Pko 22.09.2019

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°46/2019

Dimanche 22 septembre 2019 – 25ème Dimanche du Temps ordinaire – Année C

Humeurs…

Du flou à l’interprétation…

Ouverture de la session budgétaire de l’Assemblée de la Polynésie française

DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

(Extrait)

L’accompagnement des sans domicile fixe a pris, je le regrette, du retard sur les objectifs que nous nous étions fixés, en raison de problèmes de maitrise foncière.

En accord avec la commune de Papeete, et je tiens à remercier le maire pour la mise à disposition du terrain, nous allons procéder à la reconstruction du centre de jour qui accueille actuellement les associations Te Vai’ete et Te Torea sur l’actuel terrain de Vaininiore, derrière la caserne des pompiers. Cette opération se doublera d’une résorption de l’habitat insalubre du quartier. Les esquisses confiées à TNAD ont été engagées.

Dans l’attente de la construction de cette nouvelle infrastructure, le centre de jour sera transféré dans un local situé sur le boulevard d’Alsace, derrière la librairie Archipels. Nous sommes en négociation avec l’actuel propriétaire pour l’acquisition, ou à défaut la location de cet espace.

Le centre d’hébergement d’urgence de Tipaerui va, lui, être rafraichi et mis aux normes dans l’attente d’identifier une nouvelle assise foncière pour une nouvelle construction.

Enfin, les discussions ont repris avec le nouveau président de l’Église protestante Maohi pour fixer les conditions de la construction et de l’exploitation d’un foyer de jeunes travailleurs sur un terrain de l’église à Paofai, face au foyer de jeunes filles. Dans l’attente, et avec le concours de l’OPH, un foyer transitoire sera réalisé dans le bâtiment numéro 5 de la cité Grand à Pirae, ensemble immobilier transféré par l’État dans le cadre du CRSD.

19 septembre 2019

Jeudi, lors du discours d’ouverture de la session budgétaire de l’Assemblée de Polynésie, le Président du Pays est revenu sur les « intentions » d’action du Pays pour les populations en grande précarité et à la rue. Déplorant un retard lié à des problèmes fonciers, il a repris l’ensemble des propositions du Centre de jour au Centre d’accueil de nuit en passant par le Foyer des jeunes travailleurs.

Dans son discours, plein d’espérance, certains passages peuvent conduire à des interprétations erronées… et certains médias si sont laissé prendre !!!

Ainsi Tahiti News titrait le soir même : « SDF : le Pays financera la reconstruction de Te Vai’ete »… Le propos du Président concerne le Centre de Jour de l’association Te Torea. Il est vrai que la phrase : « nous allons procéder à la reconstruction du centre de jour qui accueille actuellement les associations Te Vai’ete et Te Torea sur l’actuel terrain de Vaininiore » peu prêter à confusion !

Nous avons déjà dit que pour nous, il n’est pas envisageable de construire l’Accueil dans une zone à forte densité de population, qui plus est, elle-même en grande précarité aussi ! Quant au local provisoire derrière la Librairie Archipel, il s’agit du Centre de jour et non de l’Accueil Te Vai-ete. Il est vrai que le fait que l’article soit partagé sur la page facebook « Edouard Fritch » peut ajouter à la confusion !

Toujours est-il que l’Accueil Te Vai-ete pour l’instant est toujours en recherche de fond… les dons actuels couvrent un peu moins des 10% du projet total de 150 millions…

Quant au terrain, après celui du Cercle des Anciens Marins impossible à obtenir, un autre a été suggéré mais refusé majoritairement, semble-t-il, en Conseil des Ministres !

Nous ne baissons pas les bras… nous y croyons !

Laissez-moi vous dire…

Samedi 21 septembre : Fête de Saint Matthieu

Économie et justice sociale : le Pape assume les choix de l’Église

Jésus ne craint jamais les critiques. Nous le voyons dans deux textes d’évangile proposés ce week-end.

Le premier, à l’occasion de la fête de Saint Matthieu, nous montre Jésus choisissant ce publicain collecteur d’impôts comme disciple. Ô scandale pour les juifs de stricte observance ! Pire Jésus va manger chez Matthieu avec d’autres publicains. Jésus rétorque : « Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. » (Matthieu 9,13a)

Ce dimanche (25ème du Temps Ordinaire) l’Évangile de Luc donne l’impression que Jésus vante les qualités d’un intendant malveillant qui a abusé des biens de son patron. « Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête -dit Jésus – car il avait agi avec habileté ; en effet, les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière ». Mais la suite nous rassure par une conclusion sans appel : « Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. » (Luc 16,13) Évidemment « les pharisiens, qui aimaient l’argent, tournaient Jésus en dérision. » (Luc 16,14)

Le Pape a été pris à partie lors de son voyage retour après sa visite au Mozambique, à Madagascar et à l’île Maurice. En effet, lors du voyage aller, un journaliste français (1), correspondant du journal La Croix, avait offert au Saint Père son nouveau livre dans lequel il affirme qu’une frange du catholicisme américain est très opposée au pape argentin, en raison de ses critiques du libéralisme économique. Évidemment les journalistes américains présents dans l’avion ont questionné François sur sa perception de ces critiques et sur les risques de schismes qu’elles pourraient entraîner.

Le Pape avec son humour habituel a répondu : « Pour moi, c’est un honneur que les Américains m’attaquent ». Puis, plus sérieusement, « Les critiques ne viennent pas seulement des Américains, il y en a un peu partout, aussi à la Curie, a reconnu François. Au moins, ceux qui les disent ont l’avantage de l’honnêteté de les dire »Concernant un possible schisme, il affirme : « Moi, je n’ai pas peur des schismes, je prie pour qu’il n’y en ait pas ». Un schisme, a t-il observé, est toujours « un détachement élitiste provoqué par une idéologie détachée de la doctrine ». Une morale rigide peut déclencher « de possibles voies chrétiennes pseudo-schismatiques, qui finiront mal ». Le Pape a donc souligné qu’il faut « être doux avec les personnes qui sont tentées par ces attaques, car elles sont en train de traverser un problème. Nous devons les accompagner avec douceur », a t-il conclu. [Source : Vatican News/Journal du 12/09/2019]

Quant à ceux qui le considèrent comme « trop communiste », il répond : « Les choses sociales que je dis, sont les mêmes que ce qu’avait dit Jean Paul II. La même chose ! ». François ne cache pas son opposition au libéralisme économique dérégulé. On peut relire son exhortation Evangelii gaudium [la joie de l’Évangile] (2013) où il dénonce une « économie de l’exclusion » portée par une « nouvelle idolâtrie de l’argent ». Il y dénonce également « une exagération de la consommation » et y rejette les théories du « ruissellement » selon lesquelles la croissance économique permet une plus grande équité. En 2008, il approuve la publication du document Œconomicae et pecunariae questiones [Considérations pour un discernement éthique sur certains aspects du système économique et financier actuel] (2) qui dénonce un système économique et financier « égoïste » qui subit l’influence croissante des marchés.

Le Pape émérite, Benoît XVI a mené une réflexion similaire dans son Encyclique Caritas in veritate [l’Amour dans la vérité]. « L’activité économique ne peut résoudre tous les problèmes sociaux par la simple extension de la logique marchande. Celle-là doit viser la recherche du bien commun, que la communauté politique d’abord doit aussi prendre en charge. C’est pourquoi il faut avoir présent à l’esprit que séparer l’agir économique, à qui il reviendrait seulement de produire de la richesse, de l’agir politique, à qui il reviendrait de rechercher la justice au moyen de la redistribution, est une cause de graves déséquilibres.

L’Église a toujours estimé que l’agir économique ne doit pas être considéré comme antisocial. Le marché n’est pas de soi, et ne doit donc pas devenir, le lieu de la domination du fort sur le faible. (…) ». [Source : Benoît XVI, CARITAS IN VERITATE, n°36, 29 juin 2009]

Notre Pape François est doté d’une grande force morale et d’une foi inébranlable, mais il a besoin du soutien de nos prières.

Dominique SOUPÉ

1  SENEZE Nicolas, Comment l’Amérique veut changer de pape, Editions Bayard, 2019

2  Congrégation pour la Doctrine de la Foi / Dicastère pour le Service du Développement Intégral, Œconomicae et pecunariae questiones [Considérations pour un discernement éthique sur certains aspects du système économique et financier actuel], publié le 6 janvier 2018. On peut le consulter à l’adresse suivante : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/

© Cathédrale de Papeete – 2019

En marge de l’actualité…

« Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs » (Matthieu 9,13)

Jésus peut sembler déconcertant quelques fois.

Ainsi, dans l’évangile [Matthieu 9,9-13] qui nous est proposé samedi 21 septembre pour la fête de Saint Matthieu, Jésus, sortant de Capharnaüm voit un homme assis à son bureau de collecteur d’impôts. Il s’agit de Matthieu, bien connu de la population qui le place au rang des pécheurs publics. Et pourtant, Jésus lui dit : « Suis-moi ». Ce juif, frappé d’un interdit religieux en raison de sa profession, répond sans hésiter à cet appel incroyable « en abandonnant tout », déclarera Saint Luc [Luc 5, 28]. Jésus ira même jusqu’à manger chez Matthieu ! Un publicain devenu disciple de Jésus, quel scandale ! Quelle leçon de miséricorde !

Un autre passage de l’Écriture nous surprend tout autant. Cette fois, il s’agit de l’évangile de dimanche où Jésus semble nous donner en exemple un intendant malhonnête (cf. Luc 16,1-13). Il faut reconnaître que ce gérant s’est bien débrouillé car, mis à la porte par son patron pour malversation dans la gestion de ses biens, il se lie d’amitié avec les débiteurs de son maître en falsifiant leurs reçus de dettes. Et Jésus de déclarer : « Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté ; les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière ».

En fait Jésus porte un regard de lucidité sur l’habileté des hommes à abuser de la prodigalité de ceux qui les emploient et leur font confiance : abus de pouvoir, détournement de fonds … « Faites-vous des amis avec de l’argent malhonnête… » Jésus s’appuie sur des travers du monde pour nous inviter à redresser notre conduite et à vivre en « fils de lumière ». En effet, Jésus le dit : « Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs ».

Rendons grâce à Dieu pour sa miséricorde envers les pécheurs que nous sommes.

Dominique Soupé

© Archidiocèse de Papeete - 2019

Audience générale

Seul ce qui porte la signature de Dieu perdure

François a poursuivi sa série de catéchèses sur les Actes des Apôtres en se penchant ce mercredi sur les critères de discernement du sage Gamaliel. Le Pape a souligné que les projets humains pouvaient faillir au contraire de ceux qui portaient la signature de Dieu, destinés à durer.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons la catéchèse sur les Actes des apôtres. Devant l’interdiction des juifs d’enseigner au nom du Christ, Pierre et les apôtres répondent courageusement qu’ils ne peuvent pas obéir à ceux qui veulent mettre fin au voyage de l’Évangile dans le monde.

Les Douze montrent ainsi qu’ils possèdent cette « obéissance de la foi » qu’ils voudront par la suite susciter en tous les hommes (cf. Rm 1,5). À partir de la Pentecôte, en effet, ce ne sont plus des hommes « seuls ». Ils font l’expérience de cette synergie particulière qui les fait se décentrer d’eux-mêmes et leur fait dire : « nous… avec l’Esprit-Saint » (Ac 5,32) ou « l’Esprit Saint et nous-mêmes » (Ac 15,28). Ils sentent qu’ils ne peuvent pas dire « je » tout seul, ce sont des hommes décentrés d’eux-mêmes. Forts de cette alliance, les apôtres ne se laissent intimider par personne. Ils avaient un courage impressionnant ! Nous pensons qu’ils étaient lâches : ils se sont tous enfuis, ils se sont enfuis quand Jésus a été arrêté. Mais, de lâches ils sont devenus tellement courageux. Pourquoi ? Parce que l’Esprit Saint était avec eux. C’est ce qui nous arrive aussi : si nous avons en nous l’Esprit saint, nous aurons le courage d’aller de l’avant, le courage de gagner de nombreux combats, non pas par nous-mêmes mais par l’Esprit Saint qui est avec nous. Ils ne font pas marche arrière, en témoins intrépides de Jésus ressuscité, comme les martyrs de tous les temps, y compris les nôtres. Les martyrs donnent leur vie, ils ne cachent pas le fait qu’ils sont chrétiens. Pensons, il y a quelques années – aujourd’hui aussi, il y en a tellement – mais pensons à il y a quatre ans, ces coptes orthodoxes chrétiens, de vrais travailleurs, sur la plage de la Libye : ils ont tous été égorgés. Mais le dernier mot qu’ils prononçaient était « Jésus, Jésus ». Ils n’avaient pas vendu leur foi, parce que l’Esprit Saint était avec eux. Ce sont les martyrs d’aujourd’hui !

Les apôtres sont les « mégaphones » de l’Esprit Saint, envoyés par le Ressuscité pour annoncer promptement et sans hésitation la Parole qui donne le salut.

Et vraiment, cette détermination fait trembler le « système religieux » juif qui se sent menacé et répond violemment et par des condamnations à mort. La persécution des chrétiens est toujours la même : les personnes qui ne veulent pas le christianisme se sentent menacées et ainsi, elles donnent la mort aux chrétiens. Mais, au milieu du Sanhédrin, s’élève la voix différente d’un pharisien qui choisit de réfréner la réaction des siens : il s’appelait Gamaliel, un homme prudent, « docteur de la loi, honoré par tout le peuple ». À son école, saint Paul a appris à observer « la Loi de nos pères » (Ac 22,3). Gamaliel prend la parole et montre à ses frères comment exercer l’art du discernement face à des situations qui dépassent les schémas habituels.

En nommant certains personnages qui s’étaient fait passer pour le Messie, il montre que tout projet humain peut d’abord trouver des appuis et faire naufrage ensuite, tandis que tout ce qui vient d’en-haut et qui porte la « signature » de Dieu est destiné à durer. Les projets humains échouent toujours ; ils ont un temps, comme nous. Pensez à tous les projets politiques, et combien ils changent d’un côté ou de l’autre, dans tous les pays. Pensez aux grands empires, pensez aux dictatures du siècle dernier : ils se sentaient très puissants, ils pensaient dominer le monde. Et puis, tout s’est écroulé. Pensez encore aujourd’hui, aux empires d’aujourd’hui : ils s’écrouleront, si Dieu n’est pas avec eux, parce que la force que les hommes ont en eux-mêmes ne dure pas. Seule la force de Dieu dure. Pensons à l’histoire des chrétiens, et aussi à l’histoire de l’Église, avec tant de péchés, tant de scandales, avec tant de choses tristes pendant ces deux millénaires. Et pourquoi ne s’est-elle pas écroulée ? Parce que Dieu est là. Nous sommes pécheurs, et bien souvent aussi nous sommes cause de scandale. Mais Dieu est avec nous. Et Dieu nous sauve en premier, et eux ensuite ; mais le Seigneur sauve toujours. La force est « Dieu avec nous ». En nommant certains personnages qui s’étaient pris pour le Messie, Gamaliel montre que tout projet humain peut d’abord trouver des appuis et ensuite faire naufrage. C’est pourquoi Gamaliel conclut que, si les disciples de Jésus de Nazareth ont cru à un imposteur, ils sont destinés à disparaître dans le néant ; si au contraire ils suivent quelqu’un qui vient de Dieu, mieux vaut renoncer à les combattre ; et il avertit : « Ne risquez donc pas de vous trouver en guerre contre Dieu ! » (Ac 5,39). Il nous enseigne à faire ce discernement.

Ce sont des paroles posées et prévoyantes, qui permettent de voir l’événement chrétien dans une lumière nouvelle et qui offrent des critères qui « ont un goût d’Évangile », parce qu’ils invitent à reconnaître l’arbre à ses fruits (cf. Mt7,16). Elles touchent les cœurs et obtiennent l’effet désiré : les autres membres du Sanhédrin suivent son avis et renoncent à leurs intentions de mort, c’est-à-dire à tuer les apôtres.

Demandons à l’Esprit Saint d’agir en nous pour que, personnellement et communautairement, nous puissions acquérir l’‘habitus’ du discernement. Demandons-lui la grâce de savoir toujours voir l’unité de l’histoire du salut à travers les signes du passage de Dieu dans notre temps et sur les visages de ceux qui sont à côté de nous, pour que nous apprenions que le temps et les visages humains sont des messagers du Dieu vivant.

© Libreria Editrice Vaticana - 2019

Entretien

« Il faut sortir la psychiatrie de l’hôpital »

La députée LFI Caroline Fiat, qui a présenté mercredi 18 septembre avec Martine Wonner (LREM) un rapport consacré à la santé mentale, préconise de développer la psychiatrie ambulatoire afin d’éviter notamment de trop nombreux internements sans consentement.

La Croix : Dans votre rapport, vous évoquez une prise en charge psychiatrique « catastrophique ». Pour quelles raisons ?

Caroline Fiat : Parce qu’on tarde énormément à prendre en charge les patients. Il faut souvent attendre six mois avant d’obtenir un rendez-vous dans un centre médico-psychologique. Un délai qui peut grimper jusqu’à deux ans pour un enfant ou un adolescent. En clair, on laisse souvent s’aggraver la situation jusqu’à ce que le malade vive une crise et qu’alors, son état appelle un internement qui aurait pu être évité si l’on avait agi en amont. C’est un peu comme si un service de cardiologie n’accueillait les patients qu’une fois qu’ils ont été victimes d’un infarctus.

J’ajoute que ces dysfonctionnements conduisent à un recours excessif à l’hospitalisation sans contentement. C’est d’ailleurs souvent le seul moyen d’obtenir un lit pour un malade.

La Croix : Que suggérez-vous ?

Caroline Fiat : Nous proposons de sortir la psychiatrie de l’hôpital, en réaffectant, d’ici à 2030, 80 % des moyens dans des structures ambulatoires. Il n’est pas normal d’avoir des centres médico-psychologiques ouverts uniquement du lundi au vendredi aux horaires de bureau. Il n’est pas normal de ne pas savoir vers qui se tourner quand, à 23 heures ou le week-end, on est en proie à des pensées suicidaires.

Avant de rédiger ce rapport, nous nous sommes déplacées notamment à Trieste, en Italie, où dans chaque grand quartier, des centres sont ouverts 24 heures sur 24, avec des personnels en nombre et des équipes mobiles qui se déplacent, par exemple lorsque la famille les alerte sur le fait que le patient ne prend plus ses médicaments. Ce devrait être notre modèle.

En France, on avait commencé à développer la psychiatrie ambulatoire, mais un tragique fait divers – le double meurtre d’une aide-soignante et d’une infirmière par un ancien patient à Pau, en 2004 – a conduit les autorités d’alors à stopper ce mouvement.

La Croix : Les enjeux de santé mentale sont-ils sous-estimés en France ?

Caroline Fiat : La psychiatrie a toujours été le parent pauvre de la médecine. Si les dépenses globales de santé augmentent cette année de 2 %, les siennes ne progressent que de 0,8 %. Une hausse qui se fait d’ailleurs en trompe l’œil, car le nombre de patients grimpe au moins aussi fortement en raison de l’accroissement et du vieillissement de la population. Au-delà des moyens financiers, nous réclamons d’ailleurs la création d’une agence nationale chargée des politiques de santé mentale, sur le modèle de l’Institut national du cancer.

© La Croix – 2019

Témoignage

Le père des enfants de personnes

Le père Renato Chiera se définit lui-même comme un prêtre de rue qui essaie d'être chrétien dans les banlieues du monde aux côtés de ceux qui ne sont aimés de personne. Œuvrant depuis 1978 dans les favelas du Brésil, le missionnaire italien a fondé la « Casa do minor » en 1986

Renato Chiera est un agriculteur, fils d'agriculteurs. Il est né il y a 77 ans dans une famille pauvre mais unie, de huit enfants. Il vient de Roracco, une petite ville du Piémont, en Italie. « À l'âge de 8 ans, dit-il, je voulais être comme le petit Jean Bosco ». À 12 ans, il entre au séminaire pour devenir prêtre. Il voulait vivre pour les autres. Dès son ordination, il sentait que son cœur était « agité », qu'il voulait de « l'espace » dans le monde. « J'ai eu le privilège de vivre le pré-Concile, le Concile et l'après-Concile. Je me sentais un peu à l’étroit dans mon diocèse. Je rêvais d'horizons plus larges ». L'évêque de Mondovì lui suggéra d'aller comme missionnaire au Brésil, dans le diocèse de Nova Iguaçu, une grande et violente banlieue de Rio, comme prêtre Fidei Donum. C'était en 1978. Depuis lors, le cœur du père Renato bat pour le monde des rejetés et pour le Brésil.

Il abandonne sa chaire de philosophie pour entrer dans les périphéries géographiques et existentielles de la Baixada Fluminense, « attiré - révèle-t-il - par Jésus qui souffre et crie son abandon dans un peuple déraciné, désespéré et sans amour ». Il a immédiatement senti qu'il avait trouvé sa place et son Église.

Le tournant

« Je suis tombé sur le drame et la tragédie des mal-aimés, des blessés, des condamnés à la violence, à la drogue et à la mort précoce des enfants », explique le père Chiera. Des événements l'ont profondément marqué : il avait accueilli dans sa maison un adolescent, « le Pirate », quand il a été blessé et traqué par la police et qui finit par être tué contre le mur de la maison. « Je ne suis pas venu au Brésil pour être prêtre fossoyeur, mais pour sauver des vies », dit-il avec un sentiment d'impuissance.

Une autre fois, un autre garçon se présente et le met face à une réalité brutale : « dans sa paroisse en ce mois-ci, 36 jeunes garçons ont déjà été tués » et il a dit qu'il était le premier sur une liste de « marcados para morrer », ou « candidats à la mort ». « Les laisserez-vous tous nous tuer ? Personne ne fera rien ? » demande le garçon. La nuit, aux yeux du père Chiera, le visage de ce garçon est confondu avec celui de Jésus : « C’est à moi que vous l’avez fait ». Le prêtre reconnaît en ces enfants qui ne veulent pas mourir Jésus lui-même. Et pour être présence de Dieu, père et mère, famille pour ceux qui ne sont aimés de personne, une nouvelle aventure commence, difficile mais passionnante.

Les enfants abandonnés

Ces jeunes sont les enfants de nombreux abandons : de la famille, de l'école, de la société, des gouvernements et aussi des Églises. Ils sont les enfants de nombreuses absences : le fruit d'un « avortement communautaire ». Ils errent dans les rues les yeux perdus dans le néant, comme des morts-vivants, rejetés par tous, des étrangers dans leur propre pays, déracinés, sans références, sans repères, sans direction, sans rêves ni avenir. Pour eux, la route représente à la fois tout et rien. Ils sont le résultat d'une société cruelle et exclusive, qui n'aime pas, qui viole leurs droits fondamentaux, les condamne et les tue pour réduire au silence des voix qui sonnent comme des accusations.

Tout leur a été volé. Aussi le droit d'être enfants, adolescents, d'avoir un lit, de manger, de jouer, de rêver, d'avoir des perspectives et un avenir. Ils sont le miroir d'une société aux relations profondément malades. Ils sont un cri. Ils sont une photographie qui révèle le côté obscur de la société. Aujourd'hui, cependant, ces jeunes ne vivent plus dans la rue comme avant : ils recherchent la sécurité, l'appartenance et la visibilité dans le trafic de drogue. Là-bas, ils donnent leur vie et tuent, et ils sont tués : parce que c'est la loi de ces environnements criminels.

À partir de cette triste « photographie », un projet de « naissance communautaire » fait son chemin, pour leur offrir la présence d'une famille, d'amour, d'école, de profession, d'avenir, d’action et de dignité. La « Casa do menor » est née.

Pas de regrets

Le père Renato Chiera ne regrette pas d'avoir quitté la chaire de philosophie, bien au contraire. En chemin, il s'assoit à une autre chaire et apprend une autre philosophie. Il se sent réalisé comme prêtre de rue, comme prêtre des « cracolands » (ndlr : ville du crac, de la drogue) qui sont ses nouvelles cathédrales. C'est là qu'il a rencontré Dieu, qu’il a embrassé la chair vivante du Christ, qu’il s'est mis en adoration des « hosties saignantes » qui criaient à l'abandon et cherchaient une présence d'amour, de perspectives, de futur. Parfois, ils se contentent même d'un simple câlin ou d'un bonbon. Dans la rue et dans les « cracolands », le résultat et les conséquences d'une société divisée, du déclin d'une civilisation, se reconnaissent quotidiennement.

La « Casa do menor », une mère communautaire

La « Casa di menor » est maintenant présente dans quatre États du Brésil, c'est une « mère communautaire » qui n'abandonne pas les enfants des rues, mais les aide à se relever comme des enfants aimés de Dieu. En 33 ans, plus de 100 000 enfants ont été accueillis, 70 000 ont un emploi et un avenir aujourd'hui. Le père Renato dit souvent qu'il donnerait sa vie « pour sauver un seul enfant ou adolescent ».

La « Casa do menor » a déjà donné naissance à une famille de personnes consacrées appelée « Familia Vida ». Une famille pour ceux qui ne sont voulus par personne. Plusieurs membres de cette « Familia Vida » ont également été abandonnés, mais maintenant ils deviennent des pères et des mères d’abandonnés. Cette nouvelle communauté représente une garantie d'avenir pour les enfants, elle maintient en vie l'âme évangélisatrice, « mais elle ne peut se réduire à une simple ONG », dit le père Renato, en se référant aux nombreux discours du Pape François sur le rôle et la mission de l'Église.

Un acte d'amour

Derrière le cri des enfants et des jeunes, il y a un fort besoin de se sentir aimés comme des enfants. Ceux qui ne se sentent pas comme des enfants ne s'aiment pas et sont prêts à tout détruire et à se détruire eux-mêmes. Par conséquent, ils ne peuvent pas être parents ou construire des perspectives d'avenir. La « Casa do menor » essaie de capter le cri de ceux qui ne se sentent pas aimés en leur donnant un foyer, une famille, un travail et ensuite la possibilité de s'intégrer dans la société et dans le monde du travail. Dans les maisons familiales, beaucoup de jeunes sont capables de se régénérer vraiment dans leur rencontre avec Dieu qui est amour, une présence fidèle qui n'abandonne jamais.

Le père Chiera se souvient d'un jeune homme blessé à la tête : son père a essayé de le tuer en l’enfermant dans une bouche d'égout, dans la rue. Il a été accueilli dans la « Casa do menor ». Un jour - c'était la fête des mères - il voulait rendre visite à sa mère. « Je peux y aller ? » demanda-t-il au père Renato. «  Je lui ai acheté une chemise, parce que je l'aime ». Quand il est revenu, il était très triste : sa mère était morte. « Je n'ai plus personne », dit-il. Puis, donnant la chemise au prêtre, il ajouta : « C’est toi ma mère ».

Quand vous demandez au père Renato de vous parler des jeunes qui un jour ont réussi à se sentir comme des enfants aimés dans la « Casa do menor », le prêtre devient une source inépuisable d'histoires. Pendant des heures, par exemple, il vous raconte ses rencontres avec un jeune homme impliqué dans le trafic de drogue dans les quartiers de Rio. Pendant six ans, il est allé lui rendre visite dans le cracoland où il vivait. Et puis, un jour, le garçon arrive à la « Casa do menor ». « Père, je suis là. Je veux t'aider et je veux commencer une nouvelle vie ». Aujourd'hui, il est membre de la « Familia Vida », responsable d'une communauté de « moradores de rua », les sans-abri victimes de la drogue.

© Radio Vatican - 2019

Commentaire des lectures du dimanche

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, Jésus nous fait réfléchir sur deux styles de vie opposés : le style mondain et le style de l’Évangile. L’esprit du monde n’est pas l’esprit de Jésus. Et il le fait à travers le récit de la parabole de l’administrateur infidèle et corrompu, qui est loué par Jésus malgré sa malhonnêteté (cf. Lc 16,1-13). Il faut préciser tout de suite que cet administrateur n’est pas présenté comme un modèle à suivre, mais comme un exemple de fourberie. Cet homme est accusé de la mauvaise gestion des affaires de son maître et, avant d’être renvoyé, il cherche habilement à s’attirer la bienveillance des débiteurs, en leur remettant une partie de leur dette pour assurer ainsi son avenir. En commentant ce comportement, Jésus observe : « Les fils de ce monde-ci sont plus avisés envers leurs propres congénères que les fils de la lumière » (v. 8).

Nous sommes appelés à répondre à cette ruse mondaine par la ruse chrétienne, qui est un don de l’Esprit Saint. Il s’agit de s’éloigner de l’esprit et des valeurs du monde, qui plaisent tant au démon, pour vivre selon l’Évangile. Et la mondanité, comment se manifeste-t-elle ? La mondanité se manifeste par des attitudes de corruption, de tromperie, d’abus, et constitue la voie la plus fausse, la voie du péché, parce que l’une te conduit à l’autre ! C’est comme une chaîne, même si — c’est vrai — c’est la voie la plus commode à parcourir, généralement. Au contraire, l’esprit de l’Évangile exige un style de vie sérieux — sérieux mais joyeux, plein de joie ! —, sérieux et difficile, caractérisé par l’honnêteté, la correction, le respect des autres et de leur dignité, le sens du devoir. C’est cela, la ruse chrétienne !

Le parcours de la vie comporte nécessairement un choix entre deux chemins : entre honnêteté et malhonnêteté, entre fidélité et infidélité, entre égoïsme et altruisme, entre bien et mal. On ne peut pas osciller entre l’un et l’autre, car ils suivent des logiques différentes et opposées. Le prophète Elie disait au peuple d’Israël qui marchait sur ces deux chemins : « Mais vous boitez des deux pieds ! » (cf. 1R 18,21). C’est une belle image. Il est important de décider quelle direction prendre et puis, une fois le juste chemin choisi, de marcher avec élan et détermination, en se confiant à la grâce du Seigneur et au soutien de l’Esprit. La conclusion du passage évangélique est forte et catégorique : « Nul serviteur ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre » (Lc 16,13).

À travers cet enseignement, Jésus nous exhorte aujourd’hui à faire un choix clair entre l’esprit du monde et Lui, entre la logique de la corruption, de l’abus et de l’avidité et celle de la rectitude, de la douceur et du partage. Certains se comportent avec la corruption comme avec les drogues : ils pensent pouvoir l’utiliser et arrêter quand ils veulent. On commence par peu de choses: un pourboire par-ci, un pot-de-vin par-là... Et entre l’un et l’autre, lentement, on perd sa liberté. La corruption aussi produit une accoutumance, et engendre la pauvreté, l’exploitation, la souffrance. Combien de victimes y a t-il aujourd’hui dans le monde ! Combien de victimes de cette corruption répandue. Quand, en revanche, nous cherchons à suivre la logique évangélique de l’intégrité, de la limpidité dans les intentions et dans les comportements, de la fraternité, nous devenons artisans de justice et nous ouvrons des horizons d’espérance pour l’humanité. Dans la gratuité et dans le don de nous-mêmes à nos frères, nous servons le maître juste : Dieu.

Que la Vierge Marie nous aide à choisir en toute occasion et à tout prix le chemin juste, en trouvant également le courage d’aller à contre-courant, pour suivre Jésus et son Évangile.

© Libreria Editice Vaticana – 2016