Pko 28.10.2018

Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°52/2018

Dimanche 28 octobre 2018 – 30ème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

Humeurs…

De la réhabilitation à la réconciliation…

Pouvanatemetua

Jeudi… le jour tant attendu par la famille du Metua, Pouvana’a a Oopa, mais aussi par tout un peuple, toute une communauté, est arrivé : la condamnation de Pouvana’a a Oopa a été annulée : « La Cour de révision dit que la requête en révision est fondée. Elle annule l’arrêt de la Cour criminelle de Polynésie française du 21 octobre 1959 condamnant Pouvanaa a Oopa à la peine de 8 ans de réclusion criminelle et à celle de 15 ans d’interdiction de séjour. Elle constate que Pouvanaa a Oopa est décédé le 10 janvier 1977 et en conséquence, elle décharge sa mémoire ». 59 ans, 59 longues années pour que justice soit faite…

Aujourd’hui, commence un autre chemin… celui de la Réconciliation…

Chemin de réconciliation de deux peuples… polynésiens et français ;

Chemin de réconciliation du peuple polynésien avec lui-même ;

Chemin de réconciliation d’une communauté humaine avec la Justice ;

Chemin de réconciliation de chacun avec lui-même et ses propres contradictions ;

… .

Si le chemin de la réhabilitation fut long… trop long… celui de la réconciliation, peut l’être encore plus… si chacun ne décide pas de faire un pas vers l’autre… or il n’y a pas de véritable Paix sans Réconciliation, sans Pardon…

Cette réconciliation, ce pardon ne pourra être effectif que si nous nous appliquons aujourd’hui à mettre en œuvre la justice pour tous les hommes de ce pays… en redistribuant les richesses avec tous… à la manière de ce Robin des bois qu’était le Metua, lorsqu’en pleine restriction il sauta sur un camion plein de denrées alimentaires réservées à certains pour le distribuer aux pauvres laissés pour compte !

Oui, car il ne suffit pas d’avoir crié : « justice » pour que le Metua soit réhabiliter… si nous fermons les yeux sur les injustices criantes de notre société aujourd’hui qui ne cesse de créer le fossé entre les riches toujours plus riche et les pauvres du fond des vallées toujours plus pauvres et miséreux !

Pouvanaa, cet homme de foi, épris de justice pour son peuple, ne peut aujourd’hui se réjouir de sa réhabilitation lorsqu’il voit du haut du ciel l’iniquité qui règne dans son Fenua…

Ne nous arrêtons pas en si bon chemin… la réhabilitation de Pouvanaa était une étape fondamentale… mais elle n’est pas la fin du chemin !

Il nous reste à mener à bien son combat pour les petits !!!

« Justice… justice… »

Humeur du P.K.0 du 22 janvier 2012

Ce qui est frappant chez lui c’est la cohérence de sa démarche… celle d’un homme en harmonie avec sa conscience… habité par sa foi chrétienne1 et profondément choqué par les injustices commises à l’égard des siens.

Par amour de la justice, Pouvanaa fit de sa vie un don pour son peuple… il le paya de sa liberté et même de son honneur puisqu’il n’obtint jamais sa réhabilitation malgré les évidences !

Un documentaire qui ne peut pas laisser indifférent, et qui de plus nous interpelle sur aujourd’hui !

Tandis que tant d’hommes et de femmes, de nos jours, se réclament de lui ou font référence à lui… Comment ce peut-il que l’on ait pu oublier le cœur de son message et de son combat : la justice pour tous et le refus des privilèges… Comment a-t-on pu en arriver à cette Polynésie de castes où ce ne sont plus des expatriés qui exploitent et méprisent les autochtones mais des polynésiens qui « écrasent » d’autres polynésiens !

Pouvanaa, la Polynésie t’admire ! La Polynésie te reconnaît comme « son » Metua ! Mais la Polynésie semble avoir oublié ce qui a fait de toi un homme à part : un assoiffé de justice… au service du bien commun… qui a su s'oublier pour l’autre !

Un documentaire à voir absolument !2

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1  Il était protestant et avait été baptisé catholique à Huahine en 1907 ;

Laissez-moi vous dire…

28 octobre : clôture du synode des évêques

De quelles richesses sommes-nous dépositaires ?

Mercredi dernier, dans la salle synodale du Vatican (la aula Paul VI), le Saint Père a remis un exemplaire de Docat aux 36 jeunes auditeurs participant au synode qui s’achève ce dimanche. Le Docat est un condensé de la doctrine sociale de l’Église basé sur des documents pontificaux importants de Rerum novarum [1891] (Encyclique de Léon XIII) à Laudato si [2015] et Amoris laetitia [2016] (Encycliques de François). Le Pape définit ce document comme « un manuel de connaissance de la route », un guide d’engagement social conçu et destiné aux jeunes chrétiens. [Source : vaticannews.va]

Il est important de transmettre aux jeunes générations le patrimoine ecclésial : ici, avec Docat, il s’agit de toute la démarche qui a contribué au fil des ans à l’enseignement social de l’Église. Une telle transmission utile aux jeunes, mais aussi aux moins jeunes, permet de porter un regard éclairé sur notre monde et les positions prises par l’Église.

La transmission est un sujet d’actualité et d’attention, qu’elle soit matérielle, biologique, culturelle ou spirituelle. Nous oublions souvent que nous sommes simplement dépositaires de richesses. Mais la tendance actuelle est à l’égoïsme, en effet, beaucoup n’ont pas conscience du gaspillage des biens qui leur sont confiés.

Prenons quelques exemples.

S’il est vrai que certains sont nés avec une petite cuillère en argent dans la bouche, les terres, les immeubles, les biens qu’ils possèdent ne sont que le fruit du travail de ceux qui les ont précédés. Ont-ils le souci de faire fructifier leur patrimoine et de partager avec d’autres ?

À l’autre bout de la « chaîne sociale » on trouve les laissés pour compte, « les derniers de cordée » (comme dit, un peu dédaigneux, le Président Macron). Certes, ceux-ci ne possèdent pas de biens matériels mais ils possèdent en eux un bagage immatériel souvent d’une grande richesse spirituelle. Leur donne-t-on l’opportunité de transmettre cette richesse autour d’eux ?

Entre ces deux extrêmes il y a chacun(e) de nous… Interrogeons-nous : de quelles richesses sommes-nous dépositaires ? Que faisons-nous de ces richesses ?

Dominique SOUPÉ

Suggestion : pour prolonger la réflexion on peut reprendre l’un des passages d’Évangile suivants : Matthieu 25, 1-13 ; Matthieu 25, 14-29 ; Luc 12, 13-21

© Cathédrale de Papeete - 2018

En marge de l’actualité…

Presbyterium

Du Lundi 15 au Mercredi 17 à midi, les prêtres exerçant leur ministère dans le diocèse étaient réunis à Tibériade pour la rencontre du Presbyterium. Vingt et un avaient répondu présent. Cette rencontre annuelle est une réunion de travail, à la différence de la retraite des prêtres qui a lieu également chaque année dans la première semaine de Carême. Cette rencontre permet aux participants de se retrouver et de faire grandir l’unité, au-delà des différences. Elle rassemble prêtres diocésains, prêtres religieux et ceux qui travaillent dans le diocèse mais sont « prêtés » par d’autres diocèses. Elle permet d’aborder les dossiers importants pour notre pastorale diocésaine, et donne l’occasion de débats et d’échanges, parfois un peu rudes, mais toujours avec le souci de nous enrichir réciproquement de nos idées et de nos points de vue.

À l’ordre du jour, un tour d’horizon de nos paroisses, des avancées, des difficultés que chacun peut rencontrer. Ce fut l’occasion de souligner les points positifs : de plus en plus d’équipes missionnaires vont à la rencontre de ceux qui ne fréquentent pas ou plus l’Église ; de nombreuses retraites ou « mini-retraites » sont organisées pour les couples, les familles, les membres des groupes de Rosaire. À noter également l’effort consenti par certaines paroisses pour la formation des adultes, formation permanente et formation de ceux qui se préparent à un sacrement (mariage, confirmation, baptême ou entrée en Église). De nouveaux groupes de jeunes voient le jour. Les difficultés : parfois un certain essoufflement des équipes engagées depuis un certain temps, défi de la formation des responsables de groupes de jeunes, difficultés liées à la drogue (Ice en progression dans certains endroits) et à l’alcool qui menacent la vie et l’avenir des jeunes, difficultés à faire grandir l’unité dans les communautés.

Le second point abordé concernait la façon dont les prêtres vivent leur ministère par rapport aux laïcs. Comment être serviteur et éviter ce qu’on appelle le « cléricalisme », cet abus de pouvoir qui menace autant les clercs que les laïcs en situation de responsabilité.

Le troisième sujet concernait les finances des paroisses. Le diocèse a entrepris une réforme visant à unifier les comptabilités des paroisses pour une plus grande clarté et pour permettre un regard plus exact sur la situation financière de toutes les paroisses. Le débat eut lieu en présence de Mr Yves DELARRA, commissaire aux comptes, du RD Gaspar MAHAGA, économe diocésain et de Mr Guy BESNARD pour la partie informatique.

Autre sujet abordé, la suite des États Généraux des Katekita qui eurent lieu fin Juillet 2018. L’échange fit remonter d’abord l’écho très positif de ces États Généraux, puis un certain nombre de propositions concernant la formation initiale des Katekita et le suivi dont ils auraient besoin après leur investiture.

Furent abordés également différents thèmes comme la pastorale des jeunes, la pastorale des Vocations (avec l’intervention de la responsable diocésaine du service des vocations), la situation du Grand Séminaire, l’avenir de nos services de communication (écrit, radio, numérique…), avec le souhait que chaque paroisse ait une personne chargée de l’information. Enfin, fut évoquée la pastorale de préparation au mariage…

Beaucoup reste à faire, certes, mais nous devons nous réjouir que certains dossiers commencent à bouger. Le chemin est encore long et sera difficile. Mais ne devons-nous pas nous souvenir que le Seigneur nous accompagne et nous donne sa force et sa confiance pour avancer ?

+ Monseigneur Jean Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete – 2018

Audience générale

On ne plaisante pas avec l’amour

Poursuite du cycle de catéchèses sur les dix commandements, lors de l’audience générale, place Saint-Pierre. Le Pape est revenu sur l’adultère qui fait référence à la fidélité : « Aucun rapport humain n’est authentique sans fidélité et loyauté ».

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre parcours de catéchèses sur les Commandements, nous arrivons aujourd’hui à la sixième parole, qui concerne la dimension affective et sexuelle et qui affirme : « Tu ne commettras pas d’adultère ».

C’est un rappel immédiat à la fidélité et, en effet, aucune relation humaine n’est authentique sans fidélité et loyauté.

On ne peut aimer seulement tant que « cela convient » ; l’amour se manifeste justement au-delà du seuil du profit personnel, quand on donne tout sans réserve. Comme l’affirme le Catéchisme : « L’amour veut être définitif. Il ne peut être “jusqu’à nouvel ordre” » (n.1646). La fidélité est la caractéristique de la relation humaine libre, mûre, responsable. Un ami aussi se démontre authentique parce qu’il reste tel dans n’importe quelle situation, sinon ce n’est pas un ami. Le Christ révèle l’amour authentique, lui qui vit de l’amour sans limite du Père, et en vertu de ceci il est l’Ami fidèle qui nous accueille même quand nous nous trompons et qui veut toujours notre bien, même lorsque nous ne le méritons pas.

L’être humain a besoin d’être aimé sans conditions et celui qui ne reçoit pas cet accueil porte en lui une certaine incomplétude, souvent sans le savoir. Le cœur humain cherche à remplir ce vide avec des succédanés, acceptant des compromis et une médiocrité qui n’ont qu’un vague goût d’amour. Le risque est d’appeler « amour » des relations naissantes et immatures, avec l’illusion de trouver une lumière de vie dans quelque chose qui, dans le meilleur des cas, n’en est qu’un reflet.

Il arrive ainsi que l’on surévalue, par exemple, l’attraction physique qui est en soi un don de Dieu, mais qui est finalisée à préparer la voie à une relation authentique et fidèle avec la personne. Comme le disait saint Jean-Paul II, l’être humain « est appelé à la spontanéité pleine et mûre des relations » qui « est le fruit graduel du discernement des impulsions de son cœur ». C’est quelque chose qui est à conquérir, à partir du moment où chaque être humain « doit avec persévérance et cohérence apprendre ce qu’est la signification du corps » (cf. Catéchèse, 12 novembre 1980).

L’appel à la vie conjugale requiert par conséquent un discernement soigné sur la qualité de la relation et un temps de fiançailles pour la vérifier. Pour accéder au sacrement du mariage, les fiancés doivent mûrir la certitude que la main de Dieu est sur leur lien, lui qui les précède et les accompagne, et qui leur permettra de dire : « Avec la grâce du Christ, je promets de t’être toujours fidèle ». Ils ne peuvent pas se promettre fidélité « dans la joie et dans la douleur, dans la santé et dans la maladie » et de s’aimer et s’honorer tous les jours de leur vie, uniquement sur la base de leur bonne volonté ou de l’espérance que « cela marche ».

Ils ont besoin de se baser sur le terrain solide de l’amour fidèle de Dieu. Et pour cela, avant de recevoir le sacrement du mariage, il faut une préparation soignée, je dirais un catéchuménat, parce que c’est toute la vie qui se joue dans l’amour et on ne plaisante pas avec l’amour. On ne peut appeler « préparation au mariage » trois ou quatre conférences données en paroisse ; non, ce n’est pas une préparation : c’est une fausse préparation. Et la responsabilité de celui qui fait cela retombe sur lui : sur le curé, sur l’évêque qui permet cela. La préparation doit être mûre et il faut du temps. Ce n’est pas un acte formel : c’est un sacrement. Mais il faut le préparer par un véritable catéchuménat.

En effet, la fidélité est une manière d’être, un style de vie. On travaille avec loyauté, on parle avec sincérité, on reste fidèle à la vérité dans ses pensées, dans ses actions. Une vie tissée de fidélité s’exprime dans toutes les dimensions et conduit à être des hommes et des femmes fidèles et fiables en toute circonstance.

Mais pour arriver à une vie aussi belle, notre nature humaine ne suffit pas, il faut que la fidélité de Dieu entre dans notre existence, soit contagieuse. Cette sixième parole nous appelle à poser notre regard sur le Christ qui, par sa fidélité, peut ôter de nous un cœur adultère et nous donner un cœur fidèle. En lui, et en lui seulement, se trouve l’amour sans réserve et sans rétraction, le don complet sans parenthèses et la ténacité de l’accueil jusqu’au bout.

Notre fidélité découle de sa mort et de sa résurrection, la constance dans les relations découle de son amour inconditionnel. La communion entre nous et la capacité à vivre nos liens dans la fidélité découlent de la communion avec lui, avec le Père et avec le Saint-Esprit.

© Libreria Editrice Vaticana – 2018

Biographie

POUVANAA A OOPA TETUAAPUA

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1940 à 1958 (La documentation française)

Né le 10 mai 1895 dans l'île de Huahine (Établissements français de l'Océanie)

Décédé le 11 janvier 1977 à Papeete (Polynésie française)

Député des Établissements français de l'Océanie puis de Polynésie française de 1949 à 1958

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Son père, sans doute descendant d'un Suédois, était un petit notable (chef de district), charpentier de profession. Sa mère était la fille d'une métisse tahitienne-asiatique. Son nom de famille est Oopa, mais il est connu sous son prénom - qui signifie « pilier de la sagesse » - devenu son nom. De nombreuses confusions en résultent. De plus, certains documents l'appellent Pouvanaa Tetuahua, voire Tetuapua, nom qu'il a déclaré n'avoir jamais porté.

Malgré les rumeurs, Pouvanaa savait parler, lire et écrire en français, même s'il prit rarement la parole dans les assemblées parlementaires. En langue polynésienne, c'était un excellent orateur qui ponctuait ses discours de références bibliques, la clé du succès à Tahiti.

Son éducation s'est résumée à la fréquentation des écoles du dimanche et du jeudi dans sa paroisse protestante. Il n'a eu qu'une courte scolarité dans les écoles publiques.

Comme beaucoup de ses concitoyens, il a une activité professionnelle très diversifiée. Charpentier (il travaille le bois avec beaucoup d'habileté), il travaille aussi la terre (il cultive la vanille, récolte le coprah), pratique la pêche et on le trouve, dans les années trente, vendant des fruits et des frites.

Né dans les îles Sous-le-Vent, il n'avait pas la citoyenneté française (il était sujet de la France). Il est donc dispensé de servir sous les drapeaux. Cependant, il se porte volontaire. En janvier 1918, il intègre le bataillon mixte du Pacifique et prend part aux combats dans les tranchées. Fin octobre, il participe à l'assaut de Vesles-et-Caumont, un fait d'armes qui assure la réputation du Bataillon. Après l'armistice, il voyage et observe la vie métropolitaine. Il comprend mal que les libertés qui règnent en France ne soient pas attribuées aux Polynésiens. En juillet 1919, il rejoint son île natale, puis s'installe à Tahiti. Il y épouse, en 1921, Louise Tumahai dont il a cinq enfants (un seul dépassera l'adolescence). Il avait eu un premier fils, Marcel Marcantoni, dit Mate Oopa, né le 21 avril 1917 qui lui succèdera à la députation en 1960.

Dans l'entre-deux-guerres, la situation des Établissements français de l'Océanie (EFO) est celle d'une colonie. Un gouverneur et une administration coloniale comprennent mal les mentalités du pays. La richesse est accaparée par des grandes maisons de commerce à capitaux étrangers mais dirigées sur place par ceux que l'on appelle les Demis (métis). Les Tahitiens ont le sentiment d'être étrangers sur leur propre terre.

On n'a pas de trace d'une activité politique de Pouvanaa avant 1940. Pourtant, il joue un rôle important dans le Ralliement de 1940. L'ancien gouverneur Émile de Curton lui rend hommage et parle de son « indomptable détermination » (Tahiti 40, Récit du ralliement à la France libre des EFO, Publications de la Société des Océanistes, 1973).

Les difficultés qu'il rencontre à partir de 1942, en luttant contre l'administration (il réclame l'élection d'un conseil général) et défendant les Tahitiens contre elle, l'amènent à des condamnations et à l'exil dans les îles éloignées des EFO.

Pouvanaa avait mûri de longue date des revendications économiques, culturelles et politiques. C'est un destin politique assez rare à Tahiti, celui d'un homme qui - malgré certaines ambiguïtés - variera peu : il veut jouer un rôle et si possible au premier rang et avec des idées dont il ne se départira pas.

Il souhaite se présenter aux différentes élections des années 1945-1946, mais le gouverneur, ne respectant pas les consignes de Paris, annule les voix qu'il a obtenues à la deuxième Constituante. À la première législative, sa femme est candidate à sa place. Avec 5 328 voix, elle recueille 37 % des voix et s'incline devant Georges Ahnne qui en obtient 7 038.

Début 1947, il crée le Comité Pouvanaa qui réclame une profonde modification des rapports entre la France et ce territoire d'outre-mer. En juillet 1947, il est arrêté à la suite de manifestations contre la venue de fonctionnaires métropolitains et accusé d'avoir préparé un complot contre la sûreté de l'État. Il est acquitté en novembre. Il fonde un parti : le Rassemblement démocratique des Populations tahitiennes (RDPT), vite considéré à l'instar du RDA comme un parti communiste déguisé (ce qui n'a aucun sens dans le contexte tahitien). Le programme de son parti est d'obtenir l'autonomie (et sans le dire ouvertement l'indépendance) et de lutter contre les « capitalistes ». Les syndicats et les coopératives servent de relais à ces objectifs.

Le décès d'Ahne donne lieu à une élection partielle le 23 octobre 1949 à laquelle Oopa est naturellement candidat et élu sans difficulté. Son élection est validée le 8 décembre et il rejoint la Commission des territoires d'outre-mer. Il intervient peu lors de la fin de cette première législature, sinon pour interpeller, le 19 décembre 1949, le sous-secrétaire d'État à la France d'outre-mer, Jean Letoumeau, sur l'attitude, déplacée selon lui, de l'administration coloniale à la Conférence des mers du Sud et à la « cession déguisée de Tahiti à l'étranger ».

Inscrit au groupe des indépendants, il témoigne de votes assez pusillanimes. Il ne prend pas part à celui relatif aux conventions collectives de travail le 4 janvier 1950, comme lors de la question de confiance au gouvernement Queuille le 12 mai 1951. En revanche, il se prononce en faveur de la loi sur les apparentements le 7 mai.

Candidat à sa propre succession le 17 juin 1951, il doit affronter quatre autres candidats, tous européens, mais l'emporte très largement puisqu'avec 12 096 des 17 228 suffrages exprimés, il recueille plus de 70 % du total. À l'Assemblée nationale, il s'apparente au groupe Indépendants-Paysans dirigé par Paul Antier, ce qui peut paraître paradoxal. En fait, son rôle à l'Assemblée est limité, car ce qui l'intéresse c'est son Territoire. Il laisse ses collègues parler pour lui (Maurice Lenormand le plus souvent) et vote comme son groupe, sans que cela revête la moindre signification. Il dépose néanmoins le 24 août 1954 une proposition de loi relative à l'éligibilité de certains fonctionnaires dans les DOM et les TOM.

Pouvanaa a Oopa se présente de nouveau lors des élections législatives de janvier 1956 dans un contexte colonial dégradé. Le ton de sa profession de foi en témoigne. S'il continue de témoigner son attachement à la France - il reçoit du reste l'investiture du CNIP et de l'ARS -, il fustige à l'envie la disjonction croissante les vœux de la population et le comportement d'« une administration [coloniale] inchangée, toujours au service d'intérêts privés ». Avec plus de 58 % des voix – 12 280 des 21 130 suffrages exprimés -, il est facilement réélu face aux deux candidats européens.

Il réintègre la Commission des territoires d'outre-mer. Son absentéisme ou son refus de prendre part à bon nombre de votes ne cessent de grandir, notamment au regard de la question algérienne (pouvoirs spéciaux le 12 mars 1956, politique générale de Guy Mollet en Algérie le 25 octobre, projet de loi sur les institutions en Algérie le 2 février 1958, après avoir voté contre en troisième lecture deux jours plus tôt) ou de l'investiture des derniers gouvernements de la IVe République. Il vote contre le projet de CEE et de CEEA le 9 juillet 1957 et refuse sa confiance à Félix Gaillard le 15 avril 1958. S'il se prononce en faveur de l'adoption de l'état d'urgence le 16 mai, il s'oppose à la révision constitutionnelle du 27 mai. Il ne prend pas part au vote d'investiture du général de Gaulle le 1er juin 1958 mais appuie finalement de son vote les pleins pouvoirs et le principe d'une révision de la constitution.

Sa préoccupation essentielle restera cependant le sort de Tahiti puisque son seul dépôt de proposition de loi au cours de la législature, le 24 juillet 1956, a trait à la création d'une Assemblée territoriale à Tahiti qui voit le jour à la fin de l'année 1957. Il prend alors la tête du nouveau gouvernement polynésien.

Avec l'avènement de la Ve République, la Polynésie est incluse dans la Communauté française et le mandat de député d'Oopa est prorogé par l'ordonnance du 12 octobre 1958. Son discours indépendantiste se radicalise alors et il invite ses compatriotes à voter « non » lors du référendum de 1958.

La victoire du « oui » au référendum constitutionnel du 28 septembre 1958 est une défaite politique pour le « Metua », surnom reçu depuis 1949 par le député de Polynésie française et qui veut dire « le Père ». Le 8 octobre suivant, le Conseil de gouvernement est suspendu. La tension avec la métropole monte d'un cran. Le 11 octobre 1958, au lendemain d'un discours que Pouvanna Oopa prononce à Papeete devant deux cents personnes, une partie de la capitale polynésienne s'enflamme. Le parlementaire est aussitôt arrêté. A-t-il donné l'ordre d'incendier Papeete ? S'est-il laissé déborder par ses partisans ? L'arrêt de la Cour criminelle de Polynésie conclut son procès par une condamnation sévère : huit ans de réclusion, 36 000 francs métropolitains d'amende, quinze ans d'interdiction de séjour pour complicité de tentative de destruction d'édifices appartenant à autrui et détention, sans autorisation, d'armes et de munitions (21 octobre 1959). Le 11 février 1960, la Cour de cassation rejette son pourvoi ce qui entraîne, au regard de l'article 1er de la loi du 30 mars 1955, son inéligibilité. Cette décision ne sera pas modifiée. Le 18 novembre 1993, la commission de révision de la Cour de cassation rejette la requête de ses descendants. Le 12 mai 1960, le Conseil constitutionnel prononce sa déchéance en sa qualité de membre de l'Assemblée nationale à compter du 12 février précédent.

Commence alors une longue période d'exil en métropole. Après un séjour d'un an à la prison des Baumettes à Marseille (avril 1960-juin 1961), l'ancien vice-président du Conseil de gouvernement est assigné à résidence, le plus souvent dans des maisons de retraite protestantes, près de Compiègne en 1961, dans les Cévennes en 1963 puis dans les Deux-Sèvres. Sa conduite y est exemplaire. C'est au cours d'un séjour de transfert à Fresnes, à l'été 1961, que Pouvanaa Oopa apprend la mort à l'hôpital Tenon à Paris de son fils, Marcel, ancien combattant dans le Corps expéditionnaire du Pacifique pendant la Seconde guerre mondiale, qui lui a succédé en tant que député de Polynésie française. Le 23 février 1966, un décret présidentiel lui rend la liberté mais il ne peut pas encore regagner son territoire. Il se fixe alors dans la capitale. Il bénéficie, à la fin de 1968, d'un décret de grâce présidentielle portant remise de l'interdiction de séjour au titre de son statut d'ancien de la Grande guerre, de plus titulaire de la Croix du combattant. Le 30 novembre 1968, Tahiti lui réserve un accueil triomphal. En juillet 1969, une nouvelle amnistie présidentielle lui permet de retrouver ses droits civiques : il est de nouveau éligible.

Pouvanaa Oopa se fixe à Hamuta, dans la commune de Pirae et il entame une nouvelle phase dans la vie politique locale. Il s'engage dans le Here Âi'a te nuna'a ia ora (« Que vive le peuple dans son amour du Pays »), largement autonomiste, qui succède au parti qu'il avait fondé en octobre 1947, le Rassemblement démocratique des populations tahitiennes (RDPT). Il est tout naturellement présenté aux élections sénatoriales du 26 septembre 1971. Dans la suite logique des précédents scrutins, l'ancien charpentier-maçon passe au premier tour avec 74 voix contre 37 à son concurrent UT-UDR (gaulliste), Emile Le Caill.

Au Sénat, Pouvanaa Oopa s'inscrit au groupe de l'Union centriste et des démocrates de progrès (UCDP) alors en lisière de la majorité qui gouverne la France (4 octobre 1971). L'appartenance à cet ensemble charnière explique son travail de sénateur mais aussi ses votes mus par sa conviction rigoureusement chrétienne, les tendances profondes de la société polynésienne et l'émancipation de la tutelle française de son territoire. Il est successivement membre de la commission des affaires sociales (6 octobre 1971-22 janvier 1974), des affaires économiques et du plan (22 janvier-4 octobre 1974) puis des affaires culturelles. La dégradation de l'état de santé du sénateur de Polynésie française, opéré de la nuque en Nouvelle-Zélande en 1969, de nouveau opéré pour des kystes aux pieds en octobre 1971 à l'hôpital américain de Neuilly, explique une activité parlementaire ralentie. Il éprouve de réelles difficultés pour se déplacer et les photographies des dernières années de sa vie le montrent assis ou sur un fauteuil roulant. De 1971 à la fin de 1974, il assiste aux sessions d'automne du Sénat. Sa présence sera plus épisodique ensuite ainsi que l'atteste l'absence de travaux parlementaires jusqu'à son décès. Son activité législative consiste à conduire son pays natal à l'autonomie. Il dépose par trois fois une proposition de loi tendant à doter le territoire de la Polynésie française d'un nouveau statut (4 novembre 1971, 10 mai 1973 et 29 juillet 1974). Le 20 décembre 1972 et le 20 décembre 1974, il dépose la même proposition de loi tendant à organiser l'enseignement des cultures et langues vernaculaires dans les territoires d'outre-mer. Le sénateur du Nord André Diligent prononce en son nom l'intervention qu'il devait lire à l'occasion du débat sur la question orale posée par Jacques Duclos relative aux essais nucléaires du Pacifique (29 mai 1973). Le texte, très court, exhale une opposition irréductible à ces expériences aériennes : « nous ne pouvons plus supporter que notre territoire soit le champ clos des expériences nucléaires. » Cette déclaration s'accompagne d'une lettre ouverte au président de la République, cosignée avec le député du territoire Francis Sanford. Les deux parlementaires menacent de porter leur revendication devant l'ONU et devant le Parlement afin d'organiser un référendum sur l'indépendance de la Polynésie française.

Pouvanaa Oopa prend part à plusieurs votes importants. Il se prononce contre le texte de la loi portant création et organisation des régions, proposé par la commission mixte paritaire le 29 juin 1972, alors qu'il s'était abstenu lors des précédentes lectures. Il rejette la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse le 20 décembre 1974 présentée, dans ses discours polynésiens, comme représentative de la civilisation occidentale et, par là même, incompatible avec la tradition chrétienne qu'il représente. En revanche, il approuve la loi d'orientation du commerce et de l'artisanat le 21 novembre 1973, la loi fixant à dix-huit ans l'âge de la majorité le 18 juin 1974 et la loi portant réforme du divorce le 18 juin de l'année suivante.

A partir de 1972, l'influence du « Metua » sur la vie politique de son territoire décline. Les listes du Here Âi'a sont défaites aux élections municipales de juillet 1972 et aux élections territoriales de septembre suivant. Pouvanaa Oopa ne peut conquérir Huahine et au terme du scrutin territorial il n'est plus que le doyen d'âge. Lors du discours inaugural de la nouvelle assemblée, il prend à partie le gouverneur Pierre Angeli en lui demandant la reconnaissance de sa langue. En 1976, sa santé se détériore et il s'enferme dans le silence. Le 10 janvier 1977, vers dix heures du matin, au terme d'une crise d'urée, Pouvanaa (le « pilier sage ») décède dans une clinique de Papeete. Sa dépouille est aussitôt transférée à la mairie pour y être exposée. Le lendemain, à l'occasion de ses obsèques célébrées au temple de Pa'ofa'i de Papeete, un hommage unanime lui est rendu. Le 5 avril 1977, le Sénat debout écoute son éloge funèbre lu par le président Alain Poher. Il parle d'un « enfant du peuple » et d'« un homme simple à l'instruction modeste ». Les qualités de l'ancien parlementaire sont mises en valeur : son patriotisme au cours des deux conflits mondiaux, sa participation aux travaux des commissions sénatoriales, son « profond amour de la France », le « porte-parole de ces populations qu'il connaît si bien et dont il partage les aspirations », « sa grande connaissance de la Bible [qui] lui tenait lieu de diplôme universitaire et s'il comprenait et écrivait le français avec quelque difficulté, il possédait une extrême maîtrise de la langue tahitienne. » Le secrétaire d'État aux anciens combattants André Bord associe le Gouvernement à cet éloge. Il souligne « un exemple de persévérance et de générosité mises au service du peuple. » La séance est suspendue dix minutes en signe de deuil. Son suppléant Daniel Millaud lui succède.

Pouvanaa Oopa dit « Metua » est bien le père du nationalisme ma'ohi. Il lisait l'histoire de son peuple à travers les pérégrinations d'Israël, peuple captif, élu de Dieu et promis à la libération. Premier député et premier sénateur ma'ohi à sièger au Parlement de la République, il fait l'objet, depuis son décès, d'un consensus polynésien autour de son action et de sa mémoire. Dès juillet 1977, un nouveau statut dote de l'autonomie administrative le Territoire de la Polynésie française lequel est, depuis 2003, une collectivité d'outre-mer. Le 10 mai 1982, place Tarahoi à Papeete, face à l'Assemblée territoriale, un buste posé sur une stèle blanche est inauguré en présence d'une foule nombreuse. Lui-même d'ailleurs avait justifié son action dans un journal autobiographique. On y lit que son caractère foncièrement français ne pouvait se détacher d'une identité intégralement tahitienne.

© La Documentation française – 1988

Commentaire des lectures du dimanche

Connaissez-vous la pyramide de Maslow ? : cette théorie hiérarchise les besoins humains en donnant la priorité aux besoins physiologiques (faim, soif, sexualité, respiration…) pour finir par la satisfaction des besoins plus spirituels (besoin d’estime, puis d’accomplissement de soi) en passant par le besoin de sécurité, puis d’appartenance et d’amour. Cela semble très satisfaisant, mais est-ce bien de cet homme-là dont nous parle l’Évangile ?

Un homme est assis sur le bord du chemin. C’est un mendiant et un aveugle. Il crie avec insistance pour établir la communication avec Jésus, car telle est bien sa nécessité première : sortir de son isolement. Par ce cri, l’homme demande une attention à sa marginalité, lui qui est immobile sur le côté du chemin tandis qu’une foule nombreuse est en marche sur la route. C’est plus un cri de mendiant qu’un cri d’aveugle. Malgré l’obstacle de la foule, son cri parvient jusqu’à Jésus sans aucune médiation. Jésus s’arrête et le fait appeler. Cet arrêt est un signe fort après l’insistance du texte pour nous montrer Jésus en chemin vers Jérusalem. Cela inverse la situation : l’infirme statique devient celui qui est en mouvement, tandis que Jésus cesse de l’être.

En faisant appeler l’infirme par la foule au lieu de l’appeler lui-même, Jésus fait de ceux qui constituaient un obstacle, des intermédiaires de son appel. Alors que le mendiant appelait Jésus pour qu’il vienne à lui, c’est Jésus qui l’appelle à venir à lui. Le mendiant comprend qu’il est plus qu’entendu : il est distingué entre tous par celui qui passe. Cet appel opère déjà en lui une triple transformation : il se met debout ; il sort de son isolement en marchant au milieu des autres ; il va vers Jésus.

Une seconde phase du récit s’ouvre alors avec la question de Jésus : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Jésus lui demande d’exprimer son désir moyennant un échange de parole, car l’aveugle a plus besoin de communication humaine que de guérison. L’enjeu central de la transformation se situe dans la rencontre personnelle avec Jésus. C’était la communication entre eux qui était difficile vues la distance et l’entrave de la foule. Au désir de rencontrer Jésus, s’ajoute cependant à présent celui de voir que l’aveugle n’avait pas exprimé dans son cri initial. Il ne s’adresse plus à Jésus comme au Fils de David capable de pitié envers un malheureux, mais au Maître qui enseigne et qui illumine par sa parole. Il reconnaît son aveuglement et il demande à en être libéré par celui qu’il appelle son Maître. Ce changement d’appellation traduit bien la transformation de l’aveugle qui de mendiant est devenu un homme en quête de lumière auprès de celui qu’il reconnaît comme son Maître.

Jésus ne prononce aucune parole de guérison pour lui rendre la vue. Il fait simplement un constat que personne ne peut voir : « Ta foi t’a sauvé ! » Cette parole déclare le salut comme étant déjà acquis, par le simple fait d’une relation vivante restaurée dans la confiance. Ce salut ne procède pas du pouvoir de Jésus, mais de la puissance de la confiance à laquelle l’homme s’est ouvert. La guérison manifeste alors publiquement la véracité du dire de Jésus et de la foi de l’homme, une foi telle qu’elle ouvre à la réception du salut. Jésus ne parle pas ici en guérisseur, mais en Maître qui témoigne de la volonté divine, une volonté qui rejoint le désir profond de l’homme.

L’aveugle devenu croyant est à présent voyant. Par sa foi en Jésus sauveur, il est entré dans une vie nouvelle. Celui qui était assis sur le bord du chemin marche à présent à la suite de celui qu’il peut voir marcher sur le chemin. Voir, c’est trouver le bon chemin et le prendre sans peur ni hésitation, en suivant Jésus jusqu’à Jérusalem. L’aveugle apparaît ainsi comme le modèle par excellence du disciple de Jésus au moment où celui-ci est prêt d’achever sa mission dans la ville sainte. Il est passé de l’état de mendiant en quête de relation à celui d’aveugle en quête de lumière pour devenir enfin disciple en quête de salut.

La foi en Jésus sauve de tout isolement, paralysie ou repli sur soi. Suivre Jésus, c’est trouver la relation qui ouvre à toutes relations par-delà toutes les nuits et toutes les solitudes. C’est se mettre en chemin pour accomplir sa vie à la lumière du Christ. Tel est le miracle de la foi, de l’ouverture à la confiance ! A partir de là, tout autre besoin peut être satisfait grâce à une créativité retrouvée et une véritable communion avec les autres.

Fr Olivier Rousseau, ocd

Carmel-asso – 2015