Pko 02.06.2019
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°29/2019
Dimanche 2 juin 2019 – 7ème Dimanche de Pâques – Année C
Humeurs…
Le sens du bien commun !
À son arrivé en Roumanie, le Pape François a rappelé la primauté du bien commun : « il est nécessaire de marcher ensemble et de s’engager tous avec conviction à ne pas renoncer à la vocation la plus noble à laquelle un État doit aspirer : assurer le bien commun de son peuple. Marcher ensemble, comme façon de construire l’histoire, demande la noblesse de renoncer à quelque chose de sa propre vision ou d’un intérêt propre spécifique en faveur d’un projet plus grand, de façon à créer une harmonie qui permette d’avancer en toute sécurité vers des objectifs communs… Une société où les plus faibles, les plus pauvres et les derniers ne sont pas vus comme des indésirables, comme des entraves qui empêchent la ‘‘machine’’ de fonctionner, mais comme des citoyens et des frères à intégrer de plein droit dans la vie civile ; bien au contraire, ils sont vus comme le meilleur test de la bonté réelle du modèle de société qu’on est en train de construire. En effet, plus une société se soucie du sort des plus désavantagés, plus elle peut se dire vraiment civilisée ».
Quand est-il du bien commun dans notre Polynésie ? Elle qui sacrifie la santé sur l’autel de l’économie (exemple : la baisse de la taxe sur le sucre) ; Quand est-il du bien commun dans notre Polynésie ? Elle qui sacrifie à l’autel des copains-coquins au mépris des petits (exemple : un certain terrain pour les personnes à la rue !) ; Quand est-il du bien commun dans notre Polynésie ? Elle qui ressemble de plus en plus à ces temps anciens où une poignée d’« Arii » méprisaient et exploitaient les « Manahune » !!!
Le sens du bien commun c’est le signe universel d’une société « vraiment civilisée »… Pour cela il faut retrouver la centralité de la personne humaine et non agir sous le dictat de la finance et de la soif du pouvoir ! Ou en sommes-nous ?
Ou est notre « humanité » ?
Laissez-moi vous dire…
3 juin 2019 : 53ème Journée chrétienne de la communication
« Des communautés de réseaux sociaux à la communauté humaine »
De plus en plus d’ados transportent leur smartphone comme un doudou, autour du cou, dans la poche arrière du jean, sur le cœur, dans le lit… Une maman se souvient d’une mésaventure qui a marqué sa fille : « J’ai vu la soirée de ma fille se vider en trente minutes parce qu’un leader, alerté par SMS, avait décrété qu’une meilleure fête se tenait à quelques pas de là (…) La tristesse de ma fille, qui se réjouissait de réunir ses amis et avait préparé cette fête pour son succès au bac, restera toujours dans ma mémoire. » [Source : T. Reinke, Génération smartphone, Editions Clé, Paris, 2018]
81% des 13-19 ans possèdent un smartphone ; 77% sont inscrit sur Facebook ; en moyenne, chaque semaine, ils passent 15h11 min sur Internet. [Source : Baromètre 2017 des usages numériques (Credoc)]
Dans un court message à l’occasion de la 53ème journée mondiale de la communication, le Pape François attire l’attention sur le lien entre « communauté de réseaux sociaux et communauté humaine ». Il nous invite à réfléchir « sur la métaphore du réseau [social] mis initialement à la base de l'Internet ».
« Il faut reconnaître que les réseaux sociaux, s’ils servent d’une part à nous relier davantage, à nous permettre de nous retrouver et de nous entraider, de l'autre ils se prêtent aussi à une manipulation de données personnelles, visant à obtenir des avantages politiques ou économiques, sans le respect dû à la personne et à ses droits. Parmi les plus jeunes, les statistiques révèlent qu'un sur quatre est mêlé à des épisodes de cyber-harcèlement. » (…) « Il est évident pour tous que, dans le contexte actuel, la communauté des réseaux sociaux n'est pas automatiquement synonyme de communauté. » (…)
« Le réseau est une occasion pour promouvoir la rencontre avec les autres, mais il peut également renforcer notre auto-isolement, telle une toile d’araignée susceptible de piéger. Les enfants se trouvent les plus exposés à l'illusion que le Web social puisse pleinement les satisfaire au plan relationnel, jusqu'au phénomène dangereux des jeunes « ermites sociaux » qui courent le risque de se rendre complètement étranger à la société. Cette dynamique dramatique révèle une faille sérieuse dans le tissu relationnel de la société, une lacération que nous ne pouvons ignorer. » [Message du Pape François pour la Journée de la communication 2019]
Ce message est un appel aux chrétiens pour qu’ils soient vigilants sur les relations entre personnes. La personne humaine doit toujours être la réalité profonde de la communication digitale !
S’il faut se réjouir que l’Assemblée de Polynésie française ait interdit l’usage du téléphone portable dans les établissements scolaires jusqu’en classe de troisième, il est important que des explications soient données et qu’une réflexion sérieuse sur l’usage du portable soit effectuée à l’école, au collège, en famille, dans les associations de jeunesse… N’oublions pas que 51% des adolescents de 15 ans ont déjà surfé sur des sites X et 73% des garçons collégiens sont persuadés que cela contribue à l’apprentissage de leur sexualité [sondage IFOP, mars 2017]. Or, une éducation responsable passe essentiellement, par un échange interpersonnel - entre jeune et éducateur - marqué d’affection, d’attention et de transparence.
On gagne toujours à faire et dire la vérité. « La vérité vous rendra libres », affirme Jésus en Jean 8,32.
Dominique Soupé
© Cathédrale de Papeete – 2019
En marge de l’actualité…
Persécutions
Durant le temps de Pâques inauguré par la résurrection du Christ, la liturgie nous invite à relire le livre des Actes des Apôtres. Constituant la seconde partie de l’œuvre de l’évangéliste Luc, ce livre nous rapporte les débuts de l’Église, son extension missionnaire mais aussi les difficultés et persécutions auxquelles furent confrontées les premières communautés Chrétiennes, difficultés d’ordre extérieur (rapports avec le monde Juif ou Romain) ou d’ordre intérieur (divisions, rapports entre Chrétiens d’origine juive et Chrétiens d’origine païenne). Aujourd’hui encore, nos communautés sont appelées à maintenir ce zèle missionnaire, et elles sont toujours confrontées à de multiples difficultés et persécutions. La tentation serait alors de nous enfermer dans nos problèmes locaux et d’oublier ou d’ignorer ce qui se passe ailleurs… L’actualité de ces dernières semaines nous rappelle la situation dangereuse de nombreux Chrétiens persécutés à cause de leur foi dans plusieurs pays du monde. Le site https://www.portesouvertes.fr nous ouvre les yeux sur cette réalité et peut nous aider à prendre conscience de la chance que nous avons de pouvoir vivre notre foi et de l’exprimer en toute liberté… non pas en nous refermant sur nous mais en ouvrant nos cœurs et nos prières pour ces frères et sœurs persécutés. Quelques faits puisés dans ce site « portesouvertes » :
« On compte de plus en plus de pays où les chrétiens sont fortement persécutés. L'Index Mondial de Persécution des Chrétiens 2019 en recense 73, soit 15 de plus que l'année précédente.
En Inde, le parti ayant accédé au pouvoir en 2014 veut débarrasser le pays de tous les infiltrés : “Nous débarrasserons notre pays de tous les ‘infiltrés’ : ne resteront que les bouddhistes, les hindous et les sikhs.” Les infiltrés sont les chrétiens et les musulmans, professant une “religion étrangère à l’Inde”. Depuis que le BJP a accédé au pouvoir en 2014, les minorités sont mises encore plus sous pression, victimes de violences et peu à peu exclues de la société civile. En 2018, près de cent églises ont été attaquées, plus de 200 chrétiens ont été emprisonnés et 14 tués à cause de leur foi.
Au Burkina Faso, selon RFI, 4 personnes ont été tuées et deux grièvement blessées dans l’attaque d’une église Catholique du village de Toulfé.
- Le 12 mai, Siméon Yampa, 34 ans, a été tué dans l’église catholique dont il était prêtre dans la ville de Dablo. Une trentaine d’hommes armés ont fait irruption dans le bâtiment et ont tiré au hasard sur les chrétiens rassemblés, faisant en tout six morts.
- Le 15 février, le missionnaire espagnol et prêtre Antonio César Fernandez, 72 ans, rentrait du Togo quand, quelques kilomètres après la frontière, son véhicule est tombé dans une embuscade. Les islamistes l’ont fait descendre et lui ont tiré une balle dans la tête.
En Erythrée, 141 chrétiens ont été arrêtés par des agents de sécurité le 10 mai à Asmara, la capitale de l'Érythrée. Parmi-eux on compte des enfants et des personnes âgées. Ils étaient rassemblés dans un quartier d'Asmara. Parmi les prisonniers, on compte 104 femmes, 23 hommes et 14 mineurs.
Au Nigeria, une vague de violence déferle depuis plus d’un mois sur les communautés chrétiennes du Sud de l’État de Kaduna au Nigéria. Portes Ouvertes a recensé 168 chrétiens assassinés depuis le début de l’année dans cette région centrale du Nigéria. Plusieurs communautés chrétiennes ont été anéanties et plus de 10000 personnes ont fui. »
Au Sri Lanka, souvenons-nous de ces attaques survenues le Dimanche de Pâques, qui frappèrent trois églises ainsi que quelques hôtels, causant la mort de 258 personnes. Ces attentats ont été revendiqués par l’organisation État islamique, mais les autorités locales l’attribuent à un groupe extrémiste musulman de l’île.
Pour conclure ce tableau bien incomplet, hélas, rappelons s’il en était besoin, la force de la foi qui continue d’animer ces Chrétiens persécutés comme ceux du Sri Lanka. « Un mois après ces attentats, les églises du Sri Lanka sont plus fréquentées qu'avant encore. Les catholiques donnent un grand témoignage de foi. La majorité bouddhiste de l'île, mais aussi les hindous et les musulmans sont admiratifs de cette réaction des fidèles chrétiens, au nom de la non-violence et de la réconciliation. Dans la société sri-lankaise, l'estime pour la communauté chrétienne et l'Église catholique en particulier s'est accrue. » (Vatican New du 22 Mai 2019) Ne les oublions pas dans nos prières !
+ Mgr Jean Pierre COTTANCEAU
© Archidiocèse de Papeete - 2019
Audience générale
Le Saint Esprit dynamise les cœurs
Le Pape François a initié un nouveau cycle de catéchèses ce mercredi 29 mai lors de l’audience générale tenue place Saint-Pierre. Après s’être consacré plusieurs mois à méditer sur la prière du Notre Père, le Souverain pontife propose désormais des réflexions sur les Actes des Apôtres.
Chers frères et sœurs, bonjour !
Nous commençons aujourd’hui un parcours de catéchèses à travers le livre des Actes des Apôtres. Ce livre biblique, écrit par saint Luc évangéliste, nous parle du voyage – d’un voyage : mais de quel voyage ? Du voyage de l’Évangile dans le monde et il nous montre la merveilleuse union entre la Parole de Dieu et l’Esprit Saint qui inaugure le temps de l’évangélisation. Les protagonistes des Actes sont vraiment un « couple » vivant et efficace : la Parole et l’Esprit.
Dieu « envoie sur la terre son message » et « sa parole court rapidement », dit le psaume (147,4). La Parole de Dieu court, elle est dynamique, elle irrigue tous les terrains sur lesquels elle tombe. Et quelle est sa force ? Saint Luc nous dit que la parole humaine devient efficace non pas grâce à la rhétorique, qui est l’art de bien parler, mais grâce à l’Esprit-Saint, qui est la “dy?namis” de Dieu, la dynamique de Dieu, sa force, qui a le pouvoir de purifier la parole, de la rendre porteuse de vie. Par exemple, dans la Bible, il y a des histoires, des paroles humaines ; mais quelle est la différence entre la Bible et un livre d’histoires ? Les paroles de la Bible sont prises de l’Esprit-Saint qui donne une très grande force, une force différente et qui nous aide afin que cette parole soit semence de sainteté, semence de vie, qu’elle soit efficace. Quand l’Esprit visite la parole humaine, elle devient dynamique, comme de la « dynamite », c’est-à-dire capable d’allumer un feu dans les cœurs et de faire sauter les schémas, les résistances et les murs de la division, ouvrant des voies nouvelles et dilatant les frontières du peuple de Dieu. Et cela, nous le verrons dans le parcours de ces catéchèses, dans le livre des Actes des Apôtres.
Celui qui rend incisive et qui donne une sonorité vibrante à notre parole humaine si fragile, capable même de mentir et de se soustraire à ses responsabilités, c’est seulement l’Esprit Saint, par lequel le Fils de Dieu a été engendré ; l’Esprit de qui il a reçu l’onction et qui l’a soutenu dans sa mission ; l’Esprit grâce auquel il a choisi ses apôtres et qui a garanti à leur annonce la persévérance et la fécondité, comme il les garantit aujourd’hui encore à notre annonce.
L’Évangile se conclut par la résurrection et l’ascension de Jésus, et la trame narrative des Actes des Apôtres part justement de là, de la surabondance de la vie du Ressuscité transfusée dans son Église. Saint Luc nous dit que Jésus « s’est présenté vivant après sa passion ; il leur en a donné bien des preuves puisque, pendant quarante jours, il leur est apparu et leur a parlé du Royaume de Dieu » (Ac 1,3). Le Ressuscité, Jésus ressuscité pose des gestes très humains, comme de partager le repas avec les siens, et il les invite à vivre dans la confiance l’attente de l’accomplissement de la promesse du Père : « vous serez baptisés dans l’Esprit Saint » (Ac 1,5).
Le baptême dans l’Esprit Saint, en effet, est l’expérience qui nous permet d’entrer dans une communion personnelle avec Dieu et de participer à sa volonté salvifique universelle, en acquérant la dot de la parrhésie, le courage, c’est-à-dire la capacité à prononcer une parole « comme fils de Dieu », pas seulement en tant qu’homme, mais en tant que fils de Dieu : une parole limpide, libre, efficace, pleine d’amour pour le Christ et pour nos frères.
Il n’y a donc pas à lutter pour gagner ou mériter le don de Dieu. Tout est donné gratuitement et en temps voulu. Le Seigneur donne tout gratuitement. Le salut ne s’achète pas, ne se paie pas : c’est un don gratuit. Devant leur angoisse de connaître à l’avance le temps où arriveront les événements qu’il a annoncés, Jésus répond aux siens : « Il ne vous appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Ac 1,7-8).
Le Ressuscité invite les siens à ne pas vivre le présent dans l’anxiété, mais à faire alliance avec le temps, à savoir attendre le déroulement d’une histoire sacrée qui ne s’est pas interrompue mais qui avance, qui va toujours de l’avant ; à savoir attendre les « pas » de Dieu, Seigneur du temps et de l’espace. Le Ressuscité invite les siens à ne pas se « fabriquer » leur mission, mais à attendre que ce soit le Père qui dynamise leurs cœurs par son Esprit, pour pouvoir s’impliquer dans un témoignage missionnaire capable de rayonner de Jérusalem à la Samarie et de dépasser les frontières d’Israël pour atteindre les périphéries du monde.
Cette attente, les apôtres la vivent ensemble, ils la vivent en tant que famille du Seigneur, dans la salle supérieure ou cénacle, dont les murs témoignent encore du don par lequel Jésus s’est livré aux siens dans l’Eucharistie. Et comment attendent-ils la force, la “dy?namis” de Dieu ? En priant avec persévérance, comme s’ils n’étaient pas plusieurs mais un seul. En priant dans l’unité et avec persévérance. C’est en effet par la prière que l’on est vainqueur de la solitude, de la tentation, du soupçon et que notre cœur s’ouvre à la communion. La présence des femmes et de Marie, la mère de Jésus, intensifie cette expérience : elles ont appris les premières du Maître à témoigner de la fidélité de l’amour et de la force de la communion, qui surmontent toute crainte.
Demandons-nous aussi au Seigneur la patience d’attendre ses pas, de ne pas vouloir « fabriquer » nous-mêmes son œuvre et de rester dociles en priant, en invoquant l’Esprit et en cultivant l’art de la communion ecclésiale.
© Libreria Editrice Vaticana – 2019
Journée mondiale des Communications sociales
« Nous sommes membres les uns des autres » (Ep 4,25)
Des communautés de réseaux sociaux à la communauté humaine
Dans son message publié à l'approche de la Journée mondiale des Communications sociales 2019, le Pape développe les liens d’union et de désunion de la communauté humaine lorsqu’elle est présente sur les communautés virtuelles.
Chers frères et sœurs,
depuis l’avènement de l'Internet, l'Église a toujours cherché à en promouvoir l’utilisation au service de la rencontre entre les personnes et de la solidarité entre tous. Avec ce Message, je voudrais vous inviter une fois de plus à réfléchir sur le fondement et l'importance de notre être-en-relation et à redécouvrir, dans l'immensité des défis du contexte actuel de la communication, le désir de l'homme qui ne veut pas rester dans sa solitude.
Les métaphores du « réseau » et de la « communauté »
L'environnement des médias est aujourd'hui tellement envahissant qu'on ne peut le distinguer de la sphère de la vie quotidienne. Le réseau est un atout de notre temps. C'est une source de connaissances et de relations naguère impensables. De nombreux experts, cependant, à propos des transformations profondes imprimées par la technologie aux logiques de production, de circulation et d’utilisation des contenus, soulignent également les risques qui menacent la recherche et le partage d'une information authentique à l’échelle globale. Si l'Internet représente une possibilité extraordinaire d'accès au savoir, il est également vrai qu'il s'est avéré l'un des lieux les plus exposés à la désinformation et à la distorsion consciente et ciblée des faits et des relations interpersonnelles, qui souvent prennent la forme de discrédit.
Il faut reconnaître que les réseaux sociaux, s’ils servent d’une part à nous relier davantage, à nous permettre de nous retrouver et de nous entraider, de l'autre ils se prêtent aussi à une manipulation de données personnelles, visant à obtenir des avantages politiques ou économiques, sans le respect dû à la personne et à ses droits. Parmi les plus jeunes, les statistiques révèlent qu'un sur quatre est mêlé à des épisodes de cyber-harcèlement.
Dans la complexité de ce contexte, il peut être utile de réfléchir à nouveau sur la métaphore du réseau mis initialement à la base de l'Internet, pour en redécouvrir le potentiel positif. L’image du réseau nous invite à réfléchir sur la multiplicité des parcours et des nœuds qui en assurent la solidité, en l'absence d'un centre, d'une structure hiérarchique, d'une organisation de type vertical. Le réseau fonctionne grâce à la coparticipation de tous les éléments.
Ramenée à la dimension anthropologique, la métaphore du réseau rappelle une autre figure riche de significations : celle de la communauté. Une communauté est d'autant plus forte qu'elle est cohésive et solidaire, animée par des sentiments de confiance et poursuivant des objectifs partagés. La communauté comme réseau solidaire requiert l'écoute mutuelle et le dialogue, basé sur l'utilisation responsable du langage.
Il est évident pour tous que, dans le contexte actuel, la communauté des réseaux sociaux n'est pas automatiquement synonyme de communauté. Dans le meilleur des cas, les communautés réussissent à montrer cohésion et solidarité, mais elles ne restent souvent que des agrégats d’individus qui se reconnaissent autour d'intérêts ou d'arguments caractérisés par des liens faibles. En outre, dans le Web social trop souvent l'identité est basée sur l'opposition à l'autre, à l'étranger au groupe : on se définit à partir de ce qui divise plutôt que de ce qui unit, laissant cours à la suspicion et à l'explosion de toute sorte de préjugés (ethniques, sexuels, religieux et autres). Cette tendance alimente des groupes qui excluent l'hétérogénéité, qui nourrissent, également dans l'environnement numérique, un individualisme effréné qui finit parfois par fomenter des spirales de haine. Ce qui devrait être une fenêtre sur le monde devient ainsi une vitrine dans laquelle exhiber le propre narcissisme.
Le réseau est une occasion pour promouvoir la rencontre avec les autres, mais il peut également renforcer notre auto-isolement, telle une toile d’araignée susceptible de piéger. Les enfants se trouvent les plus exposés à l'illusion que le Web social puisse pleinement les satisfaire au plan relationnel, jusqu'au phénomène dangereux des jeunes « ermites sociaux » qui courent le risque de se rendre complètement étranger à la société. Cette dynamique dramatique révèle une faille sérieuse dans le tissu relationnel de la société, une lacération que nous ne pouvons ignorer.
Cette réalité multidimensionnelle et insidieuse pose diverses questions de caractère éthique, sociale, juridique, politique, économique, et interpelle aussi l'Église. Tandis que les gouvernements cherchent des voies de réglementation légale pour sauver la vision originelle d'un réseau libre, ouvert et sécurisé, nous avons tous la possibilité et la responsabilité d’en favoriser une utilisation positive.
Il est clair qu'il ne suffit pas de multiplier les connexions pour faire augmenter également la compréhension mutuelle. Comment retrouver, par conséquent, la vraie identité communautaire en ayant conscience de la responsabilité que nous avons les uns envers les autres aussi sur le réseau en ligne ?
« Nous sommes membres les uns des autres »
Une réponse possible peut être esquissée à partir d'une troisième métaphore, celle du corps et des membres, que Saint Paul utilise pour parler de la relation de réciprocité entre les personnes, fondée dans un organisme qui les unit. « Débarrassez-vous donc du mensonge, et dites la vérité, chacun à son prochain, parce que nous sommes membres les uns des autres. » (Ep 4,25). Être membres les uns des autres est la motivation profonde avec laquelle l'Apôtre exhorte à se débarrasser du mensonge et à dire la vérité : l'obligation de garder la vérité découle de la nécessité de ne pas nier la relation réciproque de la communion. La vérité, en fait, se révèle dans la communion. Le mensonge au contraire est un refus égoïste de reconnaître la propre appartenance au corps ; c'est le refus de se donner aux autres, perdant ainsi la seule voie de se retrouver soi-même.
La métaphore du corps et des membres nous amène à réfléchir sur notre identité, qui est basée sur la communion et sur l'altérité. Comme chrétiens, nous nous reconnaissons tous membres de l’unique corps dont le Christ est la tête. Cela nous aide à ne pas voir les personnes comme des concurrents potentiels, mais à considérer même les ennemis comme des personnes. Il n’y a plus besoin de l'adversaire pour se définir soi-même, parce que le regard d'inclusion que nous apprenons du Christ nous fait découvrir l'altérité d'une nouvelle manière, comme partie intégrante et condition de la relation et de la proximité.
Une telle capacité de compréhension et de communication entre les personnes humaines a son fondement dans la communion de l'amour entre les Personnes divines. Dieu n'est pas Solitude, mais Communion ; Dieu est Amour, et donc communication, parce que l'amour communique toujours, et bien plus se communique soi-même pour rencontrer l'autre. Pour communiquer avec nous et pour se communiquer à nous Dieu s'adapte à notre langage, établissant dans l'histoire un véritable dialogue avec l'humanité (cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, 2).
En vertu de notre être créé à l'image et à la ressemblance de Dieu qui est communion et communication-de-soi, nous portons toujours dans le cœur la nostalgie de vivre en communion, d'appartenir à une communauté. « Rien, en fait – affirme Saint Basile –, n’est plus conforme à notre nature que de nous fréquenter mutuellement, d’avoir besoin les uns des autres ».
Le contexte actuel nous appelle tous à investir dans les relations, à affirmer aussi sur le réseau et à travers le réseau le caractère interpersonnel de notre humanité. À plus forte raison nous, chrétiens, sommes appelés à manifester cette communion qui est la marque de notre identité de croyants. La foi elle-même, en fait, est une relation, une rencontre ; et sous la poussée de l'amour de Dieu, nous pouvons communiquer, accueillir et comprendre le don de l'autre et y correspondre.
C'est la communion à l'image de la Trinité qui distingue la personne de l'individu. De la foi en un Dieu qui est Trinité, il découle que, pour être moi-même, j'ai besoin de l'autre. Je suis vraiment humain, vraiment personnel, seulement si je me mets en relation avec les autres. Le terme de personne désigne en fait l'être humain comme « visage », face à l'autre, engagé avec les autres. Notre vie grandit en humanité avec le passage du caractère individuel à celui personnel ; l’authentique chemin d'humanisation va de l'individu qui perçoit l'autre comme un rival, à la personne qui le reconnaît comme un compagnon de voyage.
Du « j’aime » à l’« Amen »
L'image du corps et des membres nous rappelle que l'utilisation du Web social est complémentaire de la rencontre en chair et en os, qui vit à travers le corps, le cœur, les yeux, le regard, le souffle de l'autre. Si le réseau est utilisé comme une extension ou comme une attente d'une telle rencontre, alors il ne se trahit pas et demeure une ressource pour la communion. Si une famille utilise le réseau pour être plus connectée, pour ensuite se réunir à table et se regarder dans les yeux, alors c'est une ressource. Si une communauté ecclésiale coordonne sa propre activité à travers le réseau, pour ensuite célébrer l'Eucharistie ensemble, alors c'est une ressource. Si le réseau est une occasion pour se rapprocher des histoires et des expériences de beauté ou de souffrance physiquement loin de moi, pour prier ensemble et ensemble chercher le bien dans la redécouverte de ce qui nous unit, alors c'est une ressource.
Ainsi, nous pouvons passer du diagnostic à la thérapie : en ouvrant le chemin au dialogue, à la rencontre, au sourire, à la caresse... Ceci est le réseau que nous voulons. Un réseau qui n'est pas fait pour piéger, mais pour libérer, pour prendre soin de la communion entre des personnes libres. L'Église elle-même est un réseau tissé par la communion eucharistique, où l'union n'est pas fondée sur « j’aime », mais sur la vérité, sur l’« Amen », avec lequel chacun adhère au Corps du Christ en accueillant les autres.
Du Vatican, le 24 janvier 2019,
mémoire de Saint François de Sales.
François
© Libreria Editice Vaticana – 2019
Œcuménisme
La fraternité de sang entre orthodoxe et catholique
Après avoir rencontré le Patriarche Daniel et le Saint Synode de l’Église orthodoxe roumaine, le Pape François a prononcé son second discours officiel en terre roumaine, vendredi 31 mai 2019. Il a loué la mémoire de communion unissant les deux confessions, liée par « une fraternité de sang ».
Béatitude, cher Frère, chers frères et sœurs !
Je voudrais exprimer ma gratitude et mon émotion de me trouver en ce temple saint, qui nous rassemble dans l’unité. Jésus a appelé les frères André et Pierre à laisser les filets pour devenir ensemble des pêcheurs d’hommes (cf. Mc 1,16-17). L’appel personnel n’est pas complet sans celui du frère. Nous voulons aujourd’hui, élever, les uns à côté des autres, du cœur du pays, la prière du Notre Père. Notre identité d’enfants y est contenue et, aujourd’hui de manière particulière, [notre identité] de frères qui prient l’un à côté de l’autre. La prière du Notre Père contient la certitude de la promesse faite par Jésus à ses disciples : « Je ne vous laisserai pas orphelins » (Jn 14,18), et elle nous donne confiance pour recevoir et accueillir le don du frère. Je voudrais donc partager quelques paroles en préparation à la prière que je réciterai pour notre chemin de fraternité et pour que la Roumanie puisse toujours être une maison pour tous, une terre de rencontre, un jardin où fleurissent la réconciliation et la communion.
Chaque fois que nous disons Notre Père, nous rappelons que le mot Père ne peut pas être sans dire notre. Unis dans la prière de Jésus, nous nous unissons aussi à son expérience d’amour et d’intercession qui nous conduit à dire : mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu (cf. Jn 20,17). C’est une invitation à ce que le “mon” se transforme en “notre” et que le “notre” devienne prière.
Aide-nous, Père, à prendre au sérieux la vie du frère, à faire nôtre son histoire. Aide-nous à ne pas juger le frère pour ses actions et ses limites, mais à l’accueillir d’abord comme ton enfant. Aide-nous à vaincre la tentation de nous sentir des fils aînés, qui, à force de rester au centre, oublient le don de l’autre (cf. Lc 15,25-32).
À Toi, qui es aux cieux – les cieux qui embrassent tout le monde et où tu fais lever le soleil sur les bons et sur les méchants, les justes et les injustes (cf. Mt 5,45) – nous demandons cette entente que nous n’avons pas su préserver sur terre. Nous la demandons par l’intercession de tant de frères et sœurs dans la foi qui habitent ensemble ton Ciel après avoir cru, aimé et beaucoup souffert, également de nos jours, du seul fait d’être chrétien.
Nous voulons aussi, comme eux, sanctifier ton nom en le mettant au centre de toutes nos préoccupations. Que ce soit ton Nom Seigneur, et non pas le nôtre qui nous pousse et nous éveille à exercer la charité. Combien de fois, en priant, nous nous limitons à demander des dons, et à faire la liste de requêtes, en oubliant que la première chose à faire est de louer ton nom, adorer ta personne, pour, ensuite, reconnaître dans la personne du frère que tu as mis à côté de nous ton reflet vivant. Au milieu de tant de choses qui passent et pour lesquelles nous nous inquiétons, aide-nous, Père à rechercher ce qui demeure : ta présence et celle du frère.
Nous sommes dans l’attente que ton règne vienne : nous le demandons et nous le désirons car nous voyons que les dynamiques du monde ne le favorisent pas. Des dynamiques orientées par les logiques de l’argent, des intérêts, du pouvoir. Alors que nous nous trouvons plongés dans une consommation toujours plus effrénée, qui séduit avec des éclats scintillants mais évanescents, aide-nous, Père, à croire ce pourquoi nous prions : renoncer aux sécurités confortables du pouvoir, aux séductions trompeuses de la mondanité, à la présomption vide de nous croire autosuffisants, à l’hypocrisie de soigner les apparences. Ainsi, nous ne perdrons pas de vue ce Règne où tu nous appelles.
Que ta volonté soit faite, non la nôtre. « La volonté de Dieu c’est le salut de tous » (S. Jean Cassien, Conférences spirituelles, IX, n.20). Nous avons besoin, Père, d’élargir les horizons afin de ne pas réduire à nos limites ta miséricordieuse volonté de salut, qui veut embrasser tout le monde. Aide-nous, Père, en envoyant sur nous, comme à la Pentecôte, l’Esprit Saint, auteur du courage et de la joie, pour qu’il nous pousse à annoncer le joyeuse nouvelle de l’Évangile au-delà des frontières de nos appartenances, des langues, des cultures et des nations.
Chaque jour nous avons besoin de Lui, notre pain quotidien. Il est le pain de la vie (cf. Jn 6,35.48), qui nous fait nous sentir enfants aimés, et qui nourrit toute solitude et toute situation d’orphelin. Il est le pain du service : il est rompu pour se faire notre serviteur, il nous demande de nous servir mutuellement (cf. Jn 13,14). Père, alors que tu nous donnes le pain quotidien, nourris en nous la nostalgie du frère, le besoin de le servir. En demandant le pain quotidien, nous te demandons aussi le pain de la mémoire, la grâce d’affermir les racines communes de notre identité chrétienne, racines indispensables en un temps où l’humanité, et les jeunes générations en particulier, risquent de se sentir déracinées au milieu de tant de situations liquides, dans l’incapacité de fonder leur existence.
Que le pain que nous demandons, avec sa longue histoire qui va de la semence à l’épi, de la récolte à la table, inspire en nous le désir d’être de patients cultivateurs de communion qui ne se fatiguent pas de faire germer des semences d’unité, de faire lever le bien, d’œuvrer toujours à côté du frère : sans suspicion et sans distance, sans contrainte et sans homologations, dans la convivialité des diversités réconciliées.
Le pain que nous demandons aujourd’hui est aussi le pain dont chaque jour beaucoup sont privés, alors que quelques-uns ont du superflu. Le Notre Père n’est pas une prière qui tranquillise, c’est un cri face aux pénuries d’amour de notre époque, face à l’individualisme et à l’indifférence qui profanent ton nom, Père. Aide-nous à avoir faim de nous donner. Rappelle-nous, chaque fois que nous prions, que pour vivre nous n’avons pas besoin de nous conserver, mais de nous rompre ; de partager, non pas d’accumuler ; de nourrir les autres plus que de nous remplir nous-mêmes, car le bien être est tel seulement s’il appartient à tous.
Chaque fois que nous prions, nous demandons que nos dettes soient remises. Il nous faut du courage, parce qu’en même temps nous nous engageons à remettre les dettes que les autres ont envers nous. Par conséquent, nous devons trouver la force de pardonner de tout cœur au frère (cf. Mt18, 35) comme toi, Père, tu pardonnes nos péchés : de laisser derrière nous le passé et d’embrasser ensemble le présent. Aide-nous, Père, à ne pas céder à la peur, à ne pas voir dans l’ouverture un danger ; à avoir la force de nous pardonner et de marcher, le courage de ne pas nous contenter d’une vie tranquille et de rechercher toujours, avec transparence et sincérité, le visage du frère.
Et quand le mal, tapi à la porte du cœur, (cf. Gn 4,7), nous incitera à nous enfermer en nous-mêmes ; quand la tentation de nous isoler se fera plus forte, en cachant la réalité du péché, qui est éloignement de Toi et de notre prochain, aide-nous encore, Père. Encourage-nous à trouver dans le frère ce soutien que tu as mis à nos côtés pour marcher vers Toi, et ensemble avoir le courage de dire : “Notre Père”. Amen.
Et maintenant récitons la prière que le Seigneur nous a enseignée : Notre Père qui es aux cieux…
© Libreria Editice Vaticana – 2019
Commentaire des lectures du dimanche
Parmi les dimanches du temps pascal, celui d’aujourd’hui présente un visage particulier. Situé entre l’Ascension et la Pentecôte, c’est un temps où l’Église est appelée, en chacune de ses communautés et chacun de ses membres, à persévérer dans la prière dans l’attente de l’Esprit Saint ? Il est significatif que les trois textes de la Parole de Dieu entendus en ce jour nous mettent en présence de la prière de demande. L’évangile vient de nous livrer les derniers mots de la prière que Jésus laisse à ses apôtres avant d’entrer dans sa Passion. C’est une prière de demande pour lui-même : « Père, glorifie ton fils » et d’intercession, pour les disciples qu’il va envoyer dans le monde et pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en lui. « Que tous soient un, en nous ».
Dans le récit des Actes, Étienne pendant qu’on le lapidait priait ainsi : « Seigneur Jésus reçois mon esprit. » Il prie pour lui-même et il intercède pour les autres : « Seigneur ne leur compte pas ce péché » imitant la prière de Jésus sur la croix : « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Dans l’Apocalypse de saint Jean, le Christ se présente comme l’origine et l’avenir de l’homme et de l’histoire, celui en qui tout prend vie et en qui s’accomplissent tous les dons reçus. « Je suis le premier et le dernier, le commencement et la fin. » Animée par l’Esprit, l’Épouse, qui désigne l’Église, lui adresse une prière de demande « Viens, viens Seigneur Jésus ». Quant à nous, nous sommes interpellés. « Celui qui entend, qu’il dise : Viens ! Celui qui a soif, qu’il vienne. Celui qui le désire, reçoive l’eau de la vie gratuitement ». Ces paroles éclairent la prière de demande en laquelle l’Église, et chacun de nous, est appelée à persévérer durant ces jours dans l’attente de l’Esprit Saint.
Comment attendre cette venue de l’Esprit Saint ? Non certes comme l’agriculteur attend que tombe la pluie désirée annoncée par la météo. Il n’a qu’à attendre passivement que vienne le moment. Comment habiter les prières de demande à l’Esprit Saint qui se formulent : « Viens, Esprit Saint ; Viens Esprit Créateur » ? Nous savons qu’il est vrai de formuler ainsi notre prière, mais demander l’Esprit en vérité engage plus que notre pensée. L’Apocalypse parle de soif, de soif d’eau, et de désir. Avons-nous soif de l’eau vive promise par Jésus ? Désirons-nous vraiment l’Esprit Saint, d’un désir jamais comblé ? Sommes-nous en manque ? Voilà qui requiert prière, intériorisation.
On peut penser que la première communauté chrétienne d’avant la Pentecôte priait avec les psaumes et se remémorait les promesses des prophètes dans l’Écriture et les paroles de Jésus : chacun prenait ainsi conscience de tout ce qui était inachevé en lui, de la pauvreté de sa foi, de son espérance et de son amour pour les autres. Peu à peu, les cœurs se faisaient plus humbles, le désir du don promis plus réel, plus ardent. Il est précisé que tous priaient ainsi d’un même cœur. A nous de faire de même, personnellement et communautairement, avec l’Église, tout entière appelée à prier.
Pour que la prière de demande à l’Esprit Saint trouve sa pleine vérité, il faut aussi tenir compte de ce que nous demandons : l’Esprit Saint. Promis par le Père et le Fils, envoyé par l’un et l’autre, il est le don par excellence comme le chantent les grandes prières de l’Église. « Viens esprit créateur, don du Dieu très haut, source vive, feu, charité. Allume en nous ta flamme, emplis nos cœurs d’amour, affermis toujours de ta force la faiblesse de nos corps ». Nous chanterons aussi dimanche prochain la séquence : « Viens Esprit Saint en nos cœurs, dispensateur des dons, viens lumière de nos cœurs … donne mérite et vertu, donne le salut final, donne la joie éternelle ». Comment ne pas désirer la venue de l’Esprit Saint pour recevoir ses dons ? Attention. Vivant dans l’espace et le temps nous sommes enclins à chosifier les réalités spirituelles et ainsi à demander l’Esprit Saint et ses dons comme des réalités que l’on reçoit et dont on dispose. Or je ne reçois pas la lumière de l’Esprit Saint comme une super-torche spirituelle que je pourrai manier pour éclairer tout ce que j’ai à faire ou comme une super-force que je n’aurai plus qu’à utiliser pour me redynamiser. L’Esprit Saint est Dieu, on ne met pas la main sur Dieu. On ne le reçoit que lorsqu’on l’accueille comme son Seigneur, et qu’on se laisse mener par lui.
Les symboles de l’Écriture sont clairs. L’Esprit Saint est feu, vent, eau courante. On ne met la main sur aucune de ces réalités. On ne reçoit le vent qu’en se mettant dans le vent, dans sa direction. On accueille la force de l’eau courante qu’en se mettant dans le sens du courant d’eau. Et il n’est pas conseillé de mettre la main sur le feu. On ne prend pas l’Esprit Saint et ses dons, on l’accueille en se faisant dociles pour se laisser mener par lui vers Dieu et vers les autres. St Paul le dit en clair dans l’épitre aux Galates : « Puisque l’Esprit est notre vie, marchons sous la conduite de l’Esprit ». Ce qui nécessite de prendre souvent de brefs temps de prière silencieuse, avant de nous lancer dans ce que nous avons à faire. L’Esprit saint est très discret, il prend la place qu’on lui donne. Il faut savoir se taire pour lui permettre ’d’en placer une’…
Désirer vraiment et accueillir le don de Dieu sans chercher à le posséder donne sa vérité à la prière de demande de l’Esprit Saint. Le catéchisme d’autrefois, celui de mon enfance, disait qu’il fallait demander avec humilité, confiance et persévérance. Il résumait à merveille l’enseignement de l’Écriture. Demander avec humilité, car nous n’avons aucun droit sur ce que le Seigneur nous offre dans sa miséricorde, gratuitement, selon l’Apocalypse qui dit bien que celui qui a soif est appelé à recevoir gratuitement. Avec confiance, en nous appuyant sur les paroles de Jésus : « Combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent » (Lc 11, 13), j’aurais envie d’ajouter vraiment. Et avec persévérance comme l’enseignent les paraboles évangéliques de l’ami importun (Lc 11, 5) et de la veuve auprès du juge.
Demander pour soi-même et pour l’Église, comme un pauvre qui fait confiance et s’émerveille du Seigneur qui se plait à donner gratuitement parce qu’il est Amour. Voilà la grande affaire de chacun de nous, et de l’Église en chacune de ses communautés et de ses familles, en ces jours bénis qui précèdent la Pentecôte. Et nous pouvons nous confier à la prière de la Vierge Marie qui nous a précédés dans cette aventure.
fr. Dominique Sterckx, ocd
© Carmel.asso – 2016