Pko 30.12.2018
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°67/2018
Dimanche 30 décembre 2018 – Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph – Année C
Humeurs…
Mauruuru roa Diakono Carlos
Diakono, en ce dimanche de la Sainte Famille, une page de ton ministère se tourne… Ce n’est pas sans un pincement au cœur que nous te voyons partir pour ta nouvelle mission à Tautira…
Ordonné il y a 10 ans, en la fête de l’Immaculée Conception, patronne de notre Cathédrale, pour la communauté de Maria no te Hau… c’est en 2011 que tu nous as rejoint…
Tu fus pour la communauté de la Cathédrale un vrai témoin de ce qu’est le diaconat permanent : « au service du peuple de Dieu en union avec l’évêque et son presbyterium » (Lumen Gentium n°29). Merci pour tout ce que tu as donné à notre communauté, en temps, en engagement et en disponibilité… La communauté paroissiale de la Cathédrale te remercie infiniment !
Tu fus pour moi, vicaire-coopérateur de cette communauté, plus qu’un collaborateur… un véritable vis-à-vis… partageant mes questions, mes soucis et mes joies… toujours de bons conseils et surtout habité d’une grande patience.
J’ai eu le privilège de te voir grandir comme diacre aussi bien au service de la liturgie de la Parole lors des nombreuses célébrations dont tu assurais la préparation et la coordination… qu’au service de la parole au travers des nombreuses préparations au baptême et au mariage… Je t’ai vu aussi d’une grande attention et d’une grande tendresse pour les plus petits d’entre nos frères, les personnes à la rue…
Encore, une fois ce n’est pas de gaité de cœur que je te vois nous quitter… mais notre cœur se console en pensant à nos frères et sœurs de Maria no te Hau de Tautira qui vont t’accueillir dès le 1er janvier… Nous savons qu’avec eux tu sauras faire communauté comme tu l’as fait ici…
Depuis ton ordination la Vierge Marie marque ton ministère… alors souviens-toi des dernières paroles de l’homélie de Mgr Hubert à ton ordination : « Qu’est-ce qu’un diacre peut imiter de Marie ? Son écoute de la Parole ; son obéissance à la volonté de Dieu ; son attention aux autres…confie donc ton ministère de diacre à Marie ! »
Merci Tiakono pour ces 7 années passées au service de notre Cathédrale… prie pour nous, prie spécialement pour les fidèles et serviteurs de la paroisse… qui n’auront désormais, plus de tampon entre eux et leur vicaire pas toujours commode !
Va ! Sans crainte ! Nos prières t’accompagnent !
Ne te retourne pas !
Que Dieu te bénisse, toi, ton épouse et ta famille !
Mauruuru roa !
Laissez-moi vous dire…
1er janvier : LII (52)ème Journée mondiale de la Paix
Et si la Paix dans le monde dépendait d’abord de moi ?
Pour la LIIème Journée Mondiale de la Paix, le message du Pape François s’adresse plus spécialement aux hommes politiques, mais il mérite qu’on le lise in extenso car de nombreux passages peuvent nous concerner personnellement et nous inviter à réfléchir sur nos propres comportements.
Nous avons tendance à accuser les autres lorsqu’une situation ne nous convient pas, lorsque nous sommes en difficulté. Les hommes politiques sont des cibles fréquentes, nous l’avons constaté ces dernières semaines, en France, avec les nombreux blocages et manifestations parfois violentes.
Les nouveaux médias favorisent la cristallisation des mécontentements et influent de plus en plus les comportements, les revendications individuelles, et ce, à l’échelle planétaire. À force d’imprégnation de slogans, idées, théories, et même de « fake news » (fausses nouvelles) véhiculés tous azimuts, bon nombre d’individus perdent tout jugement personnel. Les enfants et adolescents sont les plus sensibles, les plus vulnérables, trop souvent confrontés à des « prédateurs » très habiles dans l’art d’utiliser internet ; d’où la radicalisation, les commerces parallèles illicites, les violences en réunion… etc…
Nos gouvernements n’ont pas encore pleinement intégré ces nouveaux outils. Tel Président qui se croyait omnipotent, intouchable, fort de la légitimité de son élection, se retrouve bousculé dans ses principes et sa logique technocratique. Le « je ne changerai pas de cap » fait place à « je veux écouter tous les citoyens » (!) Malheureusement, il y a les « sans voix », qui les entendra ? Ici, nos dirigeants, se reconnaissant impuissants face à certains problèmes sociétaux, en sont réduits à faire appel aux Églises ; un peu comme certains parents qui disent aux enseignants ou aux pasteurs : je ne sais plus comment faire avec mon enfant… je vous le confie (!). Il serait bon de méditer les “béatitudes du politique”(1), proposées par le cardinal vietnamien François-Xavier Nguyen Van Thuan, ancien préfet du Conseil pontifical Justice et Paix.
Alors interrogeons-nous : qu’est-ce qui guide nos jugements ? nos comportements ? et même nos choix ?
Sommes-nous animés par des valeurs qui favorisent la paix et l’harmonie ? On entend souvent les hommes politiques dire : « nos sociétés ont besoin de valeurs ». On parle de « nouvelles valeurs ». Certains voudraient faire voter des lois pour : « moraliser la société, la vie publique… ». Or qu’est-ce qui guide le plus souvent nos actes : l’argent, le désir de posséder des richesses, d’acquérir un pouvoir… Les valeurs de la famille, de la tradition, la vertu, la générosité, la responsabilité, le respect… ne paraissent pas de bons placements, ni de bons investissements, ces valeurs dites « morales » ne pèsent pas face aux « valeurs boursières » ! Il faut le reconnaître, tout comme nos hommes politiques, ce sont souvent le pouvoir et l’avoir qui guident nos actes.
N’y-a-t-il pas un « tyran » qui sommeille en chacun(e) de nous ? Le tyran décide de ce qui est bien, ou mal, pour les autres ; il n’a pas à justifier sa conduite puisqu’il détient la vérité ; l’autre doit se soumettre sans discuter. Nous sommes loin de l’enseignement du Christ qui a fait de nous non plus des esclaves mais des êtres libres !
Nous vivons dans un monde où il faut toujours être « in ». Nos enfants ne cessent de nous seriner : « ne sois pas vieux jeu, vis avec ton temps, il faut changer ». De là à l’infidélité il n’y a qu’un pas ! Trahison, corruption, chantage… tous les moyens sont bons pour satisfaire tel ou tel désir d’être « in ».
Au final, il nous faut retrouver notre véritable nature d’« être sensé et raisonnable ». Si je me méprise, si je réduis mon corps à mes seuls désirs, ou si l’on me méprise, ou si l’on se sert de moi comme d’un objet, alors je me sens vil et méprisable. Je ne peux être pleinement homme ou femme que si je me sens digne de respect, d’écoute, d’attention. Il tient souvent à moi, par mes comportements, mes propos, que l’on me traite avec dignité. Cela exige du travail, de la vertu, des efforts, de la rigueur. Seul(e) l’homme (la femme) sage en est capable car nous sommes hommes et femmes de pensée. Comme l’écrivait Pascal : « Travaillons à bien penser, voilà le principe de la morale » (B. Pascal, Pensées).
Alors, quand nous souhaitons la Paix pour notre monde, pour nos familles, celle-ci dépend de chacun(e) de nous.
Bonne et heureuse année 2019 … dans la Paix !
Dominique Soupé
1 Citées par le Pape François dans son Message pour le 1er janvier 2019.
© Cathédrale de Papeete - 2018
Message Urbi et orbi Des vœux de fraternité…
Dans son message « à la ville et au monde », le Souverain Pontife a lancé un vibrant appel à la fraternité entre les hommes et les peuples. Le Saint-Père a également prié pour la Terre Sainte, la Syrie, le Yémen, la péninsule coréenne, l’Afrique, l’Ukraine, le Venezuela et le Nicaragua.
Chers frères et sœurs, joyeux Noël !
À vous, fidèles de Rome, à vous pèlerins, et à vous tous qui êtes venus de partout dans le monde, je renouvelle la joyeuse annonce de Bethléem : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre, qu’il aime » (Lc 2,14).
Comme les pasteurs, accourus les premiers à la grotte, nous restons stupéfaits face au signe que Dieu nous a donné : « Un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire » (Lc 2,12). En silence, nous nous agenouillons, et nous adorons.
Et que nous dit cet Enfant, né pour nous de la Vierge Marie ? Quel est le message universel de Noël ? Il nous dit que Dieu est un Père bon et que nous sommes tous frères.
Cette vérité est à la base de la vision chrétienne de l’humanité. Sans la fraternité que Jésus Christ nous a offerte, nos efforts pour un monde plus juste s’essoufflent, et même les meilleurs projets risquent de devenir des structures sans âme.
C’est pourquoi mes vœux de joyeux Noël sont des vœux de fraternité.
Fraternité entre les personnes de chaque nation et culture.
Fraternité entre les personnes d’idées différentes, mais capables de se respecter et d’écouter l’autre.
Fraternité entre les personnes de religions différentes. Jésus est venu révéler le visage de Dieu à tous ceux qui le cherchent.
Et le visage de Dieu s’est manifesté dans un visage humain concret. Il n’est pas apparu dans un ange, mais dans un homme, né dans un temps et dans un lieu.
Et ainsi, par son incarnation, le Fils de Dieu nous indique que le salut passe par l’amour, l’accueil, le respect de notre pauvre humanité que nous partageons tous dans une grande variété d’ethnies, de langues, de cultures…, mais tous en tant que frères en humanité !
Alors nos différences ne sont pas un préjudice ou un danger, elles sont une richesse. Comme pour un artiste qui veut faire une mosaïque : c’est mieux d’avoir à disposition des tesselles de plusieurs couleurs plutôt que des tesselles de peu de couleurs !
L’expérience de la famille nous l’enseigne : entre frères et sœurs, nous sommes différents les uns des autres, et nous ne sommes pas toujours d’accord, mais il y a un lien indissoluble qui nous lie et l’amour des parents nous aide à nous aimer. Il en est de même pour la famille humaine, mais ici c’est Dieu qui est le “géniteur”, le fondement et la force de notre fraternité.
Que cette fête de Noël nous fasse redécouvrir les liens de fraternité qui nous unissent en tant qu’êtres humains et lient tous les peuples. Qu’elle permette aux Israéliens et aux Palestiniens de reprendre le dialogue et d’entreprendre un chemin de paix qui mette fin à un conflit qui depuis plus de soixante-dix ans déchire la Terre choisie par le Seigneur pour montrer son visage d’amour.
Que l’Enfant Jésus permette à la bien-aimée et martyrisée Syrie de retrouver la fraternité après ces longues années de guerre. Que la communauté internationale œuvre résolument pour une solution politique qui mette de côté les divisions et les intérêts partisans, de sorte que le peuple syrien, surtout ceux qui ont dû quitter leur terre pour chercher refuge ailleurs, puissent retourner vivre en paix dans leur pays.
Je pense au Yémen, avec l’espoir que la trêve obtenue grâce à la médiation de la communauté internationale puisse finalement soulager les nombreux enfants et les populations épuisés par la guerre et la famine.
Je pense ensuite à l’Afrique, où des millions de personnes sont des réfugiés ou des déplacés et ont besoin d’assistance humanitaire ainsi que de sécurité alimentaire. Que le Divin Enfant, Roi de la paix, fasse taire les armes et fasse surgir une aube nouvelle de fraternité dans tout le continent, en bénissant les efforts de ceux qui œuvrent pour favoriser des processus de réconciliation au niveau politique et social.
Que Noël renforce les liens fraternels qui unissent la Péninsule coréenne et permette de poursuivre le cheminement de rapprochement entrepris et d’arriver à des solutions partagées qui assurent à tous le développement et le bien-être.
Que ce temps de bénédiction permette au Venezuela de retrouver la concorde et à toutes les composantes sociales de travailler fraternellement en vue du développement du pays et pour assister les couches les plus faibles de la population.
Que le Seigneur qui est né apporte du soulagement à la bien-aimée Ukraine, désireuse de reconquérir une paix durable qui tarde à venir. Seul grâce à la paix, respectueuse des droits de chaque nation, le pays peut se remettre des souffrances subies et rétablir des conditions de vie dignes pour ses citoyens. Je suis proche des communautés chrétiennes de cette région, et je prie pour qu’elles puissent tisser des liens de fraternité et d’amitié.
Devant l’Enfant Jésus, que les habitants du cher Nicaragua se redécouvrent frères, afin que ne prévalent pas les divisions et les mésententes, mais que tous œuvrent pour favoriser la réconciliation et construire ensemble l’avenir du pays.
Je voudrais évoquer les peuples qui subissent des colonisations idéologiques, culturelles et économiques en voyant violées leur liberté et leur identité, et qui souffrent de faim et du manque des services éducatifs et sanitaires.
Une pensée particulière va à nos frères et sœurs qui célèbrent la Nativité du Seigneur dans des contextes difficiles, pour ne pas dire hostiles, surtout là où la communauté chrétienne est une minorité, parfois vulnérable et non considérée. Que le Seigneur leur donne ainsi qu’à toutes les minorités de vivre en paix et de voir reconnaître leurs droits, surtout la liberté religieuse.
Que l’Enfant petit et transi de froid que nous contemplons aujourd’hui dans la mangeoire protège tous les enfants de la terre ainsi que toute personne fragile, sans défense et marginalisée. Puissions-nous tous recevoir la paix et le réconfort par la naissance du Sauveur et, en nous sentant aimés par l’unique Père céleste, nous retrouver et vivre comme des frères !
© Libreria Editrice Vaticana – 2018
Exhortation apostolique « Amoris lætitia »
À la lumière de la Parole
Dans son encyclique pastorale sur la Famille, le pape François invite à une pastorale qui donne un « visage » aux questions, au lieu de réduire la foi à une « idéologie » ou à du perfectionnisme « pélagien ».
8. La Bible abonde en familles, en générations, en histoires d’amour et en crises familiales, depuis la première page où entre en scène la famille d’Adam et d’Ève, avec leur cortège de violence mais aussi avec la force de la vie qui continue (cf. Gn 4), jusqu’à la dernière page où apparaissent les noces de l’Épouse et de l’Agneau (Ap 21,2.9). Les deux maisons que Jésus décrit, construites sur le roc ou sur le sable (cf. Mt 7,24-27), sont une expression symbolique de bien des situations familiales, créées par la liberté de leurs membres, car, comme l’écrivait le poète : « toute maison est un chandelier ». Entrons à présent dans l’une de ces maisons, guidés par le psalmiste, à travers un chant qu’on proclame aujourd’hui encore aussi bien dans la liturgie nuptiale juive que dans la liturgie chrétienne :
« Heureux tous ceux qui craignent le Seigneur
et marchent dans ses voies !
Du labeur de tes mains tu te nourriras,
heureux es-tu ! À toi le bonheur !
Ton épouse : une vigne fructueuse
au cœur de ta maison.
Tes fils : des plants d'olivier
à l'entour de la table.
Voilà de quels biens sera béni
l'homme qui craint le Seigneur.
Que le Seigneur te bénisse de Sion !
Puisses-tu voir Jérusalem
dans le bonheur tous les jours de ta vie,
et voir les fils de tes fils !
Paix sur Israël ! » (Ps 128, 1-6).
Toi et ton épouse
9. Franchissons donc le seuil de cette maison sereine, avec sa famille assise autour de la table de fête. Au centre, nous trouvons, en couple, le père et la mère, avec toute leur histoire d’amour. En eux se réalise ce dessein fondamental que le Christ même évoque avec force : « N'avez-vous pas lu que le Créateur, dès l'origine, les fit homme et femme ? » (Mt 19,4). Et il reprend le mandat de la Genèse : « C’est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair » (Gn 2,24).
10. Les deux grandioses premiers chapitres de la Genèse nous offrent l’image du couple humain dans sa réalité fondamentale. Dans ce texte initial de la Bible, brillent certaines affirmations décisives. La première, citée de façon synthétique par Jésus, déclare : « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa » (1,27). De manière surprenante, l’“image de Dieu” tient lieu de parallèle explicatif précisément au couple “homme et femme”. Cela signifie-t-il que Dieu est lui-même sexué ou qu’il a une compagne divine, comme le croyaient certaines religions antiques ? Évidemment non, car nous savons avec quelle clarté la Bible a rejeté comme idolâtres ces croyances répandues parmi les Cananéens de la Terre Sainte. La transcendance de Dieu est préservée, mais, puisqu’il est en même temps le Créateur, la fécondité du couple humain est l’“image” vivante et efficace, un signe visible de l’acteur créateur.
11. Le couple qui aime et procrée est la vraie “sculpture” vivante (non pas celle de pierre ou d’or que le Décalogue interdit), capable de manifester le Dieu créateur et sauveur. C’est pourquoi, l’amour fécond arrive à être le symbole des réalités intimes de Dieu (cf. Gn 1,28 ; 9,7 ; 17,2-5.16 ; 28,3 ; 35,11 ; 48,3-5). C’est ce qui justifie que le récit de la Genèse, en suivant ce qui est appelé la “tradition sacerdotale”, soit traversé par diverses séquences généalogiques (cf. 4,17-22.25-26 ; 5 ; 10 ; 11,10-32 ; 25,1-4.12-17.19-26 ; 36) : car la capacité du couple humain à procréer est le chemin par lequel passe l’histoire du salut. Sous ce jour, la relation féconde du couple devient une image pour découvrir et décrire le mystère de Dieu, fondamental dans la vision chrétienne de la Trinité qui, en Dieu, contemple le Père, le Fils et l’Esprit d’amour. Le Dieu Trinité est communion d’amour, et la famille est son reflet vivant. Les paroles de saint Jean-Paul II nous éclairent : « Notre Dieu, dans son mystère le plus intime, n’est pas une solitude, mais une famille, puisqu’il porte en lui-même la paternité, la filiation et l’essence de la famille qu’est l’amour. Cet amour, dans la famille divine, est l’Esprit-Saint. ». La famille, en effet, n’est pas étrangère à l’essence divine même. Cet aspect trinitaire du couple trouve une nouvelle image dans la théologie paulinienne lorsque l’Apôtre la met en relation avec le “mystère” de l’union entre le Christ et l’Église (cf. Ep 5,21-33).
12. Mais Jésus, dans sa réflexion sur le mariage, nous renvoie à une autre page de la Genèse, le chapitre 2, où apparaît un admirable portrait du couple avec des détails lumineux. Choisissons-en seulement deux. Le premier est l’inquiétude de l’homme qui cherche « une aide qui lui soit assortie » (vv.18.20), capable de combler cette solitude qui le perturbe et qui n’est pas comblée par la proximité des animaux et de toute la création. L’expression originelle en hébreu nous renvoie à une relation directe, presque “frontale” – les yeux dans les yeux – dans un dialogue également silencieux, car dans l’amour les silences sont d’habitude plus éloquents que les paroles. C’est la rencontre avec un visage, un “tu” qui reflète l’amour divin et est « le principe de la fortune, une aide semblable à l’homme, une colonne d'appui », comme dit un sage de la Bible (Si 36,24). Ou bien comme s’exclamera la femme du Cantique des Cantiques dans une merveilleuse profession d’amour et de don réciproque : « Mon bien-aimé est à moi, et moi à lui […]. Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi ! » (2,16 ; 6,3).
13. De cette rencontre qui remédie à la solitude, surgissent la procréation et la famille. Voici le second détail que nous pouvons souligner : Adam, qui est aussi l’homme de tous les temps et de toutes les régions de notre planète, avec sa femme, donne naissance à une nouvelle famille, comme le répète Jésus en citant la Genèse : « Il quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et les deux ne feront qu'une seule chair » (Mt 19,5 ; cf. Gn 2,24). Le verbe “s’attacher” dans le texte original hébreu indique une étroite syntonie, une attachement physique et intérieur, à tel point qu’on l’utilise pour décrire l’union avec Dieu : « Mon âme s’attache à toi » chante l’orant (Ps 63,9). L’union matrimoniale est ainsi évoquée non seulement dans sa dimension sexuelle et corporelle mais aussi en tant que don volontaire d’amour. L’objectif de cette union est “de parvenir à être une seule chair”, soit par l’étreinte physique, soit par l’union des cœurs et des vies et, peut-être, à travers l’enfant qui naîtra des deux et portera en lui, en unissant, non seulement génétiquement mais aussi spirituellement, les deux “chairs”.
Tes fils comme des plants d’oliviers
14. Reprenons le chant du psalmiste. En ce chant apparaissent, dans la maison où l’homme et son épouse sont assis à table, les enfants qui les accompagnent comme « des plants d’olivier » (Ps 128,3), c’est-à-dire pleins d’énergie et de vitalité. Si les parents sont comme les fondements de la maison, les enfants sont comme les “pierres vivantes” de la famille (cf. 1P 2,5). Il est significatif que dans l’Ancien Testament le mot le plus utilisé après le mot divin (YHWH, le “Seigneur”) soit “fils” (ben), un vocable renvoyant au verbe hébreu qui veut dire “construire” (banah). C’est pourquoi dans le Psaume 127, le don des fils est exalté par des images se référant soit à l’édification d’une maison, soit à la vie sociale et commerciale qui se développait aux portes de la ville : « Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs […]. C'est l'héritage du Seigneur que des fils, récompense, que le fruit des entrailles ; comme flèches en la main du héros, ainsi les fils de la jeunesse. Heureux l'homme, celui-là qui en a rempli son carquois ; point de honte pour eux, quand ils débattent à la porte, avec leurs ennemis » (vv. 1.3-5). Certes, ces images reflètent la culture d’une société antique, mais la présence d’enfants est, de toute manière, un signe de plénitude de la famille, dans la continuité de la même histoire du salut, de génération en génération.
15. Sous ce jour, nous pouvons présenter une autre dimension de la famille. Nous savons que dans le Nouveau Testament on parle de “l’Église qui se réunit à la maison” (cf. 1 Co 16,19 ; Rm 16,5 ; Col 4,15 ; Phm 2). Le milieu vital d’une famille pouvait être transformé en Église domestique, en siège de l’Eucharistie, de la présence du Christ assis à la même table. La scène brossée dans l’Apocalypse est inoubliable : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ap 3,20). Ainsi se définit une maison qui à l’intérieur jouit de la présence de Dieu, de la prière commune et, par conséquent, de la bénédiction du Seigneur. C’est ce qui est affirmé le Psaume 128 que nous prenons comme base : « Voilà de quels biens sera béni l'homme qui craint le Seigneur. Que le Seigneur te bénisse de Sion ! » (vv. 4-5a).
16. La Bible considère la famille aussi comme le lieu de la catéchèse des enfants. Cela est illustré dans la description de la célébration pascale (cf. Ex 12,26-27 ; Dt 6,20-25), et a été ensuite explicité dans la haggadah juive, c’est-à-dire dans le récit sous forme de dialogue qui accompagne le rite du repas pascal. Mieux, un Psaume exalte l’annonce en famille de la foi : « Nous l'avons entendu et connu, nos pères nous l'ont raconté ; nous ne le tairons pas à leurs enfants, nous le raconterons à la génération qui vient : les titres du Seigneur et sa puissance, ses merveilles telles qu'il les fit ; il établit un témoignage en Jacob, il mit une loi en Israël ; il avait commandé à nos pères de le faire connaître à leurs enfants, que la génération qui vient le connaisse, les enfants qui viendront à naître. Qu'ils se lèvent, qu'ils racontent à leurs enfants » (Ps 78,3-6). Par conséquent, la famille est le lieu où les parents deviennent les premiers maîtres de la foi pour leurs enfants. C’est une œuvre artisanale, personnalisée : « Lorsque ton fils te demandera demain […] tu lui diras… » (Ex 13,14). Ainsi, les diverses générations chanteront au Seigneur, « jeunes hommes, aussi les vierges, les vieillards avec les enfants » (Ps 148,12).
17. Les parents ont le devoir d’accomplir avec sérieux leur mission éducative, comme l’enseignent souvent les sages de la Bible (cf. Pr 3,11-12 ; 6,20-22 ; 13,1 ; 29,17). Les enfants sont appelés à recueillir et à pratiquer le commandement : « honore ton père et ta mère » (Ex 20,12), dans lequel le verbe “honorer” indique l’accomplissement des engagements familiaux et sociaux dans leur plénitude, sans les négliger en recourant à des excuses religieuses (cf. Mc 7,11-13). De fait, « celui qui honore son père expie ses fautes, celui qui glorifie sa mère est comme quelqu'un qui amasse un trésor » (Si 3, 3-4).
18. L’Évangile nous rappelle également que les enfants ne sont pas une propriété de la famille, mais qu’ils ont devant eux leur propre chemin de vie. S’il est vrai que Jésus se présente comme modèle d’obéissance à ses parents terrestres, en se soumettant à eux (cf. Lc 2,51), il est aussi vrai qu’il montre que le choix de vie en tant que fils et la vocation chrétienne personnelle elle-même peuvent exiger une séparation pour réaliser le don de soi au Royaume de Dieu (cf. Mt 10,34-37 ; Lc 9,59-62). Qui plus est, lui-même, à douze ans, répond à Marie et à Joseph qu’il a une autre mission plus importante à accomplir hors de sa famille historique (cf. Lc 2,48-50). Voilà pourquoi il exalte la nécessité d’autres liens très profonds également dans les relations familiales : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique » (Lc 8, 21). D’autre part, dans l’attention qu’il accorde aux enfants – considérés dans la société de l’antique Proche Orient comme des sujets sans droits particuliers, voire comme objets de possession familiale – Jésus va jusqu’à les présenter aux adultes presque comme des maîtres, pour leur confiance simple et spontanée face aux autres : « En vérité je vous le dis, si vous ne retournez à l'état des enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des Cieux. Qui donc se fera petit comme ce petit enfant-là, celui-là est le plus grand dans le Royaume des Cieux » (Mt 18,3-4).
Un chemin de souffrance et de sang
19. L’idylle exprimée dans le Psaume 128 ne nie pas une réalité amère marquant toutes les Saintes Écritures. C’est la présence de la douleur, du mal, de la violence qui brise la vie de la famille et son intime communion de vie et d’amour. Ce n’est pas pour rien que l’enseignement du Christ sur le mariage (cf. Mt 19,3-9) est inséré dans une discussion sur le divorce. La Parole de Dieu est témoin constant de cette dimension obscure qui se manifeste déjà dès les débuts lorsque, par le péché, la relation d’amour et de pureté entre l’homme et la femme se transforme en une domination : « Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi » (Gn 3,16).
20. C’est un chemin de souffrance et de sang qui traverse de nombreuses pages de la Bible, à partir de la violence fratricide de Caïn sur Abel et de divers conflits entre les enfants et entre les épouses des patriarches Abraham, Isaac et Jacob, arrivant ensuite aux tragédies qui souillent de sang la famille de David, jusqu’aux multiples difficultés familiales qui jalonnent le récit de Tobie ou l’amère confession de Job abandonné : « Mes frères, il les a écartés de moi, mes relations s'appliquent à m'éviter […]. Mon haleine répugne à ma femme, ma puanteur à mes propres frères » (Jb 19,13.17).
21. Jésus lui-même naît dans une famille modeste qui bientôt doit fuir vers une terre étrangère. Il entre dans la maison de Pierre où la belle-mère de celui-ci est malade (cf. Mc 1,30-31) ; il se laisse impliquer dans le drame de la mort dans la maison de Jaïre ou chez Lazare (cf. Mc 5,22-24.35-43 ; Jn 11,1-44) ; il écoute le cri désespéré de la veuve de Naïn face à son fils mort (cf. Lc 7,11-15) ; il écoute la clameur du père de l’épileptique dans un petit village, en campagne (cf. Mc 9,17-27). Il rencontre des publicains comme Matthieu ou Zachée dans leurs propres maisons (Mt 9,9-13) ; Lc 19,1-10), ainsi que des pécheresses comme la femme qui a fait irruption dans la maison du pharisien (cf. Lc 7,36-50). Il connaît les angoisses et les tensions des familles qu’il introduit dans ses paraboles : des enfants qui abandonnent leurs maisons pour tenter une aventure (cf. Lc 15,11-32) jusqu’aux enfants difficiles, aux comportements inexplicables (cf. Mt 21,28-31) ou victimes de la violence (cf. Mc 12,1-9). Et il s’intéresse même aux noces qui courent le risque d’être honteuses par manque de vin (cf. Jn 2,1-10) ou par l’absence des invités (cf. Mt 22,1-10), tout comme il connaît le cauchemar à cause de la perte d’une pièce d’argent dans une famille (cf. Lc 15,8-10).
22. Dans ce bref aperçu, nous pouvons constater que la Parole de Dieu ne se révèle pas comme une séquence de thèses abstraites, mais comme une compagne de voyage, y compris pour les familles qui sont en crise ou sont confrontées à une souffrance ou à une autre, et leur montre le but du chemin, lorsque Dieu « essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n'y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine » (Ap 21,4).
Le labeur de tes mains
23. Au commencement du Psaume 128, le père est présenté comme un travailleur, qui par l’œuvre de ses mains peut assurer le bien-être physique et la sérénité de sa famille : « Du labeur de tes mains tu te nourriras, heureux es-tu. À toi le bonheur ! » (v.2). Que le travail soit une partie fondamentale de la dignité de la vie humaine se déduit des premières pages de la Bible, lorsqu’il est déclaré que « l'homme a été établi dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder » (Gn 2,15). C’est l’image du travailleur qui transforme la matière et tire profit des énergies de la création, produisant « le pain des douleurs » (Ps 127,2), tout en se cultivant lui-même.
24. Le travail permet à la fois le développement de la société, l’entretien de la famille ainsi que sa stabilité et sa fécondité : « Puisses-tu voir Jérusalem dans le bonheur tous les jours de ta vie, et voir les fils de tes fils ! » (Ps 128,5-6). Dans le livre des Proverbes, est également présentée la tâche de la mère de famille, dont le travail est décrit dans ses détails quotidiens, suscitant l’éloge de l’époux et des enfants (cf. 31,10-31). L’apôtre Paul lui-même se montre fier d’avoir vécu sans être un poids pour les autres, car il a travaillé de ses propres mains et a pourvu ainsi à sa subsistance (cf. Ac 18,3 ; 1 Co 4,12 ; 9,12). Il était si convaincu de la nécessité du travail qu’il a établi comme loi d’airain pour ses communautés : « Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus » (2Th 3,10 ; cf. 1Th4,11).
25. Cela étant dit, on comprend que le chômage et la précarité du travail deviennent une souffrance, comme c’est le cas dans le livre de Ruth et comme le rappelle Jésus dans la parabole des travailleurs assis, dans une oisiveté forcée, sur la place publique (cf. Mt 20,1-16), ou comme il l’expérimente dans le fait même d’être souvent entouré de nécessiteux et d’affamés. C’est ce que la société vit tragiquement dans beaucoup de pays, et ce manque de sources de travail affecte de diverses manières la sérénité des familles.
26. Nous ne pouvons pas non plus oublier la dégénération que le péché introduit dans la société, lorsque l’être humain se comporte comme tyran face à la nature, en la détruisant, en l’utilisant de manière égoïste, voire brutale. Les conséquences sont à la fois la désertification du sol (cf. Gn 3,17-19) et les déséquilibres économiques ainsi que sociaux, contre lesquels s’élève clairement la voix des prophètes, depuis Élie (cf. 1R 21) jusqu’aux paroles que Jésus lui-même prononce contre l’injustice (cf. Lc12,13-21 ; 16,1-31).
La tendresse de l’accolade
27. Le Christ a introduit par-dessus tout comme signe distinctif de ses disciples la loi de l’amour et du don de soi aux autres (cf. Mt 22,39 ; Jn 13,34), et il l’a fait à travers un principe dont un père ou une mère témoignent habituellement par leur propre existence : « Nul n'a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13). La miséricorde et le pardon sont aussi fruit de l’amour. À cet égard, est emblématique la scène qui montre une femme adultère sur l’esplanade du temple de Jérusalem, entourée de ses accusateurs, et ensuite seule avec Jésus qui ne la condamne pas mais l’invite à une vie plus digne (cf. Jn 8,1-11).
28. Dans la perspective de l’amour, central dans l’expérience chrétienne du mariage et de la famille, une autre vertu se démarque également, quelque peu ignorée en ces temps de relations frénétiques et superficielles : la tendresse. Recourons au doux et savoureux Psaume 131. Comme on le constate aussi dans d’autres textes (cf. Ex 4,22 ; Is 49,15 ; Ps 27,10), l’union entre le fidèle et son Seigneur est exprimée par des traits de l’amour paternel ou maternel. Ici apparaît la délicate et tendre intimité qui existe entre la mère et son enfant, un nouveau-né qui dort dans les bras de sa mère après avoir été allaité. Il s’agit – comme l’exprime le mot hébreu gamûl – d’un enfant déjà sevré, s’accrochant consciemment à sa mère qui le porte dans ses bras. C’est donc une intimité consciente et non purement biologique. Voilà pourquoi le psalmiste chante : « Je tiens mon âme en paix et silence ; comme un petit enfant contre sa mère » (Ps 131,2). Parallèlement, nous pouvons recourir à une autre scène, où le prophète Osée met dans la bouche de Dieu comme père ces paroles émouvantes : « Quand Israël était jeune, je l'aimai […]. Je lui avais appris à marcher, je le prenais par les bras […]. Je le menais avec des attaches humaines, avec des liens d'amour ; j'étais pour lui comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue, je m'inclinais vers lui et le faisais manger » (Os 11,1.3-4).
29. Par ce regard, fait de foi et d’amour, de grâce et d’engagement, de famille humaine et de Trinité divine, nous contemplons la famille que la Parole de Dieu remet entre les mains de l’homme, de la femme et des enfants pour qu’ils forment une communion de personnes, qui soit image de l’union entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint. L’activité procréative et éducative est, en retour, un reflet de l’œuvre du Père. La famille est appelée à partager la prière quotidienne, la lecture de la Parole de Dieu et la communion eucharistique pour faire grandir l’amour et devenir toujours davantage un temple de l’Esprit.
30. À chaque famille est présentée l’icône de la famille de Nazareth, avec sa vie quotidienne faite de fatigues, voire de cauchemars, comme lorsqu’elle a dû subir l’incompréhensible violence d’Hérode, expérience qui se répète tragiquement aujourd’hui encore dans de nombreuses familles de réfugiés rejetés et sans défense. Comme les mages, les familles sont invitées à contempler l’Enfant et la Mère, à se prosterner et à l’adorer (cf. Mt 2,11). Comme Marie, elles sont exhortées à vivre avec courage et sérénité leurs défis familiaux, tristes et enthousiasmants, et à protéger comme à méditer dans leur cœur les merveilles de Dieu (cf. Lc 2,19.51). Dans le trésor du cœur de Marie, il y a également tous les événements de chacune de nos familles, qu’elle garde soigneusement. Voilà pourquoi elle peut nous aider à les interpréter pour reconnaître le message de Dieu dans l’histoire familiale.
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Commentaire des lectures du dimanche
Les lectures bibliques que nous avons écoutées nous ont présenté l’image de deux familles qui accomplissent leur pèlerinage vers la maison de Dieu. Elkana et Anne portent leur fils Samuel au temple de Silo et le consacrent au Seigneur (cf. 1 Sam 1,20-22.24-28). De la même manière, Joseph et Marie, pour la fête de la Pâque, se font pèlerins à Jérusalem avec Jésus (cf. Lc 2,41-52).
Nous avons souvent sous les yeux les pèlerins qui se rendent aux sanctuaires et aux lieux chers à la piété populaire. En ces jours, beaucoup se sont mis en chemin pour rejoindre la Porte Sainte ouverte dans toutes les cathédrales du monde et aussi dans de nombreux sanctuaires. Mais la chose la plus belle mise en relief aujourd’hui par la Parole de Dieu est que toute la famille accomplit le pèlerinage. Papa, maman et les enfants, ensemble, se rendent à la maison du Seigneur pour sanctifier la fête par la prière. C’est un enseignement important qui est offert aussi à nos familles. Nous pouvons même dire que la vie de la famille est un ensemble de petits et de grands pèlerinages.
Par exemple, comme cela nous fait du bien de penser que Marie et Joseph ont enseigné à Jésus à réciter les prières ! Et cela est un pèlerinage, le pèlerinage de l’éducation à la prière. Et cela nous fait aussi du bien de savoir que durant la journée ils priaient ensemble ; et qu’ensuite le samedi, ils allaient ensemble à la synagogue pour écouter les Écritures de la Loi et des Prophètes et louer le Seigneur avec tout le peuple. Et certainement durant le pèlerinage vers Jérusalem, ils ont prié en chantant avec les paroles du Psaume : « Quelle joie quand on m’a dit : “Nous irons à la maison du Seigneur !”. Maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem ! » (122,1-2).
Comme il est important pour nos familles de marcher ensemble et d’avoir un même but à atteindre ! Nous savons que nous avons un parcours commun à accomplir ; une route où nous rencontrons des difficultés mais aussi des moments de joie et de consolation. Dans ce pèlerinage de la vie, nous partageons aussi le moment de la prière. Qu’y-a-t-il de plus beau pour un papa et une maman que de bénir leurs enfants au début de la journée et à sa conclusion ? Tracer sur leur front le signe de la croix comme le jour du Baptême. N’est-ce pas peut-être la prière la plus simple des parents pour leurs enfants ? Les bénir, c’est-à-dire les confier au Seigneur, comme l’ont fait Elkana et Anne, Joseph et Marie, pour qu’il soit leur protection et leur soutien dans les différents moments de la journée. Comme il est important pour la famille de se retrouver aussi pour un bref moment de prière avant de prendre ensemble les repas, pour remercier le Seigneur de ces dons, et pour apprendre à partager ce qui est reçu avec celui qui est davantage dans le besoin. Ce sont de tout-petits gestes qui expriment cependant le rôle de formation que possède la famille dans le pèlerinage de tous les jours.
Au terme de ce pèlerinage, Jésus retourne à Nazareth et il était soumis à ses parents (cf. Lc 2,51). Cette image contient aussi un bel enseignement pour nos familles. Le pèlerinage, en effet, ne finit pas quand on arrive au but du sanctuaire, mais quand on revient à la maison et qu’on reprend la vie de tous les jours, mettant en acte les fruits spirituels de l’expérience vécue. Nous savons ce que Jésus avait fait cette fois. Au lieu de revenir à la maison avec les siens, il s’était arrêté à Jérusalem dans le Temple, causant une grande peine à Marie et à Joseph qui ne le trouvaient plus. Pour cette “escapade”, Jésus a dû aussi probablement faire des excuses à ses parents. L’Évangile ne le dit pas, mais je crois que nous pouvons le supposer. La question de Marie, d’ailleurs, manifeste une certaine réprobation, rendant évidente sa préoccupation et son angoisse ainsi que celle de Joseph. Revenant à la maison, Jésus s’est certainement soumis à eux pour montrer toute son affection et son obéissance. Ces moments qui, avec le Seigneur, se transforment en opportunité de croissance, en occasion de demander pardon et de le recevoir, de montrer l’amour et de l’obéissance, font aussi partie du pèlerinage de la famille.
Au cours de l’Année de la Miséricorde, que chaque famille chrétienne puisse devenir un lieu privilégié de ce pèlerinage où s’expérimente la joie du pardon. Le pardon est l’essence de l’amour qui sait comprendre l’erreur et y porter remède. Pauvres de nous si Dieu ne nous pardonnait pas ! C’est à l’intérieur de la famille qu’on s’éduque au pardon, parce qu’on a la certitude d’être compris et soutenus malgré les erreurs qui peuvent se commettre.
Ne perdons pas confiance dans la famille ! C’est beau de s’ouvrir toujours le cœur les uns aux autres, sans rien cacher. Là où il y a l’amour, là aussi il y a compréhension et pardon. Je confie à vous toutes, chères familles, ce pèlerinage domestique de tous les jours, cette mission si importante, dont le monde et l’Église ont plus que jamais besoin.
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