Pko 11.11.2018

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°56/2018

Dimanche 11 novembre 2018 – 32ème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

Humeurs…

« Plus jamais la guerre ! »

Ce dimanche 11 novembre à 11 heure pour commémorer le 100ème anniversaire de la fin de la « Grande Guerre », les cloches de nos églises sonnerons durant 11 minutes…

Le 5 octobre 1965, lors de son voyage à l’O.N.U., le pape saint Paul VI prononçait un discours fort en disant : « Jamais plus la guerre, jamais plus la guerre ! C'est la paix, la paix, qui doit guider le destin des peuples et de toute l'humanité ! »

En 2017, dans un livre entretien : « Politique et société » le Pape François renouvelait l’enseignement de l’Église en affirmant : « Aucune guerre n’est juste. La seule chose juste, c’est la paix » !

Aujourd’hui, la guerre gronde de partout… une « 3ème guerre mondiale en morceau » Que pouvons-nous faire ?

La guerre nait dans nos cœurs… dans nos familles, dans nos quartiers, dans nos communautés… les « Grandes guerres » commencent toutes par de petite guerre…

Or le Seigneur nous demande d’être des artisans de Paix… pas juste des non-belligérants… mais des artisans de Paix… artisan… autrement dit ceux qui « fabriquent » la Paix !

Durant ces 11 minutes, ou nous entendrons les cloches de nos églises sonner à la volée, nous nous arrêtions et cherchions au fond de nous-même, en quoi nous sommes des Artisans de Paix… et comment nous pouvons le devenir plus activement et concrètement dans notre quotidien !

La Paix se prépare dans nos cœurs… soyons « Artisan de Paix »

Départ…

Congrégation des Frères de l’Instruction Chrétienne (F.I.C.)

Départ du Frère Théophane pour la France

Freretheophane 1Depuis quelques mois le Frère Théophane URVOY a rejoint la communauté de Saint Hilaire. Son état de santé le conduit à exprimer le souhait de rentrer en Métropole. C’est avec beaucoup de tristesse que le District accepte la demande de Frère Théophane. Malgré son désir constamment exprimé de reposer dans le caveau des Frères, à l’Uranie, la Providence en a décidé autrement.

Il rejoindra la communauté des Frères à Josselin (à 12 km de Ploërmel). Les Frères y ont une maison d’accueil médicalisée. Dans un cadre de vie paisible et sécurisé, le personnel d’accompagnement prend soin d’une communauté importante de Frères âgés et leur offre une fin de vie de qualité.

Tous ceux qui ont connu Frère Théophane ne manqueront pas de se souvenir de sa grande disponibilité, de ses conseils toujours judicieux, de sa présence courtoise de 56 ans en Polynésie. Nous aurons l’occasion de rappeler ces longues et belles années avant son départ.

Frère Théophane ne laisse pas la mission des Frères de la Mennais désemparée. Il a une vision d’avenir, comptant sur un renouveau de l’Institut sous une forme qui est encore le secret de Dieu. Sa mission ne s’achève pas avec son départ : nul doute qu’il continuera à la soutenir de sa prière et du don total de sa vie.

Frère Théophane quittera Tahiti le 13 novembre prochain, accompagné par Frère Francis CAILLET.

© Frères de La Mennais - 2018

Laissez-moi vous dire…

Mois de novembre : mois des pauvres

Compassion à l’égard de ceux qui manquent de presque tout

Au mois de novembre nous sommes invités à porter notre regard sur les plus pauvres. 18 novembre : Journée Mondiale des pauvres, Journée nationale du Secours Catholique (Caritas France). Fin novembre : Noël pour tous, préparation du Téléthon. En France : « Plan Grand Froid », Loi sur le logement… etc…

C’est la saison de la compassion de ceux qui ont tout ce qu’il faut à l’égard de ceux et celles qui manquent de presque tout. Les hommes politiques sont coutumiers de ce type de sollicitation, notamment à l’approche d’échéances électorales. Avant les Présidentielles et législatives de 2017 n’a-t-on pas entendu des déclarations solennelles du genre : « Je ne veux plus d'ici la fin de l'année avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois… C'est une question de dignité, une question d'humanité et d'efficacité » (Déclaration d’Emmanuel Macron)

En visitant une maison de retraite pour personne âgées j’entendis cette conversation entre une visiteuse de la Conférence Saint Vincent de Paul et une dame âgée : « Vous êtes bien ici ; vous avez un chez vous ; on s’occupe de vous. » « Un “chez moi” ! mais je n’ai pas de chez moi, je n’ai qu’une petite chambre, je suis une exclue de la société et de ma famille », répondit tristement la vieille dame.

Être privé de logement est une souffrance, un vrai déni des Droits Humains. Certes en Polynésie, il ne fait pas froid, vivre dans la rue est moins rude que dans les pays froids… Mais à la saison des pluies… allez vivre dehors ? Comment ne pas réagir lorsqu’on lit dans la Loi Élan [Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique] sur le logement 2018, soumise au Conseil Constitutionnel : « Faciliter les expulsions de “squatteurs” en les excluant explicitement du bénéfice de la trêve hivernale ». [source : senat.fr]

Face à ce recul de la Loi on aurait pu espérer une meilleure prise en compte du problème des « Sans Domicile ». Cette prise en compte est laissée une fois de plus aux associations caritatives et au bon vouloir des collectivités locales. Certes la question est complexe, les situations sont diverses, mais peut-on espérer la mise en œuvre d’un Plan « un logement digne pour les SDF » ?

Des initiatives ont été prises ici ou là, mais il serait nécessaire de fédérer les actions et mettre en synergie les divers organismes publics et privés. Voici quelques réalisations : la création d’une bagagerie pour permettre aux personnes de mettre à l’abri leurs maigres biens souvent constitués d’un ballot de linge et de cartons ; l’accueil de jour offrant temps d’écoute, douches, un repas, soins, assistance administrative ; création de potagers et d’ateliers partagés où bénévoles et sans logis s’auto-entraident.

Il reste à imaginer des dispositifs permettant au plus grand nombre d’accéder à un logement digne et durable. C’est l’expérience lancée par le Secours Catholique de l’île de France qui vient de créer une agence immobilière sociale qui gère (ou accompagne) socialement un réseau de propriétaires solidaires qui proposent leur(s) logement(s) vacant(s) contre un loyer modéré aidé.

Pour réussir de telles opérations il nous faut changer nos regards et nos discours sur les personnes « en itinérance » (comme disent les Québécois). Les psychosociologues et les enseignants savent très bien que le regard que l’on porte sur une personne peut avoir une influence sur son comportement et son développement. C’est l’effet Pygmalion (ou Rosenthal / Jacobson) mis en évidence en 1968 : portez un regard positif sur les compétences de votre enfant, encouragez-le, associez son entourage à votre démarche et vous verrez les résultats positifs. L’effet inverse est l’effet Golem : dites à votre enfant qu’il est nul, qu’il n’est pas capable d’atteindre tel objectif et vous le verrez se refermer sur lui-même et peut-être dépérir.

Il en est de même pour toute personne : handicapée ou non, socialement défavorisée… Certes le travail est parfois long et énergivore mais tellement gratifiant pour la personne qui se sent estimée et accompagnée ! Chacun(e) a un potentiel, un savoir-faire qui doit pouvoir émerger par le biais d’objectifs gradués dans le temps. En Polynésie on aime travailler en association et en co-responsabilité. Cela peut aboutir à un atelier participatif (exemples : un atelier des confiturières ; un restaurant social participatif ; un atelier couture et ravaudage…).

Dimanche prochain (18 novembre) nous entendrons le Pape François nous dire : « Un pauvre crie, le Seigneur entend ». [Message pour la 2ème Journée Mondiale des pauvres/ vatican.va] Il nous revient d’agir non pas selon notre volonté mais selon celle de Dieu, non pour notre profit ou notre gloire mais pour le bien de celui qui est « notre maître » : le pauvre ! Alors… dépassons le stade de la simple compassion.

Dominique Soupé

© Cathédrale de Papeete - 2018

En marge de l’actualité…

11 novembre

Ce devait être la « Der des der ! », la dernière des dernières guerres… Et pourtant, il y eut depuis la seconde guerre mondiale, la guerre d’Indochine, la guerre d’Algérie, la guerre du Viet Nam, la guerre des 6 jours, la guerre du Kippour, la guerre du Golfe, et bien d’autres encore… sans parler des guerres civiles poussant les gens d’un même pays les uns contre les autres, les génocides… Et ça continue !!! En commémorant l’armistice du 11 Novembre, fin de 4 ans de guerre qui coutèrent à la France 1,4 Millions de soldats morts au combat, dont 300 poilus Tahitiens et à l’Allemagne 2 Millions de soldats tués, nous honorons le courage et la mémoire de ceux qui ont sacrifié leur vie au cours de ce conflit. Nous saluons une victoire, mais une victoire amère qui n’était en fait que la victoire des armes, et non une victoire de la paix ! La suite n’allait pas tarder à le montrer. Alors, faut-il renoncer définitivement au rêve d’un monde sans guerre ? Faut-il prendre acte de la fatalité de ces conflits qui génèrent destruction, haine, mort ? Serait-il vrai que, selon cet adage latin, « l’Homme est un loup pour l’Homme » ? Faut-il admettre qu’un monde sans guerre est impossible ?

Ce n’était en tout cas nullement la pensée du Pape Saint Jean XXIII. Au plus fort de la guerre froide, deux ans après l’édification du « rideau de fer » qui matérialisait à sa façon l’opposition farouche entre l’Est et l’Ouest du monde et 6 mois après la crise de Cuba qui faillit entrainer le monde dans un conflit nucléaire, le Bon Pape Jean publiait l’encyclique « Pacem in Terris » (« La paix sur la Terre ») dans laquelle il refusait cette fatalité de la guerre. À chacun, l’encyclique rappelait l’appartenance commune à la famille humaine et faisait briller les aspirations de toutes les populations de la terre à vivre en sécurité dans la justice et l’espérance en l’avenir. Pour parvenir à cette paix, le Pape St Jean XXIII identifiait les conditions essentielles permettant de construire la paix : la vérité, la justice, l’amour et la liberté.

La vérité, fondement de la paix si tout homme prend conscience avec honnêteté que, en plus de ses droits, il a aussi des devoirs envers autrui. La justice qui construit la paix si chacun respecte concrètement les droits d’autrui et s’efforce d’accomplir ses devoirs envers les autres. L’amour, ferment de paix si chacun partage avec les autres ce qu’il possède, à commencer par les valeurs de l’esprit. Enfin, la liberté qui nourrit la paix et lui fait porter du fruit si, dans le choix des moyens pris pour y parvenir, les personnes suivent la raison et non la passion, et assument avec courage la responsabilité de leurs actes.

Le Pape Jean était convaincu que bien que la situation soit dramatique dans certaines parties du monde, comme elle l’est toujours actuellement, il fallait travailler à répandre ces valeurs de vérité, de justice, d’amour et de liberté dans la vie sociale, nationale et internationale, de sorte que de plus en plus de personnes soient toujours plus conscientes de l’importance de la relation à Dieu et au Christ, source de tout bien et source de vraie paix… Certes, nous ne sommes pas parmi les hommes politiques qui décident de la guerre ou de la paix. Mais le Christ nous enseigne que le vrai champ de bataille sur lequel s’affrontent la violence et la paix, c’est le cœur de chacun de nous : « c’est du dedans, du cœur de l’homme que sortent les pensées perverses… ». Le Christ offre un chemin, le seul qui puisse aider au progrès de l’humanité sur le chemin de la paix et il déclare heureux les artisans de paix ! Nous trouvons en effet dans l’Évangile de quoi faire grandir notre confiance en l’humanité car « Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils unique ». Nous trouvons de quoi renforcer notre espérance quand le Christ nous dit que l’Amour aura le dernier mot car il est plus fort que la mort. Nous trouvons de quoi persévérer dans le combat pour la paix, car Jésus a promis : « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps ».

+ Monseigneur Jean Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete – 2018

Audience générale

La vraie richesse se mesure dans le don

Dans le cadre de l’audience générale de ce mercredi matin, le Pape François a poursuivi sa série d’enseignements sur les Dix commandements en s’arrêtant cette fis sur cette phrase : « Tu ne voleras point ».

Chers frères et sœurs, bonjour !

En poursuivant l’explication du Décalogue, nous arrivons aujourd’hui à la septième Parole : « Tu ne voleras pas ».

Quand nous entendons ce commandement, nous pensons à la question du vol et au respect de la propriété d’autrui. Il n’existe pas de culture où le vol et l’abus de pouvoir sur les biens soient licites ; la sensibilité humaine, en effet, est très susceptible sur la défense des biens.

Mais il vaut la peine de s’ouvrir à une lecture plus ample de cette Parole, en portant le thème de la propriété des biens à la lumière de la sagesse chrétienne.

Dans la doctrine sociale de l’Église, on parle de destination universelle des biens. Qu’est-ce que cela signifie ? Écoutons ce que dit le Catéchisme : « Au commencement, Dieu a confié la terre et ses ressources à la gérance commune de l’humanité pour qu’elle en prenne soin, la maîtrise par son travail et jouisse de ses fruits. Les biens de la création sont destinés à tout le genre humain. » (2402). Et encore : « La destination universelle des biens demeure primordiale, même si la promotion du bien commun exige le respect de la propriété privée, de son droit et de son exercice. » (2403)[1].

Mais la Providence n’a pas disposé un monde « en série », il y a des différences, des conditions diverses, des cultures différentes et ainsi on peut vivre en pourvoyant les uns pour les autres. Le monde est riche en ressources pour assurer à tous les biens primordiaux. Et pourtant beaucoup vivent dans une indigence scandaleuse et les ressources, utilisées sans critère, se détériorent. Mais il n’y a qu’un seul monde ! Il n’y a qu’une seule humanité[2]. Aujourd’hui, la richesse du monde est dans les mains de la minorité, d’un petit nombre et la pauvreté, ou plutôt la misère et la souffrance sont le lot de beaucoup, de la majorité.

S’il y a la faim sur la terre, ce n’est pas à cause du manque de nourriture ! Au contraire, à cause des exigences du marché, on en vient parfois à la détruire, on la jette. Ce qui manque, c’est un esprit d’entreprise libre et clairvoyant, qui assure une production adéquate et une démarche solidaire, qui assure une distribution équitable. Le catéchisme dit encore : « L’homme, dans l’usage qu’il en fait, ne doit jamais tenir les choses qu’il possède légitimement comme n’appartenant qu’à lui, mais les regarder aussi comme communes : en ce sens qu’elles puissent profiter non seulement à lui, mais aux autres » (2404). Toute richesse, pour être bonne, doit avoir une dimension sociale.

C’est dans cette perspective qu’apparaît la signification positive et ample du commandement « Tu ne voleras pas ». « La propriété d’un bien fait de son détenteur un administrateur de la Providence » (ibid.). Personne n’est le maître absolu de ses biens, mais un administrateur des biens. La possession est une responsabilité : « Mais moi, je suis riche de tout… » – C’est une responsabilité que tu as. Et tout bien soustrait à la logique de la Providence de Dieu est trahi, est trahi dans le sens le plus profond. Ce que je possède vraiment, c’est ce que je sais donner. Voilà la mesure pour évaluer comment je réussis à gérer mes richesses, bien ou mal ; cette phrase est importante : ce que je possède vraiment, c’est ce que je sais donner. Si je sais donner, je suis ouvert, alors je suis riche non seulement de ce que je possède, mais aussi en générosité, générosité aussi comme un devoir de donner la richesse, pour que tous y participent. En effet, si je ne réussis pas à donner quelque chose, c’est parce que cette chose me possède, a un pouvoir sur moi et que j’en suis esclave. La possession des biens est une occasion de les multiplier avec créativité et de les utiliser avec générosité, et ainsi de grandir dans la charité et dans la liberté.

Le Christ lui-même, bien qu’il soit Dieu, « ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti » (Ph 2,6-7) et nous a enrichis de sa pauvreté (cf. 2 Cor 8,9).

Alors que l’humanité se donne du mal pour avoir plus, Dieu la rachète en se faisant pauvre : cet Homme crucifié a payé pour tous un rachat inestimable de la part de Dieu le père, « riche en miséricorde » (Éph 2,4 ; cf. Jc 5,11). Ce qui nous rend riche, ce ne sont pas les biens, mais c’est l’amour. Si souvent nous avons entendu ce que le peuple de Dieu dit : « Le diable entre par les poches ». On commence par l’amour de l’argent, la faim de posséder, et la vanité arrive : « Ah, je suis riche et je m’en vante » ; et à la fin, l’orgueil et la suffisance. C’est la façon d’agir du diable en nous. Mais la porte d’entrée, ce sont les poches.

Chers frères et sœurs, une fois encore Jésus Christ nous dévoile le sens plénier des Écritures. « Tu ne voleras pas » veut dire : aime avec tes biens, profite de tes moyens pour aimer comme tu le peux. Alors ta vie devient bonne et la possession devient vraiment un don. Parce que la vie n’est pas un temps pour posséder mais pour aimer. Merci.

© Libreria Editrice Vaticana – 2018

Guerre de 14-18 - Armistice

Lettre pastorale de Mgr Athanase HERMEL

Voici la lettre pastorale de Mgr Athanase Hermel aux fidèles du Vicariat de Tahiti à la fin de la guerre 14-18. Dans un langage qui n’est plus le nôtre…  un appel au souvenir pour que cela n’arrive plus ! Cette lettre fut publiée dans le Semeur tahitien de décembre 1918.

LETTRE PASTORALE

de

Sa Grandeur Mgr. le Vicaire Apostolique

Athanase, André, Étienne Hermel

Par la miséricorde divine et l’autorité

du Saint-Siège Apostolique,

évêque de Casium et Vicaire Apostolique de Tahiti

Au Clergé et aux fidèles de Notre Vicariat, Salut et bénédiction en Notre Seigneur JÉSUS-CHRIST.

Nos très Chers Frères,

La joie et la fierté de nos cœurs sont indicibles : nous sommes victorieux de la force la plus colossale que le monde ait jamais connue. Le Dieu des armées, après nous avoir châtiés pour nos fautes, bénissant enfin le génie de nos chefs et la vaillance de nos soldats et exauçant les supplications incessantes de ses enfants, nous a donné la victoire si longtemps attendue mais complète et définitive.

Nos cœurs sont à la joie comme jamais et le « TE DEUM » s’échappe, vibrant, de nos poitrines. C’est juste.

Toutefois, N.T.C.F. de tels évènements ; quatre ans de la plus atroce des guerres et des plus cuisantes souffrances en Europe, doivent laisser de profondes traces, non seulement dans notre mémoire, mais surtout dans notre CONDUITE, sous peine d’être justement accusés d’impardonnable et d’inguérissable légèreté. Ah ! puisse-t-il, dans notre France , surgir un nouveau BOSSUET, pour buriner, en termes immortels, les LEÇONS de ces évènements !

I. Et d’abord : première leçon : N’oublions jamais ceux qui sont morts pour que nous vivions.

Quel respect, quelle admiration, quelle gratitude, quel immense amour, le sang versé de millions de soldats français et alliés doit éveiller dans nos cœurs ! O morts pour la patrie, morts innombrables, morts sublimes, héros qui avez été nos sauveurs en nous faisant un rempart de vos poitrines sanglantes, et vous surtout, enfants chéris de notre Tahiti, fils si aimés de vos pères et mères, couchés dans votre printemps par la rafale meurtrière, fleurs humaines prématurément fauchées par la mitraille, grappes viriles broyées au pressoir des canons, engloutis tout vivants dans la tranchée, ou bien, en dépit des soins qui veillaient à votre chevet, tordus par la douleur sur un lit d’hôpital et lentement ruinés par la fièvre homicide, vous vivrez toujours dans nos cœurs, entourés d’hommages et surtout de PRIÈRES.

Déjà N.T.C.F., il y a deux ans, Nous vous avions informé que Nous avions versé une certaine somme à une œuvre qui a pour but de faire célébrer des messes quotidiennes et perpétuelles pour les soldats morts au champ d’honneur. Ainsi des suffrages continuels pour les âmes de vos bien-aimés morts au service de la patrie s’élèveront vers le ciel et imploreront pour eux « le rafraîchissement et la paix éternelle. »(1)

Nous voulons faire plus encore, Nous voulons mettre sans cesse sous nos yeux, pour les rappeler sans cesse à vos prières, les noms de catholiques du Vicariat de Tahiti, morts pour la France.

Nous avons donc décidé de faire graver en lettres d’or, sur des plaques de marbre noir, qui seront placées dans la Cathédrale les noms de nos chers martyrs de la patrie, avec la persuasion que jamais, N.T.C.F., notre reconnaissance ne pourra dresser sur leurs tombes des trophées assez hauts pour chanter aux siècles qui suivront leurs faits d’armes glorieux.

II. Il est une autre leçon encore, que parmi mille autres, Nous voulons tirer pour votre édification.

- Un soldat jeta, sur une tranchée de Verdun, ce mot de folie sublime que l’histoire répètera : « Debout, les morts ! » Ce mot, N.T.C.F., les morts le retournent aux vivants. Ils nous crient de leurs tombes : « De bout ceux qui vivent ! – Sursum corda. – Nous sommes défunts, nous, defuncti, c’est-à-dire selon la force de l’expression latine, sortis de fonction après nous être acquittés de notre tâche : à votre tour d’entrer en fonction, d’achever le rêve pour lequel nous sommes morts ! »

Oui, N.T.C.F., Sursum corda, Debout les vivants ! Craignons à nouveau la divine colère si un tel cataclysme ne nous a rien appris, si tant de leçons venues des hommes et du ciel restent stériles ; si demain, nous nous retrouvons toujours les mêmes hommes de divisions et de mesquines querelles, d’égoïsme et d’intérêt, d’indifférence et de négation religieuses, de vie médiocre et de basses passions ; si nous n’avons compris que la vie est chose sérieuse, qu’elle doit être remplie de devoirs austères, d’immolation, de mortification, de charité, de foi, en un mot, de vertus sacrées.

Sursum corda - Debout les vivants ! Après ces catastrophes d’apocalypse, telles qu’il n’y en pas eu encore de comparables dans l’histoire, nous ne pouvons plus regarder le monde du même œil que par le passé, nous n’avons plus le droit de nous laisser prendre, selon l’expression de nos Saints Livres « d’ensorcellement de la bagatelle. » (2)

Nous devons comprendre, - grandes leçon ! – que l’égoïsme et l’amour des jouissances retombent en pluie de sang sur les peuples ; que les progrès de la science ne suffisent pas à faire de la terre un paradis, mais au contraire, qu’employés par des mains criminelles, ils en font un enfer ; que l’homme s’égare dans ses calculs, lorsqu’il en exclut le Souverain Maître ; qu’il faut donc porter son cœur et ses amours plus haut que la terre et plus loin que le temps, jusqu’à Dieu et l’éternité ; que, si l’on veut que le droit triomphe de la force, il faut mettre à la base des sociétés, l’accomplissement fidèle des lois divines ; que tout ce qui fait la grandeur de l’homme : la douleur, le devoir, l’héroïsme, la sainteté n’a de sens que pour ceux qui admettent l’au delà, l’infinie justice de Dieu et l’éternel bonheur des âmes à tout jamais réunies en Lui.

Oui, N.T.C.F., la grande leçon chantée par les tombes de nos héros, c’est celle de notre sainte Liturgie : Sursum corda : En haut les cœurs. Le temps passe, l’éternité vient. Quelles que soient les larmes, quels que soient les sacrifices, le ciel en est le prix et il en vaut la peine.

À ces causes, le Saint Nom de Dieu invoqué, Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Article I. Une cérémonie officielle d’actions de grâces à laquelle seront convoquées les autorités civiles et militaires aura lieu à la Cathédrale. On y chantera le « Te Deum » avec le verset et l’oraison, - et le « De Profundis » pour les soldats morts.

Dans toutes les églises du Vicariat, les prêtres organiseront une semblable cérémonie.

Article II. Désormais les prêtres ne diront plus à la messe l’oraison « Tempore belli » ; ils y substitueront, aux jours permis par la Rubrique, jusqu’au 31 décembre, l’oraison « Pro Gratiarum actione ».

Au Salut, on ne chantera plus le « Parce Domine » et les invocations prescrites pour la durée de la guerre.

Article III. Les familles qui pleurent des soldats catholiques mort dans la grande guerre devront en envoyer les noms, le plutôt possible, au R.P. Célestin Maurel, pro-vicaire général, chargé par Nous de les centraliser.

Les fidèles qui voudront coopérer au souvenir élevé dans Notre cathédrale, en l’honneur de nos soldats défunts, remettront leur offrande au missionnaire de leur district.

Article IV. Une communion générale d’actions de grâces sera organisée dans chaque district au jour désigné par le prêtre de l’endroit.

Et sera Notre présente Lettre Pastorale, lue au prône dans toutes les Églises du Vicariat, le Dimanche qui suivra sa réception.

Fait à Papeete, au jour de l’annonce officielle de la victoire, le 12 novembre 1918.

† ATHANASE

évêque de Casium

Vicaire apostolique de Tahiti

© Semeur tahitien - 1918

Guerre de 14-18 – Monument aux morts

Bénédiction des plaques commémoratives des soldats de Tahiti morts dans la Grande Guerre

Le 12 novembre 1918, Mgr Athanase Hermel, dans sa lettre pastorale aux fidèles annonçait vouloir mettre à l’intérieur de la Cathédrale une plaque commémorative portant les noms des soldats tahitiens morts au combat. Ceci devint une réalité le jeudi 22 avril 1920… Ces deux plaques de marbre noir gravées de lettres d’or sont le « premier monument aux morts de Tahiti ». Que sont -elles devenues ??? Probablement retirées lors de la grande rénovation de 1966… et peut-être pas perdues pour tout le monde !!! Si quelqu’un pouvait nous renseigner… ou si des photos existaient… nous serions preneur !!! Voici le compte-rendu de l’installation de ces plaques paru dans le Semeur tahitien du 13 juin 1920.

Bénédiction des plaques commémoratives des soldats de Tahiti morts dans la grande guerre

Le jeudi 22 avril, à 8 heures du matin, la cathédrale s’emplissait d’une foule sympathique, la même qui au jour de l’armistice s’était réunie pour laisser déborder l’allégresse des cœurs et pour adresser au ciel de justes et enthousiastes actions de grâces. Aujourd’hui cette foule est grave, les tentures noires qui couvrent les murs et enveloppent les colonnes sont l’expression fidèle du deuil que porte chaque cœur au souvenir des héros tombés pour sauver notre chère et grande patrie. Monseigneur le Vicaire apostolique pouvait enfin grâce au concours de personnes généreuses et patriotes accomplir un vœu cher à son cœur, celui de fixer et d’immortaliser sur un marbre commémoratif les noms glorieux des catholiques du Vicariat de Tahiti, fauchés dans leur jeunesse en défendant leur cause et la nôtre.

Monsieur le Gouverneur daigna rehausser de sa présence cette auguste cérémonie, son brillant entourage, où l’on remarquait Mrl’Inspecteur Général, un grand nombre de chefs de service, le Consul des États-Unis, Mr le Maire et son Conseil municipal, en un mot la plupart des notabilités de la Colonie, sympathisait visiblement avec la foule des parents et de pieux fidèles.

S. G. Mgr le Vicaire apostolique officia pontificalement, ayant pour prêtre-assistant son vénérable et très aimé pro-vicaire qui a tant fait pour les familles des soldats ; pour diacre le R.P. David, administrateur apostolique des îles Marquises et pour sous-diacre, celui qui écrit ces lignes, tout fraîchement débarqué de son voyage d’Europe et attendant une occasion de retourner dans ses chères îles Tuamotu. Les cérémonies sacrées se déroulèrent avec ensemble et majesté, grâce à l’habile direction du R.P. Guénolé, maître des cérémonies.

Le sacrifice offert pour les chers défunts est terminé.

Avant de bénir les plaques de marbre, monseigneur laisse déborder les sentiments dont son cœur de pasteur des âmes est rempli au souvenir de ses enfants spirituels tombés en héros, sur les champs de bataille de l’Europe. Le cœur de l’assistance vibra visiblement à l’unisson de celui de son évêque. L’auditoire n’était pas nouveau ; c’est le même qui tressaillit naguère de noble fierté et d’enthousiasme aux paroles qui, dans cette même cathédrale, célébraient le triomphe de nos armes ; il frémit aujourd’hui de pitié pour les familles éprouvées et d’admiration pieuse pour les chers disparus.

Ce n’est pas une pâle narration qui saurait faire revivre les accents émus et la même éloquence qui tenait haletante toute l’assemblée ; mais els nobles et patriotiques paroles de sa Grandeur resteront dans toutes les mémoires et plus encore dans tous les cœurs.

Personne désormais, parmi les assistants, n’oubliera les devoirs que nous impose le souvenir de nos chers soldats morts pour la France, devoir d’admiration pour leur obéissance héroïque qui ne connut d’autre limite que la mort, devoir d’admiration encore pour leur courage dont témoignent les distinctions honorifiques à eux décernés par leurs chefs ; devoir de reconnaissance, car si nous avons encore une patrie, c’est à eux que nous le devons ; devoir de fraternelles prières enfin, car c’est la marque la plus utile de notre affection et de notre gratitude pour leurs âmes.

Le discours terminé, les cœurs ont vibré ; plus d’une larme a coulé silencieuse ; l’émotion est au comble lorsque, du haut de la chaire, le P. Guénolé proclame d’une voix claire et forte, les noms des héros tombés au champ d’honneur. Le moment de la bénédiction des marbres est venu ; la procession se déroule, aux sons endeuillés d’une marche funèbre, admirablement exécuté par l’harmonie des frères, comme du reste, le Dies irae et tous les chants de la messe par la Scola grégorienne, si bien dirigée par le Frère Calixte. À ce moment aussi, le beau chant sur nos héros tombés, œuvre d’une Sœur artiste et exécuté à la perfection à l’offertoire, par les élèves et les anciennes élèves des Sœurs revient à la mémoire et tous redisent au fond du cœur :

1er Couplet

O morts, frères aimés

En paix dormez d’espoir embaumés

O vous

Front douloureux

Tendus vers eux

Vieillis par l’absence

O vous

Fronts douloureux

Soyez heureux

Quand vous rêvez d’eux.

2e Couplet

Près de Dieu dans la gloire immense

Leur éternel repos commence

O vous

Cœurs déchirés

Qui les pleurez

Vous les reverrez.

3e Couplet

O morts, héros tombés

Martyrs frappés aux jours d’hécatombe

O morts, héros frappés pour nos libertés

Vainement sur vous l’oubli tombe

La piété garde votre tombe.

Les marbres et le catafalque sont décorés avec un goût suprême de toute la riche flore de notre luxuriant Tahiti ; le glorieux drapeau aux trois couleurs étend ses plis soyeux sur l’autel, le catafalque, les colonnes, les marbres ; et lorsque, l’office terminé, la foule émue se répand au dehors, on voit des mères, des épouses, des sœurs de nos héros s’attarder dans l’Église et venir baiser longuement le symbole de la patrie à laquelle elles sont fières d’avoir sacrifier tout leur amour.

P. Amédée Nouaille

Missionnaire aux Tuamotu.

© Semeur tahitien - 1920

Guerre de 14-18 – Pape Benoit XV

Lettre du pape Benoit XV aux Chefs des peuples belligérants

Le 1er août 1917, Benoît XV écrit une exhortation à la paix. Dans cette lettre publiée le 16 août, le pape lance à nouveau un appel aux « chefs des pays belligérants » et revient sur l’action du Vatican en faveur de la paix depuis le début de la guerre.  « Quiconque a suivi Notre œuvre pendant ces trois douloureuses années qui viennent de s’écouler a pu facilement reconnaître que, si Nous sommes restés toujours fidèles à Notre résolution d’absolue impartialité et à Notre action de bienfaisance, Nous n’avons pas cessé non plus d’exhorter peuples et gouvernements belligérants à redevenir frères », écrit-il. Le Saint-Père met en garde contre une poursuite du conflit : « Le monde civilisé devra-t-il donc n’être plus qu’un champ de mort ? » Par ailleurs, Benoît XV va plus loin en évoquant des propositions « concrètes et pratiques » pour le rétablissement de la paix. Il demande notamment que la Belgique et les territoires occupés en France soient évacués et qu’en retour ses colonies soient restituées à l’Allemagne. Mais l’appel du pape, comme les précédents, restera sans réponse… il faudra encore une année de combat avant que les armes ne se taisent.

Dès le début de Notre Pontificat, au milieu des horreurs de la terrible guerre déchaînée sur l’Europe, Nous Nous sommes proposé trois choses entre toutes : garder une parfaite impartialité à l’égard de tous les belligérants, comme il convient à Celui qui est le Père commun et qui aime tous ses enfants d’une égale affection ; Nous efforcer continuellement de faire à tous le plus de bien possible, et cela sans acception de personnes, sans distinction de nationalité ou de religion, ainsi que Nous le dicte aussi bien la loi universelle de la charité que la suprême charge spirituelle à Nous confiée par le Christ ; enfin, comme le requiert également Notre mission pacificatrice, ne rien omettre, autant qu’il était en Notre pouvoir, de ce qui pourrait contribuer à hâter la fin de cette calamité, en essayant d’amener les peuples et leurs chefs à des résolutions plus modérées, aux délibérations sereines de la paix, d’une paix « juste et durable ». 

Quiconque a suivi Notre œuvre pendant ces trois douloureuses années, qui viennent de s’écouler, a pu facilement reconnaître que, si Nous sommes restés toujours fidèles à Notre résolution d’absolue impartialité et à Notre action de bienfaisance, Nous n’avons pas cessé non plus d’exhorter peuples et gouvernements belligérants à redevenir frères, bien que la publicité n’ait pas été donnée à tout ce que Nous avons fait pour atteindre ce très noble but. 

Vers la fin de la première année de guerre, Nous adressions aux nations en lutte les plus vives exhortations, et de plus Nous indiquions la voie à suivre pour arriver à une paix stable et honorable pour tous. Malheureusement Notre appel ne fut pas entendu ; et la guerre s’est poursuivie, acharnée, pendant deux années encore, avec toutes ses horreurs : elle devint même plus cruelle et s’étendit sur terre, sur mer, jusque dans les airs ; et l’on vit s’abattre sur des cités sans défense, sur de tranquilles villages, sur leurs populations innocentes, la désolation et la mort. Et maintenant personne ne peut imaginer combien se multiplieraient et s’aggraveraient les souffrances de tous, si d’autres mois, ou, pis encore, si d’autres années venaient s’ajouter à ce sanglant triennat. Le monde civilisé devra-t-il donc n’être plus qu’un champ de mort ? Et l’Europe, si glorieuse et si florissante, va-t-elle donc, comme entraînée par une folie universelle, courir à l’abîme et prêter la main à son propre suicide ? 

Dans une situation si angoissante, en présence d’une menace aussi grave, Nous qui n’avons aucune visée politique particulière, qui n’écoutons les suggestions ou les intérêts d’aucune des parties belligérantes, mais uniquement poussé par le sentiment de Notre devoir suprême de Père commun des fidèles, par les sollicitations de Nos enfants qui implorent Notre intervention et Notre parole pacificatrice, par la voix même de l’humilité et de la raison, Nous jetons de nouveau un cri de paix et Nous renouvelons un pressant appel à ceux qui tiennent en leurs mains les destinées des nations. Mais pour ne plus Nous renfermer dans des termes généraux, comme les circonstances Nous l’avaient conseillé par le passé, Nous voulons maintenant descendre à des propositions plus concrètes et pratiques, et inviter les gouvernements des peuples belligérants à se mettre d’accord sur les points suivants, qui semblent devoir être les bases d’une paix juste et durable, leur laissant le soin de les préciser et de les compléter. 

Tout d’abord le point fondamental doit être, qu’à la force matérielle des armes soit substituée là force morale du droit ; d’où un juste accord de tous pour la diminution simultanée et réciproque des armements, selon des règles et des garanties à établir, dans la mesure nécessaire et suffisante au maintien de l’ordre public en chaque État ; puis, en substitution des armées, l’institution de l’arbitrage, avec sa haute fonction pacificatrice, selon des normes à concerter et des sanctions à déterminer contre l’État qui refuserait soit de soumettre les questions internationales à l’arbitrage soit d’en accepter les décisions. 

Une fois la suprématie du droit ainsi établie, que l’on enlève tout obstacle aux voies de communication des peuples, en assurant, par des règles à fixer également, la vraie liberté et communauté des mers, ce qui, d’une part, éliminerait de multiples causes de conflit, et, d’autre part, ouvrirait à tous de nouvelles sources de prospérité et de progrès. 

Quant aux dommages à réparer et aux frais de guerre, Nous ne voyons d’autre moyen de résoudre la question, qu’en posant, comme principe général, une remise entière et réciproque, justifiée du reste par les bienfaits immenses à retirer du désarmement ; d’autant plus qu’on ne comprendrait pas la continuation d’un pareil carnage uniquement pour des raisons d’ordre économique. Si, pour certains cas, il existe, à l’encontre, des raisons particulières, qu’on les pèse avec justice et équité. 

Mais ces accords pacifiques, avec les immenses avantages qui en découlent, ne sont pas possibles sans la restitution réciproque des territoires actuellement occupés. Par conséquent, du côté de l’Allemagne, évacuation totale de la Belgique, avec garantie de sa pleine indépendance politique, militaire et économique, vis-à-vis de n’importe quelle puissance ; évacuation également du territoire français ; du côté des autres parties belligérantes, semblable restitution des colonies allemandes. 

Pour ce qui regarde les questions territoriales, comme par exemple celles qui sont débattues entre l’Italie et l’Autriche, entre l’Allemagne et la France, il y a lieu d’espérer qu’en considération des avantages immenses d’une paix durable avec désarmement, les parties en conflit voudront les examiner avec des dispositions conciliantes, tenant compte, dans la mesure du juste et du possible, ainsi que Nous l’avons dit autrefois, des aspirations des peuples, et à l’occasion coordonnant les intérêts particuliers au bien général de la grande société humaine. 

Le même esprit d’équité et de justice devra diriger l’examen des autres questions territoriales et politiques, et notamment celles relatives à l’Arménie, aux États balkaniques et aux territoires faisant partie de l’ancien royaume de Pologne, auquel en particulier ses nobles traditions historiques et les souffrances endurées, spécialement pendant la guerre actuelle, doivent justement concilier les sympathies des nations. 

Telles sont les principales bases sur lesquelles Nous croyons que doive s’appuyer la future réorganisation des peuples. Elles sont de nature à rendre impossible le retour de semblables conflits et à préparer la solution de la question économique, si importante pour l’avenir et le bien-être matériel de tous les États belligérants. Aussi, en vous les présentant, à vous qui dirigez à cette heure tragique les destinées des nations belligérantes, Nous sommes animé d’une douce espérance, celle de les voir acceptées et de voir ainsi se terminer au plus tôt la lutte terrible, qui apparaît de plus en plus comme un massacre inutile. Tout le monde reconnaît, d’autre part, que, d’un côté comme de l’autre, l’honneur des armes est sauf. Prêtez donc l’oreille à Notre prière, accueillez l’invitation paternelle que Nous vous adressons au nom du divin Rédempteur, Prince de la Paix. Réfléchissez à votre très grave responsabilité devant Dieu et devant les hommes ; de vos résolutions dépendent le repos et la joie d’innombrables familles, la vie de milliers de jeunes gens, la félicité en un mot des peuples, auxquels vous avez le devoir absolu d’en procurer le bienfait. Que le Seigneur vous inspire des décisions conformes à sa très sainte volonté. Fasse le Ciel, qu’en méritant les applaudissements de vos contemporains, vous vous assuriez aussi, auprès des générations futures, le beau nom de pacificateurs. 

Pour Nous, étroitement uni dans la prière et dans la pénitence à toutes les âmes fidèles qui soupirent après la paix, Nous implorons pour vous du divin Esprit lumière et conseil. 

Du Vatican, 1er août 1917.

BENOÎT XV

© Libreria Editice Vaticana - 1917

 

[1] Cf. Enc. Laudato si’, 67 : « Chaque communauté peut prélever de la bonté de la terre ce qui lui est nécessaire pour survivre, mais elle a aussi le devoir de la sauvegarder et de garantir la continuité de sa fertilité pour les générations futures ; car, en définitive, “au Seigneur la terre” (Ps 24, 1), à lui appartiennent “la terre et tout ce qui s’y trouve” (Dt 10, 14). Pour cette raison, Dieu dénie toute prétention de propriété absolue : “La terre ne sera pas vendue avec perte de tout droit, car la terre m’appartient, et vous n’êtes pour moi que des étrangers et des hôtes” (Lv 25, 23). »

[2] Cf. Saint Paul VI, Enc. Populorum progressio, 17 : « Mais chaque homme est membre de la société : il appartient à l’humanité tout entière. Ce n’est pas seulement tel ou tel homme, mais tous les hommes qui sont appelés à ce développement plénier (…) Héritiers des générations passées et bénéficiaires du travail de nos contemporains, nous avons des obligations envers tous et nous ne pouvons nous désintéresser de ceux qui viendront agrandir après nous le cercle de la famille humaine. La solidarité universelle qui est un fait, et un bénéfice pour nous, est aussi un devoir. »

Commentaire des lectures du dimanche

 

Jésus était observateur. Il aimait les choses et les êtres. Selon lui, les humbles réalités de la vie étaient pleines de leçons pour qui savait les voir avec son cœur. Comme les sages de l’Ancienne Alliance, Jésus se passionnait pour l’homme, et surtout pour la manière dont l’homme cherchait Dieu et parlait à Dieu.

Ce jour-là il s’était assis et regardait, tranquillement, comment les croyants d’Israël apportaient leurs pièces pour le trésor du temple, « le denier du culte », en quelque sorte. Mais en fait de denier, la pauvre veuve, la veuve pauvre, n’avait que quelques petites pièces, minces et légères.

Jésus a aimé son geste. Il a appelé ses disciples auprès de lui, comme pour leur communiquer un enseignement important : « Amen, je vous le dis… » C’est ainsi que Jésus introduisait les certitudes ou les leçons qu’il voulait inculquer à ses disciples : « Cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres dans le trésor ».

Tout d’abord elle a donné malgré sa pauvreté. Sa pauvreté ne l’a pas découragée. Bien que pauvre, elle avait quelque chose à donner à Dieu. Ce jour-là, elle a su faire pour Dieu une folie : donner à Dieu sa dernière assurance, s’en remettre à Dieu pour l’avenir, et pour le pain d’aujourd’hui.

Elle a accepté de manquer, pour que Dieu, dans sa vie, fût le premier servi. Elle a su affronter le risque de manquer, comme la veuve de Sarepta, qui a sacrifié pour Élie sa dernière poignée de farine. Elle n’a pas eu peur de sa pauvreté, ni devant Dieu ni devant les hommes. Elle ne s’est pas dit : « De quoi vais-je avoir l’air, venant après » beaucoup « de riches qui ont donné » beaucoup, moi qui vais être seule à donner quasi rien !

Elle ne s’est pas dit : « Seuls les riches sont intéressants ; moi, je n’ai qu’à m’écraser devant Dieu et devant les hommes, parce que je suis pauvre et que je le serai toujours ». Elle n’a pas regardé le don des autres pour s’en attrister, elle n’a pas songé à comparer. Elle a donné « comme elle avait résolu dans son cœur », pour reprendre la formule de Paul.

Et non seulement elle a su donner, bien que pauvre, mais elle a donné sa pauvreté ; et c’est cela surtout qui a touché Jésus. Elle savait que son obole allait la rendre plus pauvre encore, mais sa foi toute simple et droite lui disait que Dieu l’aimait ainsi, qu’elle n’avait pas à devenir riche pour pouvoir donner.

Dieu accueille avec joie l’offrande d’une pauvre qui reste pauvre, et qui accepte de le rester devant lui et devant les hommes.

Jésus, dans ce don inconditionnel, retrouve l’un des réflexes de son propre cœur : « lui qui, de riche qu’il était, s’est fait pauvre, pour nous enrichir par sa pauvreté ».

Il y a tant de manières de se sentir démuni : démuni d’atouts pour faire sa route dans la vie, démuni de santé ou de grâce physique, démuni d’appuis ou d’amitié. Et parce que toutes ces pauvretés nous déprécient à nos propres yeux, nous serions tentés d’en faire reproche aux autres et à Dieu.

Mais la veuve de l’Évangile nous montre le vrai chemin : oui, nous sommes pauvres, mais nous savons quoi faire de notre pauvreté : la reconnaître, la présenter au Seigneur, et nous mettre, dès aujourd’hui, sans attendre, au service du Royaume, tels que nous sommes, tels que Dieu nous voit et nous aime.

Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.

Carmel-asso – 2005