Pko 17.11.2019
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°56/2019
Dimanche 17 novembre 2019 – 33ème Dimanche du Temps ordinaire – Année C
Journée mondiale des pauvres… petite parabole ilienne*…
C’était un jeudi, veille de long week-end, dans une petite île lointaine, appelée « Cythère » un homme se présenta à l’hôpital. Ces deux jambes enflées, présentant des lésions ainsi qu’une grosse masse inguinale. Faute de couverture sociale (?), il ne put être pris en charge ! Et voilà le quinquagénaire1 qui s’en retourna en ville, dormant comme à son habitude dans la rue, sa douleur avec lui !
Il lui fallut attendre jusqu’au mardi suivant pour se présenter à un médecin privé qui ne put que constater la situation, faire un courrier pour une éventuelle prise en charge par un service public !
Quelque peu perdu, marchant difficilement, il alla frapper à la « porte des miracles » de la ville, espérant un ultime secours. Que faire ? Le réseau des hommes de bonne volonté fut activé… appel au médecin privé d’une clinique voisine pour une première prise en charge… le médecin appela les pompiers et l’ambulance pour le faire transporter jusqu’à l’hôpital… mais ils se renvoyèrent la balle et personne ne voulut le prendre en charge ! Alors, notre bon médecin, lui fit une perfusion pour apaiser la douleur et demanda à la radiologie voisine et privée une radiographie à titre gracieuse pour affiner le diagnostic… ce qu’elle fit !
Diagnostic établit, il fut prescrit des antibiotiques pour un premier soin d’urgence à la charge du « bureau des miracles » puisque pas de couverture sociale ! Et notre ami reparti dans la rue !
Entre temps, contact fut pris avec les instances du service public… celui-ci s’enquérait de savoir si la personnes était passé à l’hôpital… mais rien puisqu’il n’avait été pris en charge !… L’envoi de courriels par le responsable du « bureau des miracles » quelque peu acerbe à l’instance publique, lui valurent une réponse des plus étonnante : « Je ne suis pas à vos ordres, je veux bien rendre service, mais dans un climat de sérénité, sans agressivité… » Colère tout à fait compréhensible à un détail près… le service rendu l’est par le « bureau des miracles » et le secteur privé de la santé mais pas par le « service public » !!!
Aujourd’hui encore, dans les rues de cette même petite île lointaine, très chrétienne, plus d’une cinquantaine de sans abri vivent sans aucune couverture sociale parce que la sainte administration en a décidé ainsi ! Et le nombre ne cesse d’augmenter !
Mais rassurez-vous, Noël approche ! Le soir venu, la ville vidée de la foule, dans un petit parc du centre, on réunit les amis de la rue pour leur promettre une embauche… bien sûr si l’on est réélu… et les gouvernants de cette petite île lointaine s’activent déjà pour les fêtes de fin d’année : un repas sera servi au sans-abri à l’approche de Noël. Histoire d’ensuite aller passer les fêtes en famille à l’étranger la conscience tranquille !
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* Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existés serait purement fortuite.
1 Trois semaine plutôt, la sœur de ce quinquagénaire, à la rue elle aussi, était décédée !
Message du pape François aux pèlerins de Fratello
Message du pape François aux pèlerins de Fratello à Lourdes pour la 3ème Journée mondiale des Pauvres
« J’ai besoin de vous… vous êtes le trésor de l’Église »
Alors que chez nous, certains chrétiens subissent les pauvres de nos rues : « Ça fait 20 ans que nous les avons sur la paletot »… Le Pape leur renouvelle sa confiance : « Frères et sœurs, j'ai besoin de vous, de chacun de vous.… vous êtes le trésor de l'Église »… à méditer !!!
Chers pèlerins de Fratello,
bienvenus à Lourdes pour cette 3ème journée mondiale des pauvres. C'est Marie qui nous accueille ici. Elle est l'Immaculée ! Elle est apparue à Bernadette, une pauvre bergère. C'est une bonne nouvelle pour nous qui nous reconnaissons pauvres et petits : « Ce que Dieu a caché aux sages et aux savants, Il l'a révélé aux plus petits. » Dieu veut révéler à chacun sa douce présence.
Frères et sœurs, j'ai besoin de vous, de chacun de vous. Vous, qui êtes au pied de la Croix, peut-être seuls, isolés, abandonnés, sans toit, contraints d'abandonner votre famille ou votre pays, victimes de l'alcool, de la prostitution, de la maladie. Soyez conscients que Dieu vous aime. Dieu écoute en particulier votre prière. Le monde souffre et votre prière émeut le Seigneur.
Vous qui êtes petits, vous êtes pauvres, fragiles, vous êtes le trésor de l'Église. Vous êtes dans le cœur du Pape, dans le cœur de Marie, dans le cœur de Dieu. Chaque fois que votre vie a été frappée, maltraitée, offensée, c'est Jésus qui a été frappé, maltraité, offensé.
Aujourd'hui, le Pape veut vous consoler, il cherche à vous donner une consolation, vous dire qu'il vous aime et à vous inviter à retourner à la source. Priez : Et pour ceci, recevez Marie en vous, blottissez-vous auprès d'elle. Elle est la porte de l'Église qui est ouverte. Elle a entièrement accueilli l'Esprit saint. Elle nous donne Jésus et nous conduit à Lui. Priez, suppliez Dieu, demandez-Lui qu'il entre dans notre vie : « Seigneur, viens aimer en moi, pour que j'aime comme toi. »
Demandez à Dieu de diffuser sa douce compassion dans le monde entier. Vivez les sacrements. L'Église vous propose de vivre les sacrements ; ce sont des cadeaux.
Vous voulez être chrétiens ? Demandez le baptême.
Je vous invite à découvrir d'une façon spéciale la confession, le sacrement du pardon, dans lequel Dieu nous montre sa tendresse et nous libère.
Vivez l'Eucharistie pour accueillir Dieu lui-même dans votre corps et dans votre âme.
Vivez aussi le sacrement de l'onction des malades, qui a tant de valeur pour ceux d'entre vous qui sont blessés dans leur corps ou dans leur esprit.
Vivez la charité parmi vous : il n'y a personne assez pauvre pour n'avoir rien à donner. Demandons au Saint-Esprit, l'Esprit d'Amour, d'inspirer des actes de charité, de bienveillance envers ceux qui nous entourent.
L'amour sauve le monde et Dieu veut passer par nous pour sauver le monde.
Enfin, quand vous rentrerez, n'allez pas comme vous êtes venus. Retournez avec l'espérance, soyez témoins de l'amour de Dieu autour de vous. Racontez au monde quel est votre trésor : Jésus. Allez avec Marie, afin qu'elle fasse de vous des apôtres de la tendresse de Dieu. Le Pape vous aime et se confie en vous.
Je vous bénis tous, que le Saint-Esprit vous renouvelle tous pour son amour ! Amen
Pape François
© Libreria Editrice Vaticana – 2019
Laissez-moi vous dire…
17 novembre 2019 : 3ème Journée mondiale des Pauvres
« Tu sais ? Tu es beau aux yeux de Dieu… »
Les « PAUVRES » !? Il y a ceux qui en parlent et ne font rien ; ceux qui font et ne disent rien. Et puis il y a ceux qui vivent des situations de pauvreté et qui soutiennent, encouragent celles et ceux qui sont dans la même galère qu’eux.
Pauvreté au niveau matériel : Avec 114 F CFP [environ 1 euro ou 1,1 $ US] tu achètes : 2 baguettes de pain à Tahiti ; un demi-pain à Londres ; un massage des pieds à Cebu (Philippines) ; une bonne portion de riz en Inde du Sud ; 5 sachets de nouilles au Vietnam ; une galette de maïs à Bogota ; une papaye au Costa-Rica… Encore faut-il avoir 1 euro en poche !
Pauvreté au niveau affectif : l’orphelin en Polynésie ou en Mélanésie trouve -en général- une famille d’accueil, des fetii qui sauront l’aider et le soutenir. Dans les camps de réfugiés syriens : c’est déjà plus compliqué, surtout quand les fratries ont été disloquées, dispersées et que les Pays d’accueil (quand il y en a) rejettent ces « envahisseurs » ! Sans oublier les enfants abandonnés ou vendus par leur propre famille ! Pire encore : ces jeunes filles contraintes à la prostitution…
Pauvreté d’ordre spirituel : toutes ces victimes des guerres qui ont détruit leurs lieux de culte, massacrés leurs responsables religieu … Et pourtant, ils gardent l’espérance, le peu de lumière qui subsiste en leur âme !
Pauvreté au niveau socio-culturel : c’est souvent la plus pénible à vivre, se sentir étranger, illettré, marginalisé, regardé comme une bête curieuse, un paria voire un « voleur et profiteur ».
J’ai eu le bonheur de vivre la pauvreté dans une famille qui n’a jamais désespéré. « Aide-toi et le ciel t’aidera », aurait pu être sa devise. La Providence a fait que j’ai « débarqué » dans une école catholique de quartier qui accueillait sans distinction : enfants pauvres, orphelins de guerre, fils de riches marchands de champagne ou de médecins ou de propriétaires agricoles, fils d’immigrés (Polonais, Portugais, Italiens…). Grâce au port obligatoire de la blouse grise (ou bleue) on pouvait mettre dessous des vêtements rapiécés ou de jolis tricots… ça ne se voyait pas. Les enseignant(e)s étaient peu payé(e)s mais ils (elles) aimaient les enfants et savaient leur donner le sens de l’espérance et de la solidarité. À aucun moment je n’ai eu honte d’être enfant pauvre. Il est vrai que ma maman qui, très jeune, avait été domestique chez un couple de médecins, a su m’apprendre à me comporter dans des milieux bourgeois. Partout où j’ai été invité et accueilli je me suis senti relativement à l’aise. Contrairement aux riches « parvenus » dont les parents avaient connu la misère, ce sont les familles traditionnellement très riches qui me mettaient le plus à l’aise sans être condescendantes ni obséquieuses.
Mes parents m’ont appris à ne jamais avoir honte de ma condition, être toujours vrai, être respectueux même à l’égard des irrespectueux. Ayant perdu deux enfants en bas âge [un petit-frère décédé à l’âge d’un an d’une méningite ; le second à l’âge de neuf mois d’une toxicose] ils auraient pu sombrer dans la désespérance ; mais non, soutenus par une religieuse discrète et bienveillante, ils ont refait surface et « espérer contre toute espérance ».
Le thème choisi par le Pape François pour la Journée Mondiale des Pauvres (aujourd’hui 17 novembre) : « L’espérance des pauvres ne sera jamais déçue » peut surprendre. En fait c’est une conviction profonde qui doit nous guider lorsqu’on veut aider les « pauvres » de tous types. Mère Teresa, Vincent de Paul, Anne-Marie Javouhey, Jean-Baptiste de La Salle, Jeanne Jugan… l’ont tous compris. Les pauvres n’ont que faire de notre pitié. Ils ont besoin de réconfort, d’attention, d’aide souvent immédiate certes ; mais ils attendent que l’on entretienne en eux l’espérance.
J’entends toujours ce verset : « Un pauvre crie, le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses angoisses » (Psaume 33,7). Mais souvent, il nous revient -à nous, les chanceux, les nantis …- de crier vers le Seigneur pour les pauvres qui n’ont plus la force de le faire. Et en retour, comme le dit si bien le chant de Didier Rimaud (*) :
« Ecoute la voix du Seigneur,
Prête l’oreille de ton cœur.
Qui que tu sois
Ton Dieu t’appelle, (…)
Ecoute la voix du Seigneur,
Prête l’oreille de ton cœur.
Qui que tu sois,
Fais-toi violence,
Qui que tu sois,
Rejoins ton frère. (…) »
Rejoins ton frère, ta sœur quel(le) qu’il(elle) soit ! Tu auras gagné son cœur et fortifié son espérance quand, le regardant dans les yeux, si tu parviens avec douceur et simplicité à lui dire : « Tu sais ? T’es beau (belle) aux yeux de Dieu. Le Seigneur t’aime… » ou toute autre parole qui le(la) met debout et le(la) rend digne d’être aimé(e)…
Dominique SOUPÉ
(*) Ecoute la voix du Seigneur (X548), auteur : Didier Rimaud ; compositeur : Jacques Berthier ; éditeur : studio SM.
© Cathédrale de Papeete – 2019
En marge de l’actualité…
« Journée mondiale des pauvres »
Ce Dimanche 17 Novembre a été choisi par le Saint Père pour être la « journée mondiale des pauvres ». Cela signifie-t’il que les pauvres ne seraient l’objet de notre attention qu’un jour par an ? Nous serions alors bien loin de ce à quoi l’Évangile nous appelle. Le diacre Saint Laurent à qui l’empereur romain demandait de livrer les richesses de l’Église lui répondit en désignant des orphelins qu’il avait rassemblés près de lui : « Les trésors de l’Église, ce sont les pauvres ». Ce Dimanche, nous sommes invités à nous interroger sur le regard que nous portons sur eux et sur nos attitudes vis-à-vis d’eux. Dans la lettre qu’il a écrite pour cette occasion, le Pape François affirme que « la promotion sociale des pauvres n’est pas un engagement extérieur à la proclamation de l’Évangile, au contraire, elle montre le réalisme de la foi chrétienne et sa valeur historique. L'amour qui donne vie à la foi en Jésus ne permet pas à ses disciples de se replier dans un individualisme asphyxiant, caché dans des segments d'intimité spirituelle, sans aucune influence sur la vie sociale ».
Dans notre diocèse, nombre de fidèles sont déjà engagés à un titre ou à un autre au service des plus démunis : Te Vai ete, Truck de la miséricorde, Emauta, Secours Catholique, Ordre de Malte, etc…Mais tous, nous pouvons nous laisser éclairer par les propos du Pape François qui nous trace quelques pistes : « Chers frères et sœurs, je vous exhorte à chercher, avec chaque personne pauvre que vous rencontrez, ce dont elle a vraiment besoin ; à ne pas vous arrêter à la première nécessité matérielle, mais à découvrir la bonté qui se cache dans leur cœur, en vous faisant attentifs à leur culture et à leurs façons de s’exprimer, pour pouvoir entamer un véritable dialogue fraternel. Mettons de côté les divisions qui proviennent de visions idéologiques ou politiques, fixons le regard sur l’essentiel qui n’a pas besoin de beaucoup de mots, mais d’un regard d’amour et d’une main tendue. N’oubliez jamais que «la pire discrimination dont souffrent les pauvres est le manque d’attention spirituelle.
Bien sûr, les pauvres nous approchent aussi parce que nous leur distribuons de la nourriture, mais ce dont ils ont vraiment besoin va au-delà du plat chaud ou du sandwich que nous proposons. Les pauvres ont besoin de nos mains pour se relever, de nos cœurs pour ressentir à nouveau la chaleur de l'affection, de notre présence pour vaincre la solitude. Ils ont simplement besoin d'amour. Il faut parfois peu de choses pour redonner espérance : il suffit de s’arrêter, sourire, écouter. Pendant un jour, laissons de côté les statistiques ; les pauvres ne sont pas des chiffres attrayants pour se vanter de nos œuvres et de nos projets. Les pauvres sont des personnes à rencontrer ; jeunes ou âgés, à inviter à la maison pour partager un repas ; hommes, femmes et enfants qui attendent une parole amicale. Les pauvres nous sauvent parce qu'ils nous permettent de rencontrer le visage de Jésus-Christ. »
Dans un discours daté de Juillet 2016 et adressé à un groupe de pèlerins en grande précarité reçus en audience à Rome, le Saint Père leur donnait une mission singulière, mais tellement conforme à ce que nous enseigne le Christ : « Je vous donne la mission de prier… pour les responsables de votre pauvreté, pour qu’ils se convertissent ! Prier pour tant de riches qui s’habillent de pourpre et qui font la fête dans de grands festins, sans se rendre compte qu’à leur porte il y a beaucoup de Lazare, avides de se nourrir des restes de leur table (cf. Lc 16,19 ss). Priez aussi pour les prêtres, pour les lévites qui, en voyant cet homme battu à moitié mort, passent outre, en regardant de l’autre côté, parce qu’ils n’ont pas de compassion (cf. Lc 10,30-32). A toutes ces personnes, et aussi, certainement, à d’autres qui sont liées négativement à votre pauvreté et à tant de douleur, souriez-leur avec le cœur, désirez pour eux le bien et demandez à Jésus qu’ils se convertissent. Et je vous assure que, si vous faites cela, il y aura une grande joie dans l’Église, …(et) dans votre cœur ». Et si, ce Dimanche au moins, nous reprenions cette mission à notre compte ?
Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU
© Archidiocèse de Papeete - 2019
Audience générale
Que les époux chrétiens témoignent de l’Évangile
Lors de l’audience générale de ce mercredi 13 novembre 2019, le Pape François a poursuivi sa série de catéchèses sur les Actes des Apôtres. Il s’est arrêté sur l’étape corinthienne du voyage de saint Paul, et sur son accueil chez Priscille et Aquila, un couple généreux et disponible pour l’annonce de l’Évangile, qui constitue aussi un modèle pour aujourd’hui.
Chers frères et sœurs, bonjour !
Cette audience se fait en deux groupes : les personnes malades sont dans la Salle Paul VI – j’étais avec eux, je les ai salués et bénis ; ils sont environ 250. Ils y seront plus à l’aise à cause de la pluie – et nous ici. Mais ils nous regardent sur le grand écran. Saluons-nous tous, les deux groupes, par des applaudissements.
Les Actes des apôtres racontent qu’après son séjour à Athènes, Paul, infatigable évangélisateur, fait progresser la course de l’Évangile dans le monde. Nouvelle étape de son voyage missionnaire à Corinthe, capitale de la province romaine de l’Achaïe, une ville commerciale et cosmopolite, grâce à la présence de deux ports importants.
Comme nous le lisons au chapitre 18 des Actes, Paul trouve l’hospitalité chez un couple d’époux, Aquila et Priscilla (ou Prisca), contraints à se transférer de Rome à Corinthe après que l’empereur Claude avait ordonné l’expulsion des juifs (cf. Ac 18,2). Je voudrais ouvrir une parenthèse. Le peuple juif a beaucoup souffert dans l’histoire. Il a été chassé, persécuté… Et au siècle dernier, nous avons vu tellement, tellement de brutalités contre le peuple juif et nous étions tous convaincus que c’était fini. Mais aujourd’hui, l’habitude de persécuter les juifs commence à renaître çà et là. Frères et sœurs, ce n’est ni humain ni chrétien. Les juifs sont nos frères ! Et ils ne doivent pas être persécutés. C’est compris ? Ces époux montrent qu’ils ont un cœur rempli de foi en Dieu et généreux envers les autres, capable de faire de la place à celui qui, comme eux, se retrouve dans la condition de l’étranger. Leur sensibilité les pousse à se décentrer d’eux-mêmes pour pratiquer l’art chrétien de l’hospitalité (cf. Rm 12,13 ; Hb 13,2) et ouvrir les portes de leur maison pour accueillir l’apôtre Paul. Ainsi, ils accueillent non seulement l’évangélisateur, mais aussi l’annonce que celui-ci apporte : l’Évangile du Christ qui est « puissance de Dieu pour le salut de quiconque est devenu croyant » (Rm 1,16). Et dès lors leur maison s’imprègne du parfum de la Parole « vivante » (Hb 4, 12) qui vivifie les cœurs.
Aquila et Priscille partagent aussi avec Paul leur activité professionnelle, à savoir la construction de tentes. En effet, Paul estimait beaucoup le travail manuel et le considérait comme un espace privilégié de témoignage chrétien (cf. 1Cor 4,12), en plus d’être une manière juste de subvenir à ses besoins sans être un poids pour les autres (cf. 1Th 2,9 ; 2Th 3,8) ou pour la communauté.
La maison d’Aquila et Priscille, à Corinthe, ouvre ses portes non seulement à l’apôtre mais aussi à ses frères et sœurs dans le Christ. Paul, en effet, peut parler de la « communauté qui se rassemble dans leur maison » (1 Cor 16,19), qui devient une « maison de l’Église », une « domus ecclesiæ », un lieu d’écoute de la Parole de Dieu et de célébration de l’Eucharistie. Aujourd’hui encore, dans certains pays où il n’y a pas de liberté religieuse et où il n’y a pas de liberté des chrétiens, les chrétiens se réunissent dans une maison, un peu cachés, pour prier et célébrer l’Eucharistie. Aujourd’hui encore ces maisons existent, ces familles qui deviennent un temple pour l’Eucharistie.
Après un an et demi de permanence à Corinthe, Paul quitte cette ville avec Aquila et Priscille, qui s’arrêtent à Éphèse. Là aussi, leur maison devient un lieu de catéchèses (cf. Ac 18,26). Enfin, les deux époux retournent à Rome et ils seront les destinataires d’un magnifique éloge que l’apôtre insère dans la Lettre aux Romains. Il avait le cœur plein de gratitude, et voici ce qu’a écrit Paul sur ces deux époux, dans la Lettre aux Romains. Écoutez : « Saluez de ma part Prisca et Aquila, mes compagnons de travail en Jésus Christ, eux qui ont risqué leur tête pour me sauver la vie ; je ne suis d’ailleurs pas seul à leur être reconnaissant, toutes les Églises des nations le sont aussi. » (16,4) Combien de familles, en temps de persécution, risquent leur tête pour garder cachés ceux qui sont persécutés ! C’est le premier exemple : l’accueil familial, même dans les moments difficiles.
Parmi les nombreux collaborateurs de Paul, Aquilla et Priscille se distinguent comme des « modèles d’une vie conjugale responsable et engagée au service de toute la communauté chrétienne » et ils nous rappellent que, grâce à la foi et à l’engagement dans l’évangélisation de tant de laïcs comme eux, le christianisme est parvenu jusqu’à nous. En effet, « pour s’enraciner dans la terre du peuple, pour se développer vivement, l’engagement de ces familles était nécessaire. Mais pensez que, depuis le début, le christianisme a été préché par des laïcs. Vous aussi, les laïcs, vous êtes responsables, en vertu de votre baptême, de transmettre la foi. C’était l’engagement de nombreuses familles, de ces époux, de ces communautés chrétiennes, de fidèles laïcs qui ont offert l’“humus” à la croissance de la foi » (Benoît XVI, Catéchèses, 7 février 2007). C’est une belle phrase du pape Benoît XVI : les laïcs apportent l’humus à la croissance de la foi.
Demandons au Père, qui a choisi de faire des époux sa « véritable “sculpture” vivante » (Exhort. ap. Amoris laetitia, 11) – Je crois qu’ici il y a des jeunes mariés : écoutez votre vocation, vous devez être la véritable sculpture vivante – de répandre son Esprit sur tous les couples chrétiens pour qu’à l’exemple d’Aquila et Priscille, ils sachent ouvrir les portes de leur cœur au Christ et à leurs frères et qu’ils transforment leur maison en église domestique. Une belle expression : une maison est une Église domestique, où vivre la communion et offrir le culte d’une vie vécue avec foi, espérance et charité. Nous devons prier ces deux saints Aquila et Prisca, pour qu’ils enseignent à nos familles à être comme eux : une église domestique avec de l’humus, pour que la foi grandisse.
© Libreria Editrice Vaticana - 2019
3ème Journée mondiale des Pauvres
L’espérance des pauvres ne sera jamais déçue
Le message pour la 3ème journée mondiale des pauvres a été dévoilé le jeudi 13 juin par le Saint-Siège. François exhorte chacun à prendre le temps pour les personnes faibles et fragiles, et fustige une société où la situation des riches et des pauvres reste inchangée, « comme si l’histoire ne nous apprenais rien », observe le Pape.
1. « Le pauvre n’est pas oublié jusqu’à la fin, l’espérance des malheureux ne périt pas à jamais » (Ps 9,19). Les paroles du psaume manifestent une actualité incroyable. Ils expriment une vérité profonde que la foi parvient à imprimer avant tout dans le cœur des plus pauvres : rendre l’espérance perdue devant les injustices, les souffrances et la précarité de la vie.
Le psalmiste décrit la situation du pauvre et l'arrogance de ceux qui l’oppriment (cf. 10,1-10). Il invoque le jugement de Dieu pour rétablir la justice et vaincre l'iniquité (cf. 10,14-15). Il semble que dans ses mots, la question qui se pose au fil des siècles résonne encore aujourd’hui : comment Dieu peut-il tolérer cette disparité ? Comment peut-il permettre que le pauvre soit humilié, sans apporter son aide ? Pourquoi permet-il à ceux qui oppriment d’avoir une vie heureuse alors que leur comportement devrait être condamné face à la souffrance du pauvre ?
Au moment de la composition de ce psaume, il y avait un grand développement économique qui, comme cela arrive souvent, a également produit de forts déséquilibres sociaux. L'inégalité a généré un groupe important de pauvres, dont la situation semblait encore plus dramatique comparée à la richesse réalisée par quelques privilégiés. L'auteur sacré, observant cette situation, dresse un tableau aussi réaliste que véridique.
C'était l'époque où des personnes arrogantes et dénuées du sens de Dieu chassaient les pauvres pour s’emparer même du peu qu'ils avaient et les réduire en esclavage. Ce n'est pas très différent aujourd'hui. La crise économique n'a pas empêché de nombreux groupes de personnes de s'enrichir, ce qui apparaît souvent d'autant plus anormal que nous voyons concrètement le nombre considérable de pauvres qui manquent du nécessaire dans les rues de nos villes et qui sont parfois brimés et exploités. Les mots de l’Apocalypse me viennent à l’esprit : « Tu t'imagines : me voilà riche, je me suis enrichi et je n'ai besoin de rien ; mais tu ne le vois donc pas : c'est toi qui es malheureux, pitoyable, pauvre, aveugle et nu ! ». (Ap 3,17). Les siècles passent, mais la situation des riches et des pauvres reste inchangée, comme si l'expérience de l'histoire ne nous enseignait rien. Les paroles du Psaume ne concernent donc pas le passé, mais notre présent, mis devant le jugement de Dieu.
2. Même aujourd'hui, nous devons énumérer de nombreuses formes de nouveaux esclavages auxquelles sont soumis des millions d'hommes, de femmes, de jeunes et d'enfants. Chaque jour, nous rencontrons des familles contraintes de quitter leurs terres pour chercher des moyens de subsistance ailleurs ; des orphelins qui ont perdu leurs parents ou qui en ont été séparés violemment pour être exploités brutalement ; des jeunes à la recherche d'une réussite professionnelle, qui se voient refuser l'accès au travail en raison de politiques économiques aveugles ; des victimes de nombreuses formes de violence, de la prostitution à la drogue, et humiliées au plus intime. De plus, comment oublier les millions d’immigrés victimes de tant d’intérêts cachés, souvent instrumentalisés à des fins politiques, à qui la solidarité et l’égalité sont refusées ? Et tant de personnes sans abri et marginalisées qui errent dans les rues de nos villes ?
Combien de fois nous voyons les pauvres dans les déchetteries récolter les fruits du gaspillage et du superflu, pour y trouver de quoi se nourrir ou s’habiller ! Devenus eux-mêmes partie d’une décharge humaine, ils sont traités comme des ordures, sans qu’aucun sentiment de culpabilité n’affecte ceux qui sont complices de ce scandale. Souvent considérés comme des parasites de la société, on ne pardonne pas même aux pauvres leur pauvreté. Le jugement est toujours aux aguets. Ils ne peuvent pas se permettre d'être timides ou découragés, ils sont perçus comme menaçants ou incapables, simplement parce qu'ils sont pauvres.
Le drame dans le drame, c’est qu’ils ne sont pas autorisés à voir la fin du tunnel de la misère. Nous en sommes même arrivés à théoriser et à mettre en œuvre une architecture hostile afin de se débarrasser de leur présence même dans la rue, dernier lieu d'accueil. Ils errent d’une partie de la ville à l’autre, dans l’espoir de trouver un travail, une maison, de l’affection… Chaque possibilité offerte devient une lueur d’espoir ; pourtant, même là où la justice devrait s’inscrire, elle s’attaque souvent à eux avec violence et maltraitance. Ils sont obligés de passer des heures interminables au soleil brûlant pour récolter les fruits de la saison et en sont récompensés par un salaire dérisoire ; ils n'ont aucune sécurité d'emploi ni de conditions humaines qui leur permettent de se sentir égaux aux autres. Pour eux, il n’y a pas de chômage ni d’indemnité, ni même la possibilité d’être malade.
Le psalmiste décrit avec un réalisme cru l’attitude des riches qui s’attaquent aux pauvres : « à l'affût, bien couvert, comme un lion dans son fourré, à l'affût pour ravir le malheureux, il ravit le malheureux en le traînant dans son filet » (Ps 10,9). Comme si pour eux c'était une chasse, où les pauvres sont traqués, pris et réduits en esclavage. Dans de telles conditions, le cœur de nombreuses personnes se ferme et le désir de devenir invisible prend le dessus. En bref, nous reconnaissons une multitude de pauvres souvent traités par des discours et supportés avec agacement. Ils deviennent comme transparents et leur voix n'a plus de force ni d’importance dans la société. Ces hommes et ces femmes sont de plus en plus étrangers de nos maisons et marginalisés dans nos quartiers.
3. Le contexte décrit par le Psaume est empreint de tristesse à cause de l'injustice, la souffrance et l'amertume qui affectent les pauvres. Malgré cela, il offre une belle définition du pauvre. Il est celui qui “fait confiance au Seigneur” (cf. v.11), car il a la certitude qu'il ne sera jamais abandonné. Le pauvre, dans les Écritures, est l'homme de la confiance ! L'auteur sacré donne également la raison de cette confiance : il “connaît son Seigneur” (cf. ibid.), et dans le langage biblique, ce “connaître” indique une relation personnelle d'affection et d'amour.
Nous sommes confrontés à une description vraiment impressionnante à laquelle nous ne nous attendions pas. Cela ne fait cependant qu'exprimer la grandeur de Dieu lorsqu'il se trouve devant une personne pauvre. Sa force créatrice dépasse toutes attente humaine et se concrétise dans la “mémoire” qu'il a de cette personne concrète (cf. v.13). C'est précisément cette confiance dans le Seigneur, cette certitude de ne pas être abandonné, qui appelle à l'espérance. Le pauvre sait que Dieu ne peut pas l’abandonner ; c'est pourquoi il vit toujours en présence de ce Dieu qui se souvient de lui. Son aide va au-delà de la condition actuelle de souffrance pour tracer un chemin de libération qui transforme le cœur, car il le soutient au plus profond.
4. La description de l'action de Dieu en faveur des pauvres est un refrain permanent dans les Saintes Écritures. Il est celui qui “écoute”, “intervient”, “protège”, “défend”, “rachète”, “sauve”... Bref, un pauvre ne pourra jamais trouver Dieu indifférent ou silencieux face à sa prière. Dieu est celui qui rend justice et n'oublie pas (cf. Ps. 40,18 ; 70,6) ; en effet, il est pour lui un refuge et il ne manquera pas de lui venir en aide (cf. Ps. 10,14).
De nombreux murs peuvent être construits et les entrées peuvent être bloquées pour avoir l’illusion de se sentir en sécurité avec ses richesses au détriment de ceux qu’on laisse dehors. Ce ne sera pas comme ça pour toujours. Le “jour du Seigneur”, tel que décrit par les prophètes (cf. Am 5,18 ; Is 2-5 ; Jl 1-3), détruira les barrières créées entre les pays et remplacera l'arrogance de quelques-uns par la solidarité de beaucoup. La condition de marginalisation par laquelle des millions de personnes sont brimées ne pourra pas durer encore longtemps. Leur cri augmente et embrasse la terre entière. Comme l'écrivait l’abbé Primo Mazzolari : « Le pauvre est une protestation continuelle contre nos injustices ; le pauvre est un baril de poudre. Si vous y mettez le feu, le monde explose ».
5. Il n'est jamais possible d'éluder l'appel pressant que la Sainte Écriture confie aux pauvres. Partout où nous regardons, la Parole de Dieu indique que les pauvres sont ceux qui n’ont pas le nécessaire pour vivre parce qu’ils dépendent des autres. Ce sont les opprimés, les humbles, ceux qui se prosternent sur le sol. Et pourtant, devant cette foule innombrable d’indigents, Jésus n'a pas eu peur de s'identifier à chacun d’eux : « dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25,40). Fuir cette identification revient à mystifier l'Évangile et à diluer la révélation. Le Dieu que Jésus a voulu révéler est le suivant : un Père généreux, miséricordieux, inépuisable dans sa bonté et sa grâce, qui donne l’espérance avant tout à ceux qui sont déçus et sans avenir.
Comment ne pas souligner que les Béatitudes, par lesquelles Jésus a inauguré la prédication du Royaume de Dieu, débutent par cette expression : « Heureux, vous les pauvres » (Lc 6, 20) ? Le sens de cette annonce paradoxale est que le Royaume de Dieu appartient précisément aux pauvres, car ils sont en mesure de le recevoir. Combien de personnes pauvres nous rencontrons chaque jour ! Il semble parfois que le temps et les conquêtes de la civilisation augmentent leur nombre au lieu de le diminuer. Les siècles passent et cette béatitude évangélique apparaît de plus en plus paradoxale ; les pauvres sont toujours plus pauvres et aujourd'hui ils le sont encore plus. Pourtant, Jésus, qui a inauguré son Royaume en plaçant les pauvres au centre, veut nous dire précisément ceci : il l’a inauguré, mais nous a confié à nous, ses disciples, la tâche de le mener à bien, avec la responsabilité de donner de l'espérance aux pauvres. Il est nécessaire, surtout à une époque comme la nôtre, de redonner espérance et de rétablir la confiance. C'est un programme que la communauté chrétienne ne peut sous-estimer. La crédibilité de notre proclamation et du témoignage des chrétiens en dépend.
6. Dans sa proximité avec les pauvres, l'Église découvre qu'elle est un peuple qui, dispersé parmi tant de nations, a pour vocation de ne faire sentir à personne qu’il est étranger ou exclu, car tout le monde est impliqué dans un chemin commun de Salut. La condition des pauvres nous oblige à ne pas nous éloigner du Corps du Seigneur qui souffre en eux. Nous sommes plutôt appelés à toucher sa chair pour nous compromettre personnellement dans un service d’évangélisation authentique. La promotion sociale des pauvres n’est pas un engagement extérieur à la proclamation de l’Évangile, au contraire, elle montre le réalisme de la foi chrétienne et sa valeur historique. L'amour qui donne vie à la foi en Jésus ne permet pas à ses disciples de se replier dans un individualisme asphyxiant, caché dans des segments d'intimité spirituelle, sans aucune influence sur la vie sociale (cf. Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n.183).
Récemment, nous avons pleuré la mort d'un grand apôtre des pauvres, Jean Vanier, qui, avec son dévouement, a ouvert de nouvelles voies au partage avec les personnes marginalisées en vue de leur promotion. Jean Vanier a reçu de Dieu le don de consacrer toute sa vie aux frères gravement handicapés que la société a souvent tendance à exclure. Il a été un “saint de la porte d’à côté”. Avec son enthousiasme, il a su rassembler autour de lui de nombreux jeunes, des hommes et des femmes, qui, avec un engagement quotidien, ont donné de l'amour et redonné le sourire à tant de personnes faibles et fragiles, en leur offrant une véritable “arche” de salut contre l’exclusion et la solitude. Son témoignage a changé la vie de nombreuses personnes et a aidé le monde à regarder les plus fragiles et les plus faibles avec un regard différent. Le cri des personnes pauvres a été entendu et a produit une espérance inébranlable, créant des signes visibles et tangibles d'un amour concret que nous pouvons toucher de nos mains jusqu'à aujourd'hui.
7. « L'option pour les plus petits, pour ceux que la société rejette et met de côté » (ibid., n.195) est un choix prioritaire que les disciples du Christ sont appelés à poursuivre pour ne pas trahir la crédibilité de l’Église et donner une espérance effective à tant de personnes sans défense. La charité chrétienne trouve en eux sa confirmation, car celui qui compatit à leurs souffrances avec l’amour du Christ reçoit force et vigueur pour l’annonce de l’Évangile.
L’engagement des chrétiens, à l’occasion de cette Journée mondiale, et surtout dans la vie de tous les jours, ne consiste pas uniquement en des initiatives d’assistance qui, bien que louables et nécessaires, doivent viser à renforcer en chacun l’attention maximale qui est due à chaque personne en détresse. « Cette attention à l'amour est le début d'une réelle préoccupation » (ibid., n.199) pour les personnes pauvres dans la recherche de leur véritable bien. Il n’est pas facile d’être témoin de l’espérance chrétienne dans le contexte de la culture de consommation et de rejet, qui tend toujours à accroître un bien-être superficiel et éphémère. Un changement de mentalité est nécessaire pour redécouvrir l’essentiel et donner corps et efficacité à l’annonce du Royaume de Dieu.
L’espérance se communique aussi à travers la consolation, qui se réalise en accompagnant les pauvres, non pas pour quelque moment chargé d’enthousiasme, mais avec un engagement qui dure dans le temps. Les pauvres acquièrent de l’espérance réelle non pas quand ils nous voient gratifiés pour leur avoir donné un peu de notre temps, mais lorsqu’ils reconnaissent dans notre sacrifice un acte d’amour gratuit qui ne cherche pas à être récompensé.
8. Aux nombreux bénévoles, auxquels il revient souvent le mérite d’avoir senti en premier l’importance de cette attention aux pauvres, je demande de grandir dans leur dévouement. Chers frères et sœurs, je vous exhorte à chercher, avec chaque personne pauvre que vous rencontrez, ce dont elle a vraiment besoin ; à ne pas vous arrêter à la première nécessité matérielle, mais à découvrir la bonté qui se cache dans leur cœur, en vous faisant attentifs à leur culture et à leurs façons de s’exprimer, pour pouvoir entamer un véritable dialogue fraternel. Mettons de côté les divisions qui proviennent de visions idéologiques ou politiques, fixons le regard sur l’essentiel qui n’a pas besoin de beaucoup de mots, mais d’un regard d’amour et d’une main tendue. N’oubliez jamais que « la pire discrimination dont souffrent les pauvres est le manque d’attention spirituelle » (ibid., n.200).
Les pauvres ont avant tout besoin de Dieu, de son amour rendu visible par des personnes saintes qui vivent au côté d’eux, lesquelles, par la simplicité de leur vie, expriment et font émerger la force de l’amour chrétien. Dieu se sert d’innombrables routes et instruments pour atteindre le cœur des personnes. Bien sûr, les pauvres nous approchent aussi parce que nous leur distribuons de la nourriture, mais ce dont ils ont vraiment besoin va au-delà du plat chaud ou du sandwich que nous proposons. Les pauvres ont besoin de nos mains pour se relever, de nos cœurs pour ressentir à nouveau la chaleur de l'affection, de notre présence pour vaincre la solitude. Ils ont simplement besoin d'amour.
9. Il faut parfois peu de choses pour redonner espérance : il suffit de s’arrêter, sourire, écouter. Pendant un jour, laissons de côté les statistiques ; les pauvres ne sont pas des chiffres attrayants pour se vanter de nos œuvres et de nos projets. Les pauvres sont des personnes à rencontrer ; jeunes ou âgés, à inviter à la maison pour partager un repas ; hommes, femmes et enfants qui attendent une parole amicale. Les pauvres nous sauvent parce qu'ils nous permettent de rencontrer le visage de Jésus-Christ.
Aux yeux du monde, il semble déraisonnable de penser que la pauvreté et l’indigence peuvent avoir une force salvifique ; pourtant, c'est ce que l'apôtre nous enseigne lorsqu'il dit : « il n'y a pas beaucoup de sages selon la chair, pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de gens bien nés. Mais ce qu'il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages; ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort; ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l'on méprise, voilà ce que Dieu a choisi ; ce qui n'est pas, pour réduire à rien ce qui est, afin qu'aucune chair n'aille se glorifier devant Dieu ». (1Co 1,26-29). Avec des yeux humains, on ne peut pas voir cette force salvifique ; au contraire c’est avec les yeux de la foi que vous la voyez à l'œuvre et vous en faites directement l'expérience. Au cœur du Peuple de Dieu en marche bat cette force salvifique qui n’exclut personne, mais qui engage chacun à un véritable pèlerinage de conversion pour reconnaître les pauvres et les aimer.
10. Le Seigneur n'abandonne pas ceux qui le cherchent et qui l’invoquent ; « il n'oublie pas le cri des malheureux » (Ps 9,13), car ses oreilles sont attentives à leur voix. L’espérance du pauvre défie les différentes conditions de mort, car il se sait particulièrement aimé de Dieu et il l'emporte ainsi sur la souffrance et l'exclusion. Sa condition de pauvreté ne lui enlève pas la dignité qu'il a reçue du Créateur ; il vit dans la certitude qu'elle lui sera pleinement rendue par Dieu lui-même, qui n'est pas indifférent au sort de ses enfants les plus faibles ; au contraire, il voit leurs problèmes et leurs douleurs et les prend dans ses mains, et leur donne force et courage (cf. Ps 10,14). L'espérance du pauvre est renforcée par la certitude d'être accueilli par le Seigneur, de trouver en lui la vraie justice, d'être renforcé dans le cœur pour continuer à aimer (cf. Ps 10,17).
La condition, pour que les disciples du Seigneur Jésus soient des évangélisateurs cohérents, est de semer des signes tangibles d'espérance. À toutes les communautés chrétiennes et à tous ceux qui ressentent l’exigence d'apporter espérance et réconfort aux pauvres, je leur demande de travailler pour que cette Journée mondiale renforce chez beaucoup, la volonté de collaborer efficacement afin que personne ne se sente privé de proximité et de solidarité. Que nous accompagnent les paroles du prophète qui annonce un avenir différent : « Mais pour vous qui craignez mon Nom, le soleil de justice brillera, avec la guérison dans ses rayons » (Ml 3,20).
François
Du Vatican, le 13 juin 2019
Mémoire liturgique de saint Antoine de Padoue
© Libreria Editrice Vaticana - 2019
3ème Journée mondiale des Pauvres
François inaugure un centre d’accueil pour personnes sans-abri près du Vatican
Si en Polynésie, les paroles et promesses n'engagent que ceux qui les écoutent, au Vatican les actes précèdent les paroles !!! Et quels actes ? On ne cherche pas à donner un terrain ou un bâtiment que personne ne veut… l’option préférentielle pour les pauvres est une réalité… et non une façade de « bons chrétiens » !
Ce vendredi 15 novembre, en fin d’après-midi, le Saint-Père a inauguré un nouveau centre d'accueil pour les personnes sans-abri, non loin de la Basilique Saint-Pierre. Il s’est aussi rendu dans le centre de soins mis en place dans le cadre de la Journée mondiale des pauvres, célébrée ce dimanche 17 novembre.
Deux visites sont donc venues remplir ce "vendredi de la miséricorde”, initiative s’inscrivant régulièrement dans l’agenda du Souverain Pontife, de manière improvisée.
Vers 16 heures, François s’est d’abord présenté au centre de soins temporaire installé Place Saint-Pierre depuis le 10 novembre dernier et jusqu’à dimanche soir. L'étonnement et l'émotion des nombreuses personnes qui ont envahi les lieux étaient grands, comme le rapporte le communiqué du Bureau de Presse du Saint-Siège.
UN ACCUEIL CHALEUREUX
Cet hôpital, construit en préfabriqués, accueille actuellement des dizaines de personnes pauvres de la ville de Rome et leur proposent des consultations médicales gratuites. Plusieurs spécialités sont représentées.
Le Pape François est arrivé sous de chaleureux applaudissements. Les personnes présentes étaient rassemblées dans l'atrium et dans les différents cabinets médicaux. Quelques-unes se pressaient autour du Saint-Père, et tout le monde voulait le saluer et l'embrasser. François a été attentif envers chacun, dispensant sourires et paroles de soutien.
Mgr Rino Fisichella, président du Conseil Pontifical pour la Nouvelle Evangélisation (entité encadrant ce centre de soins), accompagnait le Saint-Père, et lui a notamment présenté les différents médecins spécialistes.
Le Pape a beaucoup apprécié cette structure médicale et a remercié tous les médecins et le personnel paramédical qui y rendent un véritable service de volontariat. Parmi eux, certains ont pris des jours de congé pour pouvoir partager cette expérience unique au profit des plus défavorisés. Après une brève prière, le Pape François a salué à nouveau les personnes présentes et a conclu sa visite.
2000 MÈTRES CARRÉS À DISPOSITION DES PLUS DÉMUNIS
Le Souverain Pontife s’est ensuite rendu dans un centre d’accueil (de jour et de nuit) récemment ouvert pour les sans-abris. L'édifice, situé à quelques mètres de la colonnade de la Place Saint-Pierre, occupe toute la surface d'un bâtiment de quatre étages - soit près de 2 000 mètres carrés - appartenant au Vatican, en zone extraterritoriale, comme l’explique le communiqué de l’Aumônerie apostolique. Laissé libre par une congrégation religieuse féminine qui l'utilisait jusqu'à son départ il y a quelques mois, le bâtiment est désormais utilisé, selon le vœu du Pape François, pour cette œuvre de charité en faveur des personnes dans le besoin. L'Administration du Patrimoine du Saint-Siège (APSA) a confié ce bâtiment en prêt à l'Aumônerie Apostolique. Le centre d’accueil sera géré par la Communauté de Sant'Egidio.
ÉCHANGES AUTOUR D'UNE TABLE
Pour cette inauguration, le Saint-Père était ainsi accompagné de Mgr Nunzio Galantino, président de l’APSA, d’Andrea Riccardi et de Marco Impagliazzo, respectivement fondateur et président de la Communauté de Sant’Egidio.
Après une brève visite du rez-de-chaussée, le Saint-Père s’est rendu dans la chapelle, dédiée à Saint-Georges. Contemplant les lieux, François s’est exclamé : “la beauté guérit !”. Il a également visité les autres espaces du centre d’accueil, et s’est entretenu avec quelques-uns des futurs résidents et volontaires autour d’une table dans le réfectoire. Au cours de la conversation, le Pape a parlé de la culture du déchet, et du besoin de retrouver un sentiment de responsabilité envers les plus pauvres.
Il a aussi écouté le témoignage de volontaires qui depuis plusieurs années servent les repas aux personnes pauvres dans les rues, et se trouvent parfois confrontés à des difficultés pour organiser leurs funérailles. Il a enfin partagé un souvenir de jeunesse : ce plat traditionnellement laissé à table, tout prêt, en particulier les jours de fête, pour une personne dans le besoin. Le Pape a souligné la nécessité d’« éduquer les jeunes à la compassion ». Le Saint-Père a regagné le Vatican et la maison Sainte-Marthe vers 17h50.
AU MOINS 50 PERSONNES POURRONT ÊTRE ACCUEILLIES
Appelé Palazzo Migliori, ce nouveau centre d’accueil de jour et de nuit porte le nom de la famille qui en était propriétaire avant de le vendre au Saint-Siège en 1930. Il s'agit d'un édifice construit au début des années 1800. Les intérieurs sont élégants, on y trouve des fresques de style moderne. Au premier étage se trouve une grande chapelle, réservée à la prière personnelle et communautaire des volontaires et des hôtes.
Les chambres de repos nocturne occupent les troisième et quatrième étages. Elles peuvent accueillir jusqu'à 50 personnes, hommes et femmes. Un nombre pouvant augmenter en période de grand froid.
Les personnes hébergées pour la nuit ont la possibilité de prendre le petit déjeuner et le dîner préparés au réfectoire du deuxième étage. La cuisine du centre, bien équipée, sera également utilisée par un groupe de volontaires et de diacres permanents du diocèse de Rome pour préparer plus de 250 repas chauds qui, depuis plusieurs années, sont distribués le soir aux pauvres dans les principales gares de la ville : Termini, Tiburtina et Ostiense.
Les premier et deuxième étages seront également utilisés pour un service de jour, géré et animé par des bénévoles. On y trouve des salles d'écoute et de conversation, d'autres pour l'utilisation d'ordinateurs, pour la lecture, les loisirs, et pour d'autres activités éducatives et culturelles.
Tous les travaux, réalisés par un groupe de sans-abri et d'entreprises spécialisées, ont été suivis et financés par l'Aumônerie apostolique, grâce aux revenus provenant de la distribution de parchemins avec la bénédiction apostolique, et grâce à de généreuses contributions de particuliers. En outre, l'Aumônerie apostolique, appuyée par la Communauté de Sant'Egidio, s'engage à soutenir financièrement toutes les activités du centre.
© Radio Vatican - 2019
Commentaire des lectures du dimanche
Pour vous […] le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement » (Ml 3,20). Les paroles du prophète Malachie, que nous avons entendues dans la première lecture, éclairent la célébration cette journée jubilaire. Elles se trouvent à la dernière page du dernier prophète de l’Ancien Testament et sont adressées à ceux qui ont confiance dans le Seigneur, qui mettent leur espérance en lui, en le choisissant comme le bien suprême de la vie et en refusant de vivre uniquement pour soi et pour ses intérêts personnels. Pour ceux-là, pauvres de soi mais riches de Dieu, se lèvera le soleil de sa justice : ils sont les pauvres en esprit, à qui Jésus promet le royaume des cieux (cf. Mt 5, 3) et que Dieu, par la bouche du prophète Malachie, appelle « mon domaine particulier » (Ml 3, 17). Le prophète les oppose aux superbes, à ceux qui ont mis la sécurité de la vie dans leur autosuffisance et dans les biens du monde. Derrière cette page finale de l’Ancien Testament, se cachent des questions qui interpellent sur le sens dernier de la vie : où est-ce que moi je cherche ma sécurité ? Dans le Seigneur ou dans d’autres sécurités qui ne plaisent pas à Dieu ? Vers où s’oriente ma vie, vers où se dirige mon cœur ? Vers le Seigneur de la vie ou vers des choses qui passent et ne comblent pas ?
Des questions similaires apparaissent dans le passage de l’Évangile d’aujourd’hui. Jésus se trouve à Jérusalem, pour la dernière et la plus importante page de sa vie terrestre : sa mort et sa résurrection. C’est aux alentours du temple, orné « de belles pierres et d’ex-voto » (Lc 21,5). Les gens sont précisément en train de parler des beautés extérieures du temple, lorsque Jésus dit : « Ce que vous voyez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre » (v. 6). Il ajoute qu’il ne manquera pas de conflits, de famines, de bouleversements sur la terre et dans le ciel. Jésus ne veut pas effrayer, mais nous dire que tout ce que nous voyons passe inexorablement. Même les royaumes les plus puissants, les édifices les plus sacrés et les réalités les plus stables du monde ne durent pas pour toujours. Tôt tout tard, ils s’effondrent.
Face à ces affirmations, les gens posent immédiatement deux questions au Maître : « Quand cela arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela est sur le point d’arriver ? » (v.7). Quand et quel… Nous sommes toujours poussés par la curiosité : on veut savoir quand et avoir des signes. Mais cette curiosité ne plaît pas à Jésus. Au contraire, il exhorte à ne pas se laisser tromper par les prédicateurs apocalyptiques. Celui qui suit Jésus ne prête pas l’oreille aux prophètes de malheur, aux vanités des horoscopes, aux prédications et aux prédictions qui suscitent peur, en distrayant de ce qui compte. Parmi les nombreuses voix qui se font entendre, le Seigneur invite à distinguer ce qui vient de lui et ce qui vient de l’esprit faux. C’est important : distinguer l’invitation sage que Dieu nous adresse chaque jour de la clameur de celui qui se sert du nom de Dieu pour effrayer, alimenter des divisions et des peurs.
Jésus invite fermement à ne pas avoir peur face aux bouleversements de chaque époque, même pas face aux plus graves et plus injustes épreuves qui arrivent à ces disciples. Il demande de persévérer dans le bien et dans la pleine confiance mise en Dieu, qui ne déçoit pas : « Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu » (v.18). Dieu n’oublie pas ses fidèles, son précieux domaine, que nous sommes.
Mais il nous interpelle aujourd’hui sur le sens de notre existence. Par une image, on pourrait dire que ces lectures se présentent comme un “tamis” dans le déroulement de notre vie : elles nous rappellent que presque tout en ce monde passe, comme l’eau qui coule ; mais il y a de précieuses réalités qui demeurent, comme une pierre précieuse sur le tamis. Qu’est-ce qui reste, qu’est-ce qui a de la valeur dans la vie, quelles richesses ne s’évanouissent pas ? Sûrement deux : le Seigneur et le prochain. Ces deux richesses ne s’évanouissent pas. Voilà les plus grands biens à aimer. Tout le reste – le ciel, la terre, les choses les plus belles, même cette Basilique – passe, mais nous ne devons pas exclure de notre vie Dieu et les autres.
Néanmoins, précisément aujourd’hui, lorsqu’on parle d’exclusion, viennent à l’esprit immédiatement des personnes concrètes ; pas des choses inutiles, mais des personnes précieuses. La personne humaine, placée par Dieu au sommet de la création, est souvent rejetée, car on préfère les choses qui passent. Et cela est inacceptable, parce que l’homme est le bien le plus précieux aux yeux de Dieu. Et c’est grave qu’on s’habitue à ce rejet ; il faut s’inquiéter, lorsque la conscience est anesthésiée et ne prête plus attention au frère qui souffre à côté de nous ou aux problèmes sérieux du monde, qui deviennent seulement des refrains entendus dans les revues de presse des journaux télévisés.
Aujourd’hui, chers frères et sœurs, c’est votre jubilé, et par votre présence, vous nous aidez à nous harmoniser sur la longueur d’onde de Dieu, à regarder ce que lui regarde : il ne s’arrête pas à l’apparence (cf. 1 Sam 16,7), mais dirige son regard vers « le pauvre, celui qui a l’esprit abattu » (Is 66, 2), vers les nombreux pauvres Lazare d’aujourd’hui. Que cela nous fait mal de feindre de ne pas apercevoir Lazare qui est exclu et rejeté (cf. Lc 16,19-21) ! C’est tourner le dos à Dieu. C’est tourner le dos à Dieu ! C’est un symptôme de sclérose spirituelle lorsque l’intérêt se concentre sur les choses à produire plutôt que sur les personnes à aimer. Ainsi naît la contradiction tragique de nos temps : plus augmentent le progrès et les possibilités, ce qui est un bien, plus il y a de gens qui ne peuvent pas y accéder. C’est une grande injustice qui doit nous préoccuper, beaucoup plus que de savoir quand et comment il y aura la fin du monde. En effet, on ne peut pas rester tranquille chez soi tandis que Lazare se trouve à la porte ; il n’y a pas de paix chez celui qui vit bien, lorsque manque la justice dans la maison de tout le monde.
Aujourd’hui, dans les cathédrales et dans les sanctuaires du monde entier, se ferment les Portes de la Miséricorde. Demandons la grâce de ne pas fermer les yeux face à Dieu qui nous regarde et devant le prochain qui nous interpelle. Ouvrons les yeux sur Dieu, en purifiant la vue du cœur des représentations trompeuses et effrayantes, du dieu du pouvoir et des châtiments, projections de l’orgueil et de la crainte des hommes. Regardons avec confiance le Dieu de la miséricorde, avec la certitude que « l’amour ne passera jamais » (1 Co 13,8). Renouvelons l’espérance de la vraie vie à laquelle nous sommes appelés, celle qui ne passera pas et qui nous attend en communion avec le Seigneur et avec les autres, dans une joie qui durera pour toujours, sans fin.
Et ouvrons nos yeux sur le prochain, surtout sur le frère oublié et exclu, sur le « Lazare » qui gît devant notre porte. Sur eux pointe la loupe d’agrandissement de l’Église. Que le Seigneur nous libère du fait de diriger cette loupe vers nous-mêmes. Qu’il nous détache des oripeaux qui distraient, des intérêts et des privilèges, de l’attachement au pouvoir et à la gloire, de la séduction de l’esprit du monde. Notre Mère l’Église regarde « en particulier cette partie de l’humanité qui souffre et pleure, car elle sait que ces personnes lui appartiennent par droit évangélique » (Paul VI, Allocution inaugurale de la 2ème Session du Concile Vatican II,29 septembre 1963). Par droit et aussi par devoir évangélique, car c’est notre tâche de prendre soin de la vraie richesse que sont les pauvres. A la lumière de ces réflexions, je voudrais qu’aujourd’hui soit la « journée des pauvres ». Une antique tradition, concernant le saint martyr romain Laurent, nous le rappelle bien. Avant de subir un atroce martyre par amour pour le Seigneur, il a distribué les biens de la communauté aux pauvres, qu’il a qualifiés de vrais trésors de l’Église. Que le Seigneur nous accorde de regarder sans peur ce qui compte, de diriger notre cœur vers lui et vers nos vrais trésors.
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