Pko 10.02.2019

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°07/2019

Dimanche 10 février 2019 – 5ème Dimanche du Temps ordinaire – Année C

Humeurs…

Transversalité

« Transversalité »… mot à la mode qui, mis en œuvre , ouvre des portes d’humanité ! La transversalité, c’est l’art de ne pas s’enfermer dans nos principes de fonctionnement pour s’ouvrir aux autres et ainsi se souvenir que l’homme est complexité ! Dans le concret la transversalité peut devenir chemin de liberté en nous permettant de travailler ensemble pour un même projet dans le respect des compétences et des charismes de chacun…

Deux expériences pour illustrer ces propos.

Il y a quelques semaines, dans nos humeurs, nous avions rapporté l’histoire de ce jeune homme à la rue qui venait d’entamer un stage professionnel et qui se voyait briser dans son élan de réinsertion par une incarcération plus d’un an après le jugement. Jeudi, ce jeune homme a été libéré jusqu’à son jugement en juin et pourra ainsi reprendre son stage… ceci est l’aboutissement d’un travail initié par notre « juriste » qui s’est démenée pour mettre en lien toutes les personnes-acteurs de cette situation… mise en place d’une aide judiciaire, recherche d’un avocat disposé à prendre l’affaire à bras le corps, démarche auprès du Tribunal pour trouver une solution intermédiaire, contact avec un foyer d’accueil d’urgence pour l’hébergement de ce jeune homme et de sa petite famille … ce travail entre « personne de bonne volonté » a aboutit à sa libération et à la reprise de son chemin de réinsertion… Il ne s’agit pas d’un passe-droit ou d’une faveur… le droit est pleinement respecté – il sera jugé en juin – mais simplement d’un travail ensemble ou chacun fait effort pour aller à la rencontre de l’autre, pour travailler avec l’autre et trouver ensemble la réponse adéquate qui respecte la dignité humaine et le bien commun. Chapeau à cette bénévole qui n’a pas eu peur de se dépenser pour cette cause et qui osé aller vers l’autre !

Autre exemple de transversalité… la mise en œuvre d’un travail au service des personnes en grande précarité et en détresse… ici ce sont psychiatres, SEFI, Service de la jeunesse et des sports, bénévoles qui vont unir leurs forces pour porter un projet de réinsertion pour 12 personnes à la rue.

Depuis quelques semaines se met en place un partenariat entre psychiatres et bénévoles pour offrir aux personnes à la rue et en grande souffrance psychologique un service d’accompagnement et de soutien. Ainsi deux psychiatres, un de la santé publique et l’autre du privé prennent une matinée dans la semaine pour rencontrer, soit au presbytère, soit à la rue ces hommes et femmes en détresse… En lien avec la police municipale, le service social de la Mairie, l’accompagnement se met en place et l’apprentissage pour chacun du respect de l’autre… sous l’impulsion d’un infirmier qui croit en l’homme !

Parallèlement, le SEFI, le Service de la jeunesse et des sports et d’autres partenaires mettent en place une pré-formation pour nos amis de la rue, essentiellement orientée sur le savoir-être (présentation, entretien, posture etc...) de manière à les préparer pour une remise à niveau en vue d’une CAE-Pro. Les cours en classe n'auront lieu que le matin, l'après-midi pour du sport, coaching…

Une volonté commune pour offrir et ouvrir à une espérance des hommes et des femmes que la société ne peut réinsérer si elle ne les considère pas d’abord comme des personnes dans toute leur complexité.

L’espérance est en marche dès que chacun se décide à aller vers l’autre pour mutualiser ses moyens, ses connaissances…

Transversalité…

l’antidote à l’individualisme…

la chance du bien commun !

Laissez-moi vous dire…

11 février : Notre Dame de Lourdes, XXVIIème Journée mondiale des Malades

L’accompagnement spirituel des malades

Qui d’entre nous n’a pas eu à accompagner un malade à un moment donné de sa vie : un enfant, un parent, un voisin, un(e) ami(e)… ? Visiter un malade est un acte ponctuel qui peut apporter beaucoup au malade : une présence, un réconfort, une écoute, un temps de « recréation » … Mais cela reste un épisode de courte durée. Autre est l’accompagnement d’une personne malade durant des jours, des mois, voire des années. Dans de nombreux cas le soutien de la prière et des sacrements s’avère indispensable si l’on veut tenir le coup, notamment lorsque le malade se décourage face à la souffrance et à l’impuissance du corps médical. C’est alors que la présence humaine d’un proche, d’un ami, ne suffit plus ; l’accompagnement doit devenir spirituel.

Si un lien de confiance est établi entre le « souffrant » et « l’accompagnateur », alors l’accompagnement va presque de soi et la communion de prière fait lien. Par contre si le « souffrant » se révolte contre Dieu, oppose des résistances, des obstacles à l’aide spirituelle que je souhaiterais apporter, il faut s’armer de patience et compter sur l’action de l’Esprit Saint ainsi que l’appui d’une communauté de priants.

« Il y a un temps pour tout, et un temps pour chaque chose sous le ciel », disait l’Ecclésiaste (3,1). Il faut savoir laisser s’écouler le « temps de gémir et de se lamenter » ; pourvu que nous soyons « présence et écoute ». Les temps de l’espérance et de la consolation viendront sans qu’on se sente obligés de forcer le processus. Il importe de respecter les choix du malade, nous ne sommes pas là pour faire du prosélytisme, mais bien pour accompagner dans le respect. Parfois une très courte prière, quelques paroles de Dieu, peuvent contribuer à apaiser le malade en révolte… Tout est une question de discernement et d’humilité ; chaque jour apportant son lot d’imprévus et parfois de volte-face. Ne jamais désespérer, garder courage et confiance, savoir attendre avec patience pour saisir toute opportunité pour re-créer le lien entre le malade et Dieu.

N’oublions pas la communion des saints, porter seul(e) un(e) malade lourdement atteint(e) – surtout lorsqu’il(elle) est en fin de vie – peut paraître « mission impossible » sans l’appui de la prière d’autres chrétiens, voire de tout un groupe. Les soignants -en particulier en unité de soins palliatifs- apprécient les accompagnateurs respectueux, discrets, humbles et disponibles.

Le message du Pape François pour cette Journée Mondiale du Malade a pour thème : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ». Il rappelle que « Toute personne, à partir de sa naissance, a besoin de l’attention des autres, en vertu de sa nature même de “créature”. La reconnaissance loyale de cette vérité nous invite à rester humbles et à pratiquer courageusement la solidarité, comme vertu indispensable à l’existence ».

Le Pape remercie les volontaires qui apportent un soutien médical ou spirituel aux patients. « Beaucoup de personnes malades, seules, âgées, présentant des fragilités psychiques ou motrices, en bénéficient. Je vous exhorte à continuer d’être un signe de la présence de l’Église dans le monde sécularisé. Le volontaire est un ami désintéressé auquel on peut confier ses pensées et ses émotions ; grâce à l’écoute, il crée les conditions qui font passer le malade, d’objet passif de soins, à l’état de sujet actif et protagoniste d’un rapport de réciprocité, capable de retrouver l’espérance, mieux disposé à accepter les thérapies. »

« Nous savons que la santé est relationnelle, elle dépend de l’interaction avec les autres et a besoin de confiance, d’amitié et de solidarité », explique enfin le Pape François, en soulignant que « la joie du don gratuit est l’indicateur de santé du chrétien ».

Dominique Soupé

© Cathédrale de Papeete - 2019

En marge de l’actualité…

Un moment historique

Ce mardi 05 février, le Pape a célébré la messe avec 135 000 fidèles. La particularité de cette eucharistie est le lieu de sa célébration : Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, à seulement 300 km de l’Arabie Saoudite, près du Qatar et de l’Iran. Il s’agit bien d’un événement historique, une étape cruciale dans le dialogue interreligieux entre catholiques et musulmans, le signe fort d’un changement au sein du monde musulman lui-même.

Le Pape François est le premier pape à fouler le sol d’un pays de la péninsule arabique. Il y a peu encore, très peu de personnes auraient pensé cela possible compte tenu notamment des relations tendues entre l’Occident et l’Orient qui déteignent forcément sur l’entente entre les religions, la liberté religieuse réduite au minimum pour les non-musulmans et, non loin, les persécutions contre les chrétiens.

Les Émirats ont décrété en 2019 une Année de la tolérance. De fait, le pays se démarque des autres régions par un islam modéré. Bien que les activités prosélytes soient interdites comme le fait de mener des activités associatives, les chrétiens qui vivent là peuvent célébrer leurs sacrements en toute liberté et ne font pas l’objet de discrimination manifeste.

Si l’actualité du Moyen-Orient impose une vision délétère des relations interreligieuses. Dans les faits, le dialogue a toujours été maintenu. À vrai dire, la tradition est très ancienne. Il y a 800 ans, François d’Assise était reçu par le sultan al-Malik al-K?mil. Plus proche de nous, le pape Jean-Paul II a fondé le mouvement des rencontres d’Assise pour réunir toutes les religions autour du thème de la paix, la cohabitation et la fraternité. Benoît XVI a fait de même.

Parmi les nombreux points d’orgue de cette visite, la signature d’une déclaration commune par le pape François et le Grand Imam d’Al-Azhar Ahmad Al-Tayeb est historique. L’intitulé du document est en soi significatif : « Document sur la fraternité humaine pour la paix dans le monde et la coexistence commune ». Le texte formule une condamnation sans appel du terrorisme et de la violence, promeut la paix en toute circonstance, la liberté religieuse et le droit des femmes.

Nous pouvons au moins entendre l’affirmation suivante : « nous demandons à nous-mêmes, et aux dirigeants du monde, aux artisans de la politique internationale et de l’économie mondiale, de s’engager sérieusement à répandre la culture de la tolérance, de la cohabitation et de la paix ; d’intervenir le plus rapidement possible pour arrêter l’effusion de sang innocent et mettre fin aux guerres, aux conflits, à la dégradation de l’environnement et au déclin culturel et moral que vit actuellement le monde ».

Une manière de signifier que la violence n’a pas d’origine religieuse ou ethnique, qu’elle provient du cœur de l’homme, et que contre elle, nous avons bien besoin que des hommes comme le Pape ou le Grand Imam nous ouvrent le chemin de la paix et de la concorde.

Père Vetea BESSERT, d.

© Archidiocèse de Papeete - 2019

Audience générale

Faire grandir la fraternité entre les hommes

Lors de l’audience générale du mercredi 6 février, tenue en Salle Paul VI, le Pape est revenu sur son voyage aux Émirats arabes unis, qui s’est achevé hier. « Un voyage bref mais très important qui a écrit une nouvelle page dans l’histoire du dialogue entre le christianisme et l’islam, et dans l’engagement de promouvoir la paix dans le monde sur la base de la fraternité humaine », a expliqué le Pape François.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Ces jours derniers, j’ai effectué un bref voyage apostolique aux Émirats arabes unis. Un voyage bref mais très important qui, s’appuyant sur la rencontre de 2017 à Al-Azhar, en Égypte, a écrit une nouvelle page dans l’histoire du dialogue entre le christianisme et l’islam et dans l’engagement de promouvoir la paix dans le monde fondée sur la fraternité humaine.

Pour la première fois, un pape s’est rendu dans la péninsule arabique. Et la Providence a voulu que ce soit un pape nommé François, 800 ans après la visite de saint François d’Assise au sultan al-Malik al-Kamil. J’ai souvent pensé à saint François pendant ce voyage : il m’a aidé à garder au cœur l’Évangile, l’amour de Jésus-Christ, tandis que je vivais les différents moments de la visite ; dans mon cœur, il y avait l’Évangile du Christ, la prière au Père pour tous ses enfants, spécialement pour les plus pauvres, pour les victimes des injustices, des guerres, de la misère… ; la prière pour que le dialogue entre le christianisme et l’islam soit un facteur déterminant pour la paix dans le monde d’aujourd’hui.

Je remercie de tout cœur le prince héritier, le président, le vice-président et toutes les autorités des Émirats arabes unis qui m’ont accueilli avec une grande courtoisie. Ce pays s’est beaucoup développé ces dernières décennies : il est devenu un carrefour entre l’Orient et l’Occident, une « oasis » multiethnique et multi-religieuse et par conséquent un lieu adapté pour promouvoir la culture de la rencontre. J’exprime ma vive reconnaissance à Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique de l’Arabie du Sud, qui a préparé et organisé l’événement pour la communauté catholique et mes remerciements s’étendent avec affection aux prêtres, religieux et laïcs qui animent la présence chrétienne sur cette terre.

J’ai eu l’occasion de saluer le premier prêtre – âgé de quatre-vingt-dix ans – parti là-bas fonder de nombreuses communautés. Il est sur un fauteuil roulant, aveugle, mais le sourire ne quitte pas ses lèvres, le sourire pour avoir servi le Seigneur et avoir fait tant de bien. J’ai aussi salué un autre prêtre de quatre-vingt-dix ans – mais lui, il marchait et continue de travailler. Bravo ! – et de nombreux prêtres qui sont là-bas au service des communautés chrétiennes de rite latin, de rite syro-malabar, syro-malankar, de rite maronite, qui viennent du Liban, d’Inde, des Philippines et d’autres pays.

Outre les discours, à Abou Dhabi, un pas de plus a été franchi : le grand imam d’Al-Azhar et moi-même avons signé le Document sur la Fraternité humaine, dans lequel nous affirmons ensemble la vocation commune de tous les hommes et femmes à êtres frères en tant que fils et filles de Dieu, nous condamnons toute forme de violence, en particulier celle sous couvert de motivations religieuses, et nous nous engageons à diffuser dans le monde les valeurs authentiques et la paix. Ce document sera étudié dans les écoles et dans les universités d’un certain nombre de pays. Mais moi aussi, je vous recommande de le lire et de le connaître parce qu’il donne beaucoup d’encouragements pour aller de l’avant dans le dialogue sur la fraternité humaine.

À une époque comme la nôtre, où la tentation est forte de voir en acte un affrontement entre les civilisations chrétiennes et les civilisations islamiques, ainsi que de considérer les religions comme des sources de conflits, nous avons voulu donner un signe supplémentaire, clair et décisif, qu’il est au contraire possible de se rencontrer, qu’il est possible de se respecter et de dialoguer et que, même dans la diversité des cultures et des traditions, le monde chrétien et le monde islamique apprécient et protègent des valeurs communes : la vie, la famille, le sens religieux, l’honneur dû aux personnes âgées, l’éducation des jeunes et d’autres encore.

Aux Émirats arabes unis vivent un peu plus d’un million de chrétiens environ, des travailleurs originaires de différents pays d’Asie. Hier matin, j’ai rencontré une représentation de la communauté catholique dans la Cathédrale Saint Joseph, à Abou Dhabi – un temple très simple – et puis, après cette rencontre, j’ai célébré pour tout le monde. – Ils étaient très nombreux ! – On dit que, entre ceux qui étaient dans le stade, qui a une capacité de 40 000 places, et ceux qui étaient devant les écrans à l’extérieur du stade, on arrivait à 150 000 ! J’ai célébré l’Eucharistie dans le stade de la ville, annonçant l’Évangile des Béatitudes. Pendant la messe, concélébrée avec les patriarches, les archevêques majeurs et les évêques présents, nous avons prié tout particulièrement pour la paix et la justice, avec une intention spéciale pour le Moyen-Orient et le Yémen.

Chers frères et sœurs, ce voyage fait partie des « surprises » de Dieu. Louons-le donc, ainsi que sa Providence, et prions pour que les semences dispersées portent du fruit selon sa sainte volonté.

© Libreria Editrice Vaticana – 2019

27ème Journée mondiale des Malades

« Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10,8)

Le message du Pape François pour la prochaine Journée mondiale du Malade a pour thème une citation de l’Évangile selon saint Matthieu : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ». À travers cette journée, « l’Église, Mère de tous ses enfants, surtout des malades, rappelle que les gestes de don gratuit, comme ceux du Bon Samaritain, sont la voie la plus crédible de l’évangélisation. Le soin des malades a besoin de professionnalisme et de tendresse, de gestes gratuits, immédiats et simples comme une caresse, à travers lesquels on fait sentir à l’autre qu’il nous est cher », explique le Pape François dans ce message signé le 25 novembre dernier, lors de la fête du Christ Roi.

Chers frères et sœurs,

« Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8). Ce sont les mots prononcés par Jésus au moment d’envoyer les Apôtres proclamer l’Évangile, afin que son Royaume s’étende à travers des gestes d’amour gratuit.

À l’occasion de la XXVIIème Journée Mondiale du Malade, qui sera célébrée de façon solennelle à Calcutta, en Inde, le 11 février 2019, l’Église, Mère de tous ses enfants, surtout des malades, rappelle que les gestes de don gratuit, comme ceux du Bon Samaritain, sont la voie la plus crédible de l’évangélisation. Le soin des malades a besoin de professionnalisme et de tendresse, de gestes gratuits, immédiats et simples comme une caresse, à travers lesquels on fait sentir à l’autre qu’il nous est « cher ».

La vie est un don de Dieu, et comme interroge Saint Paul : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » (1 Co 4,7). Précisément parce que c’est un don, l’existence ne peut pas être considérée comme une simple possession ou comme une propriété privée, surtout face aux conquêtes de la médecine et de la biotechnologie qui pourraient amener l’homme à céder à la tentation de la manipulation de l’« arbre de la vie » (cf. Gn 3,24).

Face à la culture du déchet et de l’indifférence, je tiens à affirmer que le don doit être considéré comme le paradigme capable de défier l’individualisme et la fragmentation sociale contemporaine, pour établir de nouveaux liens et diverses formes de coopération humaine entre les peuples et les cultures. Le dialogue, qui apparaît comme un présupposé du don, ouvre des espaces relationnels de croissance et de développement humain capables de rompre les schémas établis d’exercice du pouvoir de la société. Donner n’est pas l’équivalent de l’action d’offrir car cela ne peut s’employer que s’il s’agit d’un don de soi et cela ne peut pas être réduit au simple transfert d’une propriété ou de quelque objet. Donner se différencie d’offrir précisément parce que cela contient le don de soi et suppose le désir d’établir un lien. Le don est donc avant tout une reconnaissance réciproque, qui constitue le caractère indispensable du lien social. Dans le don, il y a le reflet de l’amour de Dieu, qui culmine dans l’incarnation du Fils Jésus et dans l’effusion de l’Esprit Saint.

Tout homme est pauvre, nécessiteux et indigent. Quand nous naissons, nous avons besoin pour vivre des attentions de nos parents, et de même, à chaque phase et étape de la vie, chacun de nous ne parviendra jamais à se libérer totalement du besoin et de l’aide des autres, il ne réussira jamais à arracher de soi la limite de l’impuissance face à quelqu’un ou quelque chose. C’est aussi une condition qui caractérise notre être de « créature ». La reconnaissance loyale de cette vérité nous invite à rester humbles et à pratiquer courageusement la solidarité, comme vertu indispensable à l’existence.

Cette conscience nous pousse à une pratique responsable et responsabilisante, en vue d’un bien qui est inséparablement personnel et commun. Ce n’est que quand l’homme cesse de se concevoir comme un monde à part, mais comme quelqu’un qui, par nature, est lié à tous les autres, originellement pressentis comme des « frères », qu’une pratique sociale solidaire, imprégnée du sens du bien commun, est possible. Nous ne devons pas craindre de reconnaître que nous sommes pauvres et que nous sommes incapables de nous procurer tout ce dont nous aurions besoin, car seuls et avec nos seules forces, nous ne parvenons pas à vaincre toutes nos limites. Ne craignons pas de le reconnaître, car Dieu lui-même, en Jésus, s’est abaissé (cf. Ph 2,8) et il se penche sur nous et sur nos pauvretés pour nous aider et nous donner ces biens que seuls nous ne pourrions jamais avoir.

En cette circonstance de la célébration solennelle en Inde, je souhaite rappeler avec joie et admiration la figure de la Sainte Mère Teresa de Calcutta, un modèle de charité qui a rendu visible l’amour de Dieu pour les pauvres et les malades. Comme je l’affirmais à l’occasion de sa canonisation : « Mère Teresa, tout au long de son existence, a été une généreuse dispensatrice de la miséricorde divine, en se rendant disponible à tous à travers l’accueil et la défense de la vie humaine, la vie dans le sein maternel comme la vie abandonnée et rejetée. […] Elle s’est penchée sur les personnes abattues qu’on laisse mourir au bord des routes, en reconnaissant la dignité que Dieu leur avait donnée ; elle a fait entendre sa voix aux puissants de la terre, afin qu’ils reconnaissent leurs fautes face aux crimes […] de la pauvreté qu’ils ont créée eux-mêmes. La miséricorde a été pour elle le “sel” qui donnait de la saveur à chacune de ses œuvres, et la “lumière” qui éclairait les ténèbres de ceux qui n’avaient même plus de larmes pour pleurer leur pauvreté et leur souffrance. Sa mission dans les périphéries des villes et dans les périphéries existentielles perdure de nos jours comme un témoignage éloquent de la proximité de Dieu aux pauvres parmi les pauvres » (Homélie, 4 septembre 2016). 

Sainte Mère Teresa nous aide à comprendre que le seul critère d’action doit être l’amour gratuit envers tous, sans distinction de langue, de culture, d’ethnie ou de religion. Son exemple continue à nous guider pour ouvrir des horizons de joie et d’espérance pour l’humanité qui a besoin de compréhension et de tendresse, surtout pour ceux qui souffrent.

La gratuité humaine est le levain de l’action des volontaires qui ont tant d’importance dans le secteur socio-sanitaire et qui vivent de façon éloquente la spiritualité du bon Samaritain. Je remercie et j’encourage toutes les associations de volontaires qui s’occupent du transport et du secours des patients, celles qui pourvoient aux dons de sang, de tissus et d’organes. Un secteur spécial dans lequel votre présence exprime l’attention de l’Église est celui de la protection des droits des malades, surtout de ceux qui sont affectés par des pathologies qui requièrent des soins spéciaux, sans oublier le domaine de la sensibilisation et de la prévention. Vos services revêtent une importance fondamentale dans les structures sanitaires et à domicile, qui vont de l’assistance médicale au soutien spirituel. Beaucoup de personnes malades, seules, âgées, présentant des fragilités psychiques ou motrices, en bénéficient. Je vous exhorte à continuer d’être un signe de la présence de l’Église dans le monde sécularisé. Le volontaire est un ami désintéressé auquel on peut confier ses pensées et ses émotions ; grâce à l’écoute, il crée les conditions qui font passer le malade, d’objet passif de soins, à l’état de sujet actif et protagoniste d’un rapport de réciprocité, capable de retrouver l’espérance, mieux disposé à accepter les thérapies. Le volontariat communique des valeurs, des comportements et des styles de vie qui sont animés par le ferment du don. C’est ainsi également que se réalise l’humanisation des soins.

La dimension de la gratuité devrait surtout animer les structures sanitaires catholiques, car c’est la logique évangélique qui caractérise leur action, tant dans les régions les plus avancées que dans les plus défavorisées du monde. Les structures catholiques sont appelées à exprimer le sens du don, de la gratuité et de la solidarité, en réponse à la logique du profit à tout prix, du donner pour obtenir, de l’exploitation qui ne s’embarrasse pas des personnes. 

Je vous exhorte tous, à différents niveaux, à promouvoir la culture de la gratuité et du don, indispensable pour dépasser la culture du profit et du déchet. Les institutions sanitaires catholiques ne devraient pas tomber dans le travers consistant à privilégier les intérêts de l’entreprise, mais sauvegarder l’attention à la personne plutôt que le gain. Nous savons que la santé est relationnelle, elle dépend de l’interaction avec les autres et a besoin de confiance, d’amitié et de solidarité ; c’est un bien dont on ne peut jouir « en plénitude » que s’il est partagé. La joie du don gratuit est l’indicateur de santé du chrétien.

Je vous confie tous à Marie, Salus infirmorum. Qu’elle nous aide à partager les dons reçus dans l’esprit du dialogue et de l’accueil réciproque, à vivre comme des frères et sœurs attentifs aux besoins les uns des autres, à savoir donner d’un cœur généreux, à apprendre la joie du service désintéressé. Je vous assure que je suis proche de vous tous dans la prière, avec mon affection, et je vous envoie de tout cœur la Bénédiction Apostolique.

Du Vatican, le 25 novembre 2018

Solennité du Christ-Roi de l’Univers

François

© Libreria Editrice Vaticana - 2018

Actualité

« Que faire des cons ?… pour ne pas en rester un soi-même » Maxime ROVERE

« Que faire des cons ?... Pour ne pas en rester un soi-même. » Derrière ce titre accrocheur, le philosophe Maxime Rovere propose une réflexion bienveillante sur « la connerie, une maladie du collectif et poison de nos vies individuelles ». « Il n’y a pas les cons d’un côté et les autres de l’autre, il y a seulement des gens qui se rendent compte plus ou moins rapidement des conneries qu’ils font », confie à Aleteia le philosophe Maxime Rovere. Enseignant à l’université catholique pontificale de Rio de Janeiro, il vient de publier un livre intitulé Que faire des cons ? pour ne pas en rester un soi-même et livre à Aleteia quelques conseils afin d’adopter la bonne attitude et de sortir grandi d’une telle rencontre.

Aleteia : Qu’est-ce qu’un « con » ?

Maxime Rovere : On est tous le con de quelqu’un et donc, chacun a son con. En d’autres termes, chacun a une manière d’identifier ceux qu’on appelle des « cons » qui est très singulière et personnelle. En philosophie on a l’habitude de travailler sur des définitions. Mais quand il s’agit de la connerie, en fait, il ne faut pas commencer par une définition car se produit alors un phénomène de rétraction qui fait qu’au moment d’identifier un « con » vous êtes vous-même en train d’en devenir un. Il est donc indispensable de ne pas définir le concept et d’avancer en se concentrant sur ce que vous êtes en train de faire. Notre potentiel de connerie est ainsi intimement lié au jugement que nous portons sur les autres.

Aleteia : Le « con » a-t-il la capacité à réaliser qu’il l’est et à changer tout seul ?

Maxime Rovere : La connerie est une réalité interactionnelle, elle circule entre nous. C’est ce qui fait que vous voulez les exclure ou les rejeter et c’est aussi ce qui fait que nous sommes tous, parfois, les « cons » les uns des autres. Il est indispensable de comprendre que oui, non seulement les « cons » peuvent comprendre qu’ils le sont mais c’est cela précisément qui définit les gens intelligents et ouverts, c’est-à-dire qui soient capables de réaliser qu’ils sont des « cons » comme les autres. Ce sont ceux qui sont capables de faire un retour sur eux-mêmes et de le comprendre plus rapidement. Il n’y a pas les cons d’un côté et les autres de l’autre, il y a des gens qui se rendent compte plus ou moins rapidement des conneries qu’ils font, qui les acceptent, qui les reconnaissent et qui les corrigent. Ne pas être un « con », c’est reconnaître ou corriger le plus rapidement possible ses propres conneries.

Aleteia : Que faire quand on en rencontre un ?

Maxime Rovere : Quand on en rencontre un, on est d’abord surpris. Il en existe de tellement de forme qu’on ne s’y attend jamais ! Il faut l’accepter et sortir de cet état de stupeur. De la même manière qu’il n’y a pas de recette pour devenir intelligent, il n’y a pas de recette contre la connerie, il faut donc improviser des « solutions locales ». Il faut d’abord courageusement faire un retour sur soi, ensuite se désintéresser des personnes pour se concentrer sur les situations et, une fois arrivé à ce stade, on comprend que cela ne sert à rien de faire la morale, de vouloir enseigner quelque chose au « con » ou à la « conne ». Ce qui est important, est de trouver une manière de ne pas perdre de vue le message que vous souhaitez faire passer.

Aleteia : Comment interagir avec lui ?

Maxime Rovere : Il faut vous concentrer sur les méthodes permettant de les faire changer de posture mais tout en ayant conscience que vous allez devoir adapter la vôtre. Les « cons » sont des occasions pour nous non seulement de mettre en œuvre nos qualités humaines, mais surtout de les développer et de devenir meilleur que les « cons », d’aider les autres à devenir meilleur et devenir soi-même meilleur que soi. On ne perdra pas notre agacement et eux ne perdront pas leur capacité à nuire mais c’est une qualité humaine justement que d’avoir la capacité de surmonter la connerie et c’est ce type de personne que nous devons essayer d’être.

Aleteia : Les cons nous aident-ils à grandir en humanité ?

Maxime Rovere : Complètement ! Ils ne le font pas exprès et ne se rendent pas compte que nous grandissons, vous n’avez d’ailleurs pas besoin de leur demander leur reconnaissance. N’essayez pas de leur montrer que vous essayez d’être gentil ou que vous cherchez la paix car cela ne les intéresse pas, ils préfèrent la guerre. Ce n’est pas grave, faites la paix et laissez-les en guerre.

Aleteia : Comment porter un regard chrétien sur les « cons » ?

Maxime Rovere : Je crois que c’est par les actes que l’on montre quel fidèle on est. Face à la connerie, une attitude belle est de ne pas se crisper sur ce que font ou disent les « cons ». Jésus incarne l’amour universel mais peut-être que dans les moments ou cet amour nous fait défaut, à défaut de pouvoir tendre l’autre joue, il faut être capable de ne pas se faire taper dessus… ni d’avoir envie de taper sur l’autre et, au-delà, de trouver à l’autre une porte de sortie.

Aleteia : Prenons des situations du quotidien : la personne qui se met à gauche dans l’escalator, celle qui traverse la route n’importe comment… Comment faire face à tous ces « cons » ?

Maxime Rovere : Il faut comprendre que ces anomalies du comportement témoignent en réalité du fait que les êtres humains ne sont pas des machines. Que le fait que notre désir ne supporte plus ces toutes petites choses est plutôt un mauvais signe de santé mentale de notre part. Le fait que la personne qui créé un embouteillage dans le métro car elle est mal placée crée une anomalie. Cette anomalie est-elle réellement grave ? N’est-ce pas encore plus grave de considérer cette anomalie comme « emmerdante » ou « chiante » ? Nous sommes dans une société où le désir prend l’habitude d’être satisfait de manière très fluide. Or les êtres humains peuvent dysfonctionner par définition. C’est donc normal d’avoir l’impression de rencontrer des « cons » sans cesse. Mais, sincèrement, cela fait partie du jeu, de la vie urbaine ! Si vous vous mettez à juger les gens pour des anomalies aussi ridicules, c’est vous qui êtes le premier des « cons ». Pour éviter de tomber dans ce genre de connerie, il faut absolument apprendre à se référer à des univers de référence plus vastes. Quand vous êtes à un niveau aussi bas, vous devez réapprendre à monter d’un niveau.

Aleteia : Et si quelqu’un me marche sur les pieds sans s’excuser ?

Maxime Rovere : Dites-vous alors, dans votre for intérieur, mais qui suis-je pour qu’on ne me marche pas sur les pieds ? Il faut toujours ramener les choses à une proportion qui nous amène à la posture la plus généreuse possible ne pas se laisser enfermer dans des mesquineries. Si vous me dites « Oui mais les gens sont mesquins » je vous répondrais : « Ne faites pas l’enfant ». Il faut apprendre systématiquement à ne pas imiter les mesquineries des autres et à toujours les dissoudre dans des repères de référence où elles ne font pas sens, où elles n’existent pas. Les gens sont mesquins ? C’est donc à vous d’être noble.

© Aleteia - 2019

Commentaire des lectures du dimanche

Peut-être avez-vous entendu raconter cet épisode de la fondation d’Emmaüs par l’Abbé Pierre. Celui-ci reçoit un appel téléphonique désespéré, un homme lui disant qu’il voulait se suicider. L’abbé Pierre lui dit aussitôt qu’il avait besoin d’un coup de main pour déménager des meubles. L’homme obéit et son engagement à Emmaüs le sauva de ses envies suicidaires. Ce n’est pas là une recette pour soigner la dépression. Si nous voulions l’appliquer ainsi, nous ferions fausse route et nous pourrions engager des personnes dans une impasse en leur faisant fuir leurs problèmes. Qu’est-ce qui a pu faire de cette parole autoritaire de l’Abbé Pierre une parole de salut, sinon l’adéquation complète entre sa vie et sa parole ?

Cet homme arrivé à Emmaüs a certes déménagé des meubles, mais il l’a fait en compagnie de l’Abbé qui n’était pas le dernier à retrousser ses manches. Tel est le sens de toute parole authentique, d’une parole qui exprime la vérité de la personne et non pas simplement sa fonction sociale ou son jeu politique. Telle est la force unique de la Parole de Jésus. Luc déclare au début de la scène au bord du lac que la foule se pressait autour de lui pour écouter la Parole de Dieu. Affirmation étonnante. Jésus n’est pas en train de leur lire la Torah ou l’un des écrits prophétiques. Il enseigne, il parle de Dieu certes, de son Règne, des promesses faites à Israël et de leur accomplissement tout proche, mais il n’en parle pas de l’extérieur, au nom de quelqu’un d’autre. Il en parle à partir de lui-même, car il est tout entier engagé dans la venue de ce Règne. Il est en personne le Règne de Dieu, la Parole qui fait vivre.

Pourtant tous ne sont pas là suspendus à ses lèvres. Quatre hommes fatigués par une nuit de pêche infructueuse se tiennent à distance et lavent leurs filets. Ils s’en moquent de la Parole de Jésus, mais celui-ci les voit alors qu’il n’avait pas été dit qu’il voyait la foule. Il voit ces pécheurs occupés à nettoyer des filets qui n’ont ramené que de quoi les salir. Jésus monte dans leur barque et ordonne à l’un d’eux, Simon, de le conduire à distance du rivage. Les voilà non seulement interrompus dans leur travail, mais comme pris au piège et obligés d’écouter Jésus. Et c’est un véritable piège, car il n’est pas facile d’échapper à la Parole quand elle vous a ainsi rejoint. Ils croyaient que Jésus allait se contenter de ce petit service, mais ils n’étaient pas au bout de leur surprise…

S’adressant de nouveau à Simon, il lui demande de recommencer en plein jour une pêche qui n’a rien donné à l’heure favorable de la nuit. Simon fait bien une objection timide, mais « sur ta parole, dit-il, je vais jeter les filets. » Oui, cette Parole de Jésus est bien Parole de Dieu : elle reconnaît l’homme découragé ; elle l’appelle ; elle le remet en situation de responsabilité au lieu même de son échec et lui donne d’éprouver la fécondité étonnante de l’obéissance à la Parole qui appelle. C’est tellement saisissant que Simon-Pierre éprouve ses limites, son indignité devant un tel don. Il est, comme ces filets trop remplis de poissons, prêts à se déchirer sous l’effet de la grâce. Mais la Parole d’autorité de Jésus lui ordonne ne pas avoir peur de sa faiblesse. Elle est promesse d’avenir : « tu seras pécheur d’homme » Pierre devra faire certes l’expérience pour cela d’être lui-même repêché par Jésus lorsqu’il doutera dans la tempête de la Passion et reniera son Maître. Il faudra la rencontre du ressuscité, de celui qui nous sauve parce qu’il s’est retroussé les manches jusqu’à mourir en croix.

Sa Parole de vivant est crédible et apporte le salut à tous ceux et celles qui vivent encore dans le non-sens d’une vie vide de la Parole de Dieu. Cette parole rejoint chacun aujourd’hui dans sa tâche quotidienne, dans sa responsabilité humaine, dans ses limites mêmes, voire ses échecs et son découragement. La Parole nous fait sortir du souci de nos réussites humaines pour ouvrir notre regard sur la multitude en quête d’espérance : avance en eau profonde, va plus loin que tes déceptions, écoute la Parole qui donne à tes taches humaines un sens nouveau, une mission, une responsabilité dans l’œuvre du salut. La Parole est salut car elle nous décentre de nous-mêmes pour nous mettre à la suite de Jésus, au service du Règne. Paul en témoigne et c’est la foi de l’Église : Christ est ressuscité ! Cette Parole, c’est l’aujourd’hui de Dieu, vivant avec nous au sein de nos limites. Elle nous ordonne de suivre en Jésus la Parole qui fait vivre.

F. Olivier Rousseau, ocd

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