Pko 11.03.2018

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°14/2018

Dimanche 11 mars 2018 – 4ème Dimanche du temps de Carême – Année B

Merci aux S.D.F.…

 La Cathédrale est en travaux depuis deux semaines… la dépose de l’ancien carrelage produit beaucoup de poussière… à la fin de la journée, les bancs, le sol, le chœur sont recouverts d’une importante couche de ciment… Dès le premier jour, avant même que nous ayons pensé à une solution, nos amis S.D.F. sont venus demander : « Peut-on avoir des chiffons pour faire le ménage dans la cathédrale… »

Depuis, il ne se passe pas un jour sans qu’ils soient présents pour nettoyer, remettre en place les bancs, rendre notre cathédrale accueillante pour nos célébrations tant celles des jours de la semaine que du dimanche .

Dans notre société prompte à dénoncer les travers des personnes à la rue, l’occasion nous est offerte non seulement de les remercier mais aussi de rendre hommage à leur courage de vivre dans les conditions qui sont les leurs.

La lecture de l’article « Solidarité… Réinsertion par le travail » ci-dessous nous montre combien les clichés souvent pris et repris en boucle dans les discours des uns et des autres ne sont pas fondés. Les S.D.F. sont bien souvent des femmes et des hommes courageux qui vivent dans des conditions plus que difficiles… et qui chaque matin se lèvent pour aller au travail !

Merci à vous, amis S.D.F., pour votre disponibilité à servir, à votre façon, notre communauté paroissiale… Que Dieu vous bénisse !

Laissez-moi vous dire…

Mi carême   Donner comme Dieu donne !

Nous venons de passer la mi-carême, il ne reste plus que vingt jours pour parvenir à Pâques. Le moment est venu de faire le point sur « notre » carême : où en suis-je côté « aumône » ?

L’Église nous propose maints slogans pour susciter notre générosité : « Donne selon ton cœur », « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir » … Mais où est l’essentiel du carême pour chaque chrétien ?

Dans une interview donnée le 20 janvier 2017 au journal espagnol El Pais, le pape François disait - entre autres - : « Une Église qui n’est pas dans la proximité, n’est pas l’Église. C’est une bonne ONG. Ou une bonne organisation de piété, avec des gens pleins de bonté, faisant le bien, se réunissant pour prendre le thé et faire des œuvres de bienfaisance. Mais ce qui fait l’identité de l’Église, c’est la proximité : être des frères vraiment proches. Car l’Église c’est nous tous. Et la proximité réside dans le fait d’être proches jusqu’à nous toucher : jusqu’à toucher, dans notre prochain, la chair du Christ. » [Pape François. Les peuples, les murs et les ponts, Paris, Ed. du Cerf, 2017, p. 20]

Témoignage (un homme d’une quarantaine d’années – on l’appellera Moana -, ayant une jambe atrophiée il vend quelques uru et coco près d’un grand magasin) :

« Cela fait bientôt dix ans que j’essaie de survivre avec ma compagne et nos quatre enfants. Au début j’avais honte, d’ailleurs des mamas me traitaient de “paresseux” ! Puis je me suis habitué. J’essaie de ne pas mendier mais de proposer quelque chose : mangues, papayes, citron… ; ce que je peux récupérer ici ou là. Je ramène à la maison 2 à 3 000 F par jour ; c’est pas beaucoup mais au moins je me sens un peu utile.

Avant je baissais la tête, j’osais pas regarder les gens. Maintenant je les regarde passer devant moi. Finalement c’est eux qui ont peur de me regarder. C’est dur de se sentir méprisé, pire “inexistant”. Le plus dur ça était quand un monsieur m’a donné 5 000 F, me regardant dans les yeux, il m’a dit : “Surtout t’achète pas de bière avec !” Je n’ai pas su lui dire : “T’en fais pas Papy, ça fait 20 ans que je ne bois plus une goutte d’alcool, depuis mon accident de scooter”… »

Cela nous renvoie à l’histoire de l’homme roué de coups laissé au bord du chemin (Luc 10, 30-37). Jésus propose trois attitudes face au blessé. Le curé qui a peur d’arriver en retard à l’église, il change de trottoir. L’homme de loi qui préfère ne pas se mêler de cette affaire, il passe indifférent. Finalement un étranger – un païen de surcroît-, il est ému en voyant le blessé ; son cœur lui commande de l’aider. On connait la suite… Non seulement il le conduit à l’auberge, mais en plus il paie tous les frais !

Alors ? encore vingt jours pour exercer notre regard sur nos frères et sœurs moins chanceux que nous… et… « donner comme Dieu donne ».

Dominique SOUPÉ

© Cathédrale de Papeete - 2018

En marge de l’actualité…

« Pardonne-nous comme nous pardonnons » (3)

Devant une situation où j’estime avoir le droit de me venger, que c’est « légitime », que je peux frapper en retour celui qui m’a frappé parce que c’est lui qui a commencé, que je peux invoquer la « légitime violence », Jésus qui aurait pu invoquer la loi pour faire condamner la femme adultère, nous montre qu’il y a une autre façon de faire. Les conflits sont inévitables, ils sont caractéristiques de toute existence, ils font partie de la vie. Jésus ne dit pas « N’ayez pas d’ennemis » mais « Pardonnez à vos ennemis » ! Ce qui compte, c’est la façon d’aborder ces conflits, de les résoudre. Est-ce que je vais le faire en supprimant celui avec qui je suis en conflit, comme les scribes voulaient éliminer Jésus ou comme les hommes voulaient éliminer la femme adultère en se servant de la loi ? Jésus dans cet épisode de la femme adultère ne supprime personne, ne condamne personne, ni les Pharisiens, ni la femme. Il refuse également de faire mourir quelqu’un au nom de la Loi. Seul Dieu a la pouvoir de juger et de condamner. Jésus renvoie chacun à sa conscience. Quant aux hommes, il ne leur reste que le commandement de l’amour qui passe avant tout. Est-ce dire que Jésus laisse tout faire ? Non, car aimer quelqu’un c’est l’aider à grandir, et pour cela, lui dire sans passion ce qu’il doit convertir, changer dans sa vie : « Va ! Et ne pêche plus ! » dit-il à la femme adultère... De la même façon que des parents qui veulent aider leurs enfants à grandir savent leur dire ce qui ne va pas et les reprendre quand c’est nécessaire. Mais reprendre quelqu’un n’est pas le condamner.

Ce processus de pardon et de réconciliation n’est pas un rêve qu’on ne pourrait jamais atteindre. L’histoire nous montre, fort heureusement, que cela peut parfois fonctionner : réconciliation entre nations (entre la France et l’Allemagne, après trois guerres dévastatrices), entre confessions religieuses (protestants et catholiques, juifs et chrétiens), parfois entre membres d’une même famille. Certes, se réconcilier avec un ennemi extérieur n’est jamais facile. Mais se réconcilier avec soi-même peut être encore plus difficile. Reconnaître qu’on n’est pas parfait, qu’on n’est pas Dieu, qu’il nous est difficile d’aimer comme le Seigneur nous y invite, pour que nous nous tournions vers lui et que de notre cœur jaillisse cette demande : « Pardonne-nous comme nous pardonnons ! »

+ Monseigneur Jean Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete - 2018

Audience générale…

La Prière eucharistique, moment central de la messe

Lors de l’audience générale, le Pape François a poursuivi son cycle de catéchèses dédiées à la messe. Il est revenu ce mercredi, sur la prière eucharistique.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous continuons les catéchèses sur la messe et, dans cette catéchèse, nous nous arrêtons sur la prière eucharistique. Une fois conclu le rite e la présentation du pain et du vin, commence la prière eucharistique, qui qualifie la célébration de la messe et en constitue le moment central, ordonné à la sainte communion. Elle correspond à ce que Jésus lui-même a fait, à table avec les apôtres lors de la dernière Cène, quand il « rendit grâce » pour le pain, et ensuite pour le calice du vin (cf. Mt 26,27 ; Mc 14,23 ; Lc, 22,17.19 ; 1 Cor 11,24) : son action de grâce revit dans chacune de nos Eucharisties, en nous associant à son sacrifice du salut.

Et dans cette prière solennelle – la prière eucharistique est solennelle – l’Église exprime ce qu’elle accomplit quand elle célèbre l’Eucharistie et le motif pour lequel elle la célèbre, à savoir faire communion avec le Christ réellement présent dans le pain et dans le vin consacrés. Après avoir invité le peuple à élever son cœur vers le Seigneur et à lui rendre grâce, le prêtre prononce la prière à haute voix, au nom de toutes les personnes présentes, en s’adressant au Père par l’intermédiaire de Jésus-Christ dans l’Esprit Saint. « Cette prière signifie que toute l’assemblée des fidèles s’unit au Christ pour magnifier les grandes œuvres de Dieu et pour offrir le sacrifice » (Présentation générale du Missel romain, 78). Et pour s’unir, elle doit comprendre. C’est pourquoi l’Église a voulu célébrer la messe dans la langue que comprennent les gens, afin que chacun puisse s’unir à cette louange et à cette grande prière avec le prêtre. En vérité, « le sacrifice du Christ et le sacrifice de l’Eucharistie sont un unique sacrifice » (Catéchisme de l’Église catholique, 1367).

Dans le Missel, on trouve différentes formules de prière eucharistique, toutes constituées par des éléments caractéristiques, que je voudrais maintenant rappeler (cf. PGMR, 79 ; CEC, 1352-1354). Elles sont toutes très belles. Avant tout, il y a la préface, qui est une action de grâce pour les dons de Dieu, en particulier pour avoir envoyé son Fils comme notre Sauveur. La préface se conclut par l’acclamation du Sanctus, normalement chanté. Il est beau de chanter le Sanctus : « Saint, saint, saint le Seigneur ». Il est beau de le chanter. Toute l’assemblée unit sa voix à celle des anges et des saints pour louer et glorifier Dieu.

Il y a ensuite l’invocation de l’Esprit afin que, par sa puissance, il consacre le pain et le vin. Nous invoquons l’Esprit pour qu’il vienne et qu’il y ait Jésus dans le pain et le vin. L’action de l’Esprit Saint et l’efficacité des paroles mêmes du Christ, proférées par le prêtre, rendent réellement présents, sous les espèces du pain et du vin, son Corps et son Sang, son sacrifice offert sur la croix une fois pour toutes (cf. CEC, 1375). Jésus, sur ce point, a été très clair. Nous avons entendu comment saint Paul, au début, raconte les paroles de Jésus : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang ». « Ceci est mon sang, ceci est mon corps ». C’est Jésus lui-même qui a dit cela. Nous ne devons pas nous poser des questions étranges : « Mais comment est-ce possible, une telle chose… ». C’est le Corps de Jésus ; c’est tout. La foi : la foi vient à notre aide ; par un acte de foi, nous croyons que c’est le corps et le sang de Jésus. C’est le « mystère de la foi », comme nous le disons après la consécration. Le prêtre dit : « Mystère de la foi » et nous répondons par une acclamation. En célébrant le mémorial de la mort et de la résurrection du Seigneur, dans l’attente de son retour glorieux, l’Église offre au Père le sacrifice qui réconcilie le ciel et la terre : elle offre le sacrifice pascal du Christ en s’offrant avec lui et en demandant, en vertu de l’Esprit Saint, de devenir « dans le Christ un seul corps et un seul esprit » (Prière eucharistique III ; cf. Sacrosanctum Concilium, 48 ; PGMR, 79f). L’Église veut nous unir au Christ et devenir avec le Seigneur un seul corps et un seul esprit. C’est cela, la grâce et le fruit de la communion sacramentelle : nous nous nourrissons du Corps du Christ pour devenir, nous qui en mangeons, son Corps vivant aujourd’hui dans le monde.

C’est un mystère de communion, l’Église s’unit à l’offrande du Christ et à son intercession et, dans cette lumière, « dans les catacombes, l’Église est souvent représentée comme une femme en prière, les bras grands-ouverts, dans une attitude de prière, l’Église qui prie. C’est beau de penser que l’Église prie. Il y a un passage dans le Livre des Actes des apôtres ; quand Pierre était en prison, la communauté chrétienne dit : « Elle priait sans cesse pour lui ». L’Église qui prie, l’Église priante. Et quand nous allons à la messe, c’est pour faire cela : être l’Église qui prie. « De même que le Christ a étendu les bras sur la croix, ainsi, par lui, avec lui et en lui, l’Église s’offre et intercède pour tous les hommes » (CEC, 1368).

La prière eucharistique demande à Dieu de rassembler tous ses enfants dans la perfection de l’amour, en union avec le pape et l’évêque, mentionnés par leur nom, signe que nous célébrons en communion avec l’Église universelle et avec l’Église particulière. La supplication, comme l’offrande, est présentée à Dieu pour tous les membres de l’Église, les vivants et les défunts, dans l’attente de la bienheureuse espérance de partager l’héritage éternel du ciel, avec la Vierge Marie (cf. CEC, 1369-1371). Personne ni rien n’est oublié dans la prière eucharistique, mais tout est reconduit à Dieu, comme le rappelle la doxologie qui la conclut. Personne n’est oublié. Et si j’ai quelqu’un, des parents, des amis, qui sont dans le besoin ou qui sont passés de ce monde à l’autre, je peux les nommer à ce moment, intérieurement et dans le silence, ou faire écrire que son nom soit prononcé. « Père, combien dois-je payer pour que mon nom soit prononcé ici ? – Rien ! ». C’est compris ? Rien ! La messe ne se paye pas. La messe est le sacrifice du Christ, qui est gratuit. La rédemption est gratuite. Si tu veux faire une offrande, fais-la, mais ce n’est pas payant. C’est important de comprendre cela.

Cette formule codifiée de prière, peut-être pouvons-nous la sentir un peu lointaine – c’est vrai, c’est une formule ancienne – mais si nous en comprenons bien la signification, alors nous participerons certainement mieux. En effet, elle exprime tout ce que nous accomplissons dans la célébration eucharistique ; et en outre, elle nous enseigne à cultiver trois attitudes qui ne devraient jamais manquer chez les disciples de Jésus. Les trois attitudes : premièrement, apprendre à « rendre grâce, toujours et en tout lieu » et pas seulement à certaines occasions, quand tout va bien. Deuxièmement, faire de notre vie un don d’amour, libre et gratuit ; troisièmement, construire la communion concrète, dans l’Église et avec tous. Cette prière centrale de la messe nous éduque nous, petit à petit, à faire de toute notre vie une « Eucharistie », c’est-à-dire une action de grâce.

© Libreria Editrice Vaticana – 2018

Solidarité…

La réinsertion par le travail

L’Accueil Te Vai-ete qui accompagne depuis plus de 23 ans les personnes en grande précarité et à la rue, n’avait pas prévue dans sa mission première de s’occuper aussi de l’insertion ou la réinsertion par le travail. Son objectif initial, qui reste central, étant : « Manger, se laver, avoir une tenue propre… » pour envisager une réinsertion sereine…

De fils en aiguilles, la mission s’est élargie… englobant aussi une aide à l’insertion ou la réinsertion professionnelle d’abord indirecte puis plus active… en partenariat.

1° La réalité !

S’insérer ou se réinsérer dans la vie de la société polynésienne d’aujourd’hui, pour les personnes en grande précarité et à la rue est complexe. Il n’y a pas de profil type des personnes en grande précarité et à la rue. Chacune d’elle est unique.

Parmi les éléments essentiels pour s’insérer ou se réinsérer dans le rythme de la société, le travail a une place importante, même si celui-ci n’est pas suffisant. Bien souvent, lorsque l’on est en grande précarité et à la rue, trouver un travail, y être assidu, le garder est un vrai défi ! Le premier, et pas des moindres étant les préjugés.

Le plus commun de ces préjugés étant : « Les S.D.F. sont des paresseux ! » Et pourtant, vous seriez surpris d’apprendre que sur les quelques 250 personnes à la rue de façon permanente ou semi permanente que nous rencontrons régulièrement… plus de 50 d’entre-eux sont en C.A.E., certains depuis près d’un an, d’autres en moindre nombre ont un travail « normal »… Quelques-uns sont hébergés dans des centres d’accueil, mais plus de la moitié dorment sur les trottoirs de notre bonne ville de Papeete ou dans la Cathédrale !

2° Obstacles et réponses à la difficulté pour trouver un emploi

Les obstacles à l’insertion ou à la réinsertion professionnelle sont de deux ordres : difficultés administratives et difficultés humaines. Si la seconde catégorie de difficultés est plus difficile à appréhender parce que propre à chaque personne, la première nécessite juste un peu de bon sens et une volonté politique de prendre en compte la réalité des personnes en grande précarité.

A- Les difficultés administratives

Les premières difficultés lorsque l’on est en situation de grande précarité et à la rue, sont les difficultés administratives. Pour pouvoir prétendre à un emploi, aidé ou non, il faut être à jour de son inscription à la C.P.S., en l’occurrence au R.S.P.F. (Régime de Solidarité de la Polynésie Française). Cela suppose la constitution d’un dossier, dont chaque pièce peut être un véritable casse-tête pour l’obtenir : Attestation de résidence, C.N.I., adresse postale, compte bancaire,… Ce qui peut paraître, pour beaucoup d’entre nous, une simple formalité, voire une évidence… est bien souvent pour ces personnes un obstacle insurmontable.

C’est ainsi que rapidement, dès 1995 avec la mise en place du R.S.T., l’Accueil Te Vai-ete a été amené à développer un réseau de partenaire pour accompagner les personnes en grande précarité et à la rue sur le chemin de la réinsertion professionnelle.

a- Attestation de résidence

La première expérience fut la mise en place par le pays du Régime de solidarité appelé R.S.T devenu depuis R.S.P.F. L’inscription au R.S.P.F. nécessite la constitution d’un dossier incluant comme préalable une attestation de résidence, aujourd’hui remplacé par la copie d’une facture d’électricité ou l’attestation sur l’honneur de l’hébergeant. Il nous a fallu plusieurs mois et notamment la patience et l’obstination de feu Mr Jean-Claude RAU, en 1995, pour que nous trouvions un terrain d’entente avec la municipalité de Papeete et les Affaires sociales… ce fut la reconnaissance d’une attestation de l’Accueil Te Vai-ete attestant que la personne fréquente régulièrement la structure.

Depuis cette attestation a fait du chemin. Elle est aujourd’hui reconnue non seulement par la D.A.S. et la C.P.S. pour la constitution ou le renouvellement du dossier R.S.P.F. mais aussi par les services de l’État pour l’établissement de la C.N.I. et par l’Office de la Poste pour l’ouverture d’un compte postal.

b- C.N.I. (Carte Nationale d’Identité)

La Carte Nationale d’Identité est le second document indispensable. Mais c’est aussi celui qui est le plus difficile à conserver lorsque l’on vit dans la rue… entre les vols subit par ces personnes, les intempéries… Pour établir une C.N.I., rien de bien compliqué : un acte de naissance (100 xfp), deux photos d’identité (1 000 xfp), un timbre fiscal (1 500 xfp) sans oublier la fameuse attestation de résidence ! Soit un total de 2 600 xfp. Nous ne parlerons pas ici des difficultés supplémentaires pour les personnes nées dans les îles.

Au fur et à mesure des années, une véritable relation de partenariat a pu s’établir avec les différents services concernés.

-  La reconnaissance par le service des C.N.I. de l’attestation de l’Accueil Te Vai-ete ;

-  La gratuité des actes de naissances pour la commune de Papeete tout d’abord, puis de pratiquement l’ensemble des communes de Polynésie grâce notamment à l’intervention du Haut-Commissariat auprès des maires des communes via le S.P.C.P.F. (Syndicat pour la Promotion des Communes de Polynésie Française) ;

-  Les 10% de réduction du prix des photos par le magasin Terii photo.

Simplement sur les 3 dernières année 2015-2018, l’Accueil Te Vai-ete a permis ainsi d’établir 182 C.N.I. pour un montant total de 382 960 xfp.

c- Adresse postale

Autre difficulté à laquelle les personnes en grande précarité et à la rue ont à faire face c’est une adresse postale pour recevoir leur courrier. Il nous a fallu trouver une solution pour que ces personnes puissent recevoir leur courrier. Le principe de la Poste étant qu’une boite postale est attribuée à une personne ou à une société. Toute personne supplémentaire occasionnant une augmentation de la location de la boite postale.

Nous nous sommes rapprochés de La Poste et nous avons présenté notre problème : avoir une boite postale unique pour l’Accueil Te Vai-ete et pour les personnes en grande précarité suivie… sans pouvoir donner un nombre précis d’usagé de la boite postale en raison de l’instabilité de ce public. Sans difficulté nous avons reçu un accueil favorable des services postaux. La boite postale de l’Accueil Te Vai-ete, sans frais supplémentaire que l’abonnement annuel normal, peut recevoir le courrier des personnes à la rue… sans limite de nombre.

Reconnaissons que le courrier des personnes en grande précarité et à la rue reste très rare, hormis les relevés postaux mensuels et quelques courrier officiel. Même si à ce jour, l’Accueil Te Vai-ete reste la seule structure au service des personnes en grande précarité qui mette ainsi sa boite postale à leur disposition.

d- Compte bancaire

Le dernier élément essentiel pour envisager une insertion ou réinsertion professionnelle et accessoirement la constitution du dossier R.S.P.F., c’est un compte bancaire ou postal.

Les difficultés sont de deux ordres : l’ouverture d’un compte et son fonctionnement.

  • L’ouverture d’un compte : Outre les pièces habituelles (Certificat de résidence, C.N.I.), l’ouverture d’un compte a un coût, plus ou moins élevé en fonction des banques.
  • Le fonctionnement du compte : Une fois le compte ouvert, les frais de tenue de compte sont mis en œuvre. Or pour la plupart des personnes à la rue, le compte n’est utilisé que très occasionnellement… et se retrouve par conséquent très souvent sans provision. Ainsi de fil en aiguille, il devient débiteur… puis est bloqué. Avec tout ce que cela implique. On s’est retrouvé un jour avec une personne à la rue qui a perçu un chèque d’indemnisation de la justice de 500 000 xfp qu’il ne pouvait déposer sur son compte avant d’avoir verser en espèces son découvert de 6 000 xfp !

C’est encore La Poste, plus précisément le C.C.P., qui par l’intermédiaire de la directrice déléguée des services bancaires nous a proposé de réfléchir ensemble en juin 2017 à une solution pour ces personnes en grande précarité. En février 2018, une convention de partenariat a été signée entre La Poste – CCP et l’Accueil Te Vai-ete qui établit la mise en place d’une « Offre solidarité ».

Ainsi, aujourd’hui, une personne en grande précarité et à la rue peut avoir accès à un compte postal sans frais, réduit au « service minimum » : dépôt de fond, d’indemnité, de salaire et retrait gratuit au guichet… sans possibilité de prélèvement automatique, carnet de chèque…

Si la convention n’a été signé que le 20 février 2018, sa mise en œuvre, d’une façon artisanale a débuté dès juin 2017. Ce sont ainsi 67 personnes qui actuellement bénéficie de cette « Offre solidarité ».

e- Conclusion

Grâce à ces partenariats multiples, l’Accueil Te Vai-ete a pu accompagner 134 personnes en grande précarité et à la rue dans la constitution de leur dossier R.S.P.F. et 126 pour le renouvellement de l’admission en 2017. Reste à pérenniser ces partenariats qui pour certains dépendent essentiellement d’une ou deux personnes en fonction des services et des administrations plus ou moins sensible à l’accueil de ces personnes.

B- Les difficultés humaines

L’autre grande partie des difficultés rencontré par les personnes en grande précarité et à la rue pour entamer une démarche d’insertion ou de réinsertion est la capacité relationnelle.

Ces personnes ayant souvent été mise en situation d’échec dans leurs expériences relationnelles (école, administration, employeurs,…) sont souvent paralysé à l’idée d’aller à la rencontre d’inconnus.

Les personnes qui accueillent ne peuvent pas toujours deviner qui elles ont en face d’eux : personne illettrée, maitrisant mal aussi bien le tahitien que le français, ayant un trouble psychologique plus ou moins grave…

Pour pallier à ces difficultés, une méthode artisanale mais efficace, est d’accompagner ces personnes en grande précarité dans leur démarche. Cette démarche ne consiste pas nécessairement d’aller avec eux, mais simplement de donner le prénom de la personne à rencontrer.

Une autre difficulté est la réticence des employeurs à s’engager avec des personnes dans cette situation. Réticence fondée : un investissement de temps pour former la personne, une précarité de logement qui ne garantit pas la durée et la performance… Le rôle de l’Accueil Te Vai-ete est d’assuré un lien entre l’employeur et la personne en grande précarité embauchée. Ainsi nous essayons, dans les premiers temps d’aller régulièrement sur le lieu de travail… et éventuellement, dans la mesure du possible, d’envisager un aménagement horaire pour que la personne puisse venir prendre son repas à l’Accueil Te Vai-ete avant de se rendre sur son lieu de travail.

Les difficultés relationnelles se dépassent essentiellement dans la prise en compte du nécessaire apprivoisement des uns et des autres, du dépassement des appréhension et des aprioris.

3° Petites expériences de remise au travail

Pour les personnes qui n’ont pas actuellement de perspective de travail… une petite « expérience » est en œuvre grâce à une bénévole : « Les confiturières de Te Vai-ete ».

Une petite équipe de trois personnes autour d’Odile apprend à faire des confitures et les mets en vente. Elles se réunissent deux à trois fois par semaine en fonction des fruits disponibles.

Une première expérience a eu lieu en octobre-décembre 2017. Deux ventes ont été organisées, l’une à la sortie des messes dominicales de la Cathédrale et l’autre à l’occasion du « Salon des artiz’ de l’espoir ». Deux opérations qui ont remporté un franc succès puisque chacune des « confiturières » – elles étaient trois – a perçue 60 726 xfp.

L’expérience a repris en février, avec une équipe quelque peu renouveler, certaines de la première équipe ayant entamée une formation.

C’est une expérience à la fois de travail puisqu’il s’agit de matinées bien pleines et d’un travail en équipe qui va de la confection à la vente.

Nous avons d’autre projet en perspectives… mais il nous faut d’abord trouver un local plus adapté que celui que nous occupons aujourd’hui ! À la grâce de Dieu !

4° Partenariat avec les structures du pays et les employeurs

D’autres perspectives s’ouvrent aujourd’hui pour l’insertion ou la réinsertion professionnelle des personnes en grande précarité et à la rue.

L’un des partenaires privilégiés et incontournables est sans aucun doute le SEFI, notamment avec les stages de formation proposés et les C.A.E. (Contrat d’Aide à l’Emploi) ouvert aussi aux personnes en grande précarité et à la rue en tant que demandeur d’emploi : 48 actuellement en C.A.E. et 9 dossiers en attente. Les C.A.E. sont une occasion en or pour cette population d’accéder à une expérience en entreprise, à une reprise de confiance en eux et aussi pour changer le regard des employeurs.

Depuis quelques mois, l’Accueil Te Vai-ete compte dans son équipe de bénévole un agent du S.E.F.I qui vient une fois par semaine, en dehors de ses heures de travail, participer à la vie de l’Accueil : préparation des repas, service à table… Parallèlement, il rencontre chacun des accueillis pour faire avec eux un bilan de leur situation professionnelle, des orientations possible… Cette présence et cette écoute sont un vrai « dynamiseur »… Une simple présence… ils se sentent exister et espèrent à nouveau… sans qu’aucune promesse ne leur ait été faite, bien au contraire. Notre bénévole leur rappelle sans cessse : « Pas de mystère, il faut vous bouger, chercher un employeur… après on pourra vous accompagner dans les démarches… » Les résultats sont là ! Beaucoup d’entre eux se bougent !

Le travail de l’Accueil Te Vai-ete est alors de les accompagner et orienter dans les démarches administratives… et d’être-là sans cesse pour les encourager, les secouer un peu parfois…

Un véritable partenariat… Chacun faisant ce qui est de sa compétence… Il ne nous appartient pas de faire de la formation, des organismes sont là pour cela et le SEFI assure l’orientation des personnes vers ces organisme… Le rôle de l’Accueil Te Vai-ete est d’être un « facilitateur » ! Malheureusement certaines structures d’accueil n’ont pas encore compris cela !

5° Conclusion

C’est une conclusion pleine d’espérance que nous voulons faire ici… Pas béatement… mais avec réalisme… le chemin est long, très long…  rien n’est jamais acquis… chaque jour est un nouveau défi, d’abord pour les personnes en grande précarité et à la rue… puis pour nous qui nous proposons de faire un bout de chemin avec eux… Il n’ y a pas de mystère la réponse est :

Croire en eux… pour qu’ils croient en nous !

© Accueil Te Vai-ete – 2018

Commentaire des lectures du dimanche

Le dimanche que nous célébrons marque une étape dans le Carême. À partir de demain les évangiles des messes de semaine seront pris dans l’évangile selon St Jean, dans l’ordre des chapitres. Seuls quelques miracles seront rapportés, et les paroles de Jésus tiendront beaucoup plus de place. Aux juifs qui l’interrogent sur son identité, Jésus répond en affirmant de multiples manières la relation unique et mystérieuse qui l’unit à son Père et en demandant à ses interlocuteurs qu’ils lui fassent confiance et croient en sa parole. La toile de fond de ces dialogues, qui sont des dialogues de sourds, est celle de la mort de Jésus.

Jésus nomme trois intervenants, lui-même sous le titre de « Fils de l’homme », ou de « Fils », le Père, son Père, enfin le monde, les hommes appelés à croire en lui, nous-mêmes. En quelques phrases, la première partie de l’évangile de ce jour récapitule et annonce les discours de Jésus. « Comme le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, en signe de guérison pour ceux qui croiraient en la parole de Moïse, il faut que le Fils de l’homme soit élevé ». Nous savons qu’il s’agit de l’élévation de Jésus sur la croix. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que tout homme qui croit obtienne la vie éternelle, et que le monde soit sauvé ». Les mots forts ici employés sont familiers à la plupart d’entre nous ainsi que les vérités fondamentales qui sont énoncées. Nous le croyons globalement : Dieu nous aime, il a manifesté son amour par l’envoi de son Fils parmi nous pour que par la foi en lui nous obtenions la vie éternelle et soyons sauvés. Et nous savons que cette vie éternelle ne désigne pas seulement quelque chose que nous vivrons après la mort. Elle est la participation à la vie de Dieu qui nous est donnée dès maintenant par la foi en Jésus mort et ressuscité pour nous. Tout cela nous le connaissons et nous y croyons.

Comment alors échapper, en entendant cet évangile, à l’impression du déjà vu et connu, et à l’usure de la répétition ? Comment accueillir ces paroles de Jésus comme des paroles vivantes qui, même si elles ont été maintes fois entendues, ont le parfum du nouveau, comme les paroles d’un amour toujours neuf ? A cette question on peut répondre de bien des manières, à commencer par un appel à avoir l’esprit et le cœur éveillés et ouverts.

Le début de l’évangile de la rencontre avec Nicodème, non reproduit dans le texte de ce jour, nous indique toutefois une ligne fondamentale. Nicodème est un pharisien, un homme qui connait très bien la Loi de Moïse et s’applique à la mettre en pratique. C’est un homme d’expérience, un notable qui fait partie du gouvernement du Sanhédrin. Il est venu trouver Jésus de nuit, sans doute a-t-il peur de ses collègues qui n’ont guère de sympathie pour Jésus, mais lui en a. Dans un esprit d’ouverture il engage la conversation : « Maitre, nous savons que tu es un maitre qui vient de la part de Dieu, car personne ne peut faire les signes que tu fais si Dieu n’est pas avec lui ». Mais Jésus a répondu solennellement comme s’il ne tenait aucun compte de ce que Nicodème venait de dire : « En vérité, je te le dis, nul s’il ne nait de l’eau et de l’Esprit ne peut entrer dans le Royaume. Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit ». Et à la dernière question de Nicodème « Comment cela peut-il se faire ? » Jésus a simplement répondu : « Tu es maitre en Israël et tu ne connais pas ces choses. » Que pouvons comprendre à travers cet échange ?

La bonne volonté d’un homme comme celle de Nicodème, son expérience de la vie, le savoir qu’il possède des vérités de la religion, tout son acquis humain, si bon et important soit-il, reste court, radicalement insuffisant pour entrer dans la communion de vie avec Dieu, symbolisée par le Royaume de Dieu. Tout cet acquis peut même être un obstacle si nous pensons qu’il est suffisant et si nous mettons notre confiance en cet avoir au lieu de la mettre en Jésus-Christ. Ce qui revient à se faire petit comme un enfant, à renaitre à une vie nouvelle donnée gratuitement par la foi et le baptême. Il s’agit de faire confiance à Quelqu’un, à Jésus, à travers ses actes et ses paroles que nous ne comprenons pas totalement. Cela demande de lâcher nos sécurités humaines et de ne pas nous laisser arrêter par nos peurs d’un avenir où il nous serait trop demandé à notre goût et où nous perdrions les commandes de notre vie. C’est alors que se déploie la lumière « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que tout homme qui croit obtienne la vie, la vie éternelle ».

Voilà qui nous permet d’entrevoir la signification de la suite des paroles de Jésus qui sont difficiles à entendre. « Celui qui croit échappe au jugement, celui qui ne croit pas est déjà jugé du fait qu’il n’a pas voulu croire. Et le jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière ». Pourquoi refuserions-nous la lumière ? De quoi avons-nous peur ? « Les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ». Nous avons tous peur d’être vus comme mauvais et coupables. Nous ne voulons pas que les autres découvrent les zones d’ombre qui sont en nous. Nous les cachons derrière de bonnes apparences. Nous ne voulons pas que nos mauvaises actions soient mises en lumière parce que nous avons peur d’être rejetés, avec toutes nos faiblesses et nos limites. Nous ne pouvons accepter notre pauvreté et notre vulnérabilité que lorsque nous nous savons aimés tels que nous sommes. Quand nous comprenons que nous n’avons pas besoin d’être intelligents, forte et savants, alors nous pouvons vivre dans la vérité, venir à la lumière et nous laisser conduire par l’Esprit de Dieu sur le chemin de la vie avec Dieu. Nous sommes délivrés de la peur. « Celui qui fait la vérité vient à la lumière afin que soit manifesté que ses œuvres sont faites en Dieu. »

Carême, chemin pour renouveler notre foi, pour choisir de croire plus profondément à l’amour de Dieu offert en Jésus-Christ. Chemin d’humilité pour reconnaitre nos peurs et les offrir au Seigneur. Chemin à parcourir en Église, avec les chrétiens du monde entier, en nous ouvrant à la joie de l’Esprit Saint qui habite notre cœur.

Fr. Dominique Sterckx, ocd

© Carmel-asso – 2015