Pko 21.10.2018

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°51/2018

Dimanche 21 octobre 2018 – 29ème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

Humeurs…

Armoire solidaire

Armoiresolidaire

À ce jour

36 familles :

66 adultes et 39 enfants aidés

grâce à votre générosité…

Fin juillet les étudiants ESC de Lycée Lamennais lançait officiellement l’« armoire solidaire » au presbytère de la Cathédrale. Leur but : « Contribuer à la lutte contre les pauvretés à Tahiti et entretenir des liens entre ceux qui ont ce qu’il faut pour vivre et ceux qui ont moins… créer du lien social et mettre en pratique ce que les Pères de l’Église affirmaient si souvent : “Le superflu des riches appartient aux pauvres”. »

Le principe est simple… une armoire est placée au secrétariat du presbytère ou chacun peut y déposer les dons alimentaires (produits secs seulement !) ou d’hygiène qu’il désire … L’idéal étant qu’un jour nous puissions la mettre dehors et qu’elle « fonctionne » de façon autonome dans le respect de chacun.

Pour l’instant cette armoire solidaire permet de venir en aide aux familles toujours plus nombreuses, qui bien qu’ayant un toit, sont en grande précarité.

Nous avons établi une coordination et collaboration avec le service social de la mairie de Papeete pour être au plus près de la mission qui nous a été confiée par ces étudiants.

Le principe est simple, toutes familles en difficultés qui viennent directement au presbytère sont envoyé vers le service social de la mairie de Papeete… qui après rencontre, nous envoie un courriel avec les indications nécessaires pour constituer le « panier solidaire ».

Trois mois plus tard, cette armoire rencontre un grand succès… à ce jour, ce ne sont pas moins de 36 familles (66 adultes et 39 enfants) qui ont pu être aidé grâce à votre générosité… mais les besoins vont grandissant… Or cette armoire s’inscrit dans la durée… et pour cela elle a besoin de vous… Nous savons pouvoir compter sur vous…

Nos besoins

Aliments : Riz, pâtes, sucre, lait, café soluble, lentilles, conserves,, SAO, soupe, huile, chocolat en poudre…

Kit hygiènes : savon, dentifrice, brosse à dent, serviettes hygiéniques

Laissez-moi vous dire…

Lundi 22 octobre : Saint Jean-Paul II

La vie à tout prix… ou une catéchèse « in vivo »

J’ai eu l’occasion de voir le film réalisé par Wim Wenders et David Rosier : « Le Pape François, un homme de parole » dans une salle bien remplie. Bien que de nombreux médias aient « assassiné » le film, les spectateurs -visiblement pas tous catholiques – ont été subjugués par les paroles du Pape, des paroles fortes qui témoignent d’un regard très lucide sur le monde qui maltraite la nature, les hommes, les femmes, les enfants, la vie en général. Plusieurs fois la salle s’est tue pour mieux entendre le « cri » de ce prophète extraordinaire du XXIème siècle. Face aux nombreuses scènes de bains de foule, d’acclamations, on peut comprendre le malaise de certains critiques qui ont interprété ces séquences comme une « propagande en faveur du Vatican et du pape » ; ces détracteurs n’ont sûrement pas eu l’occasion de vivre l’une ou l’autre de ces rencontres intenses et chaleureuses avec François, un pape si proche de tous ceux et celles qui viennent à lui ou qui l’accueillent.

Ce film qui met en avant l’infini respect des personnes, de leurs conditions et de leur vie, se combinait bien avec la canonisation du Pape Paul VI, auteur -il y a cinquante ans - de l’Encyclique, très controversée, Humanae Vitae ; ainsi qu’avec l’anniversaire de l’élection de Jean-Paul II (octobre 1978).

Je me suis retrouvé soudain quarante ans en arrière, face à une classe de première dont j’étais le professeur principal et le catéchète. Cette année-là, une des élèves se trouvait enceinte. En début d’année elle parvenait à cacher son état mais au fil des jours elle demandait à sortir de classe prétextant maux de tête, ou maux de ventre… Très vite les camarades filles et certains professeurs se sont doutés de son état. Contrairement aux conseils de Saint Jacques qui recommandait qu’« on mette un frein à sa langue » (Jacques 1, 26), les commentaires allaient bon train : « tolérer une fille dans cet état dans une école catholique, c’est une honte », « pourquoi elle n’avorte pas, elle ne pourra jamais élever son gosse », « au contraire, on devrait avoir pitié d’elle et la soutenir »… etc…

Le directeur de cycle a très bien réagi en engageant un dialogue avec l’élève, ses parents et quelques enseignants. De mon côté, étant catéchète, j’ai saisi une opportunité pour écouter l’élève et connaître ses souhaits et une partie de ses inquiétudes. Arrivé tôt un matin pour préparer mon labo, je la vis seule, attendant l’ouverture de la salle. Spontanément elle m’a partagé ce qu’elle vivait : « Je suis tiraillée entre mon désir de garder mon enfant et les pressions de ceux qui me conseillent d’avorter ; sans compter les moqueries et sous-entendus des unes et des autres ». Au final, d’une voix ferme et décidée, elle déclara : « Cet enfant je l’aime et je veux le garder à tout prix ». Je lui ai proposé de parler à ses camarades, si elle se sentait assez forte ; elle a accepté avec le sourire et une sorte de soulagement.

Nous étions dans la mouvance des années 68 : « faites l’amour pas la guerre », « sentez-vous libre », « femmes soyez libres, disposez de votre corps » …, mais aussi en pleine turbulence au sein de l’Église suite aux déclarations de Paul VI sur la contraception. Devant la classe j’ai rappelé les mots de Jean-Paul II au soir de son élection : « N’ayez pas peur ! Ouvrez toutes grandes les portes au Christ », et j’ai ajouté « la vérité rend libre » (Jean 8, 32). Alors l’élève a pris la parole, expliquant ce qu’elle vivait, ressentait, souffrait ; mais aussi confiant ses espérances en ses camarades, ses professeurs et ses parents. Une force intérieure émanait d’elle, un silence profond s’est fait lorsqu’elle a déclaré : « Cet enfant que je porte, je l’aime et je veux le garder ; je suis certaine que vous pouvez m’aider à tenir mon engagement ».

Les catéchèses qui ont suivies se sont révélées d’une richesse extraordinaire d’échanges, d’interrogations, de dialogue. D’autant que la loi Veil autorisant l’I.V.G. avait été promulguée trois ans auparavant. Il ne s’agissait plus de discourir sur la Parole de Dieu mais de la vivre et de la mettre en application. Mon épouse, qui attendait notre second enfant, m’a beaucoup aidé dans cette démarche. Une fois la parole libérée, les élèves ont pu affiner leur réflexion et dépasser les jugements « à l’emporte-pièce » entendus dans les médias et revues pour jeunes. La future maman s’est sentie comprise et soutenue dans son choix. Grâce à ses camarades et aux enseignants, elle a pu recevoir tous les cours et les accompagnements nécessaires pour mener de front grossesse et scolarité. Courant avril, bébé est né, un beau garçon… En juin les épreuves anticipées se sont bien déroulées…

Cette catéchèse « in vivo » a été vécue par toutes et tous d’une façon très particulière ; chacun(e) pouvait dire : « le règne de Dieu s’est approché de nous » (paraphrasant l’Évangile de Luc 10, 9)

Dominique Soupé

© Cathédrale de Papeete - 2018

En marge de l’actualité…

Jeunes et mission

Ce Dimanche 21 Octobre, l’Église nous invite à célébrer la journée mondiale des Missions. À cette occasion, le Pape François a publié une lettre intitulée : « Avec les jeunes, portons l’Évangile à tous ! » (voir P.K.0 de la semaine dernière) L’orientation de cette lettre rejoint l’événement du Synode sur les jeunes, la foi et le discernement vocationnel qui s’achève à Rome dans quelques jours. S’adressant aux jeunes, le Saint Père déclare : « L’occasion du Synode… au mois d’Octobre, mois missionnaire, nous offre l’opportunité de mieux comprendre, à la lumière de la Foi ce que le Seigneur Jésus veut vous dire, à vous les jeunes, et à travers vous, aux communautés chrétiennes ». Il évoque ensuite cette force intérieure de l’amour qui permet une ouverture à l’avenir et pousse l’existence en avant : « Personne autant que les jeunes ne sent combien la vie fait irruption et attire. Vivre avec joie sa propre responsabilité pour le monde est un grand défi. Je connais bien les lumières et les ombres propres au fait d’être jeune… Je me rappelle l’intensité de l’espérance pour un avenir meilleur ». Le Saint Père rappelle aux jeunes que par le Baptême, ils sont membres vivants de l’Église et qu’à ce titre, ils ont eux aussi la mission de porter l’Évangile à tous, grâce à cette Foi qui leur est transmise et qui nous relie aux générations de témoins qui nous ont précédés.

Pour pouvoir se rendre compte de la pertinence de ces paroles du Pape François, il fallait être à l’église Maria no te Hau ce week-end dernier. Plus de 1 200 jeunes de la plupart de nos paroisses de Tahiti s’étaient donné rendez-vous à l’initiative du Comité Diocésain de la Pastorale des Jeunes. En effet, ils étaient venus, non pas pour acclamer un chanteur connu qui donne un spectacle, ni pour assister à une compétition sportive décisive pour un championnat, ni pour assister à l’élection de Miss ou Mister Tahiti… Ils étaient là au nom du Christ, pour vivre un temps de rencontre, de prière, d’échange, de réflexion et de dialogue, pour dire à notre Église leurs attentes, leurs difficultés, leurs espérances, leurs projets, leurs combats contre la drogue, la violence, l’alcool, et contre tout ce qui pervertit leur façon de vivre leur sexualité. Après avoir échangé en groupes, ils ont dit à leur évêque leur soif d’être participants de la vie de l’Église, leur soif d’être entendus, d’être acceptés, mais aussi leur soif d’être formés, guidés, conseillés dans leur vie personnelle, leur soif de comprendre mieux le pourquoi des règles de fonctionnement et des exigences de cette institution qu’ils respectent mais ont souvent du mal à comprendre. Ils ont posé une trentaine de questions. En voici quelques-unes : « Comment l’Église peut nous aider dans notre conversion ? Pourquoi les femmes ne peuvent-elles pas être prêtres ? Pourquoi ce serait toujours aux jeunes de s’adapter et non pas les adultes ? Est-ce qu’être membre de l’Église, c’est être saint, être prêtre, évêque ? Pourquoi les prêtres ne peuvent-ils pas avoir de femme ? Comment reconnaître un appel ? » Ils ont demandé que leur soient proposées rencontres, retraites, lieux de formation, ils ont appelé leurs prêtres et les adultes de leurs communautés paroissiales à être plus proches d’eux, pour que, se sentant épaulés, soutenus, mieux écoutés et compris, ils puissent être consolidés dans leur foi et leur désir de vivre en Église, et deviennent ainsi à même de remplir la mission que Jésus Christ nous a confiée.

Un proverbe dit : « Si les jeunes n’existaient pas, le monde mourrait de froid ! » Puissent nos communautés être davantage ouvertes et accueillantes pour que tous, jeunes et adultes puissions relever ensemble le défi de la mission. Les jeunes ont besoin de l’expérience des adultes, les adultes ont besoin de l’audace des jeunes !

+ Monseigneur Jean Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete – 2018

Audience générale

La vie humaine est précieuse, sacrée et inviolable

Dans le cadre de l’audience générale de ce mercredi 17 octobre, tenue sur la Place Saint-Pierre, le Pape François a poursuivi sa série de catéchèses sur les Dix commandements, en revenant une nouvelle fois sur cette parole clé : « Tu ne tueras point ».

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, je voudrais poursuivre la catéchèse sur la Cinquième parole du Décalogue, « Tu ne tueras pas ». Nous avons déjà souligné comment ce commandement révèle qu’aux yeux de Dieu la vie humaine est précieuse, sacrée et inviolable. Personne ne peut mépriser la vie d’autrui ni sa propre vie ; en effet, l’homme porte en lui-même l’image de Dieu et il est l’objet de son amour infini, quelle que soit la condition dans laquelle il a été appelé à l’existence.

Dans le passage de l’Évangile que nous venons d’écouter, Jésus nous révèle un sens encore plus profond de ce commandement. Il affirme que, devant le tribunal de Dieu, la colère contre un frère est aussi une forme d’homicide. C’est pourquoi l’apôtre Jean écrira : « Quiconque a de la haine contre son frère est un meurtrier » (1 Jn 3,15). Mais Jésus ne s’arrête pas là et, dans la même logique, il ajoute que l’insulte et le mépris peuvent aussi tuer. Et nous sommes habitués à insulter, c’est vrai. Et l’insulte nous vient comme une respiration. Et Jésus nous dit : « Arrête-toi, parce que l’insulte fait mal, elle tue ». Le mépris. « Mais je… ces gens, celui-ci, je le méprise ». Et ceci est une manière de tuer la dignité d’une personne. Et ce serait beau si cet enseignement de Jésus entrait dans l’esprit et dans le cœur et si chacun de nous disait : « Je n’insulterai jamais personne ». Ce serait une belle résolution, parce que Jésus nous dit : « Regarde, si tu méprises, si tu insultes, si tu haïs, c’est un meurtre ».

Aucun code humain ne compare des actes aussi différents en leur assignant le même degré de jugement. Et, de manière cohérente, Jésus invite carrément à interrompre l’offrande du sacrifice dans le temple si l’on se rappelle qu’un frère a été offensé par nous, pour aller le chercher et se réconcilier avec lui. Nous aussi, quand nous allons à la messe, nous devrions avoir ce comportement de réconciliation avec les personnes avec lesquelles nous avons eu des problèmes. Et aussi si nous avons pensé du mal d’elles, si nous les avons insultées. Mais bien souvent, pendant que nous attendons la venue du prêtre pour dire la messe, on bavarde un peu et on dit du mal des autres. Mais cela n’est pas possible. Pensons à la gravité de l’insulte, du mépris, de la haine : Jésus les met au même niveau que le meurtre.

Que veut dire Jésus lorsqu’il étend jusque-là le domaine de la cinquième parole ? L’homme a une vie noble, très sensible, et il possède un moi profond qui n’est pas moins important que son être physique. En effet, pour offenser l’innocence d’un enfant, il suffit d’une phrase inopportune. Pour blesser une femme, un geste de froideur peut suffire. Pour briser le cœur d’un jeune, il suffit de lui refuser sa confiance. Pour anéantir un homme, il suffit de l’ignorer. L’indifférence tue. C’est comme si l’on disait à l’autre personne : « Pour moi, tu es mort », parce que tu l’as tué dans ton cœur. Ne pas aimer est le premier pas pour tuer ; et ne pas tuer est le premier pas pour aimer.

Dans la Bible, au commencement, on lit cette phrase terrible sortie de la bouche du premier meurtrier, Caïn, après que le Seigneur lui a demandé où était son frère. Caïn répond : « Je ne sais pas. Est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère ? » (Gen 4,9)[1]. C’est ainsi que parlent les assassins : « Cela ne me regarde pas », « ce sont tes affaires », etc. Essayons de répondre à cette question : sommes-nous les gardiens de nos frères ? Oui, nous le sommes ! Nous sommes les gardiens les uns des autres ! Et voilà le chemin de la vie, c’est le chemin du refus du meurtre.

La vie humaine a besoin d’amour. Et quel est l’amour authentique ? C’est celui que le Christ nous a montré, c’est-à-dire la miséricorde. L’amour dont nous ne pouvons pas nous passer est celui qui pardonne, qui accueille celui qui nous a fait du mal. Personne d’entre nous ne peut survivre sans miséricorde, nous avons tous besoin du pardon. Par conséquent, si tuer signifie détruire, supprimer, éliminer quelqu’un, alors ne pas tuer voudra dire prendre soin, valoriser, inclure. Et aussi pardonner.

Personne ne peut s’illusionner en pensant : « Je suis bien parce que je ne fais rien de mal ». Un minéral ou une plante a ce genre d’existence, mais pas un homme. Une personne – un homme ou une femme – non. À un homme ou à une femme il est demandé davantage. Il y a du bien à faire, préparé pour chacun de nous, chacun le sien, qui nous permet d’être nous-mêmes jusqu’au bout. « Tu ne tueras pas » est un appel à l’amour et à la miséricorde, c’est un appel à vivre selon le Seigneur Jésus qui a donné sa vie pour nous et qui est ressuscité pour nous. Une fois, nous avons répété tous ensemble, ici sur la Place, une phrase d’un saint à ce sujet. Cela nous aidera peut-être : « Ne pas faire de mal est une bonne chose. Mais ne pas faire de bien n’est pas bon ». Nous devons toujours faire du bien. Aller au-delà.

Lui, le Seigneur qui, en s’incarnant, a sanctifié notre existence ; lui qui, par son sang, l’a rendue inestimable ; lui, « l’auteur de la vie » (Ac 3,15), grâce à qui chacun est un cadeau du Père. En lui, dans son amour plus fort que la mort, et par la puissance de l’Esprit que le Père nous donne, nous pouvons accueillir la parole « Tu ne tueras pas » comme l’appel le plus important et essentiel : ne pas tuer signifie que l’appel à l’amour est un.

© Libreria Editrice Vaticana – 2018

Éthique – Don d’organes

Mgr Romero, martyr

C’éatit une nouvelle attendue depuis longtemps : Mgr Oscar Romero, archevêque de San Salvador assassiné en pleine messe le 24 mars 1980, a été reconnu martyr. L’Église a reconnu qu’il a été tué en haine de la foi.

Qui était Mgr Romero ?

Oscar Romero était l’archevêque de San Salvador de 1977 à 1980, la capitale du petit État d’Amérique centrale d’El Salvador. Durant son ministère épiscopal, El Salvador était dirigé d’une main de fer par l’Armée. En 1979, le pays sombra dans la guerre civile entre le gouvernement, soutenu et armé par les Américains, et la guérilla marxiste. Pour lutter contre la guérilla, la dictature arma des milices paramilitaires, les escadrons de la mort.

Les causes de la guerre civile sont multiples. La grande misère de la population, la terreur de la dictature y sont pour beaucoup. Mgr Romero était très proche des pauvres du pays. Engagé auprès d’eux, il comprit que le marxisme se nourrissait de la misère et de la pauvreté. Mais surtout, il fut témoin de la persécution que le gouvernement infligeait aux religieux proches des pauvres qu’on accusait de « communisme » et de sympathie pour les guerilleros.

Le raccourci est trop facile. Ni les religieux assassinés, ni Mgr Romero n’étaient communistes. Mais cette « accusation » n’est pas nouvelle : déjà en 1848, Frédéric Ozanam disait aux prêtres : « Ne vous effrayez pas quand les mauvais riches, froissés de vos discours, vous traiteront de communistes »… Dom Helder Camara, archevêque de Recife contemporain de Romero disait aussi : « Je nourris un pauvre et l’on me dit que je suis un saint. Je demande pourquoi le pauvre n’a pas de quoi se nourrir et l’on me traite de communiste. » Ces deux citations de deux figures du catholicisme social résument très bien ce qu’a vécu Romero. Les « mauvais riches » du Salvador ont accusé le prélat de communisme et l’on fait assassiner.

Pire : lors des funérailles de Mgr Romero, des coups de feu ont été tiré contre la foule de 340 000 personnes qui lui rendaient un dernier hommage.

Les assassins de Mgr Romero n’ont jamais été jugés alors que leur identité était connue.

Mais pourquoi le gouvernement s’acharnait-il contre l’évêque ? Mgr Romero demandait l’arrêt de toute violence, il appelait les États-Unis à cesser de fournir des armes à l’armée et il demandait aux soldats de désobéir. Il appelait à la paix et à une solution non violente du conflit ; il défendait les paysans sans terres qui travaillaient sans relâche pour des salaires de misère. L’économie du pays était concentrée entre les mains de quelques-uns, les masses laborieuses étaient plongées dans la misère…

Mgr Romero exerça un ministère prophétique de Justice sociale. Il n’était pourtant pas un théologien de la libération, bien au contraire il avait un profil proche de l’Opus Dei. Ce qui tord le cou à la légende d’une Opus Dei soutenant des dictateurs sud-américains.

La vision sociale de Mgr Romero est tout simplement celle de l’Église. Il l’exprime parfaitement dans son discours à l’université de Louvain du 2 février 1980, un mois avant sa mort :

« L’essence de l’Église est dans sa mission de service du monde, dans sa mission de le sauver en totalité, et de le sauver dans l’histoire, ici et maintenant. L’Église est là pour être solidaire des espoirs et des joies, des angoisses et des tristesses des hommes. Comme Jésus, l’Église existe pour évangéliser les pauvres et relever les opprimés, pour chercher et sauver ce qui était perdu. »

L’Église est proche des pauvres, elle vit avec eux. Elle connait les problèmes des pauvres : « Le fait de constater ces réalités et d’en recevoir l’impact, loin de nous détourner de notre foi, nous a rendus au monde des pauvres comme à notre lieu véritable ; il nous a poussé, comme premier pas fondamental, à nous incarner dans le monde des pauvres. (…) Là nous avons rencontré les paysans sans terre et sans travail stable, sans eau ni lumière dans leurs pauvres demeures, sans assistance médicale quand les mères mettent au monde un enfant et sans école quand les enfants commencent à grandir. Là nous avons rencontré les ouvriers dépourvus de droits syndicaux, renvoyés des usines quand ils réclament ces droits, réduits à la merci des froids calculs de l’économie.

Là nous avons rencontré les mères et les épouses des disparus et des prisonniers politiques. Là nous avons rencontré les habitants des taudis dont la misère dépasse toute imagination et qui subissent l’injure permanente des beaux quartiers tout proches. »

Et il ajoute : « Dans ce monde sans visage humain, sacrement actuel du Serviteur souffrant de Yahvé, l’Église de mon diocèse a essayé de s’incarner. »

L’Église dont parle Mgr Romero n’est pas seulement prophétique, mais elle est aussi christique : elle a décidé de s’incarner au milieu des pauvres.

En s’incarnant, comme le Christ, l’Église subit sa passion. Elle est persécutée, elle subit le martyr. Comme il le disait dans le discours de Louvain : « Pour donner vie aux pauvres, il faut donner de sa vie, et même donner sa vie. »

Mgr Romero a donné sa vie pour les pauvres. Il a été un autre Christ. En subissant le martyr lors de l’eucharistie, il a pleinement accomplit les paroles de la consécration : Ceci est mon corps livré pour vous. Il est devenu une hostie vivante, comme le dit Saint Paul : « Je vous exhorte donc, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte (Rm 12,1). »

Quand Mgr Romero a été assassiné, il disait son homélie qui contenait le message de son don total pour les pauvres. Ce sont ses derniers mots :

« De cette sainte messe, donc, de cette Eucharistie, est précisément un acte de foi : Avec la foi chrétienne, il semble en ce moment que la voix diatribe se convertit en corps du Seigneur qui s’offrit pour la Rédemption du monde et qu’en ce calice, le vin se transforme en ce Sang qui fut le prix du Salut. Que ce Corps immolé et ce Sang sacrifié pour les hommes, nous alimentent également pour offrir notre corps et notre sang à la souffrance et à la douleur, comme le Christ, non pour soi-même, sinon pour apporter des concepts de justice et de paix à notre peuple. Unissons-nous donc intimement, en foi et en espérance, à ce moment de prière pour Dona Sarita et  pour nous… »

Après ces mots, un coup de feu retenti dans l’Église. Tout était accompli.

Charles Vaugirard

© Cahier libre – 2015

Éthique – Don d’organes

« Le don d’organe est une forme particulière de témoignage de la charité »

Le pape Benoît XVI a rappelé ce vendredi que le don d’organes vitaux ne peut avoir lieu que si la mort du donneur a été constatée et si la famille a donné son consentement.

Vénérés confrères dans l'épiscopat,

Mesdames et Messieurs !

Le don d'organes est une forme particulière de témoignage de la charité. À une époque comme la nôtre, souvent marquée par différentes formes d'égoïsme, il est toujours plus urgent de comprendre combien il est déterminant pour une conception correcte de la vie d'entrer dans la logique de la gratuité. Il existe, en effet, une responsabilité de l'amour et de la charité qui engage à faire de sa propre vie un don pour les autres, si on veut vraiment se réaliser soi-même. Comme le Seigneur Jésus nous l'a enseigné, seul celui qui donne sa vie pourra la sauver (cf. Lc 9, 24). Je salue toutes les personnes présentes… .

L'histoire de la médecine montre avec évidence les grands progrès qui ont pu être réalisés pour permettre une vie toujours plus digne à toute personne qui souffre. Les greffes de tissus et d'organes représentent une grande conquête de la science médicale et sont certainement un signe d'espérance pour de nombreuses personnes dont la situation clinique devient grave et parfois extrême. Si nous élargissons notre regard au monde entier, il est facile d'identifier les nombreux cas où, grâce à la technique des greffes d'organes, beaucoup de personnes ont surmonté des situations extrêmement critiques et ont été rendues à la joie de vivre. Cela n'aurait pu se produire si l'engagement des médecins et la compétence des chercheurs n'avaient pas pu compter sur la générosité et sur l'altruisme de ceux qui ont donné leurs organes. La question de la disponibilité d'organes vitaux à greffer, malheureusement, n'est pas théorique, mais dramatiquement pratique ; elle peut se vérifier dans la longue liste des nombreux malades dont les seules chances de survie sont liées à des disponibilités limitées qui ne répondent pas aux besoins réels.

Il est utile, surtout dans le contexte actuel, de revenir à la réflexion sur cette conquête de la science, pour que la multiplication des demandes de greffes ne conduise pas à modifier les principes éthiques qui en sont à la base. Comme je l'ai dit dans ma première Encyclique, le corps ne pourra jamais être considéré comme un simple objet (cf. Deus caritas est, n.5) ; la logique du marché, sans cela, aurait le dessus. Le corps de chaque personne, avec l'esprit qui est donné de façon singulière à chacun, constitue une unité indissociable sur laquelle est inscrite l'image de Dieu même. Faire abstraction de cette dimension conduise à des perspectives incapables de percevoir la totalité du mystère présent en chacun. Il est donc nécessaire de placer avant toute autre considération le respect de la dignité de la personne et la protection de son identité personnelle. En ce qui concerne la technique de la greffe d'organes, cela signifie que l'on ne peut donner que si sa santé n'est pas et ne sera jamais mise en danger, ainsi que sa propre identité, et toujours pour des raisons moralement valides et proportionnées. D'éventuelles logiques de commerce des organes, tout comme l'adoption de critères discriminatoires ou utilitaristes, seraient tellement en contradiction avec le sens implicite du don qu'elles se mettraient elles-mêmes hors-jeu, tout en constituant des actes moralement interdits. Les abus dans les greffes d'organes et leur trafic, qui touchent souvent des personnes innocentes comme les enfants, doivent trouver unie dans son refus catégorique la communauté scientifique et médicale, en tant que pratiques inacceptables. Aussi doivent-ils être fermement condamnés en tant qu'actes abominables. Le même principe éthique doit être réaffirmé quand on veut arriver à la création et à la destruction d'embryons humains destinés à des fins thérapeutiques. La simple idée de considérer l'embryon comme « un matériel thérapeutique » contredit les bases culturelles, civiles et éthiques sur lesquelles repose la dignité de la personne.

Il arrive souvent que la technique de la greffe d'organes s'accomplisse par un geste d'une gratuité totale de la part des parents des patients dont le décès a été établi. Dans ces cas-là, le consentement informé est une condition préalable de liberté, pour que la greffe ait la caractéristique d'un don et ne soit pas interprétée comme un acte contraint ou comme une exploitation. Il est utile de rappeler, cependant, que tous les organes vitaux ne peuvent être prélevés qu'ex cadavere, lequel possède d'ailleurs une dignité qui doit être respectée. Ces dernières années, la science a réalisé de nouveaux progrès dans l'établissement de la mort du patient. Il est donc bon que les résultats obtenus reçoivent le consentement de toute la communauté scientifique, afin de favoriser la recherche de solutions qui donnent une certitude à tous. Dans un contexte comme celui-ci, en effet, il ne peut y avoir le moindre soupçon d'arbitraire et le principe de précaution doit prévaloir là où l'on n'est encore arrivé à aucune certitude. Pour cela, il est utile de développer la recherche et la réflexion interdisciplinaire de telle manière que l'opinion publique elle-même soit placée devant la vérité la plus transparente sur les implications anthropologiques, sociales éthiques et juridiques de la pratique des greffes. Dans ces cas-là, cependant, le critère principal qui vaut est le respect de la vie du donneur afin que le prélèvement d'organes soit permis seulement en présence de son décès réel (cf. Compendium du catéchisme de l'Eglise catholique, n.476). L'acte d'amour qui s'exprime par le don de ses organes demeure un témoignage authentique de charité qui sait regarder au-delà de la mort pour que la vie gagne toujours. Celui qui le reçoit devrait être bien conscient de la valeur de ce geste ; il est le destinataire d'un don qui va au-delà du bénéfice thérapeutique. Ce qu'il reçoit, en effet, avant même d'être un organe est un témoignage d'amour qui doit susciter une réponse tout aussi généreuse, afin de développer la culture du don et de la gratuité.

La voie royale à suivre, jusqu'à ce que la science arrive à découvrir d'éventuelles nouvelles formes de thérapie plus avancées, devra être la formation et la diffusion d'une culture de la solidarité qui s'ouvre à tous et n'exclue personne. Une médecine des greffes correspondant à une éthique du don exige de la part de tous l'engagement d'investir chaque effort possible dans la formation et dans l'information, afin de sensibiliser toujours davantage les consciences à une problématique qui concerne directement la vie de nombreuses personnes. Il sera nécessaire, cependant, de fuir les préjugés et les malentendus, de dissiper les méfiances et les peurs pour les remplacer par des certitudes et des garanties, de manière à permettre le développement chez tous d'une conscience toujours plus étendue du grand don de la vie.

Avec ces sentiments, tandis que je souhaite à chacun de poursuivre son engagement avec compétence et professionnalisme, j'invoque l'aide de Dieu sur les travaux du congrès et je vous donne à tous de tout cœur ma Bénédiction.

© Libreria Editrice Vaticana – 2008

 

[1] Cf. Catéchisme de l’Église catholique, 2259 : « L’Écriture, dans le récit du meurtre d’Abel par son frère Caïn (cf. Gn 4, 8-12), révèle, dès les débuts de l’histoire humaine, la présence dans l’homme de la colère et de la convoitise, conséquences du péché originel. L’homme est devenu l’ennemi de son semblable. Dieu dit la scélératesse de ce fratricide : “Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie vers moi. Maintenant donc maudit sois-tu de par le sol qui a ouvert sa bouche pour prendre de ta main le sang de ton frère” (Gn 4, 10-11) ».

Commentaire des lectures du dimanche

Les lectures bibliques nous présentent aujourd’hui le thème du service et nous appellent à suivre Jésus sur le chemin de l’humilité et de la croix.

Le prophète Isaïe décrit la figure du Serviteur du Seigneur (53, 10-11) et sa mission de salut. Il s’agit d’un personnage qui ne se vante pas de généalogies illustres, il est méprisé, évité par tous, expert en souffrance. Quelqu’un à qui on n’attribue pas d’entreprises grandioses, ni de discours célèbres, mais qui mène à son accomplissement le plan de Dieu à travers une présence humble et silencieuse et à travers sa propre souffrance. Sa mission, en effet, se réalise au moyen de la souffrance, qui lui permet de comprendre ceux qui souffrent, de porter le fardeau des fautes d’autrui et de les expier. L’exclusion et la souffrance du Serviteur du Seigneur, prolongées jusqu’à la mort, se révèlent féconde au point de racheter et de sauver les multitudes.

Jésus est le Serviteur du Seigneur : sa vie et sa mort, entièrement dans la forme du service (cf. Ph 2, 7), ont été cause de notre salut et de la réconciliation de l’humanité avec Dieu. Le kérygme, cœur de l’Évangile, atteste que dans sa mort et sa résurrection se sont accomplies les prophéties du Serviteur du Seigneur. Le récit de saint Marc décrit la scène de Jésus aux prises avec les disciples Jacques et Jean, qui – soutenus par leur mère – voulaient s’asseoir à sa droite et à sa gauche dans le royaume de Dieu (cf. Mc 10, 37), revendiquant des places d’honneur, selon leur vision hiérarchique du royaume même. La perspective dans laquelle ils se placent se révèle encore polluée par des rêves de réalisation terrestre. Jésus alors donne une première « secousse »” à ces convictions des disciples rappelant son chemin sur cette terre : « La coupe que je vais boire, vous la boirez… quant à siéger à ma droite et à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela a été préparé » (vv. 39-40). Avec l’image de la coupe, il assure aux deux la possibilité d’être associés jusqu’au bout à son destin de souffrance, sans toutefois garantir les places d’honneur ambitionnées. Sa réponse est une invitation à le suivre sur le chemin de l’amour et du service, repoussant la tentation mondaine de vouloir exceller et commander aux autres.

Devant des gens qui intriguent pour obtenir le pouvoir et le succès, pour se faire voir, devant des gens qui veulent que leurs mérites personnels, leurs œuvres personnelles soient reconnus, les disciples sont appelés à faire le contraire. Il les avertit donc : « Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maître ; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur » (vv. 42-44). Avec ces paroles, il indique le service comme style de l’autorité dans la communauté chrétienne. Celui qui sert les autres et est réellement sans prestige exerce la véritable autorité dans l’Église. Jésus nous invite à changer de mentalité et à passer de la convoitise du pouvoir à la joie de disparaître et de servir ; à extirper l’instinct de domination sur les autres et à exercer la vertu de l’humilité.

Et après avoir présenté un modèle à ne pas imiter, il s’offre lui-même comme idéal auquel se référer. Dans l’attitude du Maître, la communauté trouvera la motivation de la nouvelle perspective de vie : « Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (v. 45). Dans la tradition biblique, le Fils de l’homme est celui qui reçoit de Dieu « domination, gloire et royauté » (Dn 7, 14). Jésus remplit d’un nouveau sens cette image et précise qu’il a le pouvoir en tant que serviteur, la gloire en tant que capable d’abaissement, l’autorité royale en tant que disponibilité au don total de sa vie. C’est en effet, par sa passion et sa mort qu’il conquiert la dernière place, atteint le maximum de grandeur dans le service, et en fait don à son Église. 

Il y a incompatibilité entre une manière de concevoir le pouvoir selon des critères mondains et l’humble service qui devrait caractériser l’autorité selon l’enseignement et l’exemple de Jésus. Incompatibilité entre ambitions, arrivismes et suite du Christ ; incompatibilité entre honneurs, succès, réputation, triomphes terrestres et la logique du Christ crucifié. Il y a au contraire compatibilité entre Jésus “expert en souffrance” et notre souffrance. La Lettre aux Hébreux, qui présente le Christ comme le souverain prêtre qui partage en tout notre condition humaine, excepté le péché, nous le rappelle : « Nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché » (4,15). Jésus exerce essentiellement un sacerdoce de miséricorde et de compassion. Il a fait l’expérience directe de nos difficultés, il connaît de l’intérieur notre condition humaine ; ne pas avoir fait l’expérience du péché ne l’empêche pas de comprendre les pécheurs. Sa gloire n’est pas celle de l’ambition ou de la soif du pouvoir, mais c’est la gloire d’aimer les hommes, d’assumer et de partager leur faiblesse et de leur offrir la grâce qui guérit, de les accompagner avec une infinie tendresse, de les accompagner sur leur chemin de souffrance.

Chacun de nous, en tant que baptisé, participe pour la part qui lui est propre au sacerdoce du Christ ; les fidèles laïcs au sacerdoce commun, les prêtres au sacerdoce ministériel. Tous nous pouvons donc recevoir la charité qui émane de son Cœur ouvert aussi bien pour nous-mêmes que pour les autres : en devenant des « canaux » de son amour, de sa compassion, spécialement envers tous ceux qui sont dans la douleur, dans l’angoisse, dans le découragement et dans la solitude.

© Libreria Editrice Vaticana – 2015