Pko 30.09.2018

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°48/2018

Dimanche 30 septembre 2018 – 25ème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

Humeurs…

« Le don d’organe est une forme particulière de témoignage de la charité »
Pape Benoit XVI

Dans le cadre de la Journée mondiale du don d’organes, l’association « Don pour la vie » organise un « Défi d’aviron hors eau » (« Challenge d’aviron indoor » ) intitulé « Je suis un héros » (« Be a hero » ) du 19 au 21 octobre au parc Paofai.

En juin 2018, dans le cadre de la Journée nationale du don d’organes, l’association « Un don pour la vie » tirait la sonnette d’alarme. En Polynésie 60% des donneurs potentiels (que se soit d'eux-mêmes avant leur mort ou après leur décès par consentement de leurs familles) refusent de donner leurs organes. Les refus exprimés sont souvent des oppositions d’ordre religieuses. Or la plupart des confessions religieuses présentent en Polynésie ne s’y opposent.

L’occasion pour nous d’un petit rappel sur l’enseignement de l’Église à ce sujet !

« Le don d'organes est une forme particulière de témoignage de la charité. À une époque comme la nôtre, souvent marquée par différentes formes d'égoïsme, il est toujours plus urgent de comprendre combien il est déterminant pour une conception correcte de la vie d'entrer dans la logique de la gratuité. Il existe, en effet, une responsabilité de l'amour et de la charité qui engage à faire de sa propre vie un don pour les autres, si on veut vraiment se réaliser soi-même. Comme le Seigneur Jésus nous l'a enseigné, seul celui qui donne sa vie pourra la sauver (cf. Lc 9, 24).

La voie royale à suivre, jusqu'à ce que la science arrive à découvrir d'éventuelles nouvelles formes de thérapie plus avancées, devra être la formation et la diffusion d'une culture de la solidarité qui s'ouvre à tous et n'exclue personne. Une médecine des greffes correspondant à une éthique du don exige de la part de tous l'engagement d'investir chaque effort possible dans la formation et dans l'information, afin de sensibiliser toujours davantage les consciences à une problématique qui concerne directement la vie de nombreuses personnes. Il sera nécessaire, cependant, de fuir les préjugés et les malentendus, de dissiper les méfiances et les peurs pour les remplacer par des certitudes et des garanties, de manière à permettre le développement chez tous d'une conscience toujours plus étendue du grand don de la vie. » (Benoit XVI – 7 novembre 2018)

Alors soyons nombreux non seulement au « Défi » du 19 au 21 octobre… mais dès aujourd’hui à nous signaler notre souhait d’être donneur !

Laissez-moi vous dire…

Lundi 1er octobre : fête de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, patronne des missions

La voie de la confiance

« Si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. Mais celui qui se fera petit comme cet enfant, celui-là est le plus grand dans le royaume des Cieux. » (Matthieu 18, 3-4) Il s’agit de l’évangile prévu pour célébrer la fête de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.

Cette petite jeune fille qui n’a vécu que 24 ans (1873-1897), du fond de son monastère, s’est montrée une grande missionnaire qui n’a cessé jusqu’à aujourd’hui de rayonner dans le monde, provoquant des conversions inespérées.

On comprend pourquoi le Pape Pie XI l’a proclamée dès 1927 : patronne principale des pays de mission.

Relisons un passage d’une de ses lettres à un de ses « frères » missionnaires : le Père Adolphe Roulland, envoyé en Chine dans la province du Su-Tchuan, par les Missions Étrangères de Paris.

« Voilà, mon Frère, ce que je pense de la justice du bon Dieu, ma voie est de toute confiance et d’amour, et je ne comprends pas les âmes qui ont peur d’un si tendre Ami. Parfois lorsque je lis certains traités spirituels où la perfection est montrée à travers mille entraves, environnée d’une foule d’illusions, mon pauvre petit esprit se fatigue bien viteje ferme le savant livre qui me casse la tête et me dessèche le cœur et je prends l’Écriture Sainte. Alors tout me semble lumineux, une seule parole découvre à mon âme des horizons infinis, la perfection me semble facile, je vois qu’il suffit de reconnaître son néant et de s’abandonner comme un enfant dans les bras du Bon Dieu » (Lettre 226 au P. Roulland, in Œuvres Complètes, Cerf, DDB, Paris 1992, pp.588-589)

Ce texte peut paraitre désuet, naïf, mais il est révélateur d’une âme très forte, complètement disponible à l’action de l’Esprit Saint, une âme complètement donnée à Dieu.

A l’heure où les évêques s’apprêtent à entrer en Synode sur le thème : « Les jeunes, la Foi et le discernement vocationnel », il est intéressant de se remémorer le parcours de cette jeune carmélitaine !

Lisons la fin de la même lettre au Père Roulland : « … la vie n’est qu’un jour, travaillons ensemble au salut des âmes ; moi je puis faire bien peu de choses, ou plutôt absolument rien si j’étais seule, ce qui me console c’est de penser qu’à vos côtés je puis servir à quelque chose ; en effet le zéro par lui-même n’a pas de valeur, mais placé près de l’unité il devient puissant, pourvu toutefois qu’il se mette du bon côté, après et non pas avant !… C’est bien là que Jésus m’a placée et j’espère y rester toujours, en vous suivant de loin, par la prière et le sacrifice. »

Ce passage est savoureux, surtout lorsqu’on se souvient que Thérèse est gravement malade et qu’elle n’a plus que cinq mois à vivre ! Oui sa vocation est limpide : « O Jésus … ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation c’est l’Amour … dans  le cœur de l’Eglise, ma Mère je serai l’Amour ». (Manuscrit B, in op. déjà cité ,p. 226)

Certains deviennent (ou redeviennent) chrétiens par leurs lectures, leur réflexion … d’autres sont comme « foudroyés » par la grâce ou par une effusion de l’Esprit Saint. Dans tous les cas, comme pour Sainte Thérèse, il s’agit d’une rencontre après un cheminement plus ou moins long sur « la voie de la confiance en Dieu ». Une telle foi, se vit, se montre, se crie, s’éprouve, se partage.

Voilà pourquoi le christianisme ne meurt pas !

Dominique Soupé

© Cathédrale de Papeete - 2018

En marge de l’actualité…

« L’Église et la Chine »

La semaine passée, un accord historique a été conclu entre le Saint-Siège et la Chine. L’entente est « provisoire », mais cela ouvre bien une nouvelle ère des relations de l’Église avec l’État chinois. Le processus est encore long pour que ces relations se normalisent pleinement mais le fait est suffisamment important pour que nous y accordions notre attention.

Pour rappel, en Chine, la communauté catholique s’élève à 12 millions de fidèles environ. Mais deux Églises coexistent. L’une est « officielle » dans la mesure où elle bénéficie d’une reconnaissance par les autorités publiques. La contrepartie est que les évêques y sont nommés par ces mêmes autorités. L’Église n’a jamais admis une telle ingérence car cela portait gravement atteinte à sa propre liberté religieuse.

L’autre Église, « clandestine », compte des évêques nommés par l’Église, ce qu’à leur tour les pouvoirs chinois ont considéré comme une « ingérence étrangère » dans leurs « affaires internes ». Si bien qu’une répression sévère a été menée à l’encontre des communautés jusqu’à l’emprisonnement d’évêques, de prêtres, de religieux.  En 2000, Jean-Paul II a d’ailleurs procédé à la canonisation de 120 martyrs chinois, au grand dam des autorités chinoises.

Le Saint-Siège souhaite mettre fin au schisme en réunifiant les deux Églises. En 2007, Benoît XVI adressait déjà aux catholiques chinois un appel à la réconciliation. Toutefois, rien n’est tout à fait gagné avec un pouvoir chinois connu pour ses tergiversations en fonction des opportunités du moment. Il se dit que l’accord permet à la Chine de sortir de son duel avec l’Amérique de Donald Trump en s’adossant à un pape François connu pour ses positions anti-Trump.

Il est assez piquant de constater que les conflits entre les deux grandes puissances, dont les positions ne sont pas toujours favorables à l’Église, servent finalement les intérêts de l’Église et des communautés. Comme quoi, les puissances de ce monde, aussi rusées soient-elles, peuvent tomber dans leur propre piège. Comme Jésus l’a si bien dit, tout royaume divisé est voué à la disparition. Dès lors restons unis !

R.P. Vetea BESSERT

© Archidiocèse de Papeete – 2018

Audience générale

La liberté ne suffit pas pour donner sens et plénitude à la vie

Lors de sa traditionnelle audience générale du mercredi, ce 26 septembre, le Pape François est revenu sur son voyage apostolique dans les pays baltes.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Ces jours derniers, j’ai effectué un voyage apostolique en Lituanie, Lettonie et Estonie, à l’occasion du centenaire de l’indépendance de ces pays dits baltes. Cent années qu’ils ont vécues à moitié sous le joug des occupations, nazie d’abord et soviétique ensuite. Ce sont des peuples qui ont beaucoup souffert et c’est pourquoi le Seigneur les a regardés avec prédilection. J’en suis certain. Je remercie les présidents des trois Républiques et les autorités civiles pour l’excellent accueil que j’ai reçu. Je remercie les évêques et toutes les personnes qui ont collaboré à la préparation et à la réalisation de cet événement ecclésial.

Ma visite s’est déroulée dans un contexte très changé par rapport à celui qu’avait rencontré saint Jean-Paul II ; c’est pourquoi ma mission était d’annoncer à nouveau à ces peuples la joie de l’Évangile et la révolution de la tendresse, de la miséricorde, parce que la liberté ne suffit pas pour donner du sens et une plénitude à la vie sans l’amour, un amour qui vient toujours de Dieu. L’Évangile qui, dans le temps de l’épreuve, donne la force et anime la lutte pour la libération, est, en temps de liberté, la lumière pour le chemin quotidien des personnes, des familles et des sociétés et il est le sel qui donne du goût à la vie ordinaire et la préserve de la corruption de la médiocrité et des égoïsmes. 

En Lituanie, les catholiques sont la majorité, tandis qu’en Lettonie et en Estonie, ce sont les luthériens et les orthodoxes qui sont les plus nombreux, mais beaucoup se sont éloignés de la vie religieuse. Le défi est donc de renforcer la communion entre tous les chrétiens, qui s’est déjà développée pendant la dure période de la persécution. En effet, la dimension œcuménique était intrinsèque à ce voyage et a trouvé une expression dans le temps de la prière dans la cathédrale de Riga et dans la rencontre avec les jeunes à Tallinn.

En m’adressant aux autorités respectives des trois pays, j’ai mis l’accent sur la contribution qu’elles donnent à la communauté des Nations et spécialement à l’Europe : contribution de valeurs humaines et sociales passées par le creuset de l’épreuve. J’ai encouragé le dialogue entre la génération des personnes âgées et celle des jeunes, pour que le contact avec les « racines » puisse continuer de féconder le présent et l’avenir. J’ai exhorté à conjuguer toujours la liberté avec la solidarité et l’accueil, selon la tradition de ces terres.

Deux rencontres spécifiques ont été dédiées aux jeunes et aux personnes âgées : avec les jeunes à Vilnius, avec les personnes âgées à Riga. Sur la Place de Vilnius, comble de jeunes garçons et filles, la devise de la visite en Lituanie, « Jésus-Christ notre espérance » était palpable. Les témoignages ont exprimé la beauté de la prière et du chant, où l’âme s’ouvre à Dieu ; la joie de servir les autres, en sortant des clôtures du « moi » pour être en chemin, capables de se relever après les chutes. Avec les personnes âgées, en Lettonie, j’ai souligné le lien étroit entre patience et espérance. Ceux qui sont passés par de dures épreuves sont les racines d’un peuple, à garder avec la grâce de Dieu, pour que les nouvelles pousses puissent y puiser et porter du fruit. Le défi, pour les personnes qui vieillissent, est de ne pas s’endurcir, mais de rester ouvertes et tendres d’esprit et de cœur ; et cela est possible avec la « sève » de l’Esprit Saint, dans la prière et l’écoute de la Parole.

Avec les prêtres, les consacrés et les séminaristes, rencontrés en Lituanie, la dimension de la constance est apparue essentielle pour l’espérance : être centrés en Dieu, fermement enracinés dans son amour. Quel grand témoignage en cela ont donné, et donnent encore, tant de prêtres, de religieux et de religieuses âgés ! J’ai exhorté à ne pas oublier, à garder la mémoire des martyrs, pour suivre leurs exemples.

Et à propos de mémoire, à Vilnius, j’ai rendu hommage aux victimes du génocide juif en Lituanie, exactement 75 ans après la fermeture du grand Ghetto, qui fut l’antichambre de la mort pour des dizaines de milliers de juifs. En même temps, j’ai visité le Musée des Occupations et des Luttes pour la liberté : je suis resté en prière justement dans les chambres où étaient détenus, torturés et tués les opposants au régime. On en tuait plus ou moins quarante par nuit. C’est bouleversant de voir à quel point peut arriver la cruauté humaine. Réfléchissons-y.

Les années passent, les régimes passent, mais au-dessus de la Porte de l’Aurore de Vilnius, Marie, Mère de la miséricorde, continue de veiller sur son peuple, en signe d’espérance certaine et de consolation (Con. Oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, 68).

La charité concrète est toujours le signe vivant de l’Évangile. Même là où la sécularisation est plus forte, Dieu parle le langage de l’amour, du soin, du service gratuit à ceux qui sont dans le besoin. Alors les cœurs s’ouvrent et des miracles se produisent : dans les déserts, une vie nouvelle germe.

Au cours des trois célébrations eucharistiques – à Kaunas en Lituanie, à Aglona en Lettonie et à Tallinn en Estonie – le saint peuple fidèle de Dieu en chemin sur ces terres a renouvelé son « oui » au Christ notre espérance ; il l’a renouvelé avec Marie, qui se montre toujours Mère de ses enfants, surtout de ceux qui souffrent le plus ; il l’a renouvelé en tant que peuple choisi, sacerdotal et saint, dans le cœur duquel Dieu réveille la grâce du baptême.

Prions pour nos frères et sœurs de Lituanie, de Lettonie et d’Estonie. Merci !

© Libreria Editrice Vaticana – 2018

Théologie

La Foi change l’histoire
Message du pape François aux catholiques de l’Chine et à l’Église universelle

Dans un « Message aux catholiques chinois et à l’Église universelle », le Pape François explique les raisons qui ont porté à la signature de l’Accord provisoire avec la République populaire de Chine : promouvoir l’annonce de l’Évangile et atteindre l’unité de la communauté catholique.

« Éternel est son amour, sa fidélité demeure d'âge en âge »

Ps 100 (99), 5

Chers frères dans l’épiscopat, prêtres, personnes consacrées et tous les fidèles de l’Église catholique en Chine, remercions le Seigneur parce qu’éternelle est sa miséricorde, et reconnaissons qu’« il nous a faits, et nous sommes à lui, nous, son peuple, son troupeau ! » (Ps 100 [99] 3).

En ce moment retentissent en mon âme les paroles par lesquelles mon vénéré Prédécesseur dans sa lettre du 27 mai 2007 vous exhortait : « Église catholique en Chine, petit troupeau présent et agissant dans le vaste territoire d'un peuple immense qui marche dans l'histoire, comme elles résonnent pour toi, encourageantes et provocantes, les paroles de Jésus : “Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume” (Lc 12, 32) ![…] : c'est pourquoi, “que votre lumière brille devant les hommes: alors en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux” » (Mt 5, 16) (Benoît XVI, Lettre aux Catholiques chinois, 27 mai 2007, n.5).

1. Ces derniers temps, ont circulé de nombreuses voix discordantes sur le présent et, surtout, sur l’avenir des communautés catholiques en Chine. Je suis conscient qu’un tel tourbillon d’opinions et de considérations puisse avoir créé beaucoup de confusion, suscitant dans beaucoup de cœurs des sentiments opposés. Pour certains, se lèvent doutes et perplexité ; d’autres ont la sensation d’avoir été comme abandonnés par le Saint-Siège et en même temps, ils se posent la question poignante sur la valeur des souffrances affrontées pour vivre dans la fidélité au Successeur de Pierre. Chez beaucoup d’autres, au contraire, prévalent des attentes positives et des réflexions animées par l’espérance d’un avenir plus serein pour un témoignage fécond de la foi en terre chinoise.

Cette situation a été accentuée surtout en référence à l’Accord Provisoire entre le Saint-Siège et la République Populaire de Chine qui, comme vous le savez, a été signé les jours derniers à Pékin. Dans une circonstance très significative pour la vie de l’Église, par ce bref Message, je désire, avant tout, vous assurer que vous êtes quotidiennement présents dans ma prière et partager avec vous les sentiments qui habitent mon cœur.

Ce sont des sentiments de remerciement au Seigneur et de sincère admiration – qui est l’admiration de l’Église catholique tout entière – pour le don de votre fidélité, de la constance dans l’épreuve, de la confiance enracinée dans la Providence de Dieu, même quand certains événements se sont montrés particulièrement défavorables et difficiles.

Ces expériences douloureuses appartiennent au trésor spirituel de l’Église en Chine et de tout le Peuple de Dieu en pèlerinage sur la terre. Je vous assure que le Seigneur, justement à travers le creuset des épreuves, ne manque jamais de nous remplir de ses consolations et de nous préparer à une joie plus grande. Avec le Psaume 126 [125] nous sommes plus que certains que « celui qui sème dans les larmes moissonne dans la joie » ! (v.5). 

Continuons, donc, à fixer le regard sur l’exemple de nombreux fidèles et Pasteurs qui n’ont pas hésité à offrir leur « beau témoignage » (cf. 1Tm 6, 13) à l’Évangile, jusqu’au don de leur propre vie. Ils sont à considérer comme vrais amis de Dieu !

2. Pour ma part, j’ai toujours regardé la Chine comme une terre riche de grandes opportunités et le Peuple chinois comme artisan et gardien d’un inestimable patrimoine de culture et de sagesse, qui s’est raffiné en résistant aux adversités et en intégrant les diversités, et qui, non par hasard, depuis les temps anciens est entré en contact avec le message chrétien. Comme le disait avec une grande sagacité le P. Matteo Ricci, s.j., nous défiant de la vertu de la confiance, « avant de contracter amitié, il faut observer ; après l’avoir contractée, il faut faire confiance » (De Amicitia, 7).

C’est aussi ma conviction que la rencontre ne peut être authentique et féconde seulement si elle arrive à travers la pratique du dialogue, qui signifie se connaître, se respecter et « marcher ensemble » pour construire un avenir commun de plus haute harmonie.

Dans ce sillon se place l’Accord Provisoire, qui est le fruit du long et complexe dialogue institutionnel du Saint-Siège avec les Autorités gouvernementales chinoises, inauguré déjà par saint Jean-Paul II et poursuivi par le Pape Benoît XVI. À travers ce parcours, le Saint-Siège n’avait pas – et n’a pas – à l’esprit autre chose que de réaliser les finalités spirituelles et pastorales propres de l’Église, et c’est-à-dire soutenir et promouvoir l’annonce de l’Évangile, et atteindre et conserver la pleine et visible unité de la communauté catholique en Chine.

Sur la valeur de cet Accord et sur ses finalités je voudrais vous proposer quelques réflexions, vous offrant aussi quelques points de spiritualité pastorale pour le chemin que, en cette nouvelle phase, nous sommes appelés à parcourir.

Il s’agit d’un chemin qui, comme la section précédente « demande du temps et présuppose la bonne volonté des Parties » (Benoît XVI, Lettre aux Catholiques chinois, 27 mai 2007, n.4), mais pour l’Église, à l’intérieur et à l’extérieur de la Chine, il ne s’agit pas seulement d’adhérer à des valeurs humaines, mais de répondre à une vocation spirituelle : sortir de soi-même pour embrasser « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent » (Concile Œcuménique Vatican II, Constitution apostolique ‘Gaudium et Spes’, n.1) et les défis du présent que Dieu lui confie. Il y a, par conséquent, un appel ecclésial à se faire pèlerins sur les sentiers de l’histoire, faisant confiance avant tout à Dieu et à ses promesses, comme le firent Abraham et nos Pères dans la foi.

Abraham, appelé par Dieu, obéit en partant pour une terre inconnue qu’il devait recevoir en héritage, sans connaître le chemin qui s’ouvrait devant lui. Si Abraham avait exigé des conditions, sociales et politiques, idéales avant de sortir de sa terre, peut-être qu’il ne serait jamais parti. Lui, au contraire, a fait confiance à Dieu, et sur sa Parole il a laissé sa maison et ses propres sécurités. Ce ne furent donc pas les changements historiques qui lui permirent de faire confiance à Dieu, mais ce fut sa foi pure qui provoqua un changement dans l’histoire. La foi, en effet, est « la garantie des biens que l’on espère, la preuve des réalités qu’on ne voit pas. C’est elle qui a valu aux anciens un bon témoignage » (Lettre aux Hébreux : 11, 1-2).

3. Comme Successeur de Pierre, je désire vous confirmer dans cette foi (cf. Lc 22, 32) – dans la foi d’Abraham, dans la foi de la Vierge Marie, dans la foi que vous avez reçue – vous invitant à mettre avec une conviction toujours plus grande votre confiance dans le Seigneur de l’histoire et dans le discernement de sa volonté accomplie par l’Église. Invoquons le don de l’Esprit, afin qu’il illumine les esprits et réchauffe les cœurs et nous aide à comprendre où il veut nous conduire, à dépasser les inévitables moments de désarroi et à avoir la force de poursuivre avec décision sur la route qui s’ouvre devant nous.

Justement dans le but de soutenir et de promouvoir l’annonce de l’Évangile en Chine et de reconstruire la pleine et visible unité dans l’Église, il était fondamental d’affronter, en premier lieu, la question des nominations épiscopales. Il est connu de tous que, malheureusement, l’histoire récente de l’Église catholique en Chine a été douloureusement marquée par de profondes tensions, blessures et divisions, qui se sont polarisées surtout autour de la figure de l’Évêque comme gardien de l’authenticité de la foi et garant de la communion ecclésiale.

Lorsque, dans le passé, on a prétendu déterminer aussi la vie interne des communautés catholiques, imposant le contrôle direct au-delà des compétences légitimes de l’État, dans l’Église en Chine est apparu le phénomène de la clandestinité. Une telle expérience – on doit le souligner – ne rentre pas dans la normalité de la vie de l’Église et « l'histoire montre que Pasteurs et fidèles y ont recours uniquement avec le désir tourmenté de maintenir intègre leur propre foi » (Benoît XVI, Lettre aux Catholiques chinois, 27 mai 2007, n. 8).

Je voudrais vous faire savoir que, depuis que m’a été confié le ministère pétrinien, j’ai éprouvé de grandes consolations en constatant le désir sincère des Catholiques chinois de vivre leur foi en pleine communion avec l’Église universelle et avec le Successeur de Pierre, qui est « le principe perpétuel et visible et le fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles » (Concile œcuménique Vatican II, Constitution Apostolique ‘Lumen Gentium’, n.23). De ce désir me sont parvenus au cours de ces années de nombreux signes et témoignages concrets, même de la part de ceux, y compris des Évêques, qui ont blessé la communion dans l’Église, à cause de faiblesse et d’erreurs, mais aussi, souvent, par de fortes et indues pressions extérieures.

C’est pourquoi, après avoir attentivement examiné chaque situation particulière personnelle et écouté divers avis, j’ai beaucoup réfléchi et prié cherchant le vrai bien de l’Église en Chine. Enfin, devant le Seigneur et avec sérénité de jugement, en continuité avec l’orientation de mes Prédécesseurs immédiats, j’ai décidé d’accorder la réconciliation aux sept Évêques « officiels » restant, ordonnés sans Mandat Pontifical et, ayant supprimé toute sanction canonique relative à leurs cas, de les réadmettre dans la pleine communion ecclésiale. En même temps, je leur demande d’exprimer, par des gestes concrets et visibles, l’unité retrouvée avec le Siège apostolique et avec les Églises répandues dans le monde, et de s’y maintenir fidèles malgré les difficultés.

4. En la sixième année de mon Pontificat, que j’ai mis depuis ses premiers pas sous le signe de l’Amour miséricordieux de Dieu, j’invite en conséquence tous les Catholiques chinois à se faire artisans de réconciliation, se rappelant avec une passion apostolique toujours renouvelée les paroles de Paul : « Dieu nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation » (Deuxième Lettre aux Corinthiens : 5,18).

En effet, comme j’ai eu l’occasion de l’écrire à la fin du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde : « Aucune loi ni précepte ne peut empêcher Dieu d’embrasser de nouveau le fils qui revient vers lui reconnaissant s’être trompé mais décidé à recommencer au début. Ne s’arrêter qu’à la loi, c’est rendre vaines la foi et la miséricorde divine. […]. Même dans les cas les plus difficiles, où l’on est tenté de faire prévaloir une justice qui vient seulement des normes, on doit croire en la force qui jaillit de la grâce divine » (Lettre Apostolique Misericordia et Misera, 20 novembre 2016, n.11).

Dans cet esprit et avec les décisions prises, nous pouvons commencer un parcours inédit, qui nous l’espérons aidera à guérir les blessures du passé, à rétablir la pleine communion de tous les Catholiques chinois et à ouvrir une phase de collaboration plus fraternelle, pour assumer avec un engagement renouvelé la mission de l’annonce de l’Évangile. En effet, l’Église existe pour témoigner de Jésus Christ et de l’Amour pardonnant et salvifique du Père.

5. L’Accord Provisoire paraphé avec les Autorités chinoises, tout en se limitant à quelques aspects de la vie de l’Église et étant nécessairement perfectible, peut contribuer – pour sa part – à écrire cette page nouvelle de l’Église catholique en Chine. Pour la première fois, il introduit des éléments stables de collaboration entre les Autorités de l’État et le Siège Apostolique, avec l’espérance d’assurer à la Communauté catholique de bons Pasteurs.

Dans ce contexte, le Saint-Siège entend faire jusqu’au bout la part qui est de sa compétence, mais aussi à vous, Évêques, prêtres, personnes consacrées et fidèles laïcs, revient un rôle important : chercher ensemble de bons candidats qui soient en mesure d’assumer dans l’Église le délicat et important service épiscopal. Il ne s’agit pas, en effet, de nommer des fonctionnaires pour la gestion des questions religieuses, mais d’avoir d’authentiques Pasteurs selon le cœur de Jésus, engagés à agir généreusement au service du Peuple de Dieu, spécialement des plus pauvres et des plus faibles, mettant à profit les paroles du Seigneur : « Celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier parmi vous, sera l’esclave de tous » (Marc : 10, 43-44).

À ce sujet, il apparaît évident qu’un Accord n’est rien d’autre qu’un instrument et ne pourra à lui seul résoudre tous les problèmes existants. Au contraire, il s’avèrerait inefficace et stérile, au cas où il ne serait pas accompagné d’un profond engagement de renouveau des attitudes personnelles et des comportements ecclésiaux.

6. Sur le plan pastoral, la Communauté catholique en Chine est appelée à être unie, pour dépasser les divisions du passé que tant de souffrances ont causées et causent au cœur de nombreux Pasteurs et fidèles. Que tous les chrétiens, sans distinction, posent maintenant des gestes de réconciliation et de communion. A ce sujet, mettons à profit l’avertissement de saint Jean de la Croix : « Au crépuscule de la vie, nous serons jugés sur l’Amour ! » (Paroles de lumière et d’amour : 1,57).

Sur le plan civil et politique, que les Catholiques chinois soient de bons citoyens, aiment pleinement leur Patrie et servent leur pays avec engagement et honnêteté, selon leurs propres capacités. Sur le plan éthique, qu’ils soient conscients que beaucoup de concitoyens s’attendent de leur part à une mesure plus haute dans le service du bien commun et du développement harmonieux de la société tout entière. En particulier, que les Catholiques sachent offrir cette contribution prophétique et constructive qu’ils tirent de leur foi dans le Règne de Dieu. Cela peut leur demander aussi l’effort de dire une parole critique, non par opposition stérile mais dans le but d’édifier une société plus juste, plus humaine et plus respectueuse de la dignité de toute personne.

7. Je m’adresse à vous tous, bien-aimés confrères Évêques, prêtres et personnes consacrées, qui « servez le Seigneur dans la joie » ! (Psaume 100 [99],2). Reconnaissons-nous disciples du Christ dans le service du Peuple de Dieu. Vivons la charité pastorale comme boussole de notre ministère. Dépassons les oppositions du passé, la recherche de l’affirmation d’intérêts personnels, et prenons soin des fidèles faisant nôtres leurs joies et leurs souffrances. Engageons-nous humblement pour la réconciliation et l’unité. Reprenons avec énergie et enthousiasme le chemin de l’évangélisation, comme indiqué par le Concile œcuménique Vatican II.

À vous tous je répète avec affection : « L’exemple de nombreux prêtres, religieuses, religieux et laïcs qui se consacrent à évangéliser et à servir avec grande fidélité, bien des fois en risquant leurs vies et sûrement au prix de leur confort, nous galvanise. Leur témoignage nous rappelle que l’Église n’a pas tant besoin de bureaucrates et de fonctionnaires, que de missionnaires passionnés, dévorés par l’enthousiasme de transmettre la vraie vie. Les saints surprennent, dérangent, parce que leurs vies nous invitent à sortir de la médiocrité tranquille et anesthésiante » (Gaudete et exsultate, 19 mars 2018, n.138).

Avec conviction je vous invite à demander la grâce de ne pas hésiter quand l’Esprit exige de nous que nous fassions un pas en avant : « Demandons le courage apostolique d’annoncer l’Évangile aux autres et de renoncer à faire de notre vie chrétienne un musée de souvenirs. De toute manière, laissons l’Esprit Saint nous faire contempler l’histoire sous l’angle de Jésus ressuscité. Ainsi, l’Église, au lieu de stagner, pourra aller de l’avant en accueillant les surprises du Seigneur » (Ibidem, n.139).

8. En cette année, où toute l’Église célèbre le Synode des Jeunes, je désire m’adresser spécialement à vous, jeunes catholiques chinois, qui franchissez les portes de la Maison du Seigneur « en rendant grâce, en chantant louange » (Psaume 100 [99],4). Je vous demande de collaborer à la construction de l’avenir de votre pays avec les capacités personnelles que vous avez reçues en don et avec la jeunesse de votre foi. Je vous exhorte à porter à tous, avec votre enthousiasme, la joie de l’Évangile.

Soyez prêts à accueillir la conduite sûre de l’Esprit Saint, qui indique au monde d’aujourd’hui le chemin vers la réconciliation et la paix. Laissez-vous surprendre par la force rénovatrice de la grâce, même quand il peut vous sembler que le Seigneur demande un engagement supérieur à vos forces. N’ayez pas peur d’écouter sa voix qui vous demande fraternité, rencontre, capacité de dialogue et de pardon, et esprit de service, malgré tant d’expériences douloureuses du passé récent et les blessures encore ouvertes.

Ouvrez grand le cœur et l’esprit pour discerner le dessein miséricordieux de Dieu, qui demande de dépasser les préjugés personnels et les oppositions entre les groupes et les communautés, pour ouvrir un chemin courageux et fraternel à la lumière d’une authentique culture de la rencontre.

Nombreuses sont, aujourd’hui, les tentations : l’orgueil du succès mondain, la fermeture dans ses propres certitudes, le primat donné aux choses matérielles comme si Dieu n’existait pas. Allez à contre-courant et demeurez solides dans le Seigneur : « Il est bon, le Seigneur », seul « éternel est son amour », seule  « fidélité » demeure « d’âge en âge » (Ibidem, 5).

9. Chers frères et sœurs de l’Église universelle, tous nous sommes appelés à reconnaître parmi les signes de notre temps tout ce qui se passe aujourd’hui dans la vie de l’Église en Chine. Nous avons une tâche importante : accompagner avec une fervente prière et une fraternelle amitié nos frères et nos sœurs en Chine. En effet, ils doivent sentir que sur le chemin, qui en ce moment s’ouvre devant eux, ils ne sont pas seuls. Il est nécessaire qu’ils soient accueillis et soutenus comme partie vivante de l’Église : « Voyez ! Qu’il est bon, qu’il est doux d’habiter en frères tous ensemble » ! (Psaume 133 [132], 1).

Que chaque communauté catholique locale, dans le monde entier, s’engage à valoriser et à accueillir le trésor spirituel et culturel propre des Catholiques chinois. Le temps est venu de goûter ensemble les fruits authentiques de l’Évangile semé dans le sein de l’antique « Empire du Milieu » et d’élever vers le Seigneur Jésus Christ le cantique de la foi et de l’action de grâce, enrichi de notes authentiquement chinoises.

10. Je m’adresse avec respect à ceux qui conduisent la République Populaire de Chine et je renouvelle l’invitation à poursuivre, avec confiance, courage et clairvoyance, le dialogue entrepris depuis longtemps. Je désire assurer que le Saint-Siège continuera à œuvrer sincèrement pour grandir dans l’authentique amitié avec le Peuple chinois.

Les contacts actuels entre le Saint-Siège et le Gouvernement chinois se sont montrés utiles pour dépasser les oppositions du passé, même récent, et pour écrire une page de collaboration plus sereine et concrète dans la conviction commune que « l’incompréhension ne sert ni les Autorités chinoises, ni l'Église catholique en Chine » (Benoît XVI, Lettre aux Catholiques chinois, 27 mai 2007, n. 4).

De cette manière, la Chine et le Siège Apostolique, appelés par l’histoire à une tâche ardue mais fascinante, pourront agir plus positivement pour la croissance ordonnée et harmonieuse de la Communauté catholique en terre chinoise, mettront tout en œuvre pour promouvoir le développement intégral de la société, assurant un plus grand respect de la personne humaine y compris dans le domaine religieux, ils travailleront concrètement pour préserver l’environnement dans lequel nous vivons et pour édifier un avenir de paix et de fraternité entre les peuples.

En Chine, il est d’importance fondamentale que, même au niveau local, soient toujours plus fructueuses les relations entre les Responsables des communautés ecclésiales et les Autorités civiles, par un dialogue franc et une écoute sans préjugés qui permette de dépasser des attitudes réciproques d’hostilité. Il y a à apprendre un nouveau style de collaboration simple et quotidienne entre les Autorités locales et les Autorités ecclésiastiques – Évêques, prêtres, Anciens des communautés – de manière à garantir le déroulement ordonné des activités pastorales, en harmonie entre les légitimes attentes des fidèles et les décisions qui sont du ressort des Autorités.

Cela aidera à comprendre que l’Église en Chine n’est pas étrangère à l’histoire chinoise, ni ne demande aucun privilège : sa finalité dans le dialogue avec les Autorités civiles est de « parvenir à une relation empreinte de respect réciproque et de connaissance approfondie » (Idem).

11. Au nom de toute l’Église j’implore du Seigneur le don de la paix, tandis que je vous invite tous à invoquer avec moi la protection maternelle de la Vierge Marie :

Mère du Ciel, écoute la voix de tes enfants, qui humblement invoquent ton nom.

Vierge de l’espérance, nous te confions le chemin des croyants sur la noble terre de Chine. Nous te prions de présenter au Seigneur de l’histoire les tribulations et les efforts, les supplications et les attentes des fidèles qui te prient, ô Reine du Ciel !

Mère de l’Eglise, nous te consacrons le présent et l’avenir des familles et de nos communautés. Protège-les et soutiens-les dans la réconciliation entre frères et dans le service des pauvres qui bénissent ton nom, ô Reine du Ciel !

Consolatrice des affligés, nous nous adressons à toi pour que tu sois un refuge pour tous ceux qui pleurent dans l’épreuve. Veille sur tes enfants qui louent ton nom, fais qu’ils portent unis l’annonce de l’Evangile. Accompagne leurs pas pour un monde plus fraternel, fais qu’ils portent à tous la joie du pardon, ô Reine du Ciel !

Mairie, Aide des Chrétiens, pour la Chine nous te demandons des jours de bénédiction et de paix. Amen.

Du Vatican, le 26 septembre 2018.

François

© Libreria Editrice Vaticana – 2018

Commentaire des lectures du dimanche

Aujourd’hui, la parole de Dieu nous surprend par un langage imagé fort qui nous fait réfléchir. Un langage imagé qui nous provoque mais qui stimule aussi notre enthousiasme.

Dans la première lecture, Josué dit à Moïse que deux membres du peuple prophétisent, en proclamant la parole de Dieu, sans mandat. Dans l’Evangile, Jean dit à Jésus que les disciples ont empêché un homme de chasser les mauvais esprits en son nom. Et ici arrive la surprise : Moïse et Jésus réprimandent ces collaborateurs pour leur étroitesse d’esprit ! Puisse tout le monde être prophète de la parole de Dieu ! Puisse chacun accomplir des miracles au nom du Seigneur ! 

En revanche, Jésus rencontre l’hostilité chez les gens qui n’avaient pas accepté ce qu’il a dit et fait. Pour ceux-là, l’ouverture de Jésus à la foi, honnête et sincère, de nombreuses personnes qui ne faisaient pas partie du peuple élu de Dieu, semblait intolérable. Les disciples, de leur côté, ont agi de bonne foi. Mais la tentation d’être scandalisé par la liberté de Dieu, qui fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes (cf. Mt 5, 45), en contournant la bureaucratie, les milieux officiels et les cercles restreints, menace l’authenticité de la foi, et doit, par conséquent, être vigoureusement rejetée.

Quand nous nous rendons compte de cela, nous pouvons comprendre pourquoi les paroles de Jésus sur le scandale sont si dures. Pour Jésus, le scandale intolérable consiste en tout ce qui détruit et corrompt notre confiance dans cette façon d’agir de l’Esprit !

Notre Père ne se laisse pas vaincre en générosité et il sème. Il sème sa présence dans notre monde, car l’amour consiste en ceci : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu les premiers mais, mais c’est lui qui nous a aimés le premier (cf. 1Jn 4, 10). Amour qui nous donne cette profonde certitude : il nous cherche ; il nous attend. C’est cette confiance qui conduit le disciple à encourager, à accompagner et à faire grandir toutes les bonnes initiatives qu’il y a autour de lui. Dieu veut que tous ses enfants prennent part au festin de l’Evangile. N’entravez rien qui soit bon, dit Jésus, au contraire aidez-le à croître ! Mettre en doute l’œuvre de l’Esprit, donner l’impression que cette œuvre n’a rien à voir avec ceux qui ne ‘‘font pas partie de notre groupe’’, qui ne sont pas ‘‘comme nous’’, est une tentation dangereuse. Cela, non seulement, bloque la conversion à la foi, mais encore constitue une perversion de la foi.

La foi ouvre la ‘‘fenêtre’’ à la présence agissante de l’Esprit et nous montre que, comme le bonheur, la sainteté est toujours liée aux petits gestes. « Celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ - dit Jésus, petit geste -, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense » (Mc 9, 41). Ce sont de petits gestes qu’on apprend à la maison ; des gestes familiers qui se perdent dans l’anonymat de la vie quotidienne mais qui rendent chaque journée différente. Ce sont des gestes de mère, de grand-mère, de père, de grand-père, d’enfant, de frères. Ce sont des gestes de tendresse, d’affection et de compassion. Ce sont les gestes du repas chaud pour celui attend le souper, du petit déjeuner apprêté de bonne heure par qui sait tenir compagnie tôt le matin. Ce sont des gestes du foyer. C’est la bénédiction avant d’aller dormir et l’accolade au retour à la maison après une longue journée de travail. L’amour se manifeste par de petites choses, par la moindre attention au quotidien qui fait que la vie a toujours une saveur de foyer. La foi grandit lorsqu’elle est vécue et elle est forgée par l’amour. Voilà pourquoi nos familles, nos maisons, sont de vraies Eglises domestiques. Elles sont le lieu approprié où la foi se fait vie et où la vie grandit en devenant foi. 

Jésus nous invite à ne pas empêcher ces petits miracles. Au contraire, il veut que nous les suscitions, que nous les fassions grandir, que nous vivions la vie telle qu’elle se présente à nous, en aidant à éveiller tous ces petits gestes d’amour, signes de sa présence vivante et agissante dans notre monde. 

Cette attitude à laquelle nous sommes invités nous conduit à nous demander : aujourd’hui, ici, à la fin de cette fête, comment essayons-nous de vivre [dans] cette logique dans nos maisons, dans nos sociétés ? Quel genre de monde voulons-nous laisser à nos enfants (cf. Laudato Si’, n. 160) ? Nous ne pouvons pas répondre seuls à ces questions, par nous-mêmes. C’est l’Esprit qui nous invite et nous exhorte à y répondre avec la grande famille humaine. Notre maison commune ne tolère plus des divisions stériles. Le défi urgent de sauvegarder notre maison inclut l’effort de s’unir à la famille humaine tout entière dans la recherche d’un développement durable et intégral, car nous savons que les choses peuvent changer (cf. Ibid, n. 13). Puissent nos enfants trouver en nous des modèles de communion, non de division ! Puissent nos enfants trouver en nous des hommes et des femmes capables de se joindre aux autres pour faire germer tout ce que le Père a semé de bon.

De manière directe, mais affectueusement, Jésus dit : « Si vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit à ceux qui le lui demandent ! » (Lc 11, 13). Que de sagesse dans ces paroles ! Certes, s’agissant de la bonté et de la pureté de cœur, nous les hommes, il y a peu de choses dont nous puissions nous glorifier ! Mais Jésus sait que, en ce qui concerne les enfants, nous sommes capables d’une générosité sans bornes. C’est pourquoi il nous encourage : si nous avons la foi, le Père nous donnera son Esprit.

Nous les chrétiens, disciples du Seigneur, nous demandons aux familles du monde de nous aider ! Nous sommes nombreux à participer à cette célébration et cela, en soi, est déjà quelque chose de prophétique, une espèce de miracle dans le monde d’aujourd’hui, fatigué d’inventer de nouvelles divisions, de nouvelles destructions, de nouveaux désastres. Puissions-nous être tous des prophètes ! Puisse chacun de nous s’ouvrir aux miracles de l’amour pour le bien de sa propre famille et de toutes les familles du monde – je parle de miracles d’amour -, et ainsi pouvoir vaincre le scandale d’un amour mesquin et méfiant, enfermé sur lui-même et impatient envers les autres. Je vous confie comme question, pour que chacun y réponde – parce que j’ai utilisé le mot ‘‘impatient’’ - : Dans ma maison, on crie ou bien on parle avec amour et tendresse ? C’est la manière appropriée de mesurer notre amour.

Qu’il serait beau si, partout, même au-delà de nos frontières, nous pouvions encourager et valoriser cette prophétie et ce miracle ! Renouvelons notre foi dans la parole du Seigneur qui invite les familles à cette ouverture ; qui invite tout le monde à prendre part à la prophétie de l’alliance entre un homme et une femme, qui donne vie et révèle Dieu ; qui nous aide à prendre part à la prophétie de la paix, de la tendresse et de l’amour en famille ; qui nous aide à prendre part au geste prophétique de prendre soin de nos enfants et de nos grands-parents, avec tendresse, avec patience et avec amour.

Quiconque voudrait fonder une famille qui enseigne aux enfants à se réjouir de chaque geste visant à vaincre le mal – une famille qui montre que l’Esprit est vivant et à l’œuvre – trouvera gratitude, appréciation et estime, quels que soient son peuple, sa religion ou sa région.

Que Dieu nous accorde à nous tous d’être prophètes de la joie de l’Evangile, de l’Evangile de la famille, de l’amour de la famille, d’être prophètes en tant que disciples du Seigneur, et qu’il nous accorde la grâce d’être dignes de cette pureté de cœur qui n’est pas scandalisée par l’Evangile ! Ainsi soit-il !

© Libreria Editrice Vaticana - 2015