Pko 10.11.2019

Eglise cath papeete 1

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°55/2019

Dimanche 10 novembre 2019 – 32ème Dimanche du Temps ordinaire – Année C

Humeurs…

« Les animaux malades de la peste »
par Jean de La Fontaine

Un mal qui répand la terreur,

Mal que le Ciel en sa fureur

Inventa pour punir les crimes de la terre,

La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)

Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,

Faisait aux animaux la guerre.

Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :

On n'en voyait point d'occupés

À chercher le soutien d'une mourante vie ;

Nul mets n'excitait leur envie ;

Ni Loups ni Renards n'épiaient

La douce et l'innocente proie.

Les Tourterelles se fuyaient :

Plus d'amour, partant plus de joie.

Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,

Je crois que le Ciel a permis

Pour nos péchés cette infortune ;

Que le plus coupable de nous

Se sacrifie aux traits du céleste courroux,

Peut-être il obtiendra la guérison commune.

L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents

On fait de pareils dévouements :

Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence

L'état de notre conscience.

Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons

J'ai dévoré force moutons.

Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :

Même il m'est arrivé quelquefois de manger

Le Berger.

Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense

Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :

Car on doit souhaiter selon toute justice

Que le plus coupable périsse.

- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;

Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;

Eh bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,

Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur

En les croquant beaucoup d'honneur.

Et quant au Berger l'on peut dire

Qu'il était digne de tous maux,

Étant de ces gens-là qui sur les animaux

Se font un chimérique empire.

Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir.

On n'osa trop approfondir

Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances,

Les moins pardonnables offenses.

Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,

Au dire de chacun, étaient de petits saints.

L'Âne vint à son tour et dit : J'ai souvenance

Qu'en un pré de Moines passant,

La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense

Quelque diable aussi me poussant,

Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.

Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.

À ces mots on cria haro sur le baudet.

Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue

Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,

Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.

Sa peccadille fut jugée un cas pendable.

Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !

Rien que la mort n'était capable

D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.

Selon que vous serez puissant ou misérable,

Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Invitation…

200ème anniversaire de la Congrégation des Frères de La Mennais

Célébrons ensemble de 200ème anniversaire de la Congrégation des Frères de La Mennais, samedi 16 novembre 2019 à partir de 9h à l’église Maria no te Hau de Papeete.

Le 6 juin 1819, Jean-Marie Robert de La Mennais et Gabriel Deshayes, signaient le « traité d’union » donnant naissance à la Congrégation. La Congrégation des Frères de l’Instruction Chrétienne vous convie à venir fêter avec eux cet anniversaire. La célébration eucharistique, présidée par Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU sera précédée d’une saynète sur le parvis de l’église. Après la messe, un spectacle présenté par nos écoles se tiendra dans les jardins où nous partagerons ensemble un verre de l’amitié.

Fr. Rémy QUINTON

Visiteur du District St Pierre Chanel

© La Mennais – 2019

Laissez-moi vous dire…

19 septembre 2019 : Mise en place de la commission « des 1 000 premiers jours »

Si nous ne leur parlons pas, qui le fera ?

Pendant ce temps de vacances scolaires, en tant que grands parents, nous avons eu la joie de garder une semaine trois de nos petits-enfants. Un vrai bonheur ! Occasion de partager : joies, soucis, inquiétudes, savoir-être et savoir-faire…

Le temps clément se prêtait aux activités de plein air. Ils voulaient construire une cabane… Allez-y, prenez les bois qui vous conviennent dans le tas de bois et les feuillages autorisés par Mamie… et surtout pas de disputes. Ça babille, discute, s’active… la construction prend forme… On vient chercher des coussins, des paréos… Et au bout d’un moment : éclats de voix… bagarre des deux grands avec le plus jeune… Pour prévenir tout pugilat, je vais aux renseignements : « Que se passe-t-il ? » … « C’est Teiki qui a saccagé nos tablettes… » « Vos tablettes ?! » « Ben oui, regarde, j’avais trouvé deux petites planches ; alors avec un feutre j’ai dessiné des tablettes… Et Teiki les a prises, l’une est toute gribouillée, et sur l’autre il a signé son nom, disant : celle-là est à moi ! »… Explications… Demande de pardon… Réconciliation…

Bref, les deux grands avaient oublié que le petit frère sait ce qu’est une tablette. Et pourtant aucun des trois ne dispose d’un téléphone et encore moins d’une tablette numérique à la maison !

Un peu plus tard, le calme étant revenu, le grand me demande : « Papy, est-ce qu’on pourrait regarder Ninjago ? » « Euh ?… peut-être mais avant je veux voir de quoi il s’agit. » Il me dit : « C’est sur la chaîne n°4 ». J’allume la télé, et avec lui, je cherche la 4… en zappant les chaînes je tombe sur une séquence de télénovela… bisous bisous d’un couple d’acteurs en petite tenue… Vite je zappe… Et mon mo’otua de me dire : « Tu crois qu’ils vont faire l’amour ? ». Interloqué, je bredouille : « Ah bon, tu crois ? » « C’est presque sûr »… Hum, « Passons aux Ninjago »…

Occasion un peu plus tard d’engager un dialogue plus soutenu. En fait ce sont les copains qui lui racontent ce qu’ils voient avec leur grand frère ou grande sœur quand ils surfent sur le Net… en l’absence des parents.

Rien d’étonnant à ce que des prédateurs pédo-pornographes, comme celui qui vient d’être jugé, « harponnent » des jeunes sur les réseaux sociaux. Plus d’une centaine de jeunes et d’enfants ont été harcelés et traumatisés. Plusieurs parents sont tombés des nues. D’où l’importance de former nos enfants dès le plus jeune âge. Il n’est pas facile pour les parents de tout contrôler et surtout de dialoguer avec leurs enfants sur les risques encourus quand on se laisse entraîner par des copains -ou des adultes- utilisant smartphones, tablettes… etc… Certes il y a des interdits à poser mais ils doivent toujours être accompagnés d’explications et d’une réflexion adaptées à chaque âge.

Si nous ne parlons pas à nos enfants et petits-enfants, qui le fera à notre place ?

La commission « des 1 000 premiers jours » installée officiellement, le 19 septembre dernier, par le Président de la République devrait être un moyen pour accompagner plus efficacement les familles dans la prise en charge de leur enfant du troisième mois de grossesse jusqu’à l’entrée en maternelle. Cette commission est présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik (1), spécialiste -entre autres- en éthologie (2), science des comportements des êtres humains dans le milieu où ils vivent.

La France est parmi les pays développés les plus en retard dans la prise en charge et l’accompagnement des familles dans l’éducation des jeunes enfants. Pour lutter contre « les inégalités de destin », la Protection Maternelle et Infantile (PMI) doit être repensée. En effet le nombre de médecins pédiatres, de puéricultrices, centres d’accueil de la petite enfance… est très insuffisant. La formation des parents en matière de santé et d’éducation est insuffisante. Or, beaucoup d’acquisitions se font entre 0 et 3 ans. La PMI a pour rôle d’assurer des services et de donner des conseils en matière de nutrition, de prévention contre les perturbateurs endocriniens, d'acquisition du vocabulaire, d'exposition aux écrans connectés ou à la télévision...

Espérons que cette commission débouchera sur des actions pertinentes, réelles et efficaces (… et qu’elle ne sera pas « enterrée » faute de crédits suffisants).

Comme toujours, l’action sur le terrain revient aux associations, aux communes les plus dynamiques.

Dominique SOUPÉ

  1. Boris Cyrulnik, né le 26 juillet 1937 à Bordeaux, est un neuro-psychiatre français connu pour avoir vulgarisé le concept de « résilience » (renaître de sa souffrance).
  2. L'éthologie est l'étude scientifique du comportement des espèces animales, incluant l'humain, dans leur milieu naturel ou dans un environnement expérimental, par des méthodes scientifiques d'observation et de quantification des comportements animaux. L’éthologie est au carrefour de plusieurs disciplines scientifiques.

© Cathédrale de Papeete – 2019

En marge de l’actualité…

« De la mort »

Alors que nos cimetières sont encore fleuris et que restent au fond de nos yeux, parfois embués de larmes, les visages de ceux et celles que nous avons aimés et qui nous ont quittés, demeure peut-être au plus profond de nous cette question obsédante de la mort, cette réalité que nous ne pouvons pas accepter, tant elle s’oppose à notre soif de vie et de bonheur. Oui, la mort scandalise, surtout quand, de façon qui nous semble injuste, elle frappe des jeunes, ou quand elle laisse des enfants sans mère ou sans père, ou des parents séparés de leur enfant, suite à la maladie, au suicide, à l’accident tragique !

La foi Chrétienne ne supprime pas ce scandale, ni la peur de la mort. Il serait inhumain de rester indifférent à la mort en niant la souffrance qu’elle engendre, même pour un croyant. Le chemin de la résurrection passe par la croix, ne l’oublions pas. Souvenons-nous que Jésus lui-même a eu peur de la mort, à Gethsémani : « Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! ». Il nous rejoignait ainsi dans ce qu’il y a de plus douloureux dans notre humanité. Il n’a pas fait semblant d’être homme !

Peut-on cependant trouver dans les Écritures de quoi nous aider à faire face à ce qui nous apparait comme un scandale ? Tournons-nous vers les premiers chapitres du livre de la Genèse. L’auteur sacré nous dit que l’Homme fut écarté de l’arbre de vie, se découvrant ainsi mortel. Mais en fait, ce n’est pas la mort elle-même qui fait son apparition. C’est la façon de la vivre. Le poète Charles Péguy écrit : « Ce qui, depuis ce jour (où l’Homme fut chassé du paradis) est devenu la mort n’était qu’un naturel et tranquille départ » ; et le penseur Paul Ricœur dit que : « La malédiction, ce n’est pas que l’Homme meure mais qu’il affronte la mort dans l’angoisse ». Soyons clairs : la mort physique ne saurait en aucun cas être en elle-même une punition divine. Notre Dieu est Dieu des vivants, il nous a créés pour la vie. La mort corporelle est une loi de la nature. En effet, les animaux meurent, les plantes, les fleurs, les arbres, les étoiles, les planètes meurent, et pourtant ils ne font pas de péchés, ils ne se révoltent pas contre Dieu ! Mais l’Homme a voulu se faire l’égal de Dieu, prendre sa place, le supprimer, se coupant ainsi de la source de vie, tant il est vrai que la source de la vie est en Dieu. La mort corporelle devient alors symbole, image d’une autre mort plus redoutable, celle qui nous éloigne de Dieu, celle qui nous conduit à vouloir nous prendre pour Dieu, à prendre sa place. Jésus est clair à ce sujet : « Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps et après cela ne peuvent rien faire de plus. Je vais vous montrer qui vous devez craindre : craignez Celui qui, après avoir tué, a le pouvoir de jeter dans la Géhenne… »(Lc 12, 4-5).

Pourtant, face à cette situation, Dieu n’a pas abandonné l’humanité à sa convoitise, à son orgueil. Par la puissance de son amour, Jésus Christ a vaincu la mort au matin de Pâques. Il nous a ainsi rétablis dans l’amitié de Dieu, et sa vie peut à nouveau irriguer nos propres vies, par la grâce de sa miséricorde et de son pardon. Malgré notre faiblesse humaine, malgré la mort de notre corps, nous pouvons accueillir cette vie divine et cet amour dont « ni mort, ni vie, ni anges, ni principautés, ni présent, ni avenir, ni puissances, ni hauteur, ni profondeur ni aucune autre créature » (Rm 8,38) ne pourront nous séparer. Pour le croyant, la mort corporelle devient un passage qui ouvre à la vie éternelle, à un monde nouveau, aux retrouvailles avec ceux et celles qu’il a aimés sur cette terre. Un passage douloureux, certes, mais n’est-il pas vrai que le bébé qui sort du sein maternel à sa naissance pousse cris et pleurs lorsqu’il accède à la réalité de ce qui est pour lui un monde nouveau ?

Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete - 2019

Audience générale

Saint Paul, modèle de l’inculturation !

Lors de l'audience générale de ce mercredi 6 novembre 2019, le Pape François a poursuivi sa série d'enseignements sur les Actes des Apôtres.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons notre « voyage » avec le livre des Actes des apôtres. Après les épreuves vécues à Philippes, Thessalonique et Bérée, Paul accoste à Athènes, au cœur de la Grèce (cf. Ac 17,15). Cette ville, qui vivait à l’ombre des antiques gloires malgré la décadence politique, conservait encore le primat de la culture. Là, l’apôtre « avait l’esprit exaspéré en observant la ville livrée aux idoles » (Ac 17,16). Mais cet « impact » avec le paganisme, au lieu de le faire fuir, le pousse à créer un pont pour dialoguer avec cette culture.

Paul choisit d’entrer en familiarité avec la ville et commence ainsi à fréquenter les lieux et les personnes les plus importants. Il va à la synagogue, symbole de la vie de foi ; il va sur la place, symbole de la vie citadine ; et il va à l’aréopage, symbole de la vie politique et culturelle. Il rencontre des juges, des philosophes épicuriens et stoïciens, et beaucoup d’autres personnes. Il rencontre tout le monde, il ne se renferme pas, il va parler avec tout le monde. Ainsi, Paul observe la culture, il observe l’environnement d’Athènes « à partir d’un regard contemplatif » qui découvre « ce Dieu qui habite dans ses maisons, dans ses rues et sur ses places » (Evangelii gaudium, 71). Paul ne regarde pas la ville d’Athènes et le monde païen avec hostilité mais avec les yeux de la foi. Et cela nous pousse à nous interroger sur notre façon de regarder nos villes : les observons-nous avec indifférence ? Avec mépris ? Ou avec la foi qui reconnaît les enfants de Dieu au milieu des foules anonymes ?

Paul choisit le regard qui le pousse à ouvrir un passage entre l’Évangile et le monde païen. Au cœur d’une des institutions les plus célèbres du monde antique, l’aréopage, il réalise un extraordinaire exemple d’inculturation du message de la foi : il annonce Jésus-Christ aux adorateurs d’idoles, et ne le fait pas en les agressant, mais en se faisant « pontife, constructeur de ponts » (Homélie à Sainte Marthe, 8 mai 2013).

Paul s’inspire de l’autel de la ville dédié à « un dieu inconnu » (Ac 17,23) – il y avait un autel avec l’inscription « au dieu inconnu » ; aucune représentation, rien, seulement cette inscription. En partant de cette « dévotion » au dieu inconnu, pour entrer en empathie avec ses auditeurs, il proclame que Dieu « vit parmi les citadins » (Evangelii gaudium, 71) et « ne se cache pas à ceux qui le cherchent d’un cœur sincère, bien qu’ils le fassent à tâtons » (ibid.). C’est précisément cette présence que Paul cherche à dévoiler : « ce que vous vénérez sans le connaître, voilà ce que, moi, je viens vous annoncer » (Ac 17,23).

Pour révéler l’identité du dieu que les Athéniens adorent, l’apôtre part de la création, c’est-à-dire de la foi biblique dans le Dieu de la révélation, pour arriver à la rédemption et au jugement, à savoir le message proprement chrétien. Il montre la disproportion entre la grandeur du Créateur et les temples construits par l’homme, et il explique que le Créateur se laisse chercher toujours davantage pour que chacun puisse le trouver. Ainsi, selon une belle expression du pape Benoît XVI, Paul « annonce celui que les hommes ignorent, et pourtant connaissent : l’Inconnu-Connu » (Benoît XVI, Rencontre avec le monde de la culture au Collège des Bernardins, 12 sept. 2008). Ensuite, il invite chacun à aller au-delà des « temps de l’ignorance » et à se décider pour la conversion en vu du jugement imminent. Paul aborde ainsi le kérygme et fait allusion au Christ, sans le citer, le définissant comme l’homme que Dieu a « accrédité auprès de tous en le ressuscitant d’entre les morts » (Ac 17,31).

Et voilà le problème. La parole de Paul qui, jusqu’alors, avait tenu ses interlocuteurs en haleine – parce que c’était une découverte intéressante – se heurte à une pierre d’achoppement : la mort et la résurrection du Christ apparaît comme une « folie » (1 Cor 1,23) et fait l’objet de moqueries et de dérision. Alors Paul s’éloigne : sa tentative semble avoir échoué mais, en fait, quelques-uns adhèrent à sa parole et s’ouvrent à la foi. Parmi ceux-ci un homme, Denys, membre de l’aréopage, et une femme, Damaris. À Athènes aussi l’Évangile prend racine et peut courir à deux voix : celle de l’homme et celle de la femme !

Demandons-nous aussi aujourd’hui à l’Esprit Saint de nous apprendre à construire des ponts avec la culture, avec ceux qui ne croient pas ou qui ont une croyance différente de la nôtre. Toujours construire des ponts, toujours la main tendue, sans agression. Demandons-lui la capacité d’inculturer avec délicatesse le message de la foi, en posant sur ceux qui sont dans l’ignorance du Christ un regard contemplatif, mû par un amour qui réchauffe même les cœurs les plus endurcis.

© Libreria Editrice Vaticana - 2019

Frères de La Mennais

Les 200 ans du « Traité d’union »

Le 6 juin 1819, les abbés Gabriel Deshayes et Jean-Marie de la Mennais signent à Saint-Brieuc un « traité d’union » où ils mettent en commun leurs énergies pour « procurer aux enfants du peuple, spécialement à ceux des campagnes bretonnes, des maîtres solidement pieux ».

Le 6 juin 1819, Jean-Marie de la Mennais, vicaire capitulaire de Saint-Brieuc, et Gabriel Deshayes, curé d’Auray et vicaire général de Vannes, signent à Saint-Brieuc le traité d’union qui assure la convergence de leurs efforts en vue de « procurer aux enfants du peuple, spécialement à ceux des campagnes de la Bretagne, des maîtres solidement pieux… »

Animés par le souffle de l’Esprit-Saint, réconfortés par leur entente mutuelle, ils redoublent de soin pour l’épanouissement de l’œuvre naissante. La première émission du vœu d’obéissance a lieu à la retraite commune d’Auray, le 15 septembre 1820. La jeune Congrégation des Frères de l’Instruction Chrétienne s’accroît rapidement. Grâce à une acquisition du Père Deshayes, le Père de la Mennais fait de Ploërmel, à partir de novembre 1824, le centre de la Congrégation.

Disciples de Fondateurs au zèle de feu, en dépit d’une formation hâtive et de conditions matérielles précaires, les Frères de Ploërmel portent avec ardeur, aux jeunes de régions déshéritées, la lumière de l’Évangile et les premiers rudiments des connaissances profanes. Remplis d’audace missionnaire, beaucoup franchissent les mers pour ouvrir, aux Antilles et en Afrique, le cœur des populations à la Parole libératrice du Christ Sauveur.

Assuré de la pérennité de l’Institut auquel il a tout donné, entouré de l’affection de ses huit cent cinquante-deux Frères et de celle des Filles de la Providence de Saint-Brieuc, vénéré de multitudes d’enfants et de parents, Jean-Marie de la Mennais estime n’avoir pas encore assez fait : « Mon fils, achève mon œuvre », confie-t-il au Frère Cyprien quelques jours avant sa mort survenue à Ploërmel le 26 décembre 1860.

Les Frères, dans un constant souci de fidélité aux intentions de leurs Fondateurs continuent d’assurer dans leurs écoles l’instruction et l’éducation chrétiennes de la jeunesse. L’apostolat missionnaire, voulu dès 1837, se poursuit dans la même ligne à la Guadeloupe, à la Martinique, au Sénégal, à la Guyane, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Tahiti, puis en Haïti à partir de 1864. Et quand les contrecoups de la politique française les expulsent de la plupart de ces régions, leur zèle apostolique conduit les Frères au Canada.

Entre temps, ils se sont vus renforcés par une double adhésion : celle des Frères de Gascogne en 1876, fondés par Mgr de la Croix d’Azolette, Archevêque d’Auch, et celle des Frères de Sainte-Marie de Tinchebray en 1880, fondés par l’abbé Charles-Augustin Duguey.

Interdite en France en 1903, spoliée de ses biens, tombée en quelques années de deux mille deux cents membres à un millier, la Congrégation garde foi en sa destinée. Elle se maintient dans son pays d’origine grâce à nombre de ses fils peu sensibles à l’inconfort et aux risques de la clandestinité. Elle essaime en Bulgarie, en Turquie, en Égypte. Elle se développe au Canada où elle est présente depuis 1886. Elle prend pied aux États-Unis, en Angleterre, en Espagne, et en Italie.

Sans retard, plusieurs de ces pays envoient leurs propres enfants, Frères de l’Instruction Chrétienne, porter secours aux Missions existantes et, à leur tour, en fonder de nouvelles en Afrique (Ouganda, Kenya, Tanzanie, Seychelles, Kenya, Rwanda, Burundi, Zaïre, Congo), , puis au Japon, aux Philippines et en Alaska. De l’Espagne des Frères se rendent en Argentine, en Uruguay, au Chili, en Bolivie. Pendant ce temps, les Frères de France, retournés au Sénégal et aux Iles Marquises, ouvrent de nouvelles Missions en Côte d’Ivoire, et au Togo et au Bénin. Les Provinces d’Espagne et de France réaliseront, en l’an 2000, une fondation commune en Indonésie. Depuis 2006 deux Frères Canadiens participent à un projet AGAPE-FIC au Mexique. Enfin, en 2013, les Frères d’Ouganda ont fondé une communauté à Rimenze, au Sud-Soudan. C’est la dernière mission ouverte à ce jour.

Cette œuvre d’évangélisation, poursuivie en des milieux très divers, a pu se réaliser plus facilement parce que les Frères, dès les débuts, selon la volonté expresse de Jean-Marie de la Mennais, ont été constitués en Congrégation religieuse. Parallèlement à l’extension territoriale de l’Institut, les Chapitres généraux successifs ont complété son organisation, insistant sur l’unité fondamentale de la vie religieuse et de l’apostolat. Dans une adaptation aux temps, les Supérieurs et les Frères ont davantage compris que l’efficacité de l’action apostolique dépendait d’un niveau plus élevé de culture générale et d’une vie spirituelle profonde, nourrie de connaissances bibliques et théologiques, l’un et l’autre garantis par la solidité de la formation initiale et permanente.

Ainsi, le double héritage religieux et apostolique, reçu de leurs Fondateurs, authentifié par la reconnaissance pontificale en 1891, et toujours fidèlement gardé, est-il transmis aux Frères d’aujourd’hui.

Traité d’union

Au nom de la Très Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, Nous, Jean-Marie Robert de la Mennais, vicaire général de Saint-Brieuc, et Gabriel Deshayes, vicaire général du diocèse de Vannes et curé d’Auray, animés du désir de procurer aux enfants du peuple, spécialement à ceux des campagnes de la Bretagne, des maîtres solidement pieux, nous avons résolu de former provisoirement à Saint-Brieuc et à Auray deux noviciats de jeunes gens qui suivront, autant que possible, la règle des Frères des Écoles Chrétiennes et se serviront de leur méthode d’enseignement ; mais, considérant que cette bonne œuvre naissante ne saurait s’accroître et se consolider qu’avec le temps, et que chacun de nous peut mourir avant l’époque où cette bonne œuvre sera assez avancée pour se soutenir par elle-même,

Nous sommes convenus de ce qui suit :

  1. Les deux maisons de noviciat établies, l’une à Saint-Brieuc et l’autre à Auray, seront dirigées, savoir : la première, par M. de la Mennais, la seconde, par M. Deshayes.
  2. Les deux maisons auront la même règle, la même méthode d’enseignement et n’en feront qu’une.
  3. Chacun de nous aura la direction et la surveillance de tous les Frères placés dans son diocèse et de tous ceux qu’il placera dans un autre diocèse.
  4. Lorsque nous le jugerons à propos, nous choisirons parmi les Frères un supérieur et deux assistants, et nous désignerons la maison où ils devront habiter ; dans le cas où les choix n’auraient pas été faits avant la mort de l’un de nous, ou que l’autre, pour une cause quelconque, ne pourrait pas y concourir, les choix et les arrangements à prendre pour le bien de la société seront faits par un seul.
  5. Nous nous occuperons de trouver, le plus tôt possible, une maison centrale pour les deux diocèses, qui ne soit pas éloignée d’une grande route, et, autant que faire se pourra, à la campagne.
  6. Chacun de nous prendra les mesures nécessaires pour qu’à sa mort les ressources qui lui resteront entre les mains pour son établissement passent au survivant qui les joindra aux siennes pour le soutien de la société.

 

Vicaire général et curé d’Auray

Commentaire des lectures du dimanche

Chers frères et sœurs bonjour !

À quelques jours de distance de la solennité de la Toussaint et de la commémoration des fidèles défunts, la liturgie de ce dimanche nous invite encore à réfléchir sur le mystère de la résurrection des morts. L’Évangile (cf. Lc 20,27-38) présente Jésus confronté à quelques sadducéens, qui ne croyaient pas dans la résurrection et concevaient la relation avec Dieu uniquement dans la dimension de la vie terrestre. Et donc, pour ridiculiser la résurrection et mettre Jésus en difficulté, ils lui soumettent un cas paradoxal et absurde : une femme qui a eu sept maris, tous frères entre eux, et qui sont morts l’un après l’autre. Et voici la question malicieuse adressée à Jésus : cette femme, lors de la résurrection, de qui sera-t-elle l’épouse (v.33) ?

Jésus ne tombe pas dans le piège et réaffirme la vérité de la résurrection, en expliquant que l’existence après la mort sera différente de l’existence sur la terre. Il fait comprendre à ses interlocuteurs qu’il n’est pas possible d’appliquer les catégories de ce monde aux réalités qui vont au-delà et qui sont plus grandes que ce que nous voyons en cette vie. Il dit en effet : « Les fils de ce monde-ci prennent femme ou mari ; mais ceux qui auront été jugés dignes d’avoir part à ce monde-là et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari » (vv.34-35). Avec ces mots, Jésus entend expliquer que dans ce monde, nous vivons de réalités provisoires, qui finissent ; en revanche dans l’au-delà, après la résurrection, nous n’aurons plus la mort comme horizon et nous vivrons tout, également les liens humains, dans la dimension de Dieu, de façon transfigurée. Le mariage aussi, signe et instrument de l’amour de Dieu en ce monde, resplendira, transformé en pleine lumière dans la glorieuse communion des saints au paradis.

Les « enfants du ciel et de la résurrection » ne sont pas quelques privilégiés, mais ce sont tous les hommes et toutes les femmes, car le salut apporté par Jésus est pour chacun de nous. Et la vie des ressuscités sera semblable à celle des anges (cf. v.36), c’est-à-dire entièrement plongée dans la lumière de Dieu, entièrement dédiée à sa louange, dans une éternité pleine de joie et de paix. Mais attention ! La résurrection n’est pas seulement le fait de ressusciter après la mort, mais c’est un nouveau genre de vie que nous expérimentons déjà aujourd’hui ; c’est la victoire sur le néant que déjà nous pouvons goûter à l’avance. La résurrection est le fondement de la foi et de l’espérance chrétienne ! S’il n’y avait pas la référence au paradis et à la vie éternelle, le christianisme se réduirait à une éthique, à une philosophie de vie. Au contraire, le message de la foi chrétienne vient du ciel, il est révélé par Dieu et va au-delà de ce monde. Croire à la résurrection est essentiel, afin que chacun de nos actes d’amour chrétien ne soit pas éphémère ni une fin en soi, mais devienne une semence destinée à éclore dans le jardin de Dieu et à produire des fruits de vie éternelle.

Que la Vierge Marie, reine du ciel et de la terre, nous confirme dans l’espérance de la résurrection et nous aide à faire fructifier par de bonnes œuvres la parole de son Fils semée dans nos cœurs.

© Libreria Editrice Vaticana – 2016

Vicaire général de Saint-Brieuc

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