Vérité que si nous suivons un chemin de paix et de justice.
Puisse « la galette des Rois », que sept Français sur dix (chrétiens ou non) partagent chaque année, nous aider à ouvrir ce chemin dans une humanité crispée, pas assez avenante.
BONNE FETE DE L’EPIPHANIE ! BONNE ANNEE 2020 !
Dominique SOUPÉ
* Les Rois mages : un des grands succès du répertoire de Sheila [auteurs : Jean Schmitt et Claude Carrère ; compositeur : Mario et Giosy Capuano]. C’est en fait une reprise de Tweedle Dee, Tweedle Dum du groupe pop écossais Middle of the Road.
** La Marche des Rois est un chant de Noël d’origine provençale (La Marcho di Rèi) dont les paroles, pour célébrer l’Epiphanie, ont été composées vers 1742 par Joseph-François Domergue, curé d’Aramon dans le Gard.
© Cathédrale de Papeete – 2019
En marge de l’actualité…
Heureux les artisans de Paix
Le 1er Janvier est traditionnellement l’occasion pour nous de nous souhaiter une bonne année et de formuler à nos proches, à nos amis, aux membres de nos familles, à nos collègues de travail les meilleurs vœux de bonheur, de santé et de prospérité. C’est également l’occasion pour nous, Chrétiens, l’occasion de prier pour la Paix, qui plus est en ce jour où nous célébrons Sainte Marie, Mère de Dieu, vénérée plus particulièrement dans notre diocèse sous le vocable de « Maria no te Hau », Notre Dame de Paix. Mais comment peut-on parler de paix dans un monde où le fracas des armes et de la violence retentit de toutes parts ? Guerres entre états, persécutions religieuses dont les Chrétiens sont les premières, mais pas les seules victimes, conflits sociaux qui secouent la métropole et bien d’autres régions de par le monde, instabilité politique qui provoque désordre et violence, souffrance et parfois mort…
Pour nous soutenir dans notre prière, le Pape François dans son message pour la « 53ème Journée Mondiale pour la Paix » nous invite à mieux comprendre ce qui fait obstacle à la paix, que ce soit dans notre propre cœur ou dans l’esprit qui conduit les états et les institutions qui régissent nos sociétés. Le Saint Père nous met en garde en rappelant ce qui, dans notre cœur, peut s’opposer à la paix. Cela commence en chacun de nous : « La guerre, nous le savons bien, commence souvent par l’intolérance à l’égard de la différence de l’autre, qui renforce le désir de possession et la volonté de domination. Elle naît, dans le cœur de l’homme, de l’égoïsme et de l’orgueil, de la haine qui pousse à détruire, à renfermer l’autre dans une vision négative, à l’exclure et à le faire disparaître. La guerre se nourrit de la perversion des relations, d’ambitions hégémoniques, d’abus de pouvoir, de la peur de l’autre et de la différence perçue comme un obstacle. » À notre niveau personnel, poursuit le Saint Père, cultiver la crainte et la méfiance de l’autre, loin d’établir une paix durable, ne peut qu’envenimer les relations et faire obstacle au dialogue. Il est impossible alors de bâtir une paix qui reposerait sur le manque de confiance et sur la peur qui ne peuvent que fragiliser les rapports entre humains et engendrer au bout du compte la violence. « Toute situation de menace alimente le manque de confiance et le repli sur soi. Le manque de confiance et la peur renforcent la fragilité des rapports et le risque de violence, dans un cercle vicieux qui ne conduira jamais à une relation de paix. »
Évoquant également le niveau des relations internationales, le Saint Père, faisant écho à son voyage récent au Japon, affirme que la dissuasion nucléaire ne peut que créer une sécurité illusoire. Il souligne dans le même sens l’absurdité qu’il y aurait « à vouloir défendre et garantir la stabilité et la paix sur la base d’une fausse sécurité soutenue par une mentalité de crainte et de méfiance qui finit par envenimer les relations entre les peuples et empêcher tout dialogue possible. La paix et la stabilité internationales sont incompatibles avec toute tentative de construction sur la peur de la destruction réciproque ou sur une menace d’anéantissement total ; elles ne sont possibles qu’à partir d’une éthique globale de solidarité et de coopération au service d’un avenir façonné par l’interdépendance et la coresponsabilité au sein de toute la famille humaine d’aujourd’hui et de demain ».
Au terme de sa lettre, le Saint Père conclut par une question : « Comment, alors, construire un chemin de paix et de reconnaissance réciproque ? Comment rompre la logique macabre de la menace et de la peur ? Comment briser la dynamique de la défiance qui prévaut actuellement ?... Il s’agit d’abandonner le désir de dominer les autres et d’apprendre à se regarder réciproquement comme des personnes, comme des enfants de Dieu, comme des frères. L’autre ne doit jamais être enfermé dans ce qu’il a pu dire ou faire, mais il doit être considéré selon la promesse qu’il porte en lui. C’est seulement en choisissant la voie du respect qu’on pourra rompre la spirale de la vengeance et entreprendre le chemin de l’espérance. »
Puissions-nous reprendre à notre compte cette invitation du Saint Père, qu’elle nous guide durant cette nouvelle année et nous aide à devenir davantage des artisans de Paix !
Bonne, Heureuse et Sainte Année 2020 à tous.
Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU
© Archidiocèse de Papeete - 2019
Audience générale
Dieu change le monde à travers de petits gestes d’amour
Après avoir créé la surprise en se déplaçant dans une paroisse romaine pour assister, comme un simple fidèle, aux obsèques d’une amie de 95 ans décédée hier, le Pape François a conclu l’année comme chaque 31 décembre avec la célébration des premières vêpres de la Solennité de Sainte Marie Mère de Dieu et le Te Deum à la basilique Saint-Pierre, en action de grâces pour l’année écoulée.
« Quand la plénitude des temps fut venue, Dieu a envoyé son Fils » (Gal 4,4).
Le Fils envoyé par le Père a placé sa tente à Bethléem d’Ephrata, « si petite pour être parmi les villages de Juda » (Mi 5,1) ; il a vécu à Nazareth, une ville jamais mentionnée dans les Écritures sinon pour dire: « quelque chose de bon peut-il venir de Nazareth ? » (Jn 1,46), et il mourut rejeté par la grande
ville, par Jérusalem, crucifié en dehors de ses murs. La décision de Dieu est claire : pour révéler la son amour, il choisit la petite ville et la ville méprisée, et quand il arrive à Jérusalem, il s’unit au peuple des pécheurs et les rejetés. Aucun des habitants de la ville ne se rend compte que le Fils de Dieu fait homme marche dans ses rues, probablement même pas ses disciples,
qui ne comprendront pleinement qu’avec la résurrection le Mystère présent en Jésus.
Les paroles et les signes de salut qu’Il accomplit dans la ville suscitent un étonnement et un enthousiasme momentanés, mais ils ne sont pas bien accueillis dans leur pleine signification : bientôt, on ne s’en souviendra plus, quand le gouverneur romain demandera : « Voulez-vous libérer Jésus ou Barabbas ? ». En dehors de la ville, Jésus sera crucifié, en-haut, sur le Golgotha, pour être condamné par le regard de tous les habitants et tourné en dérision par leurs commentaires sarcastiques. Mais de là, de la croix, nouvel arbre de vie, la puissance de Dieu les attirera tous à lui. Et aussi la Mère de Dieu, qui est la Douloureuse au pied de la croix, va étendre sa maternité à tous les hommes. La Mère de Dieu est la Mère de l’Église et sa tendresse maternelle rejoint tous les hommes.
Dans la ville, Dieu a installé sa tente …, et de là il ne s’est jamais éloigné ! Sa présence dans la ville, même dans notre ville de Rome, « ne doit pas être fabriquée, mais découverte, dévoilée » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, 71). C’est nous qui devons demander à Dieu la grâce de nouveaux yeux capables
d’un « regard contemplatif, c’est-à-dire un regard de foi qui découvre Dieu qui habite dans ses maisons, dans ses rues, dans ses places » (ibid., 71). Les prophètes, dans l’Écriture, mettent en garde contre tentation de ne lier la présence de Dieu qu’au Temple (Jér 7,4) : il vit au milieu de son peuple, marche avec lui et vit sa vie. Sa fidélité est concrète, elle est proximité avec le quotidien de ses enfants. Plus encore, quand Dieu veut faire toutes choses nouvelles par son Fils, il ne commence pas par le Temple, mais par le sein d’une petite femme pauvre de son peuple. Ce choix de Dieu est extraordinaire ! Il ne change par l’Histoire par les hommes puissants des institutions civiles et religieuses, mais à partir des femmes de la périphérie de l’empire, comme Marie, et de leurs seins stériles, comme celui d’Elisabeth.
Dans le Psaume 147, que nous venons de prier, le psalmiste invite Jérusalem à glorifier Dieu, parce qu’Il « envoie sa Parole sur la terre, son message la parcourt » (v.4). Grâce à son Esprit, qui prononce sa Parole dans chaque cœur humain, Dieu bénit ses enfants et les encourage à travailler pour la paix dans la ville. Je souhaite ce soir que notre regard sur la ville de Rome saisisse les choses du point de vue du regard de Dieu. Le Seigneur se réjouit de voir combien de réalités de bien, combien d’efforts et de dévouement sont faits chaque jour pour promouvoir la fraternité et la solidarité. Rome n’est pas seulement une ville compliquée, avec de nombreux problèmes, avec des inégalités, de la corruption et des tensions sociales. Rome est une ville où Dieu envoie sa Parole, qui fait son nid grâce à l’Esprit dans le cœur de ses habitants et qui les pousse à croire, à espérer malgré tout, à aimer en se battant pour le bien de tous.
Je pense aux nombreuses personnes courageuses, croyantes et non croyantes, que j’ai rencontrées ces dernières années et qui représentent le « cœur battant » de Rome. Vraiment, Dieu n’a jamais cessé de changer la l’histoire et le visage de notre ville grâce au peuple des petits et des pauvres qui y habitent : il les choisit, les inspire, les incite à l’action, les rend solidaires, les pousse à activer des réseaux, à créer des liens vertueux, pour construire des ponts et non des murs. C’est précisément grâce à ces mille ruisseaux d’eau vive de l’Esprit que la Parole de Dieu féconde la ville et de stérile qu’elle était en fait une « mère d’enfants joyeuse » (Ps 113,9).
Et que demande le Seigneur à l’Église de Rome ? Il nous confie sa Parole et nous pousse à nous jeter dans la mêlée, pour nous impliquer dans la rencontre et dans la relation avec les habitants de la ville car « son message coure rapidement ». Nous sommes appelés à rencontrer les autres et à nous mettre à l’écoute de leur existence, de leur appel à l’aide. L’écoute est déjà un acte d’amour ! Avoir du temps pour les autres, dialoguer, reconnaître d’un regard contemplatif la présence et l’action de Dieu dans leur vie, témoigner de la vie nouvelle de l’Évangile par des actes plutôt qu’avec des paroles est vraiment un service d’amour qui change la réalité. Ce faisant, en effet, un air nouveau circule dans la ville et aussi dans l’Église un désir de se remettre en route, pour surmonter les vieilles logiques de l’opposition et des barrières, pour collaborer ensemble, construire une ville plus juste et plus fraternelle.
Nous ne devons pas avoir peur ou nous sentir inadéquats pour une mission si importante. Souvenons-nous : Dieu ne nous choisit pas à cause de notre « excellence », mais plutôt parce que nous sommes et que nous nous sentons petits. Nous le remercions pour sa grâce qui nous a soutenus cette année et avec joie élevons vers lui le chant de louange.
© Libreria Editrice Vaticana - 2019
Vie de l’Église
Liste des missionnaires tués en 2019
« Le martyre est l’air de la vie d’un chrétien, d’une communauté chrétienne. Il y aura toujours des martyrs parmi nous. C’est le signal que nous marchons sur la route de Jésus. » (S.S. François, 11 décembre 2019). Chaque année, à la fin du mois de décembre, l’agence Fides, l’organe d’information des Œuvres pontificales missionnaires (OPM), basé au Vatican, établit la liste officielle de tous les acteurs pastoraux morts de façon violente, dans le cadre de leur mission.
« Je désire que la célébration des 100 ans de la Maximum illud, au mois d’octobre 2019, constitue un temps propice afin que la prière, le témoignage de tant de saints et de martyrs de la mission, la réflexion biblique et théologique, la catéchèse et la charité missionnaire contribuent à évangéliser d’abord et avant tout l’Église, de sorte qu’ayant retrouvé la fraîcheur et l’ardeur du premier amour pour le Seigneur crucifié et ressuscité, elle puisse évangéliser le monde avec crédibilité et efficacité évangélique ». C’est en ces termes, en s’adressant à l’Assemblée générale des Œuvres pontificales missionnaires, le 3 juin 2017, que le pape François indiquait le témoignage de tant de missionnaires ayant donné leur vie pour le Seigneur Jésus comme l’une des quatre dimensions à prendre en compte pour la célébration du Mois missionnaire extraordinaire d’octobre 2019.
Dans le sillage de ce temps spécial vécu par les communautés catholiques sous toutes les latitudes, temps qui a également été l’occasion de redécouvrir les figures de nombreux témoins de la foi des Églises locales ayant dépensé leur vie pour l’Évangile dans les contextes et les situations les plus divers, l’Agence Fies poursuit son service consistant notamment à recueillir les informations relatives aux missionnaires tués au cours de l’année. Nous faisons usage du terme « missionnaire » pour tous les baptisés, conscients du fait que « en vertu du Baptême reçu, chaque membre du Peuple de Dieu est devenu disciple missionnaire. Chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation » (EG 120). Du reste, la liste annuelle établie par Fides depuis longtemps déjà ne concerne pas seulement les missionnaires ad gentes au sens strict mais tous les opérateurs pastoraux morts de façon violente, pas expressément « in odium fidei ». Pour ce motif, nous préférons ne pas utiliser le terme « martyr », sauf dans son sens étymologique de « témoin », pour ne pas devancer le jugement que l’Église pourra éventuellement donner à certains d’entre eux, les proposant, après un examen attentif, pour la béatification ou la canonisation.
Selon les informations recueillies par l’Agence Fides, au cours de l’année 2019, ont été tués de par le monde 29 missionnaires, en majorité des prêtres, à raison de 18 prêtres, 1 Diacre permanent, 2 religieux non prêtres, 2 religieuses et 6 laïcs.
Après huit années consécutives durant lesquelles le nombre le plus élevé de missionnaires tués avait été enregistré en Amérique, depuis 2018, c’est l’Afrique qui se trouve au premier rang de ce classement tragique. En Afrique ont ainsi été tués 12 prêtres, un religieux non prêtre, une religieuse et une laïque (15). En Amérique ont en revanche été tués 6 prêtres, 1 Diacre permanent, 1 religieux non prêtre et 4 laïcs (12). En Asie, a été tuée une laïque alors qu’en Europe a été assassinée une religieuse.
Une autre note est donnée par le fait que s’enregistre une sorte de « mondialisation de la violence ». Si par le passé, les missionnaires tués étaient en grande partie concentrés dans une nation ou une zone géographique, en 2019, le phénomène apparait plus généralisé et plus diffus. Ont ainsi été baigné du sang des missionnaires 10 pays d’Afrique, 8 d’Amérique, 1 d’Asie et 1 d’Europe.
Encore une fois, la vie de nombre d’entre eux a été fauchée au cours de tentatives de vols à main armée ou de cambriolage dans des contextes marqués par la dégradation ayant la violence en l’absence de l’autorité ou dans lesquels cette dernière est affaiblie par la corruption et les compromis. Ces homicides ne sont donc pas l’expression directe d’une haine envers la foi mais d’une volonté de « déstabilisation sociale ». « Le prêtre et les communautés paroissiales favorisent la sécurité, l’éducation, les services sanitaires, les droits fondamentaux des migrants, des femmes et des enfants » a expliqué le Directeur du Centre catholique multimédia du Mexique, le Père Omar Sotelo Aguilar, SSP. L’Église locale est, de facto, « une réalité qui aide la population, en concurrence directe avec la criminalité organisée » qui sait qu’éliminer un prêtre est beaucoup plus qu’éliminer une personne dans la mesure où cela déstabilise une communauté entière. Ainsi s’instaure « une culture de la terreur et du silence, importante pour la croissance de la corruption et par suite pour permettre aux cartels de travailler librement » (voir Fides 17/06/2019).
Sous cette clef de lecture, très probablement doivent passer certains des homicides tels celui du Père David Tanko, tué par des hommes armés alors qu’il était sur le chemin du village de Takum, au Nigeria, où il se rendait pour jouer un rôle de médiateur dans le cadre d’un accord de paix entre deux ethnies locales, en conflit depuis des décennies ou encore l’assassinat barbare d’une religieuse âgée, en République centrafricaine, Sœur Ines Nieves Sancho, qui depuis des décennies, continuait à enseigner aux jeunes filles à coudre et à apprendre un métier. On se souviendra aussi du cas du Frère Paul McAuley, trouvé sans vie dans la Communauté estudiantine La Salle d’Iquitos, département de la forêt péruvienne, où il se dédiait à l’instruction des jeunes indigènes.
Eux, comme tous les prêtres, les religieux, les religieuses et les laïcs tués, portaient dans la vie quotidienne des communautés dans lesquelles ils vivaient, le témoignage évangélique de l’amour et du service, en cherchant de soulager les souffrances des plus faibles et en élevant la voix en défense de leurs droits foulés aux pieds, en dénonçant le mal et l’injustice et en ouvrant les cœurs à l’espérance.
La reconnaissance de l’Église
Les missionnaires tués qui rejoignent la reconnaissance de leur martyre de la part de l’Église constituent presque la pointe d’un iceberg de ce calvaire contemporain. Au titre de l’année 2019, nous rappellerons :
S.Exc. Mgr Enrique Ángel Angelelli, Evêque de La Rioja (Argentine), le Père Carlos de Dios Murias, Franciscain conventuel, le Père Gabriel Longueville, prêtre missionnaire fidei donum, et le catéchiste Wenceslao Pedernera, père de famille, insultés et persécutés à cause de Jésus et de la justice évangélique, qui ont été béatifiés le 27 avril 2019. « Ils furent assassinés en 1976, au cours de la période de la dictature militaire, caractérisée par un climat politique et sociale incandescent, qui avait également de clairs aspects de persécution religieuse » a souligné S.Em. le Cardinal Angelo Becciu, Préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints, dans l’homélie, rappelant qu’ils s’engagèrent dans une action pastorale « ouverte aux nouveaux défis pastoraux, à la promotion des strates les plus faibles, à la défense de leur dignité et à la formation des consciences, dans le cadre de la Doctrine sociale de l’Église ».
À la veille de la Journée missionnaire mondiale du Mois missionnaire extraordinaire, le 19 octobre, en la Cathédrale de Crème, a été béatifié un missionnaire de l’Institut pontifical pour les Missions étrangères, le Père Alfredo Cremonesi, tué in odium fidei le 7 février 1953 au Myanmar (Birmanie) où il avait passé 28 ans en mission. « Ce fut justement sa charité – a souligné le Cardinal Becciu, Préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints– qui l’a porté à offrir en fin de compte sa vie pour défendre son peuple. Le Bienheureux Père Cremonesi est une belle figure de vie sacerdotale et religieuse, un missionnaire qui a consommé son existence dans le don de sa propre vie. Entièrement voué à Dieu et à la mission évangélisatrice, il était totalement détaché de lui-même : son existence était donnée à son peuple, duquel il avait voulu partager la condition de pauvreté, en renonçant à tout privilège, même minime ».
« Un martyr, excellent éducateur et défenseur évangélique des pauvres et des opprimés, qui s’est fait l’un de nous et a donné sa vie pour nous ». C’est en ces termes que S. Em. le Cardinal José Luis Lacunza Maestrojuán, Évêque de David, a décrit le Frère James Alfred Miller, américain, des Frères des Écoles chrétiennes (FSC, lassalliens) au cours de la béatification qu’il a célébré le 7 décembre à Huehuetenango, au Guatemala, sur le lieu du martyre, intervenu en 1982, la Maison indigène la Salle, une école réservée aux indigènes des zones rurales, très pauvres, dont il était Vice-directeur et au sein de laquelle il a été enterré.
Le Père Emilio Moscoso Cardenas SI, premier martyr de l’Équateur, assassiné le 4 mai 1897, au cours de la Révolution libérale, mouvement à fortes connotations anticléricales de cette époque dans le pays. « La vie vertueuse et la mort héroïque du Bienheureux Père Emilio Moscoso encouragent chacun d’entre nous à porter avec enthousiasme la lumière de l’Évangile à nos contemporains comme il l’a fait lui-même. Son témoignage est actuel et nous offre un message significatif : on ne s’improvise pas martyrs. Le martyre est le fruit d’une foi enracinée en Dieu et vécue au jour le jour. La foi requiert cohérence, courage et intense capacité d’aimer Dieu et son prochain au travers du don de soi » a déclaré S. Em. le Cardinal Angelo Becciu, Préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints au cours de la béatification qu’il a célébré le 16 novembre à Riobamba.
L’Archevêque de Rouen, S. Exc. Mgr Dominique Lebrun, a conclu, en date du 9 mars, la phase diocésaine de la cause en béatification du Père Jacques Hamel, tué au matin du 26 juillet 2016 alors qu’il célébrait la Messe en l’église Saint Etienne du Rouvray, en Normandie, par deux militants du prétendu « État islamique » qui l’ont égorgé sur l’autel.
Le 23 mars, au Centre catéchétique de Guiúa, dans le Diocèse d’Inhambane, au Mozambique, s’est conclue la phase diocésaine du procès en béatification d’un groupe de catéchistes mozambicains et de leurs familles, tués in odium fidei le 22 mars 1992, alors qu’ils participaient à un cours de formation au sein de ce Centre catéchétique diocésain géré par les Missionnaires de la Consolata (IMC). Dans la nuit, des guérilleros de la RENAMO attaquèrent le dortoir et prirent hommes, femmes et enfants dans le but de recueillir des informations sur leurs adversaires du FRELIMO, ce qu’ils n’obtinrent naturellement pas, déchainant leur colère. Les rebelles conduisirent les familles loin du Centre, à quelques 3 km, et, après un douloureux interrogatoire, ils commencèrent à tuer l’ensemble de leurs membres dans une clairière. D’autres catéchistes, voyant désormais la situation critique et irréversible, demandèrent à pouvoir prier. Après quelques minutes de prière, les 23 catéchistes furent tués.
Le 21 juin, en la Cathédrale de Bururi, s’est ouverte la première Cause de canonisation de l’histoire de l’Église au Burundi. Elle concerne deux missionnaires xavériens italiens, les Pères Ottorino Maule et Aldo Marchiol, qui, en compagnie de la bénévole laïque Catina Gubert, furent tués dans la Paroisse de Buyengero le 30 septembre 1995 ; le Père Michel Kayoya, auquel est intitulé la cause, tué le 17 mai 1972 à Gitega, et 40 séminaristes tués le 30 avril 1997 au Séminaire de Buta. « Ces frères et sœurs dans le Christ sont les héros que nous, Évêques du Burundi, présentons comme unique modèle inspirateur de l’amour pour la fraternité. Il s’agit du premier groupe de probables martyrs que nous présentons à l’Église universelle, afin qu’ils soient déclarés officiellement martyrs et nous soient indiqués comme modèles de fraternité dans la vie chrétienne et aussi dans toute notre société burundaise » ont écrit les Évêques.
Au Zimbabwe, a été lancée le 5 septembre la cause en béatification de John Bradburne, missionnaire laïc, franciscain séculier de nationalité britannique, qui a rendu son témoignage de foi au milieu des lépreux de Mutemwa. « La colonie était sale et les personnes qui y vivaient de même, se souviennent ceux qui l’ont connue à l’époque. Il n’y avait pas de médicaments, de vêtements et les personnes avaient faim. Il prit soin des besoins de tous : nourrir les personnes, les laver et bander leurs plaies ». En 1979, des polémiques naissent avec les habitants du village voisin. Le missionnaire s’offrit de servir de médiateur mais les habitants du billage l’accusèrent d’être un espion parce qu’il avait défendu les lépreux. Après s’être refusé à quitter le Zimbabwe pour raisons de sécurité, il a été pris et tué le long de la route par habitants du village.
La plaie des enlèvements et des violences, une donnée hélas confirmée
Face à des situations de danger pour leur propre sécurité, aux appels des autorités civiles ou de leurs Supérieurs religieux, les missionnaires demeurent à leur poste, conscients des risques qu’ils encourent pour être fidèles aux engagements pris et demeurer aux côtés de la population qui partage les mêmes risques. Il est presque impossible en effet de dresser la liste des Évêques, prêtres, religieuses, simples catholiques, opérateurs humanitaires ou membres d’organisations internationales agressés, malmenés, volés, menacés tout comme celle des structures catholiques au service de l’ensemble de la population qui font l’objet d’attaques, d’actes de vandalisme ou de saccages. Une douleur particulière est provoquée par la profanation ou l’incendie criminel d’églises, la destruction de statues ou d’images sacrées, l’agression de fidèles alors qu’ils sont réunis en prière.
La diffusion, sous diverses latitudes, des enlèvements de prêtres et de religieuses, se concluant parfois tragiquement ou se soldant par la libération des otages ou par leur disparition sous le manteau du silence est une cause de préoccupation. Au Nigeria, a augmenté le nombre des enlèvements de prêtres et de religieux ayant pour but une extorsion de fonds. La majeure partie d’entre eux est libérée après quelques jours de captivité, dans certains cas cependant avec des conséquences dévastatrices pour leur santé, physique et psychique. Un phénomène analogue est également fréquent en Amérique latine.
Parmi les représentants de ce groupe, citons le Père Paolo Dall’Oglio SI, de nationalité italienne, enlevé le 29 juillet 2013 à Raqqa, en Syrie, à propos duquel ont circulé de nombreuses rumeurs au cours de ces dernières années, mais sans aucune confirmation. Son enlèvement n’a jamais été revendiqué ; Sœur Gloria Cecilia Narvaez Argoty, missionnaire colombienne enlevé le 8 février 2017 dans le village de Karangasso, au Mali par le groupe Al Qaeda au Mali. Se trouve encore entre les mains de ses ravisseurs le Père Pierluigi Maccalli, de la Société des Missions africaines (SMA), enlevé au Niger, dans la mission de Bamoanga, au cours de la nuit du 17 au 18 septembre 2018.
Aux listes provisoires réalisées annuellement par l’Agence Fides, il faut toujours ajouter la longue liste de ceux dont on aura jamais connaissance qui, dans tous les coins du monde souffrent et paient de leur vie leur foi en Jésus-Christ. Ainsi que l’a rappelé le Pape François le 11 décembre, « Le martyre est l’air de la vie d’un chrétien, d’une communauté chrétienne. Il y aura toujours des martyrs parmi nous. C’est le signal que nous marchons sur la route de Jésus ». (S.L.) (Agence Fides 30/12/2019)
© Agence Fides - 2019
Commentaire des lectures du dimanche
Chers frères et sœurs, bonjour !
Trois gestes des Mages orientent notre marche à la rencontre du Seigneur qui se manifeste aujourd’hui comme lumière et salut pour tous les peuples. Les Mages voient l’étoile, ils marchent et ils offrent des présents.
Voir l’étoile. C’est le point de départ. Mais pourquoi, pourrions-nous nous demander, seuls les Mages ont-ils vu l’étoile ? Peut-être parce que peu nombreux sont ceux qui avaient levé le regard vers le ciel. Souvent, en effet, dans la vie on se contente de regarder vers le sol : la santé, un peu d’argent et quelques divertissements suffisent. Et je me demande : nous, savons-nous encore lever le regard vers le ciel ? Savons-nous rêver, désirer Dieu, attendre sa nouveauté ; ou bien nous laissons-nous emporter par la vie comme un rameau sec au vent ? Les Mages ne se sont pas contentés de vivoter, de surnager. Ils ont eu l’intuition que, pour vivre vraiment, il faut un but élevé et pour cela il faut avoir le regard levé.
Mais nous pourrions nous demander encore, pourquoi, parmi ceux qui levaient le regard vers le ciel, beaucoup d’autres n’ont pas suivi cette étoile, « son étoile » (Mt 2,2) ? Peut-être parce que ce n’était pas une étoile voyante, qui brillait plus que les autres. C’était une étoile – dit l’Évangile – que les Mages avaient vu « se lever » (v 2.9). L’étoile de Jésus n’aveugle pas, elle n’étourdit pas, mais elle invite doucement. Nous pouvons nous demander quelle étoile nous choisissons dans la vie. Il y a les étoiles éblouissantes qui créent des émotions fortes mais qui n’orientent pas la marche. Il en est ainsi du succès, de l’argent, de la carrière, des honneurs, des plaisirs recherchés comme but de l’existence. Ce sont des météores : ils brillent un peu mais ils tombent vite et leur lueur disparaît. Ce sont des étoiles filantes qui désorientent au lieu d’orienter. L’étoile du Seigneur, au contraire, n’est pas toujours fulgurante, mais toujours présente ; elle est douce : elle te prend par la main dans la vie, elle t’accompagne. Elle ne promet pas de récompenses matérielles, mais elle assure la paix et donne, comme aux Mages, « une très grande joie » (Mt 2, 10). Mais elle demande de marcher.
Marcher, la deuxième action des Mages, est essentielle pour trouver Jésus. Son étoile, en effet, demande la décision de se mettre en route, la fatigue quotidienne de la marche ; elle demande de se libérer des poids inutiles et des fastes encombrants qui entravent, et d’accepter les imprévus qui apparaissent sur la carte de la vie tranquille. Jésus se laisse trouver par qui le cherche, mais pour le chercher il faut bouger, sortir. Ne pas attendre ; risquer. Ne pas rester immobile ; avancer. Jésus est exigeant : il propose à celui qui le cherche de quitter le fauteuil du confort mondain et les tiédeurs rassurantes de nos cheminées. Suivre Jésus n’est pas un protocole poli à respecter mais un exode à vivre. Dieu qui a libéré son peuple à travers la route de l’exode, et qui a appelé de nouveaux peuples à suivre son étoile, donne la liberté et distribue la joie toujours et seulement en chemin. En d’autres termes, pour trouver Jésus il faut abandonner la peur de se mettre en jeu, la satisfaction de se sentir arrivé, la paresse de ne plus rien demander à la vie. Il faut risquer, simplement pour rencontrer un Enfant. Mais cela en vaut immensément la peine, car en trouvant cet Enfant, en découvrant sa tendresse et son amour, nous nous retrouvons nous-mêmes.
Se mettre en chemin n’est pas facile. L’Évangile nous le montre à travers divers personnages. Il y a Hérode, troublé par la peur que la naissance d’un roi menace son pouvoir. Par conséquent il organise des rencontres et envoie les autres recueillir des informations ; mais lui ne bouge pas, il reste enfermé dans son palais. « Tout Jérusalem » (v.3) aussi a peur : peur de la nouveauté de Dieu. Elle préfère que tout reste comme avant – “on a toujours fait ainsi” – et personne n’a le courage d’aller. Plus subtile est la tentation des prêtres et des scribes. Ils connaissent le lieu exact et l’indiquent à Hérode, en citant l’ancienne prophétie. Ils savent mais ne font pas un pas vers Bethléem. Ce peut être la tentation de celui qui est croyant depuis longtemps : il disserte sur la foi, comme d’une chose qu’il sait déjà mais il ne se met pas en jeu personnellement pour le Seigneur. On parle mais on ne prie pas ; on se lamente mais on ne fait pas de bien. Les Mages, en revanche, parlent peu et marchent beaucoup. Bien qu’ignorants des vérités de foi, ils ont le désir et ils sont en chemin, comme le montrent les verbes de l’Évangile : « venus pour se prosterner » (v.2), « ils partirent ; entrés ils se prosternèrent ; ils regagnèrent leurs pays » (v.9.11.12) : toujours en mouvement.
Offrir. Arrivés à Jésus, après un long voyage, les Mages font comme lui : ils donnent. Jésus est là pour offrir sa vie, eux offrent leurs biens précieux : or, encens et myrrhe. L’Évangile se réalise quand le chemin de la vie parvient au don. Donner gratuitement, pour le Seigneur, sans s’attendre à quelque chose en retour : voilà le signe certain d’avoir trouvé Jésus qui dit : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10,8). Faire le bien sans calcul, même si personne nous le demande, même si l’on n’y gagne rien, même si cela ne nous fait pas plaisir. Dieu désire cela. Lui, se faisant petit pour nous, nous demande d’offrir quelque chose pour ses frères les plus petits. Qui sont-ils ? Ils sont justement ceux qui n’ont rien à rendre, comme celui qui se trouve dans le besoin, l’affamé, l’étranger, le prisonnier, le pauvre (cf. Mt 25,31-46). Offrir un don gratuit à Jésus c’est soigner un malade, donner du temps à une personne difficile, aider quelqu’un qui ne présente pas d’intérêt, offrir le pardon à qui nous a offensé. Ce sont des dons gratuits, ils ne peuvent pas manquer dans la vie chrétienne. Autrement, nous rappelle Jésus, si nous aimons ceux qui nous aiment, nous faisons comme les païens (cf. Mt 5,46-47). Regardons nos mains, souvent vides d’amour, et essayons aujourd’hui de penser à un don gratuit, sans contrepartie, que nous pouvons offrir. Il sera apprécié du Seigneur. Et demandons-lui : “Seigneur, fais-moi redécouvrir la joie de donner”.
Chers frères et sœurs, faisons comme les Mages : lever la tête, marcher, et offrir des dons gratuits.
© Libreria Editrice Vaticana – 2019