Pko 01.12.2019

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°58/2019

Dimanche 1er décembre 2019 – 1er Dimanche de l’Avent – Année A

Humeurs…

Petite parabole ilienne… la suite…*

Dans cette petite île lointaine, appelée « Cythère »1, le 26 novembre, pendant qu’un 10ème « sans toit » choisissait de se donner la mort à Hollywood, une autre histoire se déroulait dans les rues de la capitale ! Celle d’un homme d’une cinquantaine d’année, à moitié aveugle et qui plus est adulte handicapé !

Près d’un mois auparavant, le 30 octobre, il fut hospitalisé en raison d’une fracture ouverte à la jambe droite… intervention, enclouage… tout fut mis en œuvre ! Il resta à l’hôpital jusqu’à ce fameux 26 novembre, sans que rien ne sembla causer souci ! Ce jour-là, à 9h du matin, l’ont pris conscience, semble-t-il, que son séjour se terminait à midi. Branle-bas le combat… que faire de ce « sans toit » ! Bien qu’il soit autorisé à s’appuyer sur son pied, il ne peut marcher… en plus il lui faudra une injection quotidienne de Lovenox pendant 45 jours et une prise de sang hebdomadaire !

Que faire ? Le mettre simplement à la rue ? Il s’agirait-là de non-assistance à personne en danger ! Lui proposer un centre d’hébergement, au moins de nuit… l’accueilleront-ils en raison de son état de santé ? La question ne se pose pas vraiment, il ne semble pas disposer à rejoindre un tel lieu d’accueil ! Si tant est qu’il ait compris la proposition ? Qu’à cela ne tienne ! Appelons le Bureau des miracles !

-  « Alllo ! Bonjour ! Nous avons un de vos “oiseaux”2 qui doit sortir ce midi… il ne veut pas aller dans un centre d’accueil ! »

-  « Oui… et alors ? »

-  « Il doit sortir impérativement aujourd’hui… nous pouvons le déposer chez vous ? »

-  « Euhhhhh… »

-  « Très bien ! Merci… nous le déposerons à midi !… Au revoir ! »

À midi, on le dépose notre homme au bureau des miracles : bulletin de sortie, ordonnance pour la pharmacie, pour l’infirmière, pour les prises de sang, pour la radiographie… Ne pouvant se déplacer, ce sont les ambulanciers de l’hôpital qui l’emmènent au bureau des miracles ; là, ils le posent sur un fauteuil du bureau… et, telles des marionnettes, trois petits tours et puis s’en vont ! Le colis est déposé ! Débrouillez-vous !

Notre homme ne sait pas trop ce qui lui arrive ! Quelques questions… sans réponse ! Ce qui est sûr c’est que la douleur est là… pas question de poser le pied parterre et encore moins de marcher ! Mais chercher, chercher dans l’enveloppe remise à l’homme à sa sortie de l’hôpital, pas l’ombre d’une ordonnance pour un fauteuil ou même une paire de béquille !

Alors, les petites mains précieuses du bureau des miracles, s’affairent dans la réserve… ô miracle… un fauteuil ! Notre homme passe du fauteuil de bureau au fauteuil roulant ! Reste à lui expliquer que ce soir, il va dormir dans la rue « comme d’habitude » !

Le temps de chercher les injections à la pharmacie, notre homme est parti en ville, ne sachant et ne comprenant toujours pas trop ce qui lui est arrivé !

Reste maintenant à régler la question de l’injection quotidienne durant 45 jours ! Cela commence mal ! Le lendemain, 27 novembre, impossible de mettre la main sur notre homme ! Que faire ? La consigne est donnée : « S’il arrive, ne le lâchez pas ! »

Le 28 au matin, le voilà qui arrive pour récupérer un sac qu’il avait oublié ! Toutes affaires cessantes, munis des fameuses injections, des ordonnances… l’homme est emmené auprès du médecin de la petite clinique privée voisine pour solliciter son aide en pratiquant l’injection quotidienne… et encore une fois, ce que le Service Public ne sait pas faire, le Privé l’accompli !!! Aucune hésitation… tout est mis en œuvre et tout de suite… Reste à espérer que notre homme, à qui l’on a répété dans tous les sens et toutes les langues qu’il devait revenir chaque jour, ne l’oublie pas ! L’avenir nous le dira…

Mais soyez sûr, dans ce petit royaume lointain, Noël se prépare, les cartons d’invitations pour les « Sans toit » s’impriment ! Un repas « royal » sera servi au palais le 19 décembre au soir : dindes fumées et autres sont à la carte… Toute la cour sera-là pour les servir, avec même peut-être un bonnet de Père Noël sur la tête… « Voyez bonnes gens, voyez bonnes gens, comme l’on prend soin de vos pauvres !… [ce soir] »

En attendant, dans cette île lointaine, les pauvres restent pauvres ! Heureusement tout ceci se passe dans une île lointaine !!!

« Vous le savez, [notre] programme a axé sa première préoccupation sur le volet social, et notamment sur l’aide aux plus démunis ».

6 décembre 2018

___________________

*  Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existés serait purement fortuite.

1   Voir les Humeurs du P.K.0 n°56 du 17 novembre 2019.

2   L’expression « oiseaux » est du rédacteur !

Laissez-moi vous dire…

1er décembre 2019 : 1er Dimanche de l’Avent, début de la nouvelle année liturgique

Vous avez dit : Nouvelle année liturgique ?

Ce dimanche, premier dimanche du temps de l’Avent, nous entrons dans une nouvelle année liturgique.

Le Concile Vatican II indique dans sa Constitution sur la Liturgie : « L’Église, chaque semaine, au jour qu’elle a appelé le Jour du Seigneur, fait mémoire de la Résurrection du Seigneur qu’elle célèbre encore une fois par an, en même temps que sa bienheureuse Passion, par la grande Solennité de Pâques. Elle déploie tout le mystère du Christ pendant le cycle de l’année, de l’Incarnation et la Nativité jusqu’à l’Ascension, jusqu’à la Pentecôte et jusqu’à l’attente de la bienheureuse espérance et de l’avènement du Seigneur. » (Référence : Sacrosanctum Concilium, n°102)

Ainsi au long de l’Année liturgique se déploie ce que nous chantons à chaque messe : « Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta Résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire. »

Comment le calendrier liturgique a-t-il été établi ?

Afin que tous les catholiques du monde vivent en communion avec toute l’Église, il a été établi un calendrier liturgique universel. Les grandes fêtes reprennent le mystère du Christ (Noël, Pâques, Ascension, Pentecôte, Assomption, Toussaint). L’année va du premier dimanche de l’Avent et finit avec la fête du Christ-Roi de l’univers. Mais son centre est la célébration de la Résurrection, précédée du temps de Carême.

L’Année liturgique est aussi rythmée par le temps ordinaire, réparti sur deux périodes : du lendemain de la fête du Baptême du Seigneur au mercredi des Cendres ; puis du lendemain de la Pentecôte jusqu’à l’Avent. Le calendrier prend aussi en compte les fêtes de la Vierge et des saints, pour aider les chrétiens à vivre de leur exemple et de leur intercession.

Certaines adaptations prennent en compte des circonstances locales : des fêtes particulières à la région du monde (Ex. en Europe, le 11 juillet : St Benoît, co-patron de l’Europe…) ; des fêtes propres au diocèse de Papeete (3 décembre : St François Xavier ; 23 décembre : dédicace de la cathédrale de Papeete ; Épiphanie ; 1er octobre : Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus). Chaque paroisse célèbre son Saint Patron (au jour fixé dans le calendrier universel).

Pourquoi trois années liturgiques : A, B, C ?

Pendant le temps ordinaire on a réparti sur trois années la lecture des évangiles synoptiques : Année A, Matthieu ; année B, Marc ; année C, Luc. Cette année est une année A. L’Évangile selon St Jean est lu plus spécialement lors des fêtes.

Pourquoi l’année liturgique ne coïncide-t-elle pas avec l’année civile ?

Au IVème siècle, le 25 décembre a été choisi comme date de la célébration de Noël. Ainsi, les quatre dimanches précédant Noël constituent le temps de l’Avent (temps d’attente et de préparation à Noël) et donc le début de l’année liturgique.

Comment savoir quelle fête célébrer et avec quel degré d’importance ?

Pour cela on se réfère au calendrier liturgique universel et au calendrier diocésain (*).

Les jours de l’année sont classés en quatre niveaux liturgiques de priorité : les solennités, les fêtes, les mémoires (obligatoires ou facultatives) et les féries.

  • Les solennités : marquent les plus grands événements de la vie du Christ (Nativité, Épiphanie, Pâques, Ascension, Pentecôte…), mais aussi certaines fêtes mariales (Immaculée Conception ; Marie, Mère de Dieu ; Annonciation ; Assomption…) ou bien celles de grands saints (St Joseph, Nativité de St Jean-Baptiste, St Pierre et St Paul, …). Ces jours-là on entonne le Gloria et le Credo, et une 2ème lecture est proposée.

Une solennité peut être décalée : par exemple, cette année la fête de l’Immaculée Conception (8 décembre) tombe le 2ème dimanche de l’Avent qui est prioritaire. La fête est reportée au lundi 9 décembre. Cependant, dans l’Église, traditionnellement toute fête commence la veille au soir (on dit : la Vigile) : c’est pourquoi le vicaire de la cathédrale a placé dimanche 8 décembre au soir la célébration de l’Immaculée Conception -patronne de la cathédrale-.

Un autre exemple :  dans notre diocèse, la fête des Saints Pierre et Paul prévue le 29 juin, est décalée au dimanche le plus proche : cette année ce sera le dimanche 28 juin.

  • Les fêtes : comme St Etienne, St Jean, Conversion de St Paul, Présentation du Seigneur… célébrées en semaine on chante le Gloria (mais on ne proclame pas le Credo), des lectures bibliques spéciales sont prévues.
  • Les mémoires : On distingue les mémoires obligatoires (célébrées dans toute l’Église universelle), il n’y a ni Gloria ni Credo, mais sont prévues des prières et des textes bibliques spécifiques. Par contre pour les mémoires facultatives le célébrant est libre de choisir la messe prévue pour la mémoire du saint du jour, ou bien la messe prévue pour la férie.
  • Les féries (à ne pas confondre avec « jour férié » !) : ce sont les jours de la semaine ne comportant pas de fête particulière ; on insiste alors sur le temps liturgique dans lequel on se trouve (Avent, Carême, temps pascal, temps ordinaire).

Bonne année liturgique à chacune et chacun ! Bonne préparation spirituelle à Noël !

Dominique SOUPÉ

(*) Note : Le Calendrier Liturgique pour l’archidiocèse de Papeete (Kalena Lituria) pour l’année 2020 est édité en deux langues : français et reo tahiti ; on peut se le procurer à la Libraire Pure Ora.

© Cathédrale de Papeete – 2019

En marge de l’actualité…

« Le silence d’Hiroshima et le cri du pape »

La réalité du fait nucléaire présente sur notre Fenua pendant des années, ses conséquences médicales, sociales, écologiques, économiques ne peuvent que nous rendre attentifs aux paroles du Pape François lors de son voyage au Japon, et plus particulièrement à Hiroshima et Nagasaki, les deux villes anéanties par le feu nucléaire en Août 1945. Voici ce qu’écrit à ce propos Andréa TORNIELLI dans un article publié sur le site Vatican News du 24 Novembre 2019 :

« Ce fut un cri qui a déchiré le grand silence en mémoire des victimes d’Hiroshima et de Nagasaki. Celui poussé par le Pape François pour condamner non seulement l’utilisation mais aussi la possession des armes nucléaires. Il l’a fait depuis les deux lieux symboles de l’holocauste nucléaire de la Seconde Guerre mondiale, marquant un pas supplémentaire dans le magistère social de l’Église.

À Nagasaki, à l’Atomic bomb Hypocenter Park, le Pape a affirmé que la paix et la stabilité internationale sont incompatibles avec toute tentative de construire sur la peur de la réciproque destruction ou sur une menace d’anéantissement total. L’argent dépensé et les fortunes bâties pour la fabrication, la modernisation, le maintien et la vente des armes toujours plus destructives sont “un outrage continuel qui crie vers le ciel” dans un monde d’aujourd’hui “où des millions d’enfants et de familles vivent dans des conditions inhumaines”. Il a dénoncé également l’érosion de l’approche multilatérale, phénomène encore plus grave dans un contexte de développement des nouvelles technologies des armes qui nous poussent vers la Troisième Guerre mondiale, même si celle-ci est pour le moment combattue “par morceaux”, comme le rappelle souvent François.

À Hiroshima, dernière étape de cette longue journée japonaise, le Pape a voulu réaffirmer que “l’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est aujourd’hui plus que jamais un crime, non seulement contre l’homme et sa dignité, mais aussi contre toute possibilité d’avenir dans notre maison commune. L’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est immorale. Nous aurons à en répondre.” Il a aussi ajouté, en droite ligne avec un discours prononcé en novembre 2017 au Vatican, que non seulement l’utilisation des armes nucléaires, mais aussi leur possession et leur accumulation est immoral, ce qui augmente chaque jour le risque pour le monde de s’autodétruire.

La vraie paix, a conclu François, ne peut être qu’une paix désarmée, fruit de la justice, du développement, de la solidarité, de l’attention pour notre maison commune et la promotion du bien commun. »

Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete - 2019

Audience générale

L’harmonie entre les différentes composantes de la nation

Comme c'est la tradition au retour de chaque voyage, le Pape François a consacré l'audience générale de ce mercredi, Place Saint-Pierre, à son voyage apostolique en Thaïlande et au Japon.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Je suis rentré hier de mon voyage apostolique en Thaïlande et au Japon, un cadeau dont je suis très reconnaissant envers le Seigneur. Je désire redire ma gratitude aux Autorités et aux évêques de ces deux pays, qui m’ont invité et m’ont accueilli avec beaucoup de prévenances, et surtout remercier le peuple thaïlandais et le peuple japonais. Cette visite a fait grandir ma proximité et mon affection pour ces peuples : que Dieu les bénisse par une abondance de prospérité et de paix.

La Thaïlande est un ancien Royaume qui s’est fortement modernisé. En rencontrant le Roi, le Premier ministre et les autres Autorités, j’ai rendu hommage à la riche tradition spirituelle et culturelle du peuple thaï, le peuple au « beau sourire ». Les gens sourient là-bas. J’ai encouragé l’engagement pour l’harmonie entre les différentes composantes de la nation, et aussi pour que le développement économique puisse être au profit de tous et que soient guéries les plaies de l’exploitation, en particulier des femmes et des mineurs. La religion bouddhiste fait partie intégrante de l’histoire et de la vie de ce peuple, c’est pourquoi je me suis rendu en visite chez le Patriarche suprême des bouddhistes, poursuivant le chemin de l’estime mutuelle initié par mes prédécesseurs, pour que grandissent dans le monde la compassion et la fraternité. En ce sens, la rencontre œcuménique et interreligieuse, qui a eu lieu dans la plus grande université du pays, a été très importante.

Le témoignage de l’Église en Thaïlande passe aussi à travers des œuvres de service pour les malades et les plus petits. L’une d’entre elles excelle ; il s’agit de l’Hôpital Saint-Louis, que j’ai visité pour encourager le personnel de la santé et rencontrer certains patients. J’ai ensuite consacré des moments spécifiques aux prêtres et aux personnes consacrées, ainsi qu’à mes confrères jésuites. À Bangkok, j’ai célébré la messe avec tout le peuple de Dieu dans le Stade national et ensuite avec les jeunes dans la cathédrale. Nous y avons fait l’expérience que, dans la nouvelle famille formée par Jésus-Christ, il y a aussi les visages et les voix du peuple thaï.

Je me suis ensuite rendu au Japon. À mon arrivée à la nonciature de Tokyo, j’ai été accueilli par les évêques du pays, avec lesquels nous avons aussitôt partagé sur le défi d’être les pasteurs d’une toute petite Église, mais porteuse de l’eau vive, l’Évangile de Jésus.

« Protéger toute vie » était la devise de ma visite au Japon, un pays qui porte gravées en lui les plaies du bombardement atomique et qui est pour le monde entier le porte-parole du droit fondamental à la vie et à la paix. À Nagasaki et Hiroshima, je me suis arrêté pour prier, j’ai rencontré quelques survivants et des familles des victimes et j’ai réaffirmé ma ferme condamnation des armes nucléaires et de l’hypocrisie de parler de paix tout en construisant et vendant des engins de guerre. Après cette tragédie, le Japon a exprimé une extraordinaire capacité à lutter pour la vie ; et il l’a aussi fait récemment, après la triple catastrophe de 2011 : tremblement de terre, tsunami et accident à la centrale nucléaire.

Pour protéger la vie, il faut l’aimer et aujourd’hui, la grave menace, dans les pays plus développés, c’est la perte du sens de la vie.

Les premières victimes du vide de sens de la vie sont les jeunes, c’est pourquoi une rencontre leur a été consacrée à Tokyo. J’ai écouté leurs questions et leurs rêves ; je les ai encouragés à s’opposer ensemble à toute forme de harcèlement, et à vaincre la peur et la fermeture en s’ouvrant à l’amour de Dieu, dans la prière et dans le service du prochain. J’ai rencontré d’autres jeunes à l’Université Sophia, avec la communauté académique. Cette université, comme toutes les écoles catholiques, est très appréciée au Japon.

À Tokyo, j’ai eu l’occasion de rendre visite à l’Empereur Naruhito, à qui je renouvelle l’expression de ma gratitude ; et j’ai rencontré les Autorités du pays avec le Corps diplomatique. J’ai souhaité une culture de la rencontre et du dialogue, caractérisée par la sagesse et l’ampleur de vue. En restant fidèle à ses valeurs religieuses et morales, et ouvert au message évangélique, le Japon pourra être un pays stimulant pour un monde plus juste et pacifique et pour l’harmonie entre l’homme et l’environnement.

Chers frères et sœurs, confions les peuples de Thaïlande et du Japon à la bonté et à la providence de Dieu. Merci.

© Libreria Editrice Vaticana - 2019

Doctrine sociale de l’Église

Allez au contact des exclus

Le Pape François a adressé un message vidéo aux participants au 9e Festival de la Doctrine sociale qui s’est tenue durant la semaine du 20 au 24 novembre 2019 à Vérone sur le thème : « Être présents : polyphonie sociale ».

Un salut cordial à vous tous qui participez à la neuvième édition du Festival de la doctrine sociale de l’Église. Le thème que vous avez choisi cette année est : « Être présents : polyphonie sociale ».

La présence n’est pas une théorie, elle est physique, concrète. Elle s’exprime par la proximité, le partage, l’accompagnement ou dans le simple fait de rester à côté de quelqu’un. La présence a une efficacité décisive que nous avons tous éprouvée parce que nous connaissons tous la différence entre être seul et avoir quelqu’un à côté de soi.

Être présents signifie tirer de l’isolement et faire parvenir cette chaleur humaine qui ravive l’existence de celui que nous rencontrons. La présence permet de voir l’autre et d’être vus de lui, en déclenchant une dynamique relationnelle qui éclaire la vie. Être présents signifie garder les yeux ouverts pour éviter que quelqu’un ne reste exclu de notre regard. Celui qui n’est vu de personne fait partie de la troupe des invisibles formée par les marginalisés, les pauvres, les rejetés, les exploités. Ne pas les voir est la façon la plus expéditive de ne pas avoir de problèmes ; mais ils sont là, même si nous faisons semblant de ne pas les voir, ils existent. Être présents signifie prendre l’initiative, faire le premier pas, aller à la rencontre, arriver au croisement des chemins où se trouvent les nombreux exclus. Il est beau de penser à une présence généralisée, qui habite tous les lieux, qui apporte la tendresse et agit comme le levain. S’immerger dans la pâte de l’humanité prêts à prendre soin des frères. Nous pouvons articuler la signification de la présence autour de trois verbes : voir, s’arrêter, toucher.

Voir est le premier pas qui aide à sortir de nous-mêmes et qui nous fait regarder en face la vie telle qu’elle se présente. Ce que nous voyons peut aussi nous effrayer, nous conduire à fuir, à nier ce que nous avons vu.

Voir l’autre demande de s’arrêter : la présence n’est pas une course, c’est s’arrêter avec l’autre. Courir nous fait manquer tant de visages et tant de regards. Combien de personnes s’aperçoivent seulement très tard dans leur vie qu’elles ont couru et qu’elles n’ont jamais eu le temps de s’arrêter pour jouer avec leurs enfants, pour dialoguer avec leurs parents âgés, pour prendre soin des liens familiaux, pour être disponibles à aider. Lorsqu’on aime une personne, l’on éprouve le désir fort de rester avec elle et non pas de courir ailleurs.

Enfin la présence s’exprime aussi par le toucher, par le fait de supprimer la distance avec l’autre, de transmettre de la chaleur, de prendre en charge, de prendre soin.

Une présence comprise ainsi est douce, dans le dialogue, et elle est à la portée de tous. Pour résoudre les problèmes il ne faut pas de grands managers ou des hommes forts, mais il faut être unis dans l’engagement de ne pas céder à l’indifférence. Chacun peut devenir constructeur de fraternité avec ses qualités et ses dons. Le monde ne change pas si quelqu’un fait des miracles, mais si tout le monde, tous les jours, fait ce qu’il doit faire. Le changement durable part toujours d’en-bas, ce n’est jamais seulement une opération du sommet. Il faut tout le monde pour reconstruire le tissu social et percevoir la force d’être peuple. Dans cette optique, tout le monde est important : le malade, le pauvre, l’enfant, la personne âgée, l’ouvrier, le travailleur libéral, l’entrepreneur, le savant et l’ignorant.

Il est urgent de ne pas brider la liberté de faire le bien. Notre pays avance parce que dans le silence, de nombreuses personnes vivent honnêtement, travaillent, sont solidaires, prennent soin de celui qui est dans le besoin. Je souhaite à vous tous qui participez au neuvième festival de la Doctrine sociale de l’Église d’être les tisserands d’un tissu social dans lequel la présence devient un don qui fait resplendir la beauté de la fraternité.

Je renouvelle mon salut cordial à tous les participants au neuvième Festival de la Doctrine Sociale de l’Église et en particulier aux nombreux volontaires qui offrent leur disponibilité. Un salut à l’évêque de Vérone, Mgr Giuseppe Zenti, qui accueille cette initiative, et un merci au père Vincenzi pour le service rendu, pour la diffusion, la connaissance, l’expérimentation de la doctrine sociale de l’Église. Merci !

© Libreria Editrice Vaticana - 2019

Entretien

Mgr Aupetit : « La censure existe bel et bien en France »

Dans un entretien donné au quotidien suisse « 24 heures », paru lundi 25 novembre, Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris, met en garde contre l’état du débat en France. Il évoque également les tensions récentes sur la laïcité et fait le point sur le chantier de Notre-Dame de Paris. L’archevêque de Paris, Mgr Aupetit, ignore encore si Notre-Dame sera rénovée en cinq ans. Et sur le débat bioéthique, il critique sans fard la méthode Macron.

24 heures : Sept mois après l’incendie de Notre-Dame, où en est la rénovation ?

Mgr Aupetit : Nous sommes encore aujourd’hui dans une phase de diagnostic : nous ne savons pas combien les travaux vont coûter ni combien de temps cela va durer. Nous ne le saurons qu’au mois de juin. La voûte gothique a été trouée en trois endroits et les pierres, y compris dans les tours, soumises à une température de pas loin de 1000°C et ensuite arrosées… Il faut les vérifier une à une, savoir jusqu’à quel point elles ont été délitées car au-dessus de 20%, il faut les changer. Tout cela demande un travail de prospection très précis. Ensuite il y a l’échafaudage de 500 tonnes installé pour rénover la flèche et qui a été fondu par l’incendie. Impossible de le démonter, il va falloir construire un autre échafaudage, au-dessus, pour permettre à des cordistes de le découper pièce par pièce. Au mois de juin, il y aura déjà 85 millions de dépensés, avant même d’avoir commencé la reconstruction.

24 heures : La flèche : faut-il la reconstruire à l’identique ou faire un geste contemporain ?

Mgr Aupetit : Moi, je veux rentrer dans la cathédrale pour y célébrer la messe, c’est ça, mon opinion. Que la cathédrale revienne comme elle était. La flèche, ce n’est pas l’essentiel, c’est subalterne, je n’y monte jamais et d’ailleurs elle était du XIXe siècle alors que la cathédrale date du XIIIe. Si la flèche est à l’identique, ça me va tout à fait. Si elle n’est pas à l’identique, à condition que ce soit digne et respectueux, je ne suis pas contre. Il faut savoir que le concours des architectes ne porte plus sur la flèche mais sur l’ensemble du pourtour de Notre-Dame, c’est-à-dire sur un quart de l’île de la Cité. On va réfléchir à l’accueil des 14 millions de personnes qui passent par an à Notre-Dame, car s’il y a un musée dans le sous-sol à la place du parking, nous pouvons nous y associer pour préparer les visiteurs…

24 heures : L’accès à la cathédrale pourrait devenir payant ?

Je ne le souhaite pas du tout, je pense que ce serait une erreur. Une église est un lieu libre, où tout le monde peut entrer, les gens qui croient, ceux qui ne croient pas, les pauvres, les bandits… Ça a toujours été comme ça. Faire payer, je ne suis pas d’accord. J’ai été à Florence, l’année dernière et j’ai été un peu choqué : il y a une entrée principale où les gens paient, et ceux qui viennent prier passent par une petite porte dérobée dans un coin riquiqui… Non ! Il n’y a pas de raison de séparer ceux qui prient et ceux qui ne prient pas, cette église est pour tous ! Quand j’ai célébré ma première messe à Notre-Dame, je me suis demandé : « Comment vais-je faire avec ce monde qui passe autour ? » Eh bien, je peux vous dire que les gens respectent le lieu. À des moments particuliers, comme la consécration, ils s’arrêtent même de marcher, ils savent qu’il se passe quelque chose qui les dépasse – et aussi qui les attire.

24 heures : Le débat sur la laïcité rebondit. Et une nouvelle fois sur le voile islamique.

Mgr Aupetit : Quand on se sent minoritaire, comment exprime-t-on l’affirmation de soi ? Souvent cela passe par des signes extérieurs. Autrefois, beaucoup de musulmanes ne portaient pas le foulard. Si c’est le cas aujourd’hui, ce n’est pas forcément une question de religion, c’est plutôt pour dire : « Je veux exister pour ce que je suis. » Et comment le manifester sinon par un signe ? – on le voit aussi avec les prêtres qui portent une soutane. Pour moi, c’est le signe d’une fragilité, le besoin d’exprimer son identité.

Dans les années 80, j’étais médecin et quand j’allais dans les cités, ça se passait bien entre musulmans et chrétiens : on se rendait service, on allait chercher les enfants des autres, on ne regardait pas à la religion. Si je retourne aujourd’hui dans les mêmes endroits, c’est fini, fini ! Chacun est dans sa communauté, chacun chez soi. Ce qu’il faut créer aujourd’hui, c’est la fraternité. C’est cela qui manque dans notre pays. L’Église est un lieu de fraternité, où un professeur de médecine et une femme de ménage tamoule se retrouvent amis, ce qui est impossible dans la société normale. Les « gilets jaunes », c’est quoi ? Le bonheur de faire un barbecue sur un rond-point et de créer un lieu de fraternité. C’est une grave question : comment créer dans notre pays, et en Occident en général, des lieux de fraternité ? L’écologie nous permet de retrouver une conscience collective, mais cela ne suffira pas – il faut des lieux de fraternité.

24 heures : Pourtant certains chrétiens voient l’islam comme une menace…

Mgr Aupetit : Les chrétiens qui pensent que l’islam est une menace, ce n’est pas en tant que religion mais en tant que culture. Il n’y a pas que les chrétiens, beaucoup de gens qui ne savent plus ce qu’est la culture chrétienne mais qui en sont imprégnés ont aussi cette peur d’une perte culturelle.

24 heures : Cette peur est-elle fondée ?

Mgr Aupetit : Non, je ne pense pas. Il faut rencontrer les musulmans. Si on parle avec eux, ils peuvent comprendre quelle est notre culture. Eux aussi ont des idées préconçues sur nous. Le fait de la rencontre permet d’élargir les horizons.

24 heures : Le Ministère de l’intérieur a recensé l’an dernier 1 036 actes antichrétiens. Y voyez-vous une forme de christianophobie ?

Mgr Aupetit : Ces actes existent. Récemment encore un tabernacle a été fracturé ici à Saint-Jean de Montmartre, et c’était de la profanation, pas seulement du vandalisme. Mais le problème est de savoir si on fait comme les autres et si on se porte en victime. Christianophobe… Tout le monde est phobe aujourd’hui, on est homophobe, ceci-phobe ou cela-phobe… Nous aussi, on pourrait jouer ce jeu et dire qu’on nous en veut… Non ! Le Christ a été crucifié, mais on croit à la résurrection, on croit que les persécutions n’ont pas le dernier mot. Donc on ne va pas entrer dans cette victimisation systématique. Quand on se victimise, on se durcit, on forme un petit groupe dans une forteresse. Mieux vaut continuer à s’exposer en ouvrant les églises, tout en sachant qu’on prend un risque.

24 heures : Vous êtes opposé à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes homosexuelles. Mais cela se fera, les dés sont jetés…

Mgr Aupetit : Les dés ne sont jamais jetés ! Beaucoup disent : « Ça ne sert à rien, ils ont décidé de faire passer leur loi et ça va passer. » La question n’est pas là. La loi passe ? Et alors ? La question est de savoir si nous sommes capables de dire une parole et si cette parole est fondée. Si la parole est fondée, la loi peut passer, mais elle ne demeurera pas. C’est comme l’écologie. Il y avait en France un M. Dumont (ndlr : René Dumont, candidat en 1974 et précurseur des Verts) qui s’est présenté à l’élection présidentielle dans les années 70 : tout le monde s’est moqué de lui, parce qu’il parlait d’écologie. C’est quoi ce truc ? Il est réactionnaire, l’élevage intensif, c’est le progrès, etc. Aujourd’hui, il a raison. La question est de savoir si nous acceptons les limites. Le refus des limites, c’est le refus de la frustration. Or moi, je crois que c’est la frustration qui nous humanise. S’il n’y a pas d’obstacle, pas de frustration, on devient extrêmement fragile.

24 heures : Mais le débat est difficile : une féministe comme Sylviane Agacinski, opposée à la PMA, vient d’être empêchée de parole à Bordeaux.

Mgr Aupetit : Ça prouve que la parole libre, en France, n’est pas si libre que ça. La censure, contrairement à ce qu’on raconte, existe bel et bien en France, puisque quelqu’un qui pense autrement que la pensée majoritaire ne peut pas s’exprimer dans des lieux publics. Si on pense autrement, on est taxé de réactionnaire, d’homophobe…

24 heures : Allons, vous n’êtes quand même pas empêché de vous exprimer…

Mgr Aupetit : Non, je prends la parole, mais je n’y vais pas trop souvent, à bon escient… La censure ne s’exerce pas en vous empêchant de parler, mais en discréditant votre discours. Regardez l’Académie de médecine : ce sont des gens sérieux quand même, qui ont présenté des arguments contre la PMA. Mais Madame le ministre de la Santé a dit : « C’est daté. » C’est ça, le dialogue ? Non. C’est se moquer du monde. Discréditer le discours des autres en refusant d’entrer dans un dialogue intelligent fondé en raison, c’est de la censure, je suis désolé. Une censure indirecte, mais une censure quand même.

24 heures : Pourtant il y a un an, le président Macron a encouragé les catholiques à s’exprimer. Il vous invitait à parler…

Mgr Aupetit : Eh bien il y a eu les États généraux de la bioéthique, qui ont donné des conclusions dont on n’a pas tenu compte du tout ! Pourquoi ont-ils eu lieu, sinon pour faire semblant de donner la parole ? C’est vraiment ce qu’on a reçu.

24 heures : C’est un peu le reproche des « gilets jaunes » au président…

Mgr Aupetit : C’est cela. Avec les « gilets jaunes », c’est la même chose.

24 heures : Écouter pour ne pas entendre : la méthode Macron ?

Mgr Aupetit : Oui, c’est la méthode Macron, pour sûr. Il s’inspire peut-être aussi de ses prédécesseurs – à mon avis M. François Hollande faisait un peu la même chose. Aujourd’hui, le monde politique agit ainsi : il est déterminé sur des objectifs particuliers, et laisse parler les gens pour faire retomber la mousse. C’est comme la bière, et après, toc, on consomme !

© 24 heures - 2019

Commentaire des lectures du dimanche

 

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui commence dans l’Église une nouvelle année liturgique, c’est-à-dire un nouveau chemin de foi du Peuple de Dieu. Et comme toujours, nous commençons par l’Avent. La page de l’Évangile (cf. Mt 24,37-44) nous introduit dans l’un des thèmes les plus suggestifs du temps de l’Avent : la visite du Seigneur à l’humanité. La première visite — nous le savons tous — a eu lieu au moyen de l’Incarnation, la naissance de Jésus dans la grotte de Bethléem ; la deuxième venue a lieu dans le présent : le Seigneur nous rend visite continuellement, chaque jour, il marche à nos côtés, et c’est une présence de consolation ; et enfin, il y aura la troisième et dernière visite, que nous professons chaque fois que nous récitons le Credo : « Il viendra à nouveau dans la gloire pour juger les vivants et les morts ». Le Seigneur nous parle aujourd’hui de sa dernière visite, celle qui aura lieu à la fin des temps, et il nous dit où notre chemin aboutira.

La Parole de Dieu met en relief le contraste entre le déroulement normal des choses, la routine quotidienne, et la venue à l’improviste du Seigneur. Jésus dit : « En ces jours qui précédèrent le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme et mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche, et les gens ne se doutèrent de rien jusqu’à l’arrivée du déluge, qui les emporta tous » (vv. 38-39) : voilà ce que dit Jésus. Il est toujours frappant de penser aux heures qui précèdent une grande catastrophe : tous sont tranquilles, font les choses habituelles sans se rendre compte que leur vie va être bouleversée. L’Évangile ne veut certainement pas nous faire peur, mais ouvrir notre horizon à la dimension ultérieure, plus grande, qui, d’une part, relativise les choses de chaque jour, mais, dans le même temps, les rend précieuses, décisives. La relation avec le Dieu-qui-vient-nous-visiter confère à chaque geste, à chaque chose une lumière différente, une importance, une valeur symbolique.

De cette perspective découle également une invitation à la sobriété, à ne pas être dominés par les choses de ce monde, par les réalités matérielles, mais plutôt à les gouverner. Si, au contraire, nous nous laissons conditionner et dominer par elles, nous ne pouvons pas percevoir qu’il y a quelque chose de beaucoup plus important : notre rencontre finale avec le Seigneur : voilà ce qui est important. Cela, cette rencontre. Et les choses de chaque jour doivent avoir cet horizon, elles doivent être orientées vers cet horizon. Cette rencontre avec le Seigneur qui vient pour nous. À ce moment-là, comme dit l’Évangile, « deux hommes seront aux champs : l’un est pris, l’autre laissé » (v.40). C’est une invitation à la vigilance, parce que, ne sachant pas quand Il viendra, il faut toujours être prêt à partir.

En ce temps de l’Avent, nous sommes invités à élargir l’horizon de notre cœur, à nous laisser surprendre par la vie qui se présente chaque jour avec ses nouveautés. Pour faire cela, il faut apprendre à ne pas dépendre de nos sécurités, de nos schémas consolidés, parce que le Seigneur vient à l’heure où nous ne l’attendons pas. Il vient pour nous introduire dans une dimension plus belle et plus grande.

Que Marie, la Vierge de l’Avent, nous aide à ne pas nous considérer comme propriétaires de notre vie, à ne pas opposer de résistance quand le Seigneur vient la changer, mais à être prêts à nous laisser visiter par Lui, hôte attendu et bienvenu même s’il bouleverse nos plans.

© Libreria Editrice Vaticana – 2016