Pko 14.07.2019

Eglise cath papeete 1

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°35/2019

Dimanche 14 juillet 2019 – 14ème Dimanche du Temps ordinaire – Année C

Laissez-moi vous dire…

Lundi 15 juillet : Mémoire de la Bienheureuse Anne-Marie Javouhey

Protéger nos prêtres, religieux et religieuses

Le 14 juillet est célébré partout en France comme fête de la liberté conquise par le peuple et comme symbole « des principes immortels » fondant toute démocratie. Il est vrai que lorsque Louis XVI, le 24 janvier 1789, convoque les États Généraux [qui n’avaient pas été convoqués depuis 1614 !], l’État est en plein marasme : échec de la politique extérieure, perte d’autorité du roi, administration en faillite, déficit permanent, inflation, augmentation du coût de la vie, famine dans les campagnes… Le peuple souffrait, au premier chef : les paysans et les artisans.

Après de nombreuses péripéties, le 20 juin 1789 devant la Salle du Jeu de paume dont l’accès est interdit par des gardes, les députés du Tiers État prêtent serment devant la foule en jurant « de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides ». Le 9 juillet, le roi, forcé et contraint, ordonne au clergé et à la noblesse de se réunir au Tiers État. Les députés se proclament en Assemblée Nationale Constituante. [Source : www.assemblee-nationale.fr, « Histoire de l'Assemblée nationale. 1. Le temps de l'invention (1789-1799) »]

Le roi craignant de perdre le contrôle fait amener des troupes près de Paris. Alors, le 14 juillet 1789, pour défendre la Constituante, le peuple prend d’assaut la Bastille, symbole de la monarchie absolue.

La Révolution française est alors en marche…

Le 4 août 1789 l'Assemblée constituante met fin au système féodal. C'est l'abolition de tous les droits et privilèges féodaux ainsi que de tous les privilèges des classes, des provinces, des villes et des corporations.

Le 26 août 1789 est votée la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ».

La Révolution semblait démarrer sous de bons auspices… C’était sans compter sur l’influence profonde des « philosophes des Lumières ». En effet, ce mouvement intellectuel avait pris naissance autour de l’Encyclopédie dont le premier volume parut en 1751. Il s’agissait pour les maîtres d’œuvre, Diderot et D’Alembert, avec la collaboration de philosophes et de scientifiques de renom, de « donner un aperçu général de tous les efforts de l’esprit humain dans tous les genres et dans tous les siècles ». L’ouvrage colossal prônait systématiquement le culte de la raison et du progrès, ainsi qu’une attitude critique. Ce mouvement se répandit dans toute l’Europe et influença un grand nombre de penseurs, d’hommes politiques, d’écrivains. Pour bon nombre : Dieu existe, mais ce n’est plus le Dieu révélé tel que le présente l’Église, c’est un Dieu construit par la raison de l’homme.

Progressivement, les révolutionnaires vont s’efforcer d’effacer les traces publiques du christianisme et plus particulièrement du catholicisme qui, jusqu’en 1789, est religion d’État, la religion du roi. Repérons quelques dates. Le 11 août 1789, la dîme est supprimée, privant ainsi le clergé d'une partie de ses ressources. Face à la crise fiscale, le 10 octobre 1789, les députés ont l’idée de saisir les biens et les terres de l’Église catholique ; le 2 novembre 1789 les biens du clergé deviennent des «biens nationaux ». Un Comité ecclésiastique est constitué. Le 13 février 1790, les vœux de religion sont abolis et les ordres religieux supprimés sauf, à titre provisoire, les maisons hospitalières et enseignantes. La Constitution civile du clergé, adoptée le 12 juillet 1790 transforme les membres du clergé en fonctionnaires salariés par l’État. À compter du 27 novembre 1790 les membres du clergé séculier doivent prêter un serment dans lequel ils s'engagent à accepter et protéger la nouvelle organisation du clergé. Seuls quatre évêques prêtent serment, tous les autres refusent. En mars 1791 le Pape Pie VI condamne ces réformes imposées à l’Église de France. On estime à 52% la proportion d’ecclésiastiques réfractaires (non jureurs). La population se divise en deux camps opposés. Le 27 mai 1792 l’Assemblée vote un décret organisant la déportation des prêtres réfractaires ; le roi oppose son droit de Veto.

C’est alors qu’en province, dans les campagnes, les prêtres réfractaires sont protégés et cachés par le peuple. La petite Nanette (c’est ainsi qu’on surnommait Anne-Marie Javouhey), âgée d’à peine 13 ans, cache des prêtres réfractaires dans la grange de ses parents. La messe peut ainsi être célébrée, et les enfants sont catéchisés. La Bienheureuse Anne-Marie Javouhey qui fondera la Congrégation des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny est fêtée le 15 juillet.

Le gouvernement de l’époque parlait de « complète déchristianisation de la France », expression employée pour la première fois par Mirabeau en 1793. Avec la création d’un Comité de Salut Public, le 6 avril 1793, qui sera dominé par Robespierre d’octobre 1793 au 27 juillet 1794 [9 thermidor An II], se répand sur la France un climat de Terreur ! La Terreur légale est instaurée avec la loi des suspects. Sont suspects tous les ennemis de la Révolution : les aristocrates, les émigrés, les prêtres réfractaires, les fédéralistes, les agioteurs(usuriers) et leurs familles… Les religieux et religieuses sont accusés d’oisiveté et de fainéantise, leur vie est jugée absurde.

De nombreux religieux ont su témoigner, à l’heure de la persécution, de la sainteté et de l’utilité de leur existence.

C’est le cas – entre autres – le 17 juillet 1794 des 16 carmélites de Compiègne guillotinées au motif de « fanatisme et de sédition ». Elles sont enterrées avec 7 autres religieuses, 108 moines, 136 prêtres et 1039 autres laïcs dans une fosse commune au cimetière de Picpus (placé sous la garde de la Congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie)… Ou encore des 32 religieuses, 36 prêtres et religieux martyrs à Orange entre le 6 et le 26 juillet 1794 (guillotinés en même temps que 264 autres laïcs) [Source : Mémoire de la Terreur à Orange, SÉRIE ORANGE VÉRITÉS – Juillet 2017]. On peut ajouter les 99 martyrs d’Angers : 12 prêtres, 3 religieuses et 84 laïcs. Sans oublier tous les martyrs de Vendée, Bretagne, Anjou…

Malgré tous ces massacres la déchristianisation n’a pas eu lieu puisqu’au siècle suivant de nombreuses congrégations religieuses sont nées, des monastères ont été réhabilités, des églises et chapelles réaffectées au culte…

Autant de raison de méditer -aujourd’hui- sur l’importance de protéger nos prêtres, religieux et religieuses !

Dominique Soupé

© Cathédrale de Papeete – 2019

En marge de l’actualité…

Journées diocésaines de la jeunesse

Du 15 au 21 Juillet, notre Église va être le théâtre d’un événement particulier : le rassemblement sur Tahiti de jeunes venus des quatre coins du diocèse pour vivre un temps de rencontre, de prière et de partage. Ce projet va regrouper des jeunes de 15 à 25 ans venus des Australes, des Tuamotu (Hao, Fakarava, Hikueru, Marokau, Nukutavake, Napuka, Takaroa, Takapoto, Makemo, etc…) des Gambier, des iles sous le Vent, et bien sûr, de Moorea et Tahiti. Soit plus de 1 000 jeunes avec leurs accompagnateurs. Ce temps fort intitulé « Journées Diocésaines de la Jeunesse – JDJ » 2019 se déroulera en deux phases :

  1. du 15 au 18 juillet : les « Journées en paroisse » (sur Tahiti et Moorea). Quelques paroisses accueilleront tel ou tel groupe des îles, et ce sont les jeunes de ces paroisses accueillantes qui assureront le bon déroulement du séjour, avec l’aide de la FSCF (Fédération Sportive et Culturelle de France).
  2. du 19 au 21 juillet : les jeunes convergeront vers Tibériade pour y vivre un grand rassemblement qui clôturera ces « JDJ ».

Les « Journées en paroisse » seront à la fois des temps d’échanges privilégiés entre jeunes des îles et jeunes des paroisses de Tahiti et Moorea, et des temps de réflexion. Ce sera également une expérience communautaire de vie en Église avec temps de prière et de célébration. Les matinées seront consacrées à la catéchèse, aux témoignages, aux enseignements, aux échanges. L’après-midi sera plus orienté vers des activités concrètes comme visite des malades, des communautés religieuses, des lieux de solidarité etc… La soirée sera réservée aux temps de célébration et aux veillées au cours desquelles les différents groupes pourront s’exprimer par le chant, la danse, etc…

Ces journées en paroisse seront suivies du temps fort qui verra le rassemblement de tous les groupes à Tibériade. Ce sera le sommet de notre rencontre, un événement diocésain pour les jeunes. Au programme, une intervention de Madame la Ministre de la famille et des solidarités, une intervention de Sœur Mary Lembo, membre de la commission pontificale de protection de l’enfance et venue de Rome pour parler aux jeunes des questions relatives à la pédophilie dans l’Église et la société. Ajoutons à cela une marche ayant pour thème le respect de la nature et de l’environnement, l’accueil et le témoignage d’un petit groupe de jeunes de métropole ayant participé aux JMJ de Panama, un « Festival de la jeunesse » au cours duquel chaque groupe pourra partager chants et danses, un chemin de croix et un temps d’adoration nocturne, une veillée spirituelle sur le « chemin du pardon », … le tout clôturé par une messe d’envoi le Dimanche matin.

Pour réaliser un tel projet, nous avons reçu l’aide du ministère de « Jeunesse et Sports » ainsi que le soutien logistique du Territoire. Qu’ils en soient ici remerciés. Enfin, je compte sur la prière et le soutien de tous les fidèles de notre diocèse pour le succès de cette rencontre. Je fais le rêve que ce temps fort soit l’occasion pour les participants de repartir chez eux plus désireux de prendre leur vie en main à la suite du Christ, plus courageux pour témoigner de leur foi et plus ardents à prendre leur place dans la vie de leur paroisse aux côtés des adultes. Que cet événement nous aide à porter sur nos jeunes un regard positif, porteur d’espérance, de confiance et d’amour, un regard qui les aide à grandir pour qu’ensemble, nous fassions avancer la mission de l’Église, afin qu’elle soit davantage « une Église en sortie » qui annonce avec une foi toujours plus vive et un visage toujours plus jeune la joie de l’Évangile.

+ Mgr Jean Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete - 2019

Éthique

La pauvreté comme violation des droits humains : vers un droit à la non-pauvreté  (2)

Malgré l’abondance de la littérature sur la pauvreté, ce concept reste difficile à définir du fait de sa complexité inhérente. On serait tenté de dire que les pauvres sont les personnes privées de leurs moyens de subsistance. Mais la subsistance n’est pas un simple critère physiologique ; elle implique aussi la notion de décence qui ne peut être appréciée que dans le contexte précis qui lui donne sens, variable d’une société à l’autre et, au sein d’une même société, évolutif dans le temps. D’où la difficulté de parvenir à une définition cohérente de la pauvreté à l’échelle globale. Le présent article évite l’écueil de l’histoire du débat normatif sur la pauvreté, ses implications sociologiques et les hypothèses qui le sous-tendent, en définissant la pauvreté comme une souffrance physique et psychologique liée à la privation des moyens de mener une vie en accord avec la dignité humaine. Si l’analyse de la pauvreté en termes de droits est largement absente des doctrines philosophiques et religieuses traditionnelles, une approche contractuelle est susceptible de démontrer que toute personne, en tant que membre d’une communauté, mérite que cette communauté lui apporte tout ce qui est nécessaire à ce qu’elle ne soit pas pauvre. Étant donné que la communauté pertinente n’est aujourd’hui envisageable qu’au niveau global, il s’ensuit que la pauvreté est un problème global à l’échelle internationale, et que son éradication est un devoir collectif permettant à tout un chacun de jouir du droit à la non-pauvreté.

Des droits des pauvres au droit à la non-pauvreté

Pour les pauvres, le fait d’avoir la certitude d’une assistance de l’État peut être considéré comme une garantie positive. Mais l’état de pauvreté en lui-même, que ce soit avec ou sans la garantie d’assistance, peut aussi être perçu comme la violation d’un droit à la non-pauvreté. C’est là le principal propos de cette section, dans laquelle nous cherchons à fonder cette intuition.

La pauvreté n’est pas une situation « naturelle ». La pauvreté paraît être aussi insoluble que le problème du sida aujourd’hui, si l’on considère le fait qu’en dépit de l’extraordinaire extension des capacités techniques de l’homme, qui rendent de plus en plus possible la maîtrise de la nature physique et biologique, la pauvreté continue d’affecter des milliards d’individus dans le monde. Lorsqu’on voit les difficultés colossales que rencontrent certains États dans leur tentative d’éradiquer la pauvreté, ou du moins de la réduire, on serait tenté de dire que c’est chose impossible. Le développement de l’État-providence a été déterminé par le désir de garantir un revenu minimum de subsistance à tous, et plus particulièrement à ceux qui se trouvaient momentanément exclus du marché du travail. L’État-providence était censé favoriser la prévention de la maladie, du chômage, des accidents, et ainsi de suite. Mais avec le temps, les revendications se sont multipliées et la portée de l’intervention étatique s’est étendue, si bien qu’il est devenu très difficile de répondre à tous les besoins qui ont été créés. D’où la « crise » de l’État-providence. Même dans les sociétés les plus riches, l’assistance publique n’a pas pu éradiquer la pauvreté, même si l’on doit reconnaître qu’elle l’a considérablement réduite. Les évolutions technologiques dans l’industrie ont haussé le niveau des qualifications exigées. Alors que beaucoup de jeunes gens sont formés à ces nouvelles technologies, nombreux sont exclus de ce nouveau système. Même pour des jeunes qualifiés, il est difficile de trouver du travail et bon nombre d’entre eux restent des années sans travailler. Les adultes au chômage qui n’ont aucune qualification dans les nouvelles technologies se trouvent confrontés à une menace accrue d’isolement prolongé dans la précarité. Le système de l’État-providence était fondé sur la conviction que le chômage n’est qu’un état temporaire. La crise économique et les nouvelles exigences du système de production ont engendré la situation inédite du chômage de longue durée. L’État-providence s’est trouvé impuissant à satisfaire l’ensemble des demandes d’assistance liées à cette situation (Sarpellon, 1987).

En Afrique, depuis l’indépendance, les peuples sont confrontés au sous-développement et à la pauvreté, et il a été très difficile aux États de trouver un moyen efficace de promouvoir le développement et la richesse en faveur de leurs citoyens. Il y eut des périodes d’espoir, comme dans les années 1970 et 1980, qui ont connu un contexte économique international favorable à la croissance. Mais ces décennies ont été suivies par une récession économique, qui s’est traduite par un effondrement des prix du pétrole et des produits agricoles. C’était dans l’objectif d’« aider » à la restructuration des économies africaines que des programmes d’ajustement structurel ont été imposés par les organisations financières de Bretton Woods. La philosophie de tels programmes est inspirée de la pensée néolibérale décrite ci-dessus. Tous les pays soumis à un ajustement étaient censés privatiser leurs entreprises défaillantes, dont les nouveaux propriétaires devaient logiquement procéder à des réductions drastiques du personnel pour en accroître les bénéfices. Paradoxalement, des secteurs tels que celui de la santé ou de l’éducation n’ont pas été épargnés par ce désengagement de l’État, et bon nombre de subventions ont été coupées, sans lesquelles la majeure partie de la population ne pouvait pas avoir accès aux services de base. Le programme d’ajustement structurel a institué, pour ainsi dire, l’incapacité de l’État à répondre aux demandes sociales de ses citoyens.

La crise de l’État-providence en Europe et la faillite de l’État en Afrique sont autant de situations qui rendent difficile de vouloir imposer à l’État une obligation d’éradiquer la pauvreté. Dans la philosophie kantienne, il y a une méta-norme éthique selon laquelle le devoir présuppose le pouvoir : on ne peut pas, pour des raisons d’humanité, exiger d’une personne quelque chose qu’elle est incapable de faire. Ce qui signifie que, même s’il est communément admis dans ces sociétés que la pauvreté doit être éradiquée, les mesures d’application se heurtent parfois à des obstacles de nature structurelle. La théorie malthusienne pose par exemple l’existence d’un déséquilibre structurel entre l’accroissement de la population (qui est géométrique) et la croissance économique (qui est arithmétique). Par conséquent, la pauvreté ne peut pas être éradiquée et, au contraire, est condamnée à se développer.

Assez souvent, cependant, on considère qu’une tâche est impossible simplement parce que tous les moyens n’ont pas été déployés en vue de sa réalisation. En outre, de manière plus insidieuse, on peut dire d’une situation qu’elle pose un problème naturel et insoluble, au lieu de la présenter comme le résultat d’une certaine organisation. À titre d’exemple, la théorie de la pauvreté chez Hayek est fondée sur une conception fataliste de l’ordre social d’après le modèle de la théorie cybernétique. Or ce modèle est incompatible avec la capacité des êtres humains à être maîtres de leur histoire et de leur vie sociale et politique. On peut aussi soupçonner la théorie de Hayek d’être une construction idéologique, conçue pour justifier la prédominance de l’économie capitaliste. En parlant de la théorie néo-libérale, l’éditeur de la collection « Comment se construit la pauvreté ? » déclare : « Loin d’être socialement neutre, elle vient à point pour légitimer, voire neutraliser l’application d’un projet qui n’est pas celui des peuples mais celui de quelques groupes, aujourd’hui dominants. Ces précisions permettent de reconnaître les discours sur la pauvreté de la Banque mondiale et du F.M.I. pour ce qu’ils sont vraiment, à savoir des paravents idéologiques à la mise en œuvre d’une tentative de déploiement et d’intensification de l’accumulation du capital à l’échelle du globe. » (Centre tricontinental, 2000, p.24). De plus, le développement des sociétés occidentales montre que, par le progrès scientifique et technique, il a été possible d’inverser le rapport de l’accroissement de la population à celui des revenus, que les malthusiens considéraient précisément comme intangible.

Nous sommes tous membres d’une communauté politique. Par communauté politique, j’entends un groupe de personnes vivant dans une même organisation sociale, politique et économique, instituée en vue de promouvoir l’intérêt commun. Je fais ici référence à la théorie du contrat social par laquelle la philosophie moderne a tenté d’expliquer les origines de l’État et du pouvoir au sein de l’État. Le philosophe américain John Rawls a eu recours au même procédé pour démontrer le bien-fondé des principes de justice qui devaient définir les droits et les devoirs fondamentaux dans une société donnée. En utilisant cette même grille d’analyse, on peut dire que, dans une association politique, tous les individus sont liés par un contrat social qui garantit à chacun une série de droits et d’immunités. La société établie sur la base d’un contrat social n’a pas pour seule fonction d’empêcher la guerre hobbésienne de tous contre tous, mais de favoriser une forme de coopération qui offre la possibilité à chacun de tirer plus de bénéfices de cette association qu’il ne tirerait de son travail solitaire. La coopération, quelle que soit la personne concernée, est plus avantageuse qu’une vie autarcique. Comme le dit John Rawls : « On considère que les citoyens coopèrent pour produire les biens sociaux sur la base desquels ils fondent leurs revendications » (Rawls, 1990, §14).

Une telle présentation de la société comme cadre de coopération comporte le risque de réduire toute personne à un « combattant » dans la division globale du travail (selon les analyses d’Éric Weil). Dans un tel cas, les droits pourraient être déterminés en fonction de la contribution à la coopération, ce qui présenterait alors le risque d’en revenir à l’exclusion de ceux dont la contribution serait insuffisante. C’est ici que le refus de Rawls de prendre le mérite comme le critère d’attribution des droits prend toute sa force : « Personne ne peut être digne des capacités naturelles supérieures qui lui sont propres, ni ne peut mériter une position de départ plus favorable dans la société » (Rawls, 1971, p.102). C’est la raison pour laquelle chacun peut prétendre à l’ensemble des libertés et avantages socio-économiques qui découlent de la coopération sociale. La justice, selon Rawls, n’implique pas seulement que la distribution des richesses soit indépendante des contingences naturelles ou sociales, mais qu’elle vise aussi l’amélioration de la situation des moins privilégiés. Le deuxième principe de la théorie de la justice chez Rawls stipule la chose suivante : « Les inégalités sociales et économiques doivent répondre à deux conditions : premièrement, elles doivent se rapporter à des fonctions et des postes ouverts à tous dans des conditions équitables d’égalité des chances ; deuxièmement, elles doivent être substantiellement bénéfiques aux membres les plus défavorisés de la société » (Rawls, 1990, §13). Il est possible que la coopération sociale aboutisse à une polarisation d’ordre social entre riches et pauvres. On peut alors se poser la question de savoir si ces inégalités sont justifiées. Pour Rawls : « Ceux qui ont été favorisés par la nature, quels qu’ils soient, ne peuvent tirer profit de leurs avantages naturels qu’à condition que la situation de ceux qui n’ont pas eu la même chance s’améliore aussi. Ceux qui sont avantagés par la nature ne peuvent pas être gagnants purement et simplement parce qu’ils sont plus doués mais uniquement pour couvrir les coûts de leur formation et de leur éducation et parce qu’ils utilisent leurs capacités naturelles de façon à venir aussi en aide aux plus défavorisés » (Rawls, 1971, p.101-2). Dans un système de justice distributive, les inégalités sont considérées comme justes si et seulement si une configuration plus égalitariste aurait pu aggraver la situation des moins privilégiés. Le droit des plus qualifiés à avoir plus que les autres se justifie par le besoin de favoriser une production qui sera, au final, bénéfique à tous. Dans une société bien ordonnée (organisée selon les principes de justice de Rawls), même dans un contexte de rareté, il est possible d’éviter la pauvreté. « Souvent, le problème n’est pas tant le manque de ressources naturelles. Beaucoup de sociétés qui sont dans des conditions difficiles ne manquent pas de ressources. Des sociétés bien ordonnées peuvent se contenter de très peu […] Les grands maux sociaux des sociétés défavorisées sont bien plutôt l’oppression qu’exerce le gouvernement et la corruption des élites » (Rawls, 1993, p.64). L’existence de pauvres dans une société donnée peut alors être considérée comme la conséquence d’une répartition injuste des revenus ou d’inégalités qui ne sauraient être justifiées par le second principe de justice. Sur la base d’une répartition aussi injuste, on peut dire qu’il y a eu violation du droit à la non-pauvreté.

De fait, le Rapport sur le développement dans Le Monde 2000-2001 de la Banque mondiale (Banque mondiale, 2001) met l’accent sur la répartition des revenus en tant que facteur déterminant dans le niveau de pauvreté (voir aussi Destremau et Salama, 2002, en particulier le chapitre 1). En règle générale, la croissance des revenus a tendance à améliorer le bien-être de la population et à réduire la pauvreté. Il est cependant possible qu’en raison d’une répartition inéquitable des revenus, l’amélioration attendue ne se produise pas. Comme le dit le rapport de la Banque mondiale : « Pour un taux de croissance donné, l’ampleur de la réduction de la pauvreté dépend des variations dans la répartition du revenu accompagnant la croissance et des inégalités initiales, au plan des revenus, des actifs et de l’accès aux opportunités qui permettent aux pauvres de bénéficier des fruits de la croissance » (Banque mondiale, 2001, p.52). Ceci est bien illustré par la situation de l’Ouganda où la réduction des inégalités s’est traduite par une amélioration substantielle de la situation des pauvres en termes de bien-être, alors qu’au même moment les inégalités au Bangladesh ont privé les pauvres des fruits de la croissance (Banque mondiale, 2001, p.53).

La question cruciale de la répartition permet de voir jusqu’où on peut être autorisé à dire que les institutions publiques seraient responsables de la pauvreté. Il y a de nombreuses façons d’agir pour les institutions en vue de l’éradication de la pauvreté, comme l’ont d’ailleurs bien montré de nombreuses études. Selon la Banque mondiale, le premier élément essentiel est la redistribution en faveur des pauvres, notamment en garantissant des services sociaux tels que l’éducation, la santé et d’autres infrastructures. Le deuxième élément est d’avoir des services publics qui fonctionnent correctement. Et le troisième est la participation des ménages et des différents groupes aux décisions qui ont trait à leur situation économique (Banque mondiale, 2001, p.88 et suivantes). On en vient ici à la question de la bonne gouvernance, de la démocratie et de la transparence, dans la mesure où de nombreuses statistiques montrent aussi que la corruption, les lenteurs administratives, les dysfonctionnements de la justice et l’impunité font partie, au même titre que les inégalités, des principaux facteurs de stagnation, voire de dégradation de la situation des pauvres. Il serait injuste à l’égard des pauvres de ne pas dénoncer de tels abus comme autant de violations de droits. Dans beaucoup de pays pauvres, à côté du fait que les institutions publiques sont, la plupart du temps, incapables de répondre aux besoins de la population, elles apparaissent aussi comme de redoutables structures. Elles ne parviennent pas, dans leur mission de service public, à prendre en charge les citoyens, alors qu’elles se montrent plus actives lorsqu’il s’agit de spolier les citoyens par la corruption. « Lorsque les institutions sont chancelantes, non seulement elles ne fournissent pas les services qu’elles sont censées assurer, mais en outre elles réduisent les administrés à l’impuissance, voire au silence, en leur infligeant des humiliations et en les excluant de façon systématique, et par la corruption » (Narayan et al., 2000, p.85). On peut ici tirer la conclusion que la répartition, la justice et les inégalités sont autant de façons pertinentes de prouver que la pauvreté est une violation des droits humains.

Nous sommes tous, également, membres de la communauté internationale. Dans le paragraphe précédent, il a été démontré que la violation du droit à la non-pauvreté se produit au sein d’une société dans laquelle le principe d’équité n’est pas appliqué. Mais ici, je laisse entendre que les êtres humains appartiennent non seulement à une société nationale mais aussi à une communauté internationale. Pour cette raison, la pauvreté n’est pas simplement une question domestique (qui peut être résolue par la justice locale) mais bien une question internationale (qui a trait à la justice mondiale). Jusqu’ici, j’ai supposé qu’en dépit de la rareté relative qu’on peut observer dans certaines sociétés, il y a toujours suffisamment de ressources propres, lorsqu’elles sont bien réparties, à garantir à tout un chacun un niveau de vie au-dessus du seuil de pauvreté. Mais il me faut maintenant faire une hypothèse contraire, en observant qu’il y a des pays en proie à la récession dans lesquels même l’application la plus parfaite de la justice sociale ne peut enrayer la pauvreté. La question est alors de savoir si cette pauvreté peut être imputée à la communauté internationale tout entière.

Le phénomène de la pauvreté a toujours été considéré comme un problème national, dans lequel d’autres sociétés peuvent occasionnellement être impliquées au nom de la solidarité ou de la coopération, mais non en vertu d’une obligation légale (voir Platon, Aristote et même Rawls). La question est maintenant de savoir s’il peut y avoir une obligation à l’échelle mondiale pour la communauté internationale d’éradiquer la pauvreté dans toutes les sociétés du monde de sorte que la présence de la pauvreté, où qu’elle apparaisse, soit considérée comme un manquement à un devoir, et, par conséquent, une violation du droit à la non-pauvreté dans le monde.

Le débat se situe à deux niveaux. À un premier niveau, on peut avancer qu’avec la mondialisation, les peuples du monde se trouvent interconnectés dans un même réseau politique, juridique et économique. Il y a désormais un système mondial de coopération qui justifie l’application d’une version élargie du second principe de justice de Rawls. Ceci veut dire que si la communauté internationale ne réussit pas à mettre en place un système de répartition globale, on peut considérer qu’elle viole le droit à la non-pauvreté. La mondialisation n’est pas la seule façon de justifier un tel devoir. En réalité, la mondialisation est essentiellement une affaire d’interconnexions économiques et financières entre les grandes entreprises adhérant à l’idéologie libérale. C’est plutôt l’idée de solidarité qui peut servir de fondement au devoir de faire de la pauvreté un problème global. Un dictionnaire français définit la solidarité comme des « relations entre personnes ayant conscience d’une communauté d’intérêts qui entraîne, pour un élément du groupe, l’obligation morale de ne pas desservir les autres et de leur porter assistance » (cité par Sassier, 1990, p.318). Les relations entre les peuples sont de plus en plus étendues, et beaucoup d’événements acquièrent désormais une envergure internationale. C’est la raison pour laquelle il est difficile de penser ou d’agir comme si la progression de la pauvreté dans de nombreux pays pauvres, qui va de pair avec la prospérité de bien d’autres, ne posait aucun problème moral. Certains font valoir que les pays riches correspondent aux personnes riches dans une société, et peuvent donc être considérés comme liés par une obligation vis-à-vis des pays pauvres. Différents arguments d’ordre moral, économique et politique sont mis en avant pour fonder un tel engagement (Sassier, 1990, p.320 et suiv.). Mais cela ne suffit pourtant pas à démontrer que la pauvreté dans les pays pauvres puisse être considérée comme une violation (par les pays riches ?) de leur droit à la non-pauvreté. Les pays riches sont-ils responsables de la pauvreté dans les pays défavorisés ? Leur responsabilité se situe-t-elle « en amont » – au sens où les pays riches auraient, dès le début, entravé le processus de développement des pays pauvres (voir par exemple Dumont, 1988) – ou « en aval » – au sens où les pays riches seraient coupables de laisser les pays pauvres dans la misère ? Il n’y a pas de réponse absolue à pareille interrogation. Mais on peut dire qu’indépendamment de la question de savoir comment les pays riches deviennent riches et comment les pays pauvres deviennent pauvres, il est contradictoire de former une communauté des « nations unies » et de fermer les yeux sur des situations aussi dramatiques que la pauvreté, les famines et la faim, qui compromettent gravement jusqu’à l’humanité des plus pauvres.

À un autre niveau, la question des moyens propres à garantir une répartition à l’échelle mondiale peut légitimement se poser. Certains mettent en avant que, contrairement au niveau étatique, il n’y a pas de gouvernement mondial qui puisse veiller à la mise en place d’une justice distributive globale. Cet argument est en partie vrai, mais peut en même temps être réfuté du fait qu’il existe des organisations internationales qui se sont bien montrées prêtes à coopérer face à des problèmes touchant à la sécurité, à l’environnement, aux droits humains, au commerce et à bien d’autres problèmes encore. Les conventions, les accords, les résolutions, lorsqu’elles sont adoptées ou ratifiées selon le principe de participation égale de toutes les parties contractantes, donnent à la communauté internationale la légitimité et le pouvoir d’agir sans tenir compte des frontières des États.

Un autre argument est que la pauvreté dans le monde est si massive que rien ne peut être entrepris en vue de son éradication. C’est comme si toute tentative de généraliser ou de globaliser le bien-être ne pouvait aboutir qu’à la globalisation de la pauvreté. Comme l’explique Richard Rorty : « Il suffit d’évoquer tous ces scénarios imaginaires pour que les régimes riches du monde apparaissent dans la situation de quelqu’un qui a à partager un morceau de pain avec une centaine d’affamés. Même s’il le partage, tout le monde, lui-même inclus, se retrouvera le ventre creux. Et il n’aura plus que le loisir de se rendre coupable […] soit d’aveuglement soit d’hypocrisie » (Rorty, 1996-1997, p.34).

Cependant, de telles théories ne résistent pas à l’épreuve de l’analyse scientifique (notamment en économie), dont les résultats sont utilisés par des institutions internationales telles que le Programme des Nations unies pour le développement (pnud). Par exemple, le rapport 1988 du pnud montre clairement qu’il est possible de garantir les besoins et les services fondamentaux de tout un chacun avec seulement 40 milliards de dollars sur dix ans, ce qui ne représente que 4% de la richesse cumulée des deux cent vingt-cinq personnes les plus riches du monde.

L’obligation de garantir un véritable droit à la non-pauvreté pour tous se fonde donc sur la certitude qu’une idée de ce genre n’est pas utopique et ne nécessite pas la mise en œuvre de moyens astronomiques. Il s’en suit logiquement que la présence de pauvres peut être considérée comme une violation du droit à la non-pauvreté.

Conclusion

Tout ce que j’ai essayé de faire, dans cet article, c’est, essentiellement, d’éviter l’écueil dont j’ai parlé au début. La difficulté qu’il y a à définir la pauvreté a été résolue par la considération générale qu’être pauvre, c’est souffrir physiquement et psychologiquement de se trouver privé des moyens de mener une vie en accord avec la dignité humaine. C’est là une façon simple et judicieuse d’éviter d’avoir à débattre de tous les aspects de la pauvreté (objectifs, subjectifs etc.). Lorsque j’en suis venu à la difficulté qu’il y a à considérer la pauvreté comme une violation des droits humains, j’ai commencé par examiner certaines doctrines philosophiques et religieuses dont la représentation de la pauvreté défendait de l’envisager en termes de droits ou de violation de droits. À partir de là, j’ai analysé l’évolution vers un droit à l’assistance qui est apparu en Europe à partir du XVIIe siècle. Toutefois, une telle évolution ne me semblait pas suffire à pouvoir parler de violation des droits au sujet de la pauvreté. C’est sur la base de la théorie du contrat social, de la justice à l’échelle nationale et internationale qu’il m’a paru possible de décrire la pauvreté comme une violation des droits humains. L’accent était mis sur le fait que toute personne, en tant que membre d’une communauté, est supposé recevoir de sa communauté tout ce qui lui est nécessaire pour éviter d’être pauvre. De plus, on a démontré que toute communauté n’est désormais plus qu’une petite communauté au sein d’une vaste « communauté de communautés », comme le dit John Rawls. À partir de là, il est maintenant possible d’en conclure que la pauvreté est un problème global ou international, et que c’est un devoir global de l’éradiquer afin de permettre à tout un chacun de jouir du droit à la non-pauvreté.

 © Revue internationale des sciences sociales - 2004

Commentaire des lectures du dimanche

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, la liturgie nous propose la parabole dite du « bon samaritain », tirée de l’Évangile de Luc ( 10,25-37 ). Dans son récit simple et stimulant, elle indique un style de vie, dont le centre de gravité n’est pas nous-mêmes, mais les autres, avec leurs difficultés, que nous rencontrons sur notre chemin et qui nous interpellent. Les autres nous interpellent. Et quand les autres ne nous interpellent pas, quelque chose ne fonctionne pas. Quelque chose dans ce cœur-là n’est pas chrétien. Jésus utilise cette parabole dans son dialogue avec un docteur de la loi, à propos du double commandement qui permet d’entrer dans la vie éternelle : aimer Dieu de tout son cœur et le prochain comme soi-même ( vv.25-28 ). « Oui — réplique ce docteur de la loi — mais, dis-moi, qui est mon prochain ? » ( cf. v.29 ). Nous aussi nous pouvons nous poser cette question : qui est mon prochain ? Qui dois-je aimer comme moi-même ? Mes proches ? Mes amis ? Mes compatriotes ? Ceux qui ont la même religion que moi ?… Qui est mon prochain ?

Et Jésus répond avec cette parabole. Un homme, le long de la route allant de Jérusalem à Jéricho, a été attaqué par des brigands, battu et abandonné. Sur cette route passent d’abord un prêtre et un lévite, qui, ayant vu l’homme blessé, ne s’arrêtent pas et continuent leur chemin (vv.31-32). Passe ensuite un samaritain, c’est-à-dire un habitant de Samarie, et comme tel méprisé par les juifs parce qu’il n’observe pas la vraie religion ; et, en revanche, c’est lui, précisément lui, qui en voyant ce pauvre malheureux, « fut pris de pitié. Il s’approcha, banda ses plaies (…) ; le mena à l’hôtellerie et prit soin de lui » (vv.33-34) ; et le lendemain, il le confia aux soins de l’aubergiste, paya pour lui et lui dit qu’il payerait encore tout le reste (cf. v.35).

Jésus s’adresse alors au docteur de la loi et lui demande : « Lequel de ces trois hommes — le prêtre, le lévite et le samaritain —, à ton avis, s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands ? ». Et ce dernier naturellement — parce qu’il était intelligent —, répond : « Celui-là qui a exercé la miséricorde envers lui » (vv.36-37). De cette façon, Jésus a complètement renversé la perspective initiale du docteur de la loi — et aussi la nôtre ! — : je ne dois pas cataloguer les autres pour décider qui est mon prochain et qui ne l’est pas. Il dépend de moi d’être ou de ne pas être le prochain — la décision est la mienne —, il dépend de moi d’être ou de ne pas être le prochain de la personne que je rencontre et qui a besoin d’aide, même si elle est étrangère ou peut-être hostile. Et Jésus conclut : « Va, et toi aussi fais de même » (v.37). Belle leçon. Et je le répète à chacun de nous : « Va, et toi aussi, fais de même », fais-toi le prochain du frère et de la sœur que tu vois en difficulté. « Va et toi aussi fais de même ». Faire de bonnes œuvres, pas seulement prononcer des paroles au vent. Je pense à cette chanson « Paroles, paroles, paroles ». Non. Faire, faire. Et à travers les bonnes œuvres, que nous accomplissons avec amour et avec joie envers notre prochain, notre foi germe et porte du fruit. Demandons-nous — et que chacun de nous réponde dans son propre cœur — demandons-nous : notre foi est-elle féconde ? Notre foi produit-elle de bonnes œuvres ? Ou est-elle plutôt stérile, et donc plus morte que vivante ? Est-ce que je me fais le prochain des autres ou est-ce que je passe simplement à côté ? Suis-je de ceux qui sélectionnent les personnes selon leur propre plaisir ? Il est bon de se poser ces questions et de se les poser souvent, car à la fin nous serons jugés sur les œuvres de miséricorde. Le Seigneur pourra nous dire : « Mais toi, te rappelles-tu de cette fois-là, sur la route de Jérusalem à Jéricho ? Cet homme à moitié mort, c’était moi. Te rappelles-tu ? Cet enfant qui avait faim, c’était moi. Te rappelles-tu ? Ce migrant que beaucoup veulent chasser, c’était moi. Ces grands-parents seuls, abandonnés dans les maisons de retraite, c’était moi. Ce malade seul à l’hôpital, auquel personne ne rend visite, c’était moi.

Que la Vierge Marie nous aide à marcher sur le chemin de l’amour, de l’amour généreux envers les autres, le chemin du bon samaritain. Qu’elle nous aide à vivre le commandement principal que le Christ nous a laissé. Voilà le chemin pour entrer dans la vie éternelle.

© Libreria Editice Vaticana – 2016