Pko 06.10.2019
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°48/2019
Dimanche 6 octobre 2019 – 27ème Dimanche du Temps ordinaire – Année C
Humeurs…
Oparu… Quand la Danse rime avec la Solidarité
On parle de réchauffement climatique et il y a des icebergs en Polynésie !
On parle des SDF sans se rendre compte qu'ils ne sont que la partie émergée de cet iceberg de quart-monde qui existe au fond des vallées, tout au fond, là où les tour-operators se gardent bien d'aller. Car il y a bien un envers de la carte postale de la vahine au ukulele en bord de lagon.
C'est une bonne nouvelle que l'on évoque les SDF, qu'on leur donne une visibilité médiatique, une existence sociale. On parle d'eux à l'assemblée, on fait des enquêtes sur eux, on essaye de savoir qui ils sont, pourquoi et comment ils sont arrivés dans la rue. On les compte, on les regroupe dans une sorte de communauté qui au final n'est pas si inquiétante que ça. Tant mieux s'ils sont un peu déstigmatisés et dédiabolisés : ils ne méritaient pas la méfiance dont ils étaient l'objet.
Au-delà des chiffres à affiner les concernant, ce sont ces « tranches de vie », ces témoignages qui racontent la précarité de l'équilibre social et la facilité avec laquelle certains peuvent basculer dans l'exclusion, être éjectés du système.
Ils nous racontent qu'ils sont des « conséquences » d'un équilibre social fragile (« ma mère a changé de tane et j'ai été chassé », « j'ai quitté le fare pour ne plus être racketté par les autres », etc...) et nous invitent à regarder en amont quelles en sont « les causes ».
Il ne m'appartient pas de tenter de les énoncer ici, mais l'idée est que prendre soin de nos SDF ne suffira pas, il va falloir que les hommes politiques se penchent sur cette partie immergée de notre iceberg de misère et d'injustice.
Construire des locaux d'accueil confortables et remettre aux normes un centre de nuit participera à leur rendre leur dignité, mais cela représente un minimum bien en deçà de ce que la solidarité sociale exige.
Tous les jours des signes de bonté et d'altruisme se font discrètement, un casse-croute par-ci, un don par-là, des vêtements, de l'argent anonyme et utile pour poursuivre l’œuvre d'entraide.
Alors un grand merci aux cœurs généreux car dans une île plus qu'ailleurs ce sont nos frères qui nous tendent la main pour un peu de réconfort dans un moment difficile.
Samedi, soyons au rendez-vous de la solidarité pour la journée de collecte de fond.
Taote Michel
Laissez-moi vous dire…
Mois d’octobre 2019 : Mois missionnaire extraordinaire
Les Chrétiens, appelés à être missionnaires dans un monde d’indifférence soumis à la dictature de la technologie
Les députés français ont adopté, le 27 septembre, la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes et les femmes seules. 77 députés sur 577 étaient présents (soit 13% de l’Assemblée !). Par 55 voix contre 17 a donc été approuvée la mesure emblématique du projet de révision des lois de bioéthique. Le texte prévoit que cette PMA sans nécessité médicale sera remboursée par la Sécurité sociale, au même titre que celle pour les couples dont l’infertilité a été médicalement diagnostiquée. On peut s’interroger, comme l’a fait La Dépêche de Tahiti, sur l’applicabilité d’un tel texte sur notre fenua (cf. La Dépêche du 2 octobre 2019).
En avril 2018, Emmanuel Macron, invité par la Conférence des Évêques de France (CEF), avait appelé les catholiques à « ne pas rester au seuil » de l’engagement politique. Il déclarait avec insistance : « une Église prétendant se désintéresser des questions temporelles n’irait pas au bout de sa vocation ». [Intervention du Président Macron, le 9 avril 2018, au Collège des Bernardins]. Mgr Aupetit, Mgr de Moulins-Beaufort, Mgr d’Ornellas n’ont pas ménagé leur peine, ils sont intervenus largement dans la Presse. Le 29 août, lors de son audition à l’Assemblée Nationale, Mgr d’Ornellas, responsable du groupe de travail « bioéthique » de la CEF, a dénoncé avec fermeté et clarté les dangers de certaines dispositions prévues dans le Projet de Loi. Étaient présents à ses côtés : le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia et le Président de la Fédération Protestante de France, Monsieur le Pasteur François Clavairoly. Le 16 septembre, le Président de la CEF, Mgr de Moulins-Beaufort, ainsi que des experts et des témoins ont réaffirmé solennellement leurs craintes auprès du président de la République, du gouvernement et des responsables politiques.
Malheureusement, comme le déplore le philosophe académicien, Alain Finkielkraut : « Dès lors qu’on s’interroge, on est taxé de réactionnaire ». « Le réactionnaire n’a pas voix au chapitre… c’est un obstacle à la marche de l’histoire… vous êtes réactionnaire quand vous pensez que l’extension de la PMA à toutes les femmes et aux femmes seules peut poser un problème… L’éviction du père de la filiation ne va pas de soi… Ceux qui croient incarner la démocratie, ceux qui sont les cavaliers du processus de la marche en avant ne tolèrent aucune opinion divergente ». [Source : rtl.fr, émission À la bonne heure ! du 02 octobre 2019, Alain Finkielkraut interrogé par Stéphane Bern]
Dans son dernier livre “À la première personne”, le philosophe décrit très bien la logique qui prévaut dans le projet de loi sur la bioéthique : « Dans “l’open society” qui regarde avec une condescendance apitoyée le monde étriqué d’avant, il n’y a pas de place pour l’indisponible : de tout on doit pouvoir passer commande ». [Source : A. Finkielkraut, À la première personne, Gallimard, Paris, paru le 19 septembre 2019]
Ainsi, tout relève de la technique : la PMA, le prélèvement des gamètes, le tri des embryons pour avoir un “enfant parfait” (!). La procréation n’est plus le fruit de l’amour, déconnectée de la sexualité, elle est une affaire de techniciens… et de business ! Quant à la paternité … elle relève d’un âge révolu ! Celles et ceux qui osent élever la voix, (comme le font les Églises, l’A.F.C., d’autres associations et même l’Académie de Médecine), sont qualifiés de « réactionnaires » et “d’homophobes” par le lobby LGBT s’appuyant sur des théories prônant l'abolition des différences entre les sexes, les genres et les sexualités.
En ce mois d’octobre, le Pape François nous invite à vivre un mois missionnaire extraordinaire, avec pour thème : « Baptisés et envoyés : l’Église du Christ en mission dans le monde ». C’est le moment d’affirmer nos convictions sans pour autant provoquer quiconque, selon la sage recommandation de l’Apôtre Paul : « Puisque vous avez été choisis par Dieu, que vous êtes sanctifiés, aimés par lui, revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. » (Colossiens 3,12). Pauvres citoyens chrétiens de Polynésie, nous n’avons que peu de moyens pour agir, si ce n’est de soutenir celles et ceux qui ont décidé de manifester publiquement leur opposition au projet de loi sur la bioéthique. En aucun cas nous ne baisserons les bras, car nous avons la certitude que la Parole de Dieu et l’Esprit Saint nous poussent à témoigner de l’Évangile.
Dans un monde marqué par l’indifférence et l’individualisme, dans une société où la dictature de la technologie ne respecte pas l’humanité, nous devons affirmer notre foi et notre espérance, proclamer notre attachement aux valeurs qui fondent notre humanité.
Dominique Soupé
Note : Pour encourager ceux qui veulent vivre ce mois missionnaire en témoignant de leur foi sans aucune crainte, je propose deux textes pour prier et méditer (seul ou en communauté) :
Seigneur Donne-nous le courage
là où nous vivons chaque jour,
de prendre position au nom de notre foi,
de ne pas mettre sous le boisseau
notre attachement au Christ,
même si cela doit nous amener ironie ou rejet.
[Source : site-catholique.fr ; prière du Père Charles Singer]
Sous l’abri du Très-Haut …
Tu ne craindras ni les terreurs de la nuit,
ni la flèche qui vole au grand jour,
ni la peste qui rôde dans le noir,
ni le fléau qui frappe à midi.
(Psaume 90, 1a.5-6)
© Cathédrale de Papeete – 2019
En marge de l’actualité…
Baptisés et envoyés
L’Église du Christ en mission dans le monde
Notre archevêque, Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU, nous encourage à « être des chrétiens responsables et missionnaires ». Pour cela il nous faut d’abord fortifier notre foi en nous imprégnant de la Parole de Dieu et en priant sans jamais nous lasser. Mais il est nécessaire, pour être vraiment responsables, de nous tenir informés sur l’enseignement de l’Église.
Ainsi, au moment où le Parlement français examine le Projet de loi sur la Bioéthique qui engage notre société dans une voie non conforme à la Loi divine, il est important de s’informer. C’est l’objectif de la Rencontre programmée ce samedi 5 octobre de 7h30 à 12h à la paroisse Saint-Paul de Mahina. Mgr Jean-Pierre et Père Joël, Vicaire-Général, invitent tous les fidèles à y participer. La Bioéthique est un sujet de préoccupation pour tous les responsables de toutes les religions, car cela touche à la vie la plus intime des couples, des familles et à l’avenir de notre société.
En ce mois d’octobre, Sa Sainteté le Pape François nous demande de vivre un « mois missionnaire extraordinaire » et de prier « pour que le souffle de l’Esprit-Saint suscite un nouveau printemps missionnaire dans l’Église ». En tant que baptisés nous devons affirmer notre foi et ne pas craindre de témoigner de nos choix de vie conformes à l’Évangile.
Faisons nôtre ce conseil de Saint Paul à Timothée : « N’aie pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur » [2 Timothée 1, 8a / deuxième lecture de ce dimanche 6 octobre 2019]
Dominique Soupé
© Archidiocèse de Papeete - 2019
Audience générale
L’Esprit-Saint protagoniste d l’évangélisation
Le Pape François, lors de l’audience générale, de ce mercredi 2 octobre 2019, a poursuivi son cycle de catéchèses sur les Actes des Apôtres. Le Saint-Père a relaté le parcours du diacre Philippe et sa rencontre avec un Éthiopien, haut fonctionnaire qui témoigne de la compréhension du sens de la Parole de Dieu.
Chers frères et sœurs, bonjour !
Après le martyre d’Étienne, la « course » de la Parole de Dieu semble subir un coup d’arrêt, à cause du déchaînement d’« une violente persécution contre l’Église de Jérusalem » (Ac 8,1). Pour cette raison, les apôtres restent à Jérusalem, tandis que de nombreux chrétiens se dispersent dans d’autres lieux de la Judée et en Samarie.
Dans le livre des Actes, la persécution apparaît comme l’état permanent de la vie des disciples, selon ce qu’avait dit Jésus : « Si l’on m’a persécuté, on vous persécutera, vous aussi » (Jn 15,20). Mais, au lieu d’éteindre le feu de l’évangélisation, la persécution l’alimente encore plus.
Nous avons entendu ce que fit le diacre Philippe qui commence à évangéliser les villes de Samarie et nombreux sont les signes de libération et de guérison qui accompagnent l’annonce de la Parole. À ce moment-là, l’Esprit Saint signe une nouvelle étape du voyage de l’Évangile : il pousse Philippe à aller à la rencontre d’un étranger au cœur ouvert à Dieu. Philippe se lève et part dans le même élan. Sur une route déserte et dangereuse, il rencontre un haut fonctionnaire de la reine d’Éthiopie, administrateur des trésors de celle-ci. Cet homme, un eunuque, après s’être rendu à Jérusalem pour le culte, rentre dans son pays. C’était un prosélyte juif d’Éthiopie. Assis sur son char, il lit le rouleau du prophète Isaïe, en particulier le quatrième chant du « serviteur du Seigneur ».
Philippe s’approche du char et lui demande : « Comprends-tu ce que tu lis ? » (Ac 8,30). L’Éthiopien répond : « Et comment le pourrais-je s’il n’y a personne pour me guider ? » (Ac 8,31). Cet homme puissant reconnaît qu’il a besoin d’être guidé pour comprendre la Parole de Dieu. C’était un grand banquier, c’était le ministre de l’économie, il avait tout le pouvoir de l’argent, mais il savait que, sans explication, il ne pouvait pas comprendre ; il était humble.
Et ce dialogue entre Philippe et l’Éthiopien fait aussi réfléchir sur le fait qu’il ne suffit pas de lire l’Écriture, il faut en comprendre le sens, trouver la substance en allant au-delà de l’ « écorce », puiser à l’Esprit Saint qui anime la lettre. Comme l’a dit le pape Benoît au début du Synode sur la Parole de Dieu, « l’exégèse, la véritable lecture de la Sainte Écriture, n’est pas seulement un phénomène littéraire, […]. C’est le mouvement de mon existence » (Méditation, 6 octobre 2008). Entrer dans la Parole de Dieu, c’est être disposé à sortir de ses propres limites pour rencontrer et se conformer au Christ qui est la Parole vivante du Père.
Qui est donc le protagoniste de ce que lisait l’Éthiopien ? Philippe offre à son interlocuteur la clé de lecture : ce doux serviteur souffrant, qui ne réagit pas au mal par le mal et qui, bien qu’il soit considéré comme ayant échoué, stérile et finalement supprimé, libère le peuple de l’iniquité et porte du fruit pour Dieu, c’est précisément ce Christ qu’annoncent Philippe et toute l’Église ; qui nous a tous rachetés par sa Pâque. Finalement l’Éthiopien reconnaît le Christ et demande le baptême, et il professe sa foi dans le Seigneur Jésus. Ce récit est beau, mais qui a poussé Philippe à aller dans le désert pour rencontrer cet homme ? Qui a poussé Philippe à s’approcher du char ? C’est l’Esprit Saint. L’Esprit Saint est le protagoniste de l’évangélisation. « Père, je vais évangéliser. – Oui, que fais-tu ? – Ah, j’annonce l’Évangile et je dis qui est Jésus, je cherche à convaincre les gens que Jésus est Dieu ». Mon cher, ce n’est pas cela l’évangélisation, s’il n’y a pas l’Esprit Saint, il n’y a pas d’évangélisation. Cela peut être du prosélytisme, de la publicité… Mais l’évangélisation, c’est te faire guider par l’Esprit Saint, que ce soit lui qui te pousse à l’annonce, à l’annonce par le témoignage, y compris par le martyre, y compris par la parole.
Après avoir fait rencontrer l’Éthiopien avec le Ressuscité – l’Éthiopien rencontre Jésus ressuscité parce qu’il comprend cette prophétie – Philippe disparaît, l’Esprit le prend et l’envoie faire autre chose. J’ai dit que le protagoniste de l’évangélisation est l’Esprit saint et quel est le signe que toi, chrétienne, chrétien, tu es un évangélisateur ? La joie. Y compris dans le martyre. Et Philippe, plein de joie, est allé prêcher l’Évangile ailleurs.
Que l’Esprit fasse des baptisés des hommes et des femmes qui annoncent l’Évangile pour attirer les autres non pas à soi mais au Christ, qu’ils sachent faire place à l’action de Dieu, qu’ils sachent rendre les autres libres et responsables devant le Seigneur.
© Libreria Editrice Vaticana - 2019
Mois missionnaire extraordinaire
Le Seigneur t’appelle toi aussi !
Ce mardi 1er octobre, le Pape a présidé les vêpres dans la basilique Saint-Pierre pour marquer l’ouverture du Mois missionnaire extraordinaire qu’il avait convoqué il y a deux ans afin que « l’Église retrouve (sa) fécondité dans la joie de la mission ». Dans son homélie, François a demandé à l’ensemble des baptisés de témoigner par la vie qu’ils connaissent Jésus, en diffusant la paix et la joie partout où il se trouvent. Trois « serviteurs » les accompagnent : sainte Thérèse de Lisieux, Saint François d’Assise et la vénérable Pauline Jaricot.
Dans la parabole que nous avons écoutée, le Seigneur se présente comme un homme qui, avant de partir en voyage, appelle ses serviteurs pour leur confier ses biens (cf. Mt 25,14). Dieu nous a confié ses plus grands biens : notre vie, celle des autres, tant de dons différents à chacun. Et ces biens, ces talents ne sont pas quelque chose à garder dans le coffre-fort, ils représentent un appel : le Seigneur nous appelle à faire fructifier nos talents avec audace et créativité. Dieu nous demandera si nous nous sommes engagés, en prenant des risques, même en perdant la face. Ce mois missionnaire extraordinaire se veut comme une secousse pour nous inciter à être actifs dans le bien, non des notaires de la foi ni des gardiens de la grâce, mais des missionnaires.
On devient missionnaire en vivant comme des témoins : en témoignant par la vie qu’on connaît Jésus. C’est la vie qui parle. Témoin, c’est le mot-clef, un mot ayant, par sa racine, le même sens que martyre. Or les martyrs sont les premiers témoins de la foi : non par des paroles, mais par la vie. Ils savent que la foi n’est ni de la propagande ni du prosélytisme, c’est un don respectueux de la vie. Ils vivent en diffusant la paix et la joie, en aimant tout le monde, même leurs ennemis par amour pour Jésus. Ainsi, nous qui avons découvert que nous sommes enfants du Père céleste, comment pouvons-nous taire la joie d’être aimés, la certitude d’être toujours précieux aux yeux de Dieu ? C’est l’annonce que beaucoup de personnes attendent. Et c’est notre responsabilité. Demandons-nous en ce mois : comment je vis mon témoignage ?
À la fin de la parabole, le Seigneur déclare « bon et fidèle » celui qui a été entreprenant, mais “mauvais et paresseux” le serviteur qui a été sur la défensive (cf. 21.23.26). Pourquoi Dieu est-il si sévère avec ce serviteur qui a eu peur ? Quel mal a t-il fait ? Le mal qu’il a commis, c’est de n’avoir pas fait du bien, il a péché par omission. Saint Alberto Hutardo disait : « Il est bon de ne pas faire du mal. Mais c’est mauvais de ne pas faire du bien ». C’est le péché d’omission. Et ce peut être le péché de toute une vie, car nous avons reçu la vie non pas pour l’enfouir en terre, mais pour la mettre en valeur ; non pas pour la thésauriser, mais pour la donner. Celui qui est avec Jésus sait qu’on a ce qu’on donne, qu’on possède ce qu’on donne ; et le secret pour posséder la vie, c’est de la donner. Vivre d’omissions, c’est renier notre vocation : l’omission, c’est le contraire de la mission.
Nous péchons par omission, c’est-à-dire contre la mission, quand, au lieu de faire rayonner la joie, nous nous enfermons dans une victimisation triste, en pensant que personne ne nous aime et ne nous comprend. Nous péchons contre la mission quand nous cédons à la résignation : « Je n’y arrive pas, je ne suis pas capable ». Mais comment ? Dieu t’a donné des talents et tu te crois pauvre au point de ne pouvoir enrichir personne ? Nous péchons contre la mission quand, en nous lamentant, nous continuons à dire que tout va mal dans le monde comme l’Église. Nous péchons contre la mission quand nous sommes esclaves des peurs qui immobilisent et nous nous laissons paralyser par le « on a toujours fait comme ça ». Puis nous péchons contre la mission quand nous vivons notre vie comme on porte un poids et non comme un don, quand nous nous mettons au centre avec nos peines, à la place de nos frères et sœurs qui attendent d’être aimés.
« Dieu aime celui qui donne joyeusement » (2 Co 9,7) ; il aime une Église en sortie. Mais faisons attention : si elle n’est pas en sortie, elle n’est pas Église. L’Église est pour la route, l’Église marche. Une Église en sortie, missionnaire, c’est une Église qui ne perd pas de temps à déplorer les choses qui ne vont pas bien, le manque de fidèles, les valeurs d’autrefois qui n’existent plus. C’est une Église qui ne cherche pas des oasis protégées pour être tranquille ; elle ne cherche qu’à être « sel de la terre » et « levain pour le monde ». Cette Église sait que c’est sa force, la force même de Jésus : non pas l’importance sociale ou institutionnelle, mais l’amour humble et gratuit.
Nous entamons aujourd’hui le mois missionnaire d’octobre, accompagnés de trois « serviteurs » qui ont porté beaucoup de fruit. Sainte Thérèse de Jésus nous montre le chemin, elle qui a fait de la prière le carburant de l’action missionnaire dans le monde. C’est aussi le mois du Rosaire : comment prions-nous pour la diffusion de l’Évangile, pour nous convertir de l’omission à la mission ? Il y a ensuite saint François-Xavier, un des grands missionnaires de l’Église. Lui aussi nous secoue : sortons de nos coquilles ! Sommes-nous capables de nous départir de notre confort pour l’Évangile ? Et il y a la vénérable Pauline Jaricot, une ouvrière qui a soutenu les missions par son travail quotidien : par les offrandes qu’elle prélevait de son salaire, elle a été à l’origine des Œuvres pontificales missionnaires. Et nous, faisons-nous de chaque journée un don pour combler la fracture entre l’Évangile et la vie ? S’il vous plaît, ne vivons pas une foi « de sacristie ».
Une religieuse, un prêtre et une laïque nous accompagnent. Ils nous disent que personne n’est exclu de la mission de l’Église. Oui, en ce mois, le Seigneur t’appelle toi aussi. Il t’appelle, père ou mère de famille ; toi, jeune qui rêves de grandes choses ; toi, qui travailles dans une usine, dans une boutique, dans une banque, dans un restaurant ; toi qui es au chômage, toi qui es dans un lit d’hôpital… Le Seigneur te demande d’être un don là où tu es, comme tu es, pour celui qui est à côté de toi ; de ne pas subir la vie, mais de la donner, de ne pas te lamenter, mais de te laisser toucher par les larmes de celui qui souffre. Courage, le Seigneur attend beaucoup de toi ! Il attend aussi que quelqu’un ait le courage de partir, d’aller là où manquent le plus l’espérance et la dignité, là où trop de personnes vivent encore sans la joie de l’Évangile. « Mais où dois-je aller tout seul ? » Non, ça ne va pas. Si nous envisageons de faire la mission avec les organisations commerciales, avec des plans de travail, ça ne va pas. Le protagoniste de la mission est l’Esprit Saint. C’est le protagoniste de la mission. Toi, va avec l’Esprit Saint. Va, le Seigneur ne te laissera pas seul ! En témoignant, tu découvriras que l’Esprit Saint t’a précédé pour te préparer le chemin. Courage, frères et sœurs ! Courage, Mère Église : retrouve ta fécondité dans la joie de la mission !
© Libreria Editrice Vaticana – 2019
Bioéthique
Tribune de Mgr Michel Aupetit à propos de la loi bioéthique
Certains pourront s’étonner qu’un évêque prenne la parole sur des sujets politiques. Est-ce vraiment son rôle ? Un évêque de l’Église catholique se doit d’annoncer l’Évangile, de permettre à chacun de rencontrer Dieu et de proposer à tous d’entrer dans la Vie éternelle que le Christ a ouverte par sa résurrection.
Justement, par son incarnation, le Christ, le Fils de Dieu, est venu transfigurer notre vision de l’homme en lui conférant une dignité indépassable et ceci quelle que soit son origine ethnique, sa situation sociale, son sexe, sa culture ou son âge. Saint Paul l’explique très bien quand il écrit aux chrétiens de Galatie : « Il n’y a plus ni juifs ni païens, ni esclaves ni hommes libres, ni l’homme ni la femme, car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Galates 3,28). Cette unité de l’humanité qui doit réaliser une fraternité universelle est un travail essentiel de l’Église. Voilà pourquoi les évêques s’autorisent à prendre la parole sur des sujets de société qui touchent à la dignité humaine quand celle-ci est gravement attaquée.
Le projet de loi bioéthique en discussion touche aux fondements les plus essentiels sur lesquels sont bâties nos sociétés humaines : la filiation, la non-marchandisation du corps humain, le respect de toute vie de sa conception jusqu’à sa mort naturelle, l’intérêt supérieur de l’enfant, une médecine philanthropique et non marchande, une écologie humaine où le corps n’est pas un instrument mais le lieu de l’édification de la personnalité.
Le président de la République souhaitait un débat apaisé et consensuel. Il y eut des états généraux, de nombreuses consultations par le Conseil d’État, l’avis du Comité consultatif national d’éthique, de nombreuses interventions d’experts. Qu’est-il sorti de tout cela ? Au final, très peu de choses. Les participants aux états généraux, après avoir approfondi la question, se sont clairement déterminés contre l’extension de la PMA hors du champ proprement médical sans que cela n’ait eu le moindre effet sur les rédacteurs du projet de loi. Nous avons été largement consultés et, il faut le dire, écoutés avec courtoisie. Écoutés mais pas entendus. Les seules réponses que nous avons obtenues de Mme la ministre de la Santé aux arguments présentés et fondés en raison sont des arguments d’autorité.
Le Comité d’éthique avait pourtant révélé les faiblesses méthodologiques des études portant sur les enfants élevés par les mères célibataires ou des couples de femmes. Beaucoup d’experts pédopsychiatres confirment que ces études, la plupart anglo-saxonnes, commettent toutes des fautes quant à la rigueur scientifique de la méthode. Là encore, aucune réponse.
Les questions graves soulevées par des philosophes non suspects d’idéologie et se rapportant à la filiation, en particulier la privation pour l’enfant d’une filiation bilatérale sans recours possible, ont aussi reçu une fin de non-recevoir. L’Académie de médecine qui vient de se prononcer avec des arguments scientifiques très sérieux a été balayée d’un revers de main par la ministre de la Santé qui, sans honte, les a qualifiés de « datés » et de « peut-être idéologiques » sans apporter le moindre argument rationnel. De même pour la Convention internationale des droits de l’enfant signée par notre pays dont Mme Buzyn a dit pourtant qu’elle n’obligeait pas la France.
Cette attitude dédaigneuse, voire arrogante, est caractéristique de ce que l’on observe depuis le début de cette consultation. Une écoute en apparence bienveillante, mais une inflexibilité qui, elle, traduit une attitude idéologique tristement dépourvue de fondements anthropologiques réalistes. Pourtant, personne n’est maître de la vie, même pas de ses propres enfants. On transmet la vie, elle ne nous appartient pas. Mon enfant vient de moi, mais il n’est pas « mon bien ». Je ne peux pas revendiquer un droit à l’enfant comme un droit au logement. Un enfant est toujours un don qu’il faut accueillir sans en faire un produit manufacturé dû à la technologie de l’homme et soumis au pouvoir de l’argent. Il faut apprendre à être fils, c’est-à-dire à comprendre que notre vie ne vient pas de nous-mêmes, que nous la recevons, que nous devons apprendre à l’habiter. À cette condition nous pouvons être de vrais parents assez humbles pour transmettre la vie et faire advenir une personne qui se saisisse de sa propre liberté. Il n’est pas possible d’instrumentaliser un enfant au prétexte de combler un désir individuel. Si la frustration entraîne une souffrance qu’il faut savoir accompagner, elle ne peut justifier en aucun cas une revendication parentale.
Les autres points du projet de loi sont aussi dramatiquement ordonnés au mépris de toute vie humaine. Les embryons humains sont une fois encore et de plus en plus traités comme un matériau utilisable. Les cellules embryonnaires posent la question éthique de la destruction de l’embryon humain. La possibilité de fabriquer des embryons OGM par modification génétique est une dangereuse dérive. En outre, les expérimentations qui permettraient la création d’embryons animaux dans lesquels seraient intégrées des cellules embryonnaires humaines sont une véritable monstruosité qui n’effraie plus personne et qui montre une anesthésie abyssale de la conscience.
Je salue le courage de ceux qui résistent aux fausses évidences d’un apparent progressisme qui constitue une profonde régression de notre humanité. Non, la loi n’est pas pliée d’avance. Une parole qui s’appuie sur la vérité de notre condition humaine ne s’arrête pas à l’immédiateté de son effet. Elle s’inscrit dans l’avenir, quand la conscience commune saura en évaluer les plus effrayantes conséquences qui sont du même ordre que celles que l’écologie met à jour aujourd’hui. Il y a un lien intime entre le délire technologique qui conduit à détruire notre planète au nom du progrès et la folie des techniciens du désir qui bouleverse l’anthropologie et la nature profonde de notre humanité.
Il ne m’appartient pas d’emporter l’adhésion de tous. Il m’appartient certainement de le dire.
Vendredi 4 octobre 2019
Mgr Michel Aupetit, Archevêque de Paris
© Paris-catholique.fr - 2019
Commentaire des lectures du dimanche
La Parole de Dieu nous présente aujourd’hui deux aspects essentiels de la vie chrétienne : la foi et le service. À propos de la foi, deux demandes particulières sont adressées au Seigneur.
La première est celle du prophète Habacuc, qui implore Dieu pour qu’il intervienne et rétablisse la justice et la paix que les hommes ont rompu par la violence, les querelles et les disputes « Combien de temps, Seigneur, - dit-il- vais-je appeler, sans que tu m’entendes ? » (Ha 1,2). Dieu, en répondant, n’intervient pas directement, il ne résout pas la situation d’une manière brusque, il ne se rend pas présent par la force. Au contraire, il invite à attendre avec patience, sans jamais perdre l’espérance ; surtout, il souligne l’importance de la foi. Parce que par sa foi, l’homme vivra (cf. Ha 2,4). Ainsi Dieu fait de même avec nous : il ne cède pas à nos désirs qui voudraient changer le monde et les autres immédiatement et continuellement, mais il vise surtout à guérir le cœur, mon cœur, ton cœur, le cœur de chacun ; Dieu change le monde en changeant nos cœurs, et cela il ne peut le faire sans nous. Le Seigneur désire en effet que nous lui ouvrions la porte de notre cœur, pour pouvoir entrer dans notre vie. Et cette ouverture à lui, cette confiance en Lui est vraiment « la victoire remportée sur le monde : c’est notre foi » (1 Jn 5, 4). Parce que lorsque Dieu trouve un cœur ouvert et confiant, là il peut accomplir des merveilles.
Mais avoir la foi, une foi vive, n’est pas facile ; et voici alors la seconde demande, celle que dans l’Évangile les Apôtres adressent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! » (Lc 17, 6). C’est une belle demande, une prière que nous aussi nous pourrions adresser à Dieu chaque jour. Mais la réponse divine est surprenante et aussi dans ce cas renverse la demande : « Si vous aviez de la foi… ». C’est Lui qui nous demande d’avoir de la foi. Parce que la foi, qui est un don de Dieu et est toujours demandée, est aussi cultivée de notre part. Ce n’est pas une force magique qui descend du ciel, ce n’est pas une “dot” qui se reçoit une fois pour toutes, et non plus un superpouvoir qui sert à résoudre les problèmes de la vie. Parce qu’une foi utile pour satisfaire nos besoins serait une foi égoïste, toute centrée sur nous. La foi n’est pas confondue avec le bien-être ou avec le fait de se sentir bien, avec le fait d’être consolé dans l’âme parce que nous avons un peu de paix dans le cœur. La foi est un fil d’or qui nous lie au Seigneur, la pure joie de rester avec Lui, d’être unis à Lui ; c’est le don qui est valable pour la vie entière, mais qui porte du fruit si nous faisons notre part.
Et quelle est notre part ? Jésus nous fait comprendre que c’est le service. Dans l’Évangile en effet, le Seigneur fait tout de suite suivre aux paroles sur la puissance de la foi, celles sur le service. Foi et service ne peuvent se séparer, elles sont même étroitement liées, nouées entre elles. Pour m’expliquer, je voudrais utiliser une image qui vous est très familière, celle d’un beau tapis : vos tapis sont de véritables œuvres d’art et proviennent d’une histoire très ancienne. La vie chrétienne de chacun vient aussi de loin, c’est un don que nous avons reçu dans l’Église et qui provient du cœur de Dieu, notre Père, qui désire faire de chacun de nous un chef d’œuvre de la création et de l’histoire. Chaque tapis, vous le savez bien, est tissé selon la trame et la chaîne ; seulement avec cette structure l’ensemble se trouve bien composé et harmonieux. C’est ainsi pour la vie chrétienne : elle est chaque jour patiemment tissée, entrecroisant entre elles une trame et une chaîne bien définies : la trame de la foi et la chaîne du service. Quand à la foi se noue le service, le cœur se maintient ouvert et jeune, et il se dilate en faisant le bien. Alors la foi, comme dit Jésus dans l’Évangile, devient puissante et elle fait des merveilles. Si elle marche sur cette route, alors elle mûrit et devient forte, à condition qu’elle reste toujours unie au service.
Mais qu’est-ce que le service ? Nous pouvons penser qu’il consiste seulement à être fidèle aux propres devoirs ou à accomplir quelque œuvre bonne. Mais pour Jésus, c’est beaucoup plus. Dans l’Évangile d’aujourd’hui, il nous demande, avec des paroles très fortes, radicales, une disponibilité totale, une vie mise pleinement à disposition, sans calculs et sans bénéfices. Pourquoi Jésus est-il si exigeant ? Parce que Lui nous a aimés ainsi, se faisant notre serviteur « jusqu’au bout » (Jn 13,1), venant « pour servir et donner sa vie » (Mc 10,45). Et cela a lieu encore chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie : le Seigneur vient au milieu de nous et pour autant que nous puissions proposer de le servir et de l’aimer, c’est toujours Lui qui nous précède, nous servant et nous aimant plus que tout ce que nous imaginons ou méritons. Il nous donne sa vie-même. Et il nous invite à l’imiter, en nous disant : « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive » (cf. Jn 12,26).
Donc, nous ne sommes pas appelés à servir seulement pour avoir une récompense, mais pour imiter Dieu, qui s’est fait serviteur pour notre amour. Et nous ne sommes pas appelés à servir de temps et temps mais à vivre en servant. Le service est alors un style de vie, il résume même en lui tout le style de vie chrétien : servir Dieu dans l’adoration et dans la prière ; être ouverts et disponibles ; aimer concrètement le prochain : tout mettre en œuvre avec élan pour le bien commun.
Les tentations qui éloignent du style du service et finissent par rendre la vie inutile ne manquent pas aussi pour les croyants. Où il n’y a pas de service, la vie est inutile ! Ici nous pouvons aussi en mettre deux en évidence. L’une est celle de laisser le cœur s’attiédir. Un cœur tiède se ferme dans une vie paresseuse et étouffe le feu de l’amour. Celui qui est tiède vit pour satisfaire ses propres aises, qui ne suffisent jamais, et ainsi il n’est jamais content ; peu à peu il finit par se contenter d’une vie médiocre. Le tiède réserve à Dieu et aux autres des “pourcentages” de son temps et de son cœur, sans jamais exagérer, et même en cherchant toujours à économiser. Ainsi la vie perd du goût : elle devient comme un thé qui était vraiment bon, mais qui lorsqu’il se refroidit ne peut plus se boire. Mais je suis certain que vous, regardant les exemples de ceux qui vous ont précédés dans la foi, ne laisserez pas votre cœur s’attiédir. L’Église entière, qui nourrit pour vous une sympathie spéciale, vous regarde et vous encourage : vous êtes un petit troupeau si précieux aux yeux de Dieu !
Il y a une seconde tentation, dans laquelle on peut tomber non pas parce qu’on est passifs, mais parce qu’on est “trop actifs” : celle de penser comme des propriétaires, de se donner du mal seulement pour gagner du crédit et pour devenir quelqu’un. Le service devient alors un moyen et non une fin, parce que la fin est devenue le prestige ; ensuite vient le pouvoir, la volonté d’être grands. « Parmi vous, – rappelle Jésus à nous tous – il ne devra pas en être ainsi : Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur » (Mt 20, 26). Ainsi s’édifie et s’embellit l’Église. Reprenant l’image du tapis, en l’appliquant à votre belle communauté : chacun de vous est comme un splendide fil de soie, mais les fils différents créent une belle composition seulement s’ils sont bien tissés entre eux ; tout seuls, ils ne servent pas. Restez toujours unis, en vivant humblement dans la charité et dans la joie ; le Seigneur, qui crée l’harmonie dans les différences, vous gardera.
Que nous aide l’intercession de la Vierge Immaculée et des Saints, en particulier de sainte Teresa de Calcutta, dont les fruits de foi et de service sont au milieu de vous. Accueillons quelques-unes de ses paroles splendides, qui résument le message d’aujourd’hui : « Le fruit de la foi est l’amour. Le fruit de l’amour est le service. Le fruit du service est la paix » (Le chemin simple, Introduction).
© Libreria Editrice Vaticana – 2016