Pko 14.01.2018
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°03/2018
Dimanche 14 janvier 2018 – 2ème Dimanche du Temps ordinaire – Année B
« Maître, où demeures-tu ? »
« Pourquoi est-ce que toutes ces personnes issues de pays de merde viennent ici ? » Ce sont les propos que le président des États-Unis d’Amérique aurait tenus jeudi. Les réactions ne se sont pas fait attendre… tout le monde y va de son commentaire indigné…
Vrai… pas vrai… ces propos scandaleux font il dire tout haut ce que notre monde occidental pense tout bas… Le mépris de l’autre, le refus de l’accueil de celui qui n’est pas comme nous… Il suffit de lire ou entendre les commentaires ici à Tahiti depuis la crise économique qui disent et redisent : « Ces gens des îles, pourquoi ils ne retournent pas chez eux ? »
Tant que tu m’apportes quelque chose, tu es bien venu… si tu me coûtes, alors rentre chez toi !
Jésus fut un migrant dès sa conception… « Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem » (Lc 2,4)
Jésus fut un émigré politique : « Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. » (Mt 2,13).
« “Maître, où demeures-tu ” Il leur dit : “Venez, et vous verrez”. »… « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. » (Mt 8,20).
Être disciple du Christ, c’est être « migrant », c’est être de passage… Ne nous comportons pas comme des propriétaires… Apprenons à aimer l’autre, l’étranger comme nous-même !
Laissez-moi vous dire…
14 janvier 2018 : Journée du migrant et du réfugié Fils et filles de migrants ?
Quand je reçois le nouvel annuaire de l’Office des Postes, j’aime le parcourir, et ainsi me promener dans cette mosaïque culturelle que représentent les abonnés au téléphone. Au hasard, sans privilégier ni cibler quiconque, je trouve : Nouveau, Coppenrath, Leontieff, Tehina, Leou, Bruneau, Ceran, Arai, Otcenasek, Hikutini, Viriamu, Wong, Ihorai, Lucas, Mariassoucé, Saminadame, Soupé, Oopa, Tepehu, Malinowski, Brotherson …
Quel beau tifaifai feraient tous les visages habitant ces noms réunis en un seul tableau !
Quelle est l’histoire de chacune de ces familles ? Un grand-père venu poser son sac à l’occasion d’un voyage en voilier. Une longue lignée d’ancêtres qui ont parcouru les mers en pirogue à voile, voguant à la recherche d’une terre hospitalière au gré des courants marins, des alizées, tout en se fiant aux constellations. Un arrière-arrière-grand-père qui a fui la famine en Chine continentale cherchant à louer ses bras pour se nourrir. Un parent apatride échappé des griffes des nazis. Des aïeux issus de l’administration coloniale. Des descendants de marins espagnols échoués aux Marquises…
Certains frères de Ploërmel, des sœurs de Cluny, d’anciens enseignants, des pasteurs… ayant vu défiler des générations d’élèves, sont capables de se souvenir de la lignée d’un grand nombre de leurs ancien(ne)s élèves.
Alors que beaucoup de pays envisagent des lois pour refouler les migrants, en ce dimanche 14 janvier consacré aux migrants et aux réfugiés, il semble intéressant, voire important, de se souvenir de ses origines familiales. Tout homme, toute femme est une histoire sacrée qu’il convient d’estimer et de respecter. Chacun(e) a peut-être un ancêtre, un parent migrant ou venu se réfugier pour trouver un havre de paix, une famille d’accueil, un employeur compréhensif, un lopin de terre…
Mises en parallèle, toutes ces lignées pourraient bien nous prouver que nous ne sommes pas étrangers les uns aux autres. Certains se découvrent liés à des familles originaires de la vieille Russie d’avant les soviets ; ou encore liés à la famille royale d’Angleterre ; ou issus d’une famille royale maohi… Dans tous les cas, par la foi en Christ, nous sommes tous frères et sœurs…
Saint Jean-Paul II disait fort justement : L’intégration n’est pas « une assimilation, qui conduit à supprimer ou à oublier sa propre identité culturelle. Le contact avec l'autre amène plutôt à en découvrir le “secret”, à s'ouvrir à lui pour en accueillir les aspects valables et contribuer ainsi à une plus grande connaissance de chacun. Il s'agit d'un processus de longue haleine qui vise à former des sociétés et des cultures, en les rendant toujours davantage un reflet des dons multiformes de Dieu aux hommes » (Jean-Paul II, Message pour la Journée Mondiale du migrant et du réfugié, 2005).
Dominique Soupé
Deux interrogations :
- Actuellement nous avons un bon nombre d’« itinérants » [comme disent les Canadiens à propos des SDF], comment sont-ils accueillis ?
- Dans les prochaines années, n’aurons-nous pas à accueillir d’autres types de réfugiés : les « réfugiés climatiques » victimes de la montée des eaux océaniques ?
© Cathédrale de Papeete - 2018
En marge de l’actualité…
Des résolutions pour 2018 ?
La nouvelle année prend progressivement ses marques. Les beaux moments vécus en famille ou entre amis à l’occasion des fêtes se transforment en souvenirs. La vie ordinaire reprend son cours. Son cortège de tracas et de choses sérieuses, que nous pensions peut-être enfouis pour un temps, refait surface.
Mais il est encore temps de souhaiter les meilleurs vœux à des collègues de travail ou des proches que nous n’avons pas encore vus. L’occasion est offerte d’un partage amical sur le menu du réveillon – à vrai dire assez semblable à tous –, la bringue et le ma’a tahiti du jour de l’an, les éventuelles résolutions pour 2018.
Après les grandes solennités de Noël, la fête des Rois, le Baptême du Seigneur, la vie liturgique de l’Église également a renoué avec le temps ordinaire. Nous avons commencé à entendre l’Évangile de saint Marc qui nous accompagne durant l’année B du calendrier liturgique.
Le nouveau-né de la crèche a grandi. Il a quitté son village natal et ses proches. Pour Jésus, le temps de l’enfance est révolu. Il en garde certainement de beaux souvenirs, mais il n’est pas attaché au passé. Le plus grand est à venir. Poussé par l’Esprit, il est résolu à faire avant tout la volonté de son Père.
Après le baptême dans les eaux du Jourdain, puis l’épreuve du désert, Jésus arpente donc les chemins de la Galilée. Il appelle ses premiers disciples, accomplit des guérisons, sa renommée commence à se répandre. Il porte un message : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »
Belles résolutions, non ?
R.P. Vetea BESSERT
© Archidiocèse de Papeete - 2018
Audience générale…
Vivre le silence de la messe sans se presser
Ce mercredi 10 janvier 2018, lors de l’audience générale, le Pape François a évoqué le chant du « Gloire à Dieu », « joyeuse annonce de l’étreinte entre ciel et terre » qui reprend les paroles des Anges à la Nativité. Mais François a surtout insisté sur le rôle de la « Collecte », cette oraison qui suit le Gloria. Il a demandé aux fidèles de profiter de ce temps de recueillement silencieux pour rassembler leurs prières.
Chers frères et sœurs, bonjour !
Dans le parcours de catéchèse sur la célébration eucharistique, nous avons vu que l’acte pénitentiel nous aide à nous dépouiller de nos prétentions et à nous présenter à Dieu tels que nous sommes réellement, conscients d’être pécheurs, dans l’espoir d’être pardonnés.
C’est précisément de la rencontre entre la misère humaine et la miséricorde divine que prend vie la gratitude exprimée dans le « Gloire à Dieu », « une hymne très ancienne et vénérable par laquelle l’Église, rassemblée dans l’Esprit-Saint, glorifie et supplie Dieu le Père et l’Agneau » (Présentation générale du Missel romain, 53).
Le début de cette hymne – « Gloire à Dieu au plus haut des cieux » – reprend le chant des anges à la naissance de Jésus à Bethléem, joyeuse annonce de l’étreinte entre le ciel et la terre. Ce chant nous implique nous aussi, rassemblés dans la prière : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ». Après le « Gloire à Dieu », ou plutôt, quand il n’y a pas celui-ci, aussitôt après l’acte pénitentiel, la prière prend une forme particulière dans l’oraison nommée « collecte », à travers laquelle est exprimé le caractère propre de la célébration, variable selon les jours et les temps de l’année (cf. ibid., 54). Par l’invitation « Prions », le prêtre exhorte le peuple à se recueillir avec lui pendant un moment de silence, afin de prendre conscience qu’il est en présence de Dieu et de faire émerger, chacun dans son cœur, les intentions personnelles avec lesquelles il participe à la messe (cf. ibid., 54). Le prêtre dit « Prions », puis vient un moment de silence et chacun pense à ce dont il a besoin, ce qu’il veut demander, dans la prière.
Le silence ne se réduit pas à l’absence de parole, mais consiste à se disposer à écouter d’autres voix : celle de notre cœur et, surtout, la voix de l’Esprit-Saint. Dans la liturgie, la nature du silence sacré dépend du moment où il a lieu : « Pendant l’acte pénitentiel et après l’invitation à la prière, il aide au recueillement ; après la lecture et l’homélie, c’est un rappel à méditer brièvement sur ce que l’on a écouté ; après la communion, il favorise la prière intérieure de louange et de supplication » (ibid., 45).
Par conséquent, avant l’oraison initiale, le silence aide à se recueillir et à penser à la raison pour laquelle nous sommes là. Il est alors important d’écouter notre âme pour l’ouvrir ensuite au Seigneur. Peut-être venons-nous un jour de fatigue, de joie, de souffrance, et nous voulons le dire au Seigneur, invoquer son aide, lui demander d’être proche de nous ; nous avons des proches et des amis malades ou qui traversent des épreuves difficiles, nous désirons confier à Dieu le sort de l’Église et du monde. Et c’est à cela que sert le bref silence avant que le prêtre, rassemblant les intentions de chacun, exprime à haute voix à Dieu, au nom de tous, la prière commune qui conclut les rites d’introduction, faisant justement la “collecte” de toutes les intentions. Je recommande vivement aux prêtres d’observer ce moment de silence et de ne pas hâter « Prions » mais de faire silence. Je recommande ceci aux prêtres. Sans ce silence, nous risquons de négliger le recueillement de l’âme.
Le prêtre récite cette supplication, cette oraison de collecte, les bras étendus dans l’attitude du priant, assumée par les chrétiens depuis les premiers siècles – comme en témoignent les fresques des catacombes romaines – pour imiter le Christ les bras ouverts sur le bois de la croix. Et là, le Christ est le priant et il est aussi la prière ! Sur le crucifix, nous reconnaissons le prêtre qui offre à Dieu le culte qui lui plaît, c’est-à-dire l’obéissance filiale.
Dans le rite romain, les oraisons sont concises mais riches de signification : on peut faire beaucoup de belles méditations sur ces oraisons. Très belles ! Revenir sur ces textes pour les méditer, même en dehors de la messe, peut nous aider à apprendre comment nous adresser à Dieu, quoi demander et quels mots employer. Puisse la liturgie devenir pour nous tous une véritable école de prière !
© Libreria Editrice Vatican - 2018
Journée mondiale du migrant et du réfugié…
Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les migrants et les réfugiés
Comment mieux accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les migrants et les réfugiés ? C’est la question à laquelle répond le Pape François, dans un message publié le lundi 21 aout 2017, à l’occasion de la Journée mondiale du migrant et du réfugié, le 14 janvier 2018.
Chers frères et sœurs,
« L’immigré qui réside avec vous sera parmi vous comme un compatriote, et tu l’aimeras comme toi-même, car vous-mêmes avez été immigrés au pays d’Égypte. Je suis le Seigneur votre Dieu » (Lv 19, 34).
Durant les premières années de mon pontificat, j’ai exprimé à maintes reprises une préoccupation spéciale concernant la triste situation de nombreux migrants et réfugiés qui fuient les guerres, les persécutions, les catastrophes naturelles et la pauvreté. Il s’agit sans doute d’un “signe des temps” que j’ai essayé de lire, en invoquant la lumière de l’Esprit Saint depuis ma visite à Lampedusa le 8 juillet 2013. En créant le nouveau Dicastère pour le Service du Développement humain intégral, j’ai voulu qu’une section spéciale, placée ad tempus sous mon autorité directe, exprime la sollicitude de l’Église envers les migrants, les personnes déplacées, les réfugiés et les victimes de la traite.
Tout immigré qui frappe à notre porte est une occasion de rencontre avec Jésus Christ, qui s’identifie à l’étranger de toute époque accueilli ou rejeté (cf. Mt 25, 35.43). Le Seigneur confie à l’amour maternel de l’Église tout être humain contraint à quitter sa propre patrie à la recherche d’un avenir meilleur (Cf. Pie XII, Constitution apostolique Exsul Familia, Titulus Primus, I, 1er août 1952). Cette sollicitude doit s’exprimer concrètement à chaque étape de l’expérience migratoire : depuis le départ jusqu’au voyage, depuis l’arrivée jusqu’au retour. C’est une grande responsabilité que l’Église entend partager avec tous les croyants ainsi qu’avec tous les hommes et femmes de bonne volonté, qui sont appelés à répondre aux nombreux défis posés par les migrations contemporaines, avec générosité, rapidité, sagesse et clairvoyance, chacun selon ses propres possibilités.
À ce sujet, nous souhaitons réaffirmer que « notre réponse commune pourrait s’articuler autour de quatre verbes fondés sur les principes de la doctrine de l’Église : « accueillir, protéger, promouvoir et intégrer » (Discours aux participants au Forum International “Migrations et paix”, 21 février 2017).
En considérant la situation actuelle, accueillir signifie avant tout offrir aux migrants et aux réfugiés de plus grandes possibilités d’entrée sûre et légale dans les pays de destination. En ce sens, un engagement concret est souhaitable afin que soit étendu et simplifié l’octroi de visas humanitaires et pour le regroupement familial. En même temps, je souhaite qu’un plus grand nombre de pays adoptent des programmes de patronage privé et communautaire et ouvrent des corridors humanitaires pour les réfugiés les plus vulnérables. En outre, il serait opportun de prévoir des visas temporaires spéciaux pour les personnes qui fuient les conflits dans les pays voisins. Les expulsions collectives et arbitraires de migrants et de réfugiés ne constituent pas une solution adéquate, surtout lorsqu’elles sont exécutées vers des pays qui ne peuvent pas garantir le respect de la dignité et des droits fondamentaux (Cf. Intervention du Représentant permanent du Saint-Siège à la 103ème Session du Conseil de l’OIM, 26 novembre 2013). J’en viens encore à souligner l’importance d’offrir aux migrants et aux réfugiés un premier accueil approprié et digne. « Les programmes d’accueil diffus, déjà lancés dans différentes localités, semblent au contraire faciliter la rencontre personnelle, permettre une meilleure qualité des services et offrir de plus grandes garanties de succès » (Discours aux participants au Forum International “Migrations et paix”, 21 février 2017). Le principe de la centralité de la personne humaine, fermement affirmé par mon bien-aimé prédécesseur Benoît XVI (Cf. Lettre encyclique Caritas in veritate, 47), nous oblige à toujours faire passer la sécurité personnelle avant la sécurité nationale. Par conséquent, il est nécessaire de former adéquatement le personnel préposé aux contrôles de frontière. Les conditions des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés, postulent que leur soient garantis la sécurité personnelle et l’accès aux services élémentaires. Au nom de la dignité fondamentale de chaque personne, il faut s’efforcer de préférer des solutions alternatives à la détention pour ceux qui entrent sur le territoire national sans autorisation (Cf. Intervention du Représentant permanent du Saint-Siège à la 20ème Session du Conseil des droits humains, 22 juin 2012).
Le deuxième verbe, protéger, se décline en toute une série d’actions pour la défense des droits et de la dignité des migrants ainsi que des réfugiés, indépendamment de leur statut migratoire (Cf. Benoît XVI, Lettre encyclique Caritas in veritate, 62). Cette protection commence dans le pays d’origine et consiste dans la mise à disposition d’informations sûres et certifiées avant le départ et dans la prévention contre les pratiques de recrutement illégal (Cf. Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Itinérants, Instruction Erga migrantes caritas Christi, n. 6). Elle devrait se poursuivre, dans la mesure du possible, dans le pays d’immigration, en assurant aux migrants une assistance consulaire adéquate, le droit de garder toujours avec soi les documents d’identité personnels, un accès équitable à la justice, la possibilité d’ouvrir des comptes bancaires personnels et la garantie d’une subsistance minimum vitale. Si elles sont reconnues et valorisées de manière appropriée, les capacités et les compétences des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés, représentent une vraie ressource pour les communautés qui les accueillent (Cf. Benoît XVI, Discours aux participants au 6ème Congrès mondial pour la pastorale des migrants et des réfugiés, 9 novembre 2009). C’est pourquoi, je souhaite que, dans le respect de leur dignité, leur soient accordés la liberté de mouvement dans le pays d’accueil, la possibilité de travailler et l’accès aux moyens de télécommunication. Pour ceux qui décident de retourner dans leur pays, je souligne l’opportunité de développer des programmes de réintégration professionnelle et sociale. La Convention internationale sur les droits de l’enfant offre une base juridique universelle pour la protection des mineurs migrants. Il faut leur éviter toute forme de détention en raison de leur status migratoire, tandis qu’on doit leur assurer l’accès régulier à l’instruction primaire et secondaire. De même, quand ils atteignent l’âge de la majorité il est nécessaire de leur garantir une permanence régulière et la possibilité de continuer des études. Pour les mineurs non accompagnés ou séparés de leur famille, il est important de prévoir des programmes de garde temporaire ou de placement (Cf. Benoît XVI, Message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié, 2010, et S. Tomasi, Intervention du Représentant permanent du Saint-Siège à la 26èmeSession ordinaire du Conseil pour les Droits de l’Homme sur les droits humains des migrants,13 juin 2014). Dans le respect du droit universel à une nationalité, celle-ci doit être reconnue et opportunément assurée à tous les enfants à la naissance. L’apatridie dans laquelle se trouvent parfois des migrants et des réfugiés peut être facilement évitée à travers « une législation sur la citoyenneté conforme aux principes fondamentaux du droit international » (Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Itinérants et Conseil Pontifical Cor Unum, Accueillir le Christ dans les réfugiés et dans les personnes déracinées de force, 2013, n. 70). Le status migratoire ne devrait pas limiter l’accès à l’assistance sanitaire nationale et aux systèmes de pension, ni le transfert de leurs contributions en cas de rapatriement.
Promouvoir veut dire essentiellement œuvrer afin que tous les migrants et les réfugiés ainsi que les communautés qui les accueillent soient mis en condition de se réaliser en tant que personnes dans toutes les dimensions qui composent l’humanité voulue par le Créateur (Cf. Paul VI, Lettre encyclique Populorum progressio, n. 14). Parmi ces dimensions, il faut reconnaître à la dimension religieuse sa juste valeur, en garantissant à tous les étrangers présents sur le territoire la liberté de profession et de pratique religieuse. Beaucoup de migrants et de réfugiés ont des compétences qui doivent être adéquatement certifiées et valorisées. Puisque « le travail humain est par nature destiné à unir les peuples » (Jean-Paul II, Lettre encyclique Centesimus annus, n.27), j’encourage à œuvrer afin que soit promue l’insertion socio-professionnelle des migrants et des réfugiés, garantissant à tous – y compris aux demandeurs d’asile – la possibilité de travailler, des parcours de formation linguistique et de citoyenneté active ainsi qu’une information appropriée dans leurs langues d’origine. Dans le cas des mineurs migrants, leur implication dans des activités productives doit être règlementée de manière à prévenir des abus et des menaces à leur croissance normale. En 2006, Benoît XVI soulignait comment, dans le contexte de migration, la famille est « lieu et ressource de la culture de la vie et facteur d’intégration des valeurs » (Benoît XVI, Message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié, 2007). Son intégrité doit être toujours promue, en favorisant le regroupement familial – y compris des grands-parents, des frères et sœurs et des petits-enfants – sans jamais le soumettre à des capacités économiques. Une plus grande attention et un plus grand soutien doivent être portés aux migrants, aux demandeurs d’asile et aux réfugiés en situation de handicap. Tout en considérant louables les efforts déployés jusqu’ici par de nombreux pays en termes de coopération internationale et d’assistance humanitaire, je souhaite que dans la distribution de ces aides, soient pris en compte les besoins (par exemple l’assistance médicale et sociale ainsi que l’éducation) des pays en développement qui reçoivent d’importants flux de réfugiés et de migrants et, également, qu’on inclue parmi les destinataires les communautés locales en situation de pénurie matérielle et de vulnérabilité (Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Itinérants et Conseil Pontifical Cor Unum, Accueillir le Christ dans les réfugiés et dans les personnes déracinées de force, 2013, nn. 30-31).
Le dernier verbe, intégrer, se place sur le plan des opportunités d’enrichissement interculturel général du fait de la présence de migrants et de réfugiés. L’intégration n’est pas « une assimilation, qui conduit à supprimer ou à oublier sa propre identité culturelle. Le contact avec l'autre amène plutôt à en découvrir le “secret”’, à s'ouvrir à lui pour en accueillir les aspects valables et contribuer ainsi à une plus grande connaissance de chacun. Il s'agit d'un processus de longue haleine qui vise à former des sociétés et des cultures, en les rendant toujours davantage un reflet des dons multiformes de Dieu aux hommes » (Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié (2005), 24 novembre 2004). Ce processus peut être accéléré à travers l’offre de citoyenneté dissociée des capacités économiques et linguistiques et l’offre de parcours de régularisation extraordinaire pour des migrants qui peuvent faire valoir une longue présence dans le pays. J’insiste encore sur la nécessité de favoriser, dans tous les cas, la culture de la rencontre, en multipliant les opportunités d’échange interculturel, en documentant et en diffusant les ‘‘bonnes pratiques’’ d’intégration et en développant des programmes visant à préparer les communautés locales aux processus d’intégration. Je dois souligner le cas spécial des étrangers forcés à quitter le pays d’immigration à cause de crises humanitaires. Ces personnes demandent que leur soient assurés une assistance adéquate pour le rapatriement et des programmes de réintégration professionnelle dans leur pays d’origine.
En conformité avec sa tradition pastorale, l’Église est disponible pour s’engager en première ligne en vue de réaliser toutes les initiatives proposées plus haut ; mais pour obtenir les résultats espérés, la contribution de la communauté politique et de la société civile, chacun selon ses responsabilités propres, est indispensable.
Durant le Sommet des Nations Unies, célébré à New York le 19 septembre 2016, les dirigeants du monde ont clairement exprimé leur volonté d’œuvrer en faveur des migrants et des réfugiés pour sauver leurs vies et protéger leurs droits, en partageant ces responsabilités au niveau global. À cet effet, les États se sont engagés à rédiger et à approuver avant la fin de l’année 2018 deux accords globaux (Global Compacts), l’un consacré aux réfugiés et l’autre concernant les migrants.
Chers frères et sœurs, à la lumière de ces processus engagés, les prochains mois représentent une opportunité privilégiée pour présenter et soumettre les actions concrètes dans lesquelles j’ai voulu décliner les quatre verbes. Je vous invite, donc, à profiter de chaque occasion pour partager ce message avec tous les acteurs politiques et sociaux qui sont impliqués – ou intéressés à participer – au processus qui conduira à l’approbation des deux accords globaux.
Aujourd’hui, 15 août, nous célébrons la solennité de l’Assomption de la très Sainte Vierge Marie au Ciel. La Mère de Dieu a fait elle-même l’expérience de la dureté de l’exil (cf. Mt 2, 13-15) ; elle a suivi avec amour l’itinéraire de son Fils jusqu’au Calvaire et maintenant elle partage éternellement sa gloire. Confions à sa maternelle intercession les espérances de tous les migrants et réfugiés du monde et les aspirations des communautés qui les accueillent, afin que, selon le plus grand commandement de Dieu, nous apprenions tous à aimer l’autre, l’étranger, comme nous-mêmes.
Vatican, le 15 août 2017
Solennité de l’Assomption de la B.V. Marie
FRANÇOIS
© Libreria Editrice Vatican – 2017
PRIÈRE
à l’occasion de la
Visite de Sa Sainteté le Pape François
au Camp des réfugiés de Mória
Dieu miséricordieux,
nous te prions pour tous les hommes,
pour toutes les femmes et pour tous les enfants,
qui sont morts après avoir quitté leur pays
à la recherche d’une vie meilleure.
Bien que beaucoup de leurs tombes ne portent aucun nom,
chacun d’eux est connu, aimé et chéri de toi.
Puissions-nous ne jamais les oublier,
mais honorer leur sacrifice
plus par les actes que par les paroles.
Nous te confions tous ceux qui ont fait ce voyage,
affrontant la peur, l’incertitude et l’humiliation,
en vue de parvenir à un endroit de sécurité et d’espérance.
Tout comme tu n’as jamais abandonné ton Fils
lorsqu’il a été conduit à un endroit sûr
par Marie et par Joseph,
de même à présent sois proche
de tes fils et de tes filles que voici,
à travers notre tendresse et notre protection.
En prenant soin d’eux,
puissions-nous travailler pour un monde
où personne n’est contraint à abandonner sa maison
et où chacun peut vivre dans la liberté, la dignité et la paix.
Dieu miséricordieux et Père de tous,
réveille-nous du sommeil de l’indifférence,
ouvre nos yeux à leur souffrance,
et libère-nous de l’insensibilité
générée par le confort mondain et l’égocentrisme.
Aide-nous, en tant que nations, communautés et individus,
à voir que ceux qui viennent dans nos contrées
sont nos frères et sœurs.
Puissions-nous partager avec eux les bénédictions
que nous avons reçues de tes mains,
et reconnaître qu’ensemble,
comme une famille humaine unique,
nous sommes tous des migrants, en chemin
dans l’espérance vers toi, notre vraie maison,
où toute larme sera essuyée,
où nous serons tous en paix et en sécurité dans tes bras.
© Libreria Editrice Vatican – 2016
Laïcité…
La radicalisation de la laïcité
Interrogée dimanche 7 janvier sur France 3, Frédérique Vidal a affirmé que la laïcité consistait à « mettre dans la sphère privée – et uniquement la sphère privée – les convictions religieuses, philosophiques, etc., des individus ». Une erreur fréquente, mais regrettable pour une ministre de l’enseignement supérieur, et qu’elle a d’ailleurs partiellement corrigée ensuite.
1/Quels sont les faits ?
Nouvel épisode dans la « guerre des laïcités » ou simple maladresse ? Dimanche 7 janvier, la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, était l’invitée de « Dimanche en politique », le magazine politique de France 3. Interrogée sur sa position quant à l’interdiction du voile à l’université, la ministre s’est dite « profondément attachée à la loi de 1905 » qui selon elle « répond à la question ».
« Le trouble à l’ordre public, le prosélytisme doivent être combattus. Ensuite, la façon dont les gens s’habillent... », a-t-elle souligné, mentionnant le travail de l’Observatoire de la laïcité pour rappeler les règles dans les universités publiques.
Un peu plus tard, toujours dans la même émission, Frédérique Vidal était interrogée sur « la radicalisation de la laïcité », formule utilisée jeudi 21 décembre par Emmanuel Macron devant les responsables religieux réunis à l’Élysée. « Lorsqu’on utilise la laïcité pour poser le débat de l’islam, c’est une erreur », a-t-elle d’abord rappelé.
« La laïcité, ce n’est pas mettre en avant ou opposer telle religion à telle autre, c’est la liberté de conscience et mettre dans la sphère privée - et uniquement la sphère privée - les convictions religieuses, philosophiques, etc., des individus, et ainsi de garantir qu’ils puissent continuer à les avoir. Mais (ces convictions) n’ont pas à entrer dans la sphère publique », a-t-elle poursuivi. Une affirmation plus qu’étrange à laquelle n’a réagi aucun des deux journalistes qui l’interrogeaient.
2/ Quelles réactions ?
Immédiatement, cette dernière phrase a suscité des réactions en chaîne sur les réseaux sociaux, reprochant à la ministre de l’enseignement supérieur sa méconnaissance de la loi de 1905. « Inquiétant et navrant », a écrit sur Twitter le président du Conseil national des évangéliques de France (Cnef), Étienne Lhermenault. « Avant de faire des ’formations laïcité’ pour les profs, on devrait visiblement en faire pour les ministres », a ironisé un autre internaute.
Consciente de son erreur, la ministre de l’enseignement supérieur a d’ailleurs publié quelques heures plus tard un second message sur Twitter dans lequel elle corrige partiellement ses propos initiaux. « Ayons des échanges sereins sur ces questions. La laïcité, c’est la liberté de croire ou de ne pas croire et de l'exprimer dans le respect de l'ordre public », a-t-elle écrit.
3/ Quelles leçons ?
Une fois encore, l’épisode rappelle à quel point est répandue dans la société française l’idée selon laquelle la religion relèverait de la liberté de conscience et donc de la sphère privée ou intime de l’individu. « Il s’agit d’un double contresens si l’on se réfère à la doctrine juridique française initiée par la loi de séparation des Églises et de l’État en la matière, et aux textes de loi et des conventions internationales signées par la France depuis », écrit l’historienne Valentine Zuber, directrice d’études à l’École pratique des hautes études dans un récent essai « La laïcité en débat, au-delà des idées reçues » (Éditions Le Cavalier Bleu, 20 €).
Non seulement « la liberté d’exprimer sa religion en public est garantie », rappelle l’historienne, « mais la neutralité religieuse ne peut être exigée que des seuls agents publics représentant l’État laïque ». Toute liberté de manifester leurs convictions religieuses est laissée aux individus, et « en particulier aux usagers des services publics », y compris dans l’espace public. Seul l’ordre public - sous le strict contrôle du juge - peut la limiter.
Ainsi, si certaines prescriptions religieuses sont interdites - polygamie, mariage forcé ou excision - c’est « au nom d’autres principes jugés supérieurs de la démocratie et du bon fonctionnement de la société ». Quant à l’interdiction des signes religieux ostensibles à l’école, elle a été validée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme qui a considéré qu’elle n’empiétait pas exagérément sur la liberté de religion des élèves.
Comment expliquer alors la confusion actuelle ? Par la méconnaissance des textes d’abord. Mais aussi par les tensions apparues à la fin des années 1980 autour de la visibilité de l’islam. D’une exigence de neutralité imposée aux représentants de l’État, le concept a été progressivement détourné par certains pour devenir « une revendication laïque de type plus philosophique, à la fois antireligieuse et antimusulmane », écrit Valentine Zuber.
Un détournement à l’égard duquel le président de la République a précisément affirmé, le 21 décembre, qu’il se montrerait « vigilant »...
© La Croix - 2017
Commentaire des lectures du dimanche
Après l’immense vague de protestation soulevée dans notre pays et dans le monde par les assassinats terroristes du 7 janvier 2015, nous assistons aux conséquences de cette tragédie. Un hebdomadaire, qui menaçait de faire faillite faute de lecteurs, diffuse un numéro à des millions d’exemplaires et refait sa trésorerie pour les dix ans à venir ! Cette dernière publication provoque de nouvelles vagues de violence dans le monde musulman avec des assassinats de chrétiens au Niger. Les minorités chrétiennes en pays musulman payent cher les provocations religieuses du monde occidental. Pourtant cette dernière caricature de Mahomet diffère notablement des précédentes. Elle présente un Prophète compatissant, s’identifiant aux victimes par la phrase consacrée « Je suis Charlie » et exprimant un message éminemment chrétien « tout est pardonné ». Par-delà les drames suscités par le difficile apprentissage de la liberté humaine, l’Évangile est bien ce levain dans la pâte qui travaille le monde jusque dans ses marges extrêmes. Dieu a révélé en Jésus-Christ ce pardon divin capable de pardonner l’impardonnable.
Dans l’évangile selon Saint Jean, le premier titre donné à Jésus est celui d’« Agneau de Dieu ». Jean-Baptiste place ainsi le commencement de la vie publique de Jésus sous le signe du sacrifice final par lequel le Christ accomplira le salut de l’humanité. Ce salut n’est autre en effet que le pardon de Dieu accordé à un monde dont la Croix révèle le péché. Accusé de blasphème et crucifié, Jésus témoignera de l’infinie miséricorde du Père plus grande que tous les blasphèmes. La figure de l’Agneau de Dieu nous situe ainsi dès le début du ministère public dans la perspective du salut. Elle dévoile le sens de la mission de Jésus comme le prologue de ce même évangile avait dévoilé le mystère du Verbe tout juste auparavant. Entendant cette annonce de l’Agneau de Dieu, deux disciples de Jean suivent Jésus. L’un d’eux, André, appelle son frère Simon à le rejoindre : « Nous avons trouvé le Messie. » Jésus déclare alors : « Tu es Simon, fils de Jean. Tu t’appelleras Pierre. »
Dès le premier regard, Jésus connaît cet homme dans son identité profonde, mais il donne à celle-ci une orientation nouvelle à travers un nom nouveau. Jésus manifeste l’identité de Simon-Pierre à une profondeur jusque-là inconnue. La connaissance que nous avons de nous-même est en effet superficielle et provisoire, car elle dépend en définitive d’une relation vivante avec Dieu. Nous ne nous connaissons que dans la relation avec les autres, mais la véritable connaissance de soi s’acquiert dans la relation à Dieu. Lui seul nous connaît véritablement comme le prophétise le livre de l’Apocalypse : « Je lui donnerai un caillou blanc portant gravé un nom nouveau que nul ne connaît, hormis celui qui le reçoit. » (Ap 2,17b). Pour se connaître soi-même, il faut vivre dans une relation d’amour avec Dieu.
Cette connaissance est associée par l’Évangile à la question de la demeure : « Où demeures-tu ? » Les disciples sont invités à suivre Jésus pour voir où il demeure. Ce terme est éminemment symbolique. Il s’agit de la demeure du cœur, de la relation profonde de Jésus avec son Père. Jésus demeure dans la communion intime avec Dieu. Le suivre, c’est désirer demeurer avec lui dans cette communion pour découvrir le nom que le Père lui-même nous donne en son Fils. Cette connaissance est possible, car nous sommes capables de relation avec Dieu. L’être humain est esprit et en cela il est à l’image de Dieu.
Pourtant nous vivons le plus souvent dans l’ignorance de notre être spirituel. Pour éprouver la réalité de notre âme, nous devons vivre une relation de prière effective avec Dieu dans la confiance, l’espérance et l’amour. L’expérience de la présence en nous du Dieu vivant permet alors de prendre conscience de notre propre mystère. Cette expérience est indissociable du pardon de Dieu. Dans la conscience de notre misère profonde, nous est révélée la gratuité de l’amour qui fonde notre dignité d’enfants de Dieu. Cette révélation éclaire d’un jour nouveau la connaissance que nous avons de nous-mêmes comme le déclare Saint Paul : « Ne le savez-vous pas ? … Rendez gloire à Dieu dans votre corps. » (1 Co 6,19s)
Fr. Olivier Rousseau ocd (Couvent de Paris)
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