Pko 03.06.2018

Eglise cath papeete 1Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°30/2018

Dimanche 3 juin 2018 – Solennité du Saint Sacrement – Année B

Humeurs…

« Les hommes politiques sont des menteurs et des voleurs ! »

« Les hommes politiques sont des menteurs et des voleurs »… Lancer une telle affirmation serait totalement abusif et irrespectueux pour tous ceux qui vivent l’engagement politique comme un véritable service. Les médias ne manqueraient pas de relever le propos, beaucoup de gens s’offusqueraient de telles paroles et à juste titre. Il est probable que notre Archevêque recevrait dans l’heure qui suit quelques appels téléphoniques pour appeler le vicaire de la cathédrale à un peu de retenu ! Et un certain nombre de fidèles déserteraient la cathédrale ! Ils auraient raison ! Réduire une « catégorie » de personnes à un cliché, qui plus est négatif et méprisant n’est pas acceptable… c’est intolérable.

Et cependant, lorsque l’on parle des personnes en grande précarité – les SDF – de tels propos réducteurs ne choquent, semble-t-il, personne !

Ainsi, lorsqu’une personne publique exprime sur une radio de la place : « Je pense qu’il s’agit surtout d’aller communiquer, discuter avec ces personnes-là, qui finalement, on s’en rend compte, adorent rester à l’extérieur. Et c’est cela qui n’est pas évident ! »… Pas de réactions… pas de commentaires ! Pourtant, durant la dernière campagne électorale, de tous  bords l’on s’est gargarisé de propos attendrissant, plein de compassion pour ces personnes en grande précarité !

Alors, encore une fois, nous prendrons la parole pour ces sans-voix de notre société polynésienne !

Non!... Les SDF n’adorent pas rester à l’extérieur !

Les SDF, comme le reste de la population ne sont pas les « clones » d’un modèle type et unique prédéfini par les gens bien : des paresseux qui sont heureux dans leur misère !… il y a autant de variante chez les SDF qu’il y en a chez les hommes politiques, chez les prêtres, dans l’espèce humaine en général…

Le saviez-vous ?

Parmi les 250 personnes en situations de grandes précarités que nous rencontrons de façon régulière1 à l’Accueil Te Vai-ete ou lors de nos maraudes hebdomadaires :

  • 40 sont en C.A.E. ;
  • 48 sont reconnus adultes handicapés ;
  • 28 sont retraités dont un certain nombre retraité salarié .

Autrement dit près de la moitié ont un revenu mais pas les moyens de se loger ! Sans compter ceux qui sont en totale détresse et laissé  à eux-mêmes.

Non!... Les SDF n’adorent pas rester à l’extérieur !

Les nombreux bénévoles qui participent aux différentes actions – pas des fonctionnaires de la pauvreté – peuvent vous témoigner du courage et de la volonté de s’en sortir de nombre de ces personnes en grande précarité et à la rue !

Non!... Les SDF n’adorent pas rester à l’extérieur !

Le 23 mai dernier lors de sa nomination au ministère de la famille, des Solidarités et de l’Égalité des chances, la nouvelle ministre a tenu sur Radio 1 des propos assez surprenants !

Radio 1 : Est-ce qu’on va voir, par exemple, le nombre de SDF réduire dans les rues de Papeete, par exemple ?

Isabelle Sachet : Eh bien, c’est un chantier qui déjà a été mis en œuvre depuis quelque temps déjà. Il est vrai qu’on a encore beaucoup à faire. Je pense qu’il s’agit surtout d’aller communiquer, discuter avec ces personnes-là, qui finalement, on s’en rend compte, adorent rester à l’extérieur. Et c’est cela qui n’est pas évident !

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1   Depuis le 1er janvier nous avons rencontré 447 personnes dont 250 de façon régulière… c’est-à-dire plus de dix fois.

Laissez-moi vous dire…

Mois de juin : mois des choix et des décisions

Utiliser les medias à bon escient et dans le respect des personnes

Le mois de juin est souvent, pour bon nombre de familles, le temps de choix importants. Les enfants passent des examens, certains sont confrontés à des décisions importantes pour leur avenir : filières d’études, choix d’école ou d’université, lieux de stage et même lieux de vie, recherche d’un emploi.

De plus en plus ces choix se font à partir de données recueillies sur internet. On procède à des échanges d’informations sur les réseaux sociaux. On se trouve alors dans une sorte de « caverne d’Ali Baba » où se mélangent le bon grain et l’ivraieExercer un discernement est nécessaire car les « vendeurs de rêves », irrespectueux des personnes - sont nombreux.

On comprend ainsi pourquoi le Pape François propose que l’on prie au mois de juin : « Pour que les réseaux sociaux favorisent la solidarité et l’apprentissage du respect de l’autre dans sa différence. » Cela rejoint ce qu’il disait dans son Message pour la 51ème journée de la communication : « Ce n’est pas la technologie qui décide si la communication est authentique, mais le cœur de l’homme et sa capacité de bien user des moyens mis à sa disposition. »

Combien de personnes ont été blessées, « lynchées », trompées par le biais des réseaux sociaux. En ces lieux, beaucoup d’usagers oublient qu’ils sont chrétiens, se laissant aller à la calomnie, à l’irrespect, au racisme… J’entends alors ce texte de l’apôtre Saint Jacques : « En mettant un frein dans la bouche des chevaux pour qu’ils nous obéissent, nous dirigeons leur corps tout entier… De même, notre langue est une petite partie de notre corps et elle peut se vanter de faire de grandes choses. Voyez encore : un tout petit feu peut embraser une très grande forêt. La langue aussi est un feu ; monde d’injustice, cette langue tient sa place parmi nos membres ; c’est elle qui contamine le corps tout entier, elle enflamme le cours de notre existence, … mais la langue, personne ne peut la dompter : elle est un fléau, toujours en mouvement, remplie d’un venin mortel… De la même bouche sortent bénédiction et malédiction. Mes frères, il ne faut pas qu’il en soit ainsi. » (cf. Jacques 3, 1-18)

Je relie souvent ce passage biblique à un texte attribué à Socrate, ce philosophe grec doté d’une haute réputation de sagesse. Le test proposé par Socrate pourrait nous aider à « mettre un frein à notre langue » !

« Quelqu'un vint un jour trouver Socrate pour lui dire :

-  Sais-tu ce que je viens d'apprendre sur ton ami ?

-  Un instant, répondit Socrate, avant que tu ne me racontes tout cela, j'aimerais te faire passer un test très rapide.

Ce que tu as à me dire, l'as-tu fais passer par le test des trois passoires 

-  Les trois passoires ?

-  Mais oui, reprit Socrate. Avant de raconter toutes sortes de choses sur les autres, il est bon de prendre le temps de filtrer ce que l'on aimerait dire. C'est ce que j'appelle le test des trois passoires.

La première passoire est celle de la vérité. As-tu vérifié si ce que tu veux me raconter est vrai ? 

-  Non, pas vraiment. Je n'ai pas vu la chose moi-même, je l'ai seulement entendu dire...

-  Très bien ! Tu ne sais donc pas si c'est la vérité.

Voyons maintenant. Essayons de filtrer autrement, en utilisant une deuxième passoire, celle de la bonté. Ce que tu veux m'apprendre sur mon ami, est-ce quelque chose de bien ?

-  Ah non ! Au contraire ! J'ai entendu dire que ton ami avait très mal agi.

-  Donc, continua Socrate, tu veux me raconter de mauvaises choses sur lui et tu n'es pas sûr si elles sont vraies. Ce n'est pas très prometteur !

Mais tu peux encore passer le test, car il reste une passoire, celle de l'utilité. Est-il utile que tu m'apprennes ce que mon ami aurait fait ?

-  Utile ? Non pas réellement, je ne crois pas que ce soit utile...

-  Et Socrate, de conclure, si ce que tu as à me raconter n'est ni vrai, ni bien, ni utile, pourquoi vouloir me le dire ?

Je ne veux rien savoir et, de ton côté, tu ferais mieux d'oublier tout cela ! »

Dominique Soupé

© Cathédrale de Papeete - 2018

En marge de l’actualité…

Fête Dieu

Ce Dimanche, l’Église nous invite à célébrer la « solennité du corps et du sang du Christ », fête plus connue sous les noms de « Fête Dieu » ou « Fête du Saint Sacrement ». Il s’agit pour nous de reconnaître et d’honorer plus particulièrement lors de cette fête la présence réelle de Jésus Christ dans le sacrement de l’Eucharistie, de raviver en nous cet acte de foi qui nous fait proclamer la présence divine sous les apparences sensibles du pain et du vin consacrés au cours de la Messe. Cette fête est très ancienne puisqu’elle figure dans le calendrier liturgique de l’Église Catholique depuis l’année 1264. Pour les passionnés d’histoire, c’est le Pape Urbain IV qui institua cette fête, en un temps où quelques théologiens remettaient en cause la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie.

Si pour nous, cette présence réelle est une évidence de foi, peut-on dire que nous en comprenons bien le sens ? Deux fausses compréhensions peuvent nous égarer. La première : ne voir dans l’hostie consacrée qu’un signe, un rappel sans plus, de la présence du Christ. La seconde : voir dans l’hostie consacrée un morceau de la chair de ce Jésus issu des entrailles de Marie sa mère. Alors ? Tenons ferme que c’est bien le Christ Jésus lui-même qui se donne dans l’Eucharistie et qui est présent dans l’hostie consacrée. Mais il y a plusieurs façons d’être présent :

  • Il y a la présence physique de quelqu’un qui est assis à côté de moi, dans un bus ou une salle d’attente. Je peux le voir, le toucher.
  • Il y a la présence d’un collègue de travail, de quelqu’un qui œuvre avec moi pour un même but, avec qui je collabore.
  • Il y a la présence de ceux ou celles qui comptent dans ma vie, en couple, en famille, avec des amis, une présence qui unit les cœurs et éclaire ma vie.
  • Il y a la présence de ceux que j’aime et qui sont absents, que je ne peux plus toucher parce qu’ils sont loin, ou ont déjà quitté ce monde… Leur présence est spirituelle, pourrait-on dire, et peut avoir pour moi une grande importance. Leur absence apparente ne m’empêche pas de me sentir uni à eux et de sentir leur présence.

Cette présence du Christ dans l’Eucharistie n’est pas la simple prolongation de la présence physique qu’avait autrefois Jésus auprès de ses disciples. Dans l’Eucharistie, Jésus est présent d’une façon nouvelle, depuis sa résurrection. Il a dit lors du dernier repas : « Prenez et mangez, ceci est mon corps, prenez et buvez, ceci est mon sang » … Par le pain et le vin consacrés, Jésus se rend présent et se donne en nourriture, une nourriture qui donne la vie éternelle. Dans la messe, les membres de l'assemblée, fidèles et ministres, écoutant les lectures de la Bible, reçoivent la Parole qui est "Pain de vie", nourriture pour leur foi. Ils célèbrent ensuite l'action de grâces, l'eucharistie, et sont reçus dans le corps du Christ en communiant au "pain de la vie" et à la "coupe du salut".

Alors, prenons garde de ne jamais tomber dans la routine lorsque nous recevons le corps du Christ, nous risquerions de louper sa présence… une présence réelle !

+ Monseigneur Jean-Pierre COTTANCEAU

© Archidiocèse de Papeete - 2018

Audience générale…

L’harmonieuse diversité des don de l’Esprit Saint

Après sa série de catéchèses sur le baptême, le Pape a poursuivi mercredi 30 mai celle sur la confirmation, proposant une réflexion sur le sceau de l’esprit reçu lors de ce sacrement, ainsi que « son lien intime avec toute initiation chrétienne ».

Chers frères et sœurs, bonjour !

En poursuivant le thème de la Confirmation, je désire aujourd’hui mettre en lumière le « lien intime de ce sacrement avec toute l’initiation chrétienne » (Sacrosanctum Concilium, 71).

Avant de recevoir l’onction spirituelle qui confirme et renforce la grâce du baptême, les confirmands sont appelés à renouveler les promesses faites un jour par les parents et les parrain et marraine. Maintenant, ce sont eux-mêmes qui professent la foi de l’Église, prêts à répondre « je crois » aux questions que leur adresse l’évêque ; prêts, en particulier, à croire « en l’Esprit-Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie et qui, aujourd’hui, par le biais du sacrement de la Confirmation, [leur] est conféré, de manière spéciale, comme autrefois aux apôtres le jour de la Pentecôte » (Rite de la Confirmation, n.26).

Puisque la venue de l’Esprit Saint exige des cœurs recueillis dans l’oraison (cf. Ac 1,14), après la prière silencieuse de la communauté, l’évêque, les mains tendues sur les confirmands, supplie Dieu de répandre sur eux son Esprit Paraclet. C’est le même Esprit (cf. 1 Cor 12,4), mais en venant à nous il apporte avec lui une richesse de dons : sagesse, intelligence, conseil, force, science, piété et sainte crainte de Dieu (cf. Rite de la Confirmation, nn.28-29). Nous avons entendu le passage de la Bible avec ces dons qu’apporte l’Esprit Saint. Selon le prophète Isaïe (11,2), ce sont les sept vertus de l’Esprit répandues sur le Messie pour l’accomplissement de sa mission. Saint Paul aussi décrit le fruit abondant de l’Esprit qui est « amour, joie, paix, patience, bienveillance, bonté, fidélité, douceur, maîtrise de soi » (Gal 5,22). L’unique Esprit distribue les multiples dons qui enrichissent l’unique Église : il est l’auteur de la diversité, mais en même temps le Créateur de l’unité. Ainsi, l’Esprit donne toutes ces richesses qui sont différentes mais de la même manière il fait l’harmonie, c’est-à-dire l’unité de toutes ces richesses spirituelles que nous avons, nous, les chrétiens.

Selon la tradition attestée par les apôtres, l’Esprit qui complète la grâce du baptême est communiqué à travers l’imposition des mains (cf. Ac 8,15-17 ; 19,5-6 ; Hé 6,2). À ce geste biblique, pour mieux exprimer l’effusion de l’Esprit qui envahit ceux qui la reçoivent, on a très rapidement ajouté une onction d’huile parfumée, appelée « chrême »[1], restée en usage jusqu’à aujourd’hui, en Orient comme en Occident (cf. Catéchisme de l’Église catholique, 1289).

L’huile – le chrême – est une substance thérapeutique et cosmétique qui, en entrant dans les tissus du corps, soigne les blessures et parfume les membres ; pour ces qualités, il a été emprunté par la symbolique biblique et liturgique pour exprimer l’action de l’Esprit Saint qui consacre et imprègne le baptisé, l’embellissant de charismes. Le sacrement est conféré par l’onction du chrême sur le front, effectuée par l’évêque avec l’imposition des mains et à travers ces paroles : « Sois marqué par l’Esprit Saint, le don de Dieu »[2]. L’Esprit Saint est le don invisible dispensé et le chrême en est le sceau visible.

En recevant sur le front le signe de croix avec l’huile parfumée, le confirmé reçoit donc une empreinte spirituelle indélébile, le « caractère » qui le configure plus parfaitement au Christ et lui donne la grâce de répandre parmi les hommes son « bon parfum » (cf. 2 Cor 2,15).

Réécoutons l’invitation de saint Ambroise aux nouveaux confirmés. Il dit ceci : « Rappelle-toi donc que tu as reçu le signe spirituel (…) et garde ce que tu as reçu. Dieu le Père t’a marqué de son signe, le Christ Seigneur t’a confirmé et il a mis en ton cœur le gage de l’Esprit » (De mysteriis 7,42 : CSEL 73,106 ; cf. CEC, 1303). L’Esprit est un don non mérité, à accueillir avec gratitude, en faisant de la place à son inépuisable créativité. C’est un don à conserver avec soin, auquel se soumettre avec docilité, en se laissant façonner, comme la cire, par sa brûlante charité, « pour réfléchir Jésus-Christ dans le monde d’aujourd’hui » (Exhort. ap. Gaudete et exsultate, 23).

© Libreria Editrice Vaticana – 2018

[1] Voici un passage de la prière de bénédiction du chrême : « Nous te prions maintenant, o Père : sanctifie par ta bénédiction cette huile, don de ta providence ; imprègne-la de la force de ton Esprit et de la puissance qui émane du Christ, nom à partir duquel est appelé chrême l’huile qui consacre les prêtres, les rois, les prophètes et les martyrs. […] Que cette onction les pénètre et les sanctifie pour que, libres de la corruption originelle et consacrés temple de ta gloire, ils répandent le parfum d’une vie sainte » (Bénédiction des huiles, n.22).

[2] La formule « recevoir l’Esprit Saint » – « le don de l’Esprit Saint » se trouve dans Jn 20,22, Ac 2,38 et 10,45-47.

Semaine de l’Europe

Démocratie

Alors que la Polynésie vient d’organiser sa deuxième semaine de l’Europe en Polynésie, voici une réflexion de Robert SCHUMAN, alsacien et père de l’Europe au sujet de la Démocratie… à lire et à relire surtout par nos élus !

« La démocratie est d'essence évangélique parce qu'elle a pour moteur l'amour ». - Henri Bergson

La démocratie sera chrétienne ou elle ne sera pas. Une démocratie antichrétienne sera une caricature qui sombrera dans la tyrannie ou dans l'anarchie.

La position du démocrate peut être définie ainsi : il lui est impossible d'accepter que l'État ignore systématiquement le fait religieux, qu'il lui oppose un parti pris qui frise l'hostilité ou le mépris. L'État ne saurait méconnaître sans injustice ni sans dommage pour lui-même l'extraordinaire efficacité de l'inspiration religieuse dans la pratique des vertus civiques, dans la si nécessaire sauvegarde contre les forces de la désagrégation sociale qui sont partout à l'œuvre. Nous ne songeons pas à ravaler l'Église au rôle de policier et de gendarme ; les conceptions de l'Empire et de la Restauration sont définitivement derrière nous. Mais il s'agit de reconnaître son immense autorifé morale qui est spontanément acceptée par un très grand nombre de ci­toyens, et la haute valeur de son enseignement qu'aucun autre système philosophique n'a pu atteindre jusqu'à présent. Sur le plan de l'influence internationale, la même constatation s'impose : 1 ° solidarité des croyants de tous les pays ; 2° le Saint-Siège, par son indépendance, par son impartialité désintéressée et par sa politique si humaine, si sensible à toutes les détresses et à tous les dangers qui menacent les peuples, quel que soit leur credo, est devenu le conseiller le plus écouté et le mieux renseigné.

Pour la France, où cohabitent croyants et incroyants, où la collaboration de tous les citoyens de bonne volonté est plus que jamais une nécessité, nous acceptons la neutralité de l'État, à l'école publique comme dans toutes les institutions officielles. L'État comme tel ne saurait plus prendre parti pour une doctrine religieuse ou philosophique. Mais il doit assurer à chacun la faculté d'agir et de s'épanouir, dans les limites de l'ordre public dont l'État a la responsabilité. Les dé­mocraties contemporaines - les vraies, qui n'en ont pas seulement le nom et l'étiquette trompeuse - nous donnent l'exemple d'une juste compréhension des valeurs spirituelles et religieuses. Nous espérons qu'après l'heureux apaisement des anciennes querelles et la dissipation des méfiances, le moment viendra où les relations entre les Églises et l'État démocratique s'établiront sur des bases nouvelles, respectueuses de la liberté et des responsabilités de chacun.

Robert Schuman

[dans « Pour l'Europe ». 1963 Edition NAGEL]

© Ami-hebdo – 2018

Exhortation apostolique « Gaudete et exultate »

Deux ennemis subtils de la sainteté

Le 9 avril 2018 a été publiée l’exhortation apostolique du Pape François sur la sainteté. « Gaudete et exsultate », - « Soyez dans la joie et l’allégresse » (Mt 5, 12). C’ est un document d’une quarantaine de pages, divisé en 5 chapitres et 177 paragraphes. D’emblée, le Souverain Pontife précise qu’il ne s’agit nullement d’un traité savant sur la question, mais bien d’un appel à une sainteté simple et joyeuse dans le monde actuel, « avec ses risques, ses défis et ses opportunités ». Nous vous proposons de la lire à raison d’une petite partie chaque semaine.

35. Dans ce cadre, je voudrais attirer l’attention sur deux falsifications de la sainteté qui pourraient nous faire dévier du chemin : le gnosticisme et le pélagianisme. Ce sont deux hérésies apparues au cours des premiers siècles du christianisme mais qui sont encore d’une préoccupante actualité. Même aujourd’hui les cœurs de nombreux chrétiens, peut-être sans qu’ils s’en rendent compte, se laissent séduire par ces propositions trompeuses. En elles s’exprime un immanentisme anthropocentrique déguisé en vérité catholique. Voyons ces deux formes de sécurité, doctrinale ou disciplinaire, qui donnent lieu à « un élitisme narcissique et autoritaire, où, au lieu d’évangéliser, on analyse et classifie les autres, et, au lieu de faciliter l’accès à la grâce, les énergies s’usent dans le contrôle. Dans les deux cas, ni Jésus-Christ ni les autres n’intéressent vraiment ».

Le gnosticisme actuel

36. Le gnosticisme suppose « une foi renfermée dans le subjectivisme, où seule compte une expérience déterminée ou une série de raisonnements et de connaissances que l’on considère comme pouvant réconforter et éclairer, mais où le sujet reste en définitive fermé dans l’immanence de sa propre raison ou de ses sentiments ».

Un esprit sans Dieu et sans chair

37. Grâce à Dieu, tout au long de l’histoire de l’Église, il a toujours été très clair que la perfection des personnes se mesure par leur degré de charité et non par la quantité des données et des connaissances qu’elles accumulent. Les “gnostiques” font une confusion sur ce point et jugent les autres par leur capacité à comprendre la profondeur de certaines doctrines. Ils conçoivent un esprit sans incarnation, incapable de toucher la chair souffrante du Christ dans les autres, corseté dans une encyclopédie d’abstractions. En désincarnant le mystère, ils préfèrent finalement « un Dieu sans Christ, un Christ sans Église, une Église sans peuple ».

38. En définitive, il s’agit d’une superficialité vaniteuse : beaucoup de mouvement à la surface de l’esprit, mais la profondeur de la pensée ne se meut ni ne s’émeut. Cette superficialité arrive cependant à subjuguer certains par une fascination trompeuse, car l’équilibre gnostique réside dans la forme et semble aseptisé ; et il peut prendre l’aspect d’une certaine harmonie ou d’un ordre qui englobent tout.

39. Mais attention ! Je ne fais pas référence aux rationalistes ennemis de la foi chrétienne. Cela peut se produire dans l’Église, tant chez les laïcs des paroisses que chez ceux qui enseignent la philosophie ou la théologie dans les centres de formation. Car c’est aussi le propre des gnostiques de croire que, par leurs explications, ils peuvent rendre parfaitement compréhensibles toute la foi et tout l’Évangile.

Ils absolutisent leurs propres théories et obligent les autres à se soumettre aux raisonnements qu’ils utilisent. Une chose est un sain et humble usage de la raison pour réfléchir sur l’enseignement théologique et moral de l’Évangile ; une autre est de prétendre réduire l’enseignement de Jésus à une logique froide et dure qui cherche à tout dominer.

Une doctrine sans mystère

40. Le gnosticisme est l’une des pires idéologies puisque en même temps qu’il exalte indûment la connaissance ou une expérience déterminée, il considère que sa propre vision de la réalité représente la perfection. Ainsi, peut-être sans s’en rendre compte, cette idéologie se nourrit-elle elle-même et sombre-t-elle d’autant plus dans la cécité. Elle devient parfois particulièrement trompeuse quand elle se déguise en spiritualité désincarnée. Car le gnosticisme « de par sa nature même veut apprivoiser le mystère », tant le mystère de Dieu et de sa grâce que le mystère de la vie des autres.

41. Lorsque quelqu’un a réponse à toutes les questions, cela montre qu’il n’est pas sur un chemin sain, et il est possible qu’il soit un faux prophète utilisant la religion à son propre bénéfice, au service de ses élucubrations psychologiques et mentales. Dieu nous dépasse infiniment, il est toujours une surprise et ce n’est pas nous qui décidons dans quelle circonstance historique le rencontrer, puisqu’il ne dépend pas de nous de déterminer le temps, le lieu et la modalité de la rencontre. Celui qui veut que tout soit clair et certain prétend dominer la transcendance de Dieu.

42. On ne peut pas non plus prétendre définir là où Dieu ne se trouve pas, car il est présent mystérieusement dans la vie de toute personne, il est dans la vie de chacun comme il veut, et nous ne pouvons pas le nier par nos supposées certitudes. Même quand l’existence d’une personne a été un désastre, même quand nous la voyons détruite par les vices et les addictions, Dieu est dans sa vie. Si nous nous laissons guider par l’Esprit plus que par nos raisonnements, nous pouvons et nous devons chercher le Seigneur dans toute vie humaine. Cela fait partie du mystère que les mentalités gnostiques finissent par rejeter, parce qu’elles ne peuvent pas le contrôler.

Les limites de la raison

43. Nous ne parvenons à comprendre que très pauvrement la vérité que nous recevons du Seigneur. Plus difficilement encore nous parvenons à l’exprimer. Nous ne pouvons donc pas prétendre que notre manière de la comprendre nous autorise à exercer une supervision stricte sur la vie des autres. Je voudrais rappeler que dans l’Église cohabitent à bon droit diverses manières d’interpréter de nombreux aspects de la doctrine et de la vie chrétienne qui, dans leur variété, « aident à mieux expliquer le très riche trésor de la Parole ». En réalité « à ceux qui rêvent d’une doctrine monolithique défendue par tous sans nuances, cela peut sembler une dispersion imparfaite ». Précisément, certains courants gnostiques ont déprécié la simplicité si concrète de l’Évangile et ont cherché à remplacer le Dieu trinitaire et incarné par une Unité supérieure où disparaissait la riche multiplicité de notre histoire.

44. En réalité, la doctrine, ou mieux, notre compréhension et expression de celle-ci, « n’est pas un système clos, privé de dynamiques capables d’engendrer des questions, des doutes, des interrogations », et « les questions de notre peuple, ses angoisses, ses combats, ses rêves, ses luttes, ses préoccupations, possèdent une valeur herméneutique que nous ne pouvons ignorer si nous voulons prendre au sérieux le principe de l’incarnation. Ses questions nous aident à nous interroger, ses interrogations nous interrogent ».

45. Il se produit fréquemment une dangereuse confusion : croire que parce que nous savons quelque chose ou que nous pouvons l’expliquer selon une certaine logique, nous sommes déjà saints, parfaits, meilleurs que la « masse ignorante ». Saint Jean-Paul II mettait en garde ceux qui dans l’Église ont la chance d’une formation plus poussée contre la tentation de nourrir « un certain sentiment de supériorité par rapport aux autres fidèles ». Mais en réalité, ce que nous croyons savoir devrait être toujours un motif pour mieux répondre à l’amour de Dieu, car « on apprend pour vivre : théologie et sainteté sont un binôme inséparable ».

46. Quand saint François d’Assise a vu que certains de ses disciples enseignaient la doctrine, il a voulu éviter la tentation du gnosticisme. Il a donc écrit ceci à saint Antoine de Padoue : « Il me plaît que tu lises la théologie sacrée aux frères, pourvu que, dans l’étude de celle-ci, tu n’éteignes pas l’esprit de sainte oraison et de dévotion ». Il percevait la tentation de transformer l’expérience chrétienne en un ensemble d’élucubrations mentales qui finissent par éloigner de la fraîcheur de l’Évangile. Saint Bonaventure, d’autre part, faisait remarquer que la vraie sagesse chrétienne ne doit pas être séparée de la miséricorde envers le prochain : « La plus grande sagesse qui puisse exister consiste à diffuser fructueusement ce qu’on a à offrir, ce qui a été précisément donné pour être offert (…) C’est pourquoi tout comme la miséricorde est amie de la sagesse, l’avarice est son ennemi ». « Il y a une activité qui, en s’unissant à la contemplation ne l’entrave pas, mais la favorise ainsi que les œuvres de miséricorde et de piété ».

© Libreria Editrice Vaticana – 2018

Commentaire des lectures du dimanche

Nous avons entendu : lors de la [dernière] Cène, Jésus donne son corps et son sang à travers le pain et le vin, pour nous laisser le mémorial de son sacrifice d’amour infini. Avec ce « viatique » plein de grâce, les disciples ont tout ce qui leur est nécessaire pour leur chemin tout au long de l’histoire, pour annoncer à tous le Royaume de Dieu. Le don que Jésus a fait de lui-même, en s’immolant volontairement sur la croix, sera pour eux lumière et force. Et ce Pain de vie est venu jusqu’à nous ! L’Église n’en finit jamais de s’émerveiller devant cette réalité. Un émerveillement qui nourrit toujours sa contemplation, son adoration et sa mémoire. C’est ce que nous montre un très beau texte de la liturgie d’aujourd’hui, le répons de la deuxième lecture de l’Office des Lectures, qui dit ceci : « Reconnaissez en ce pain celui qui a été crucifié; dans le calice le sang jailli de son côté. Prenez et mangez le corps du Christ, buvez son sang : parce que vous êtes maintenant membres du Christ. Pour ne pas vous désagréger, mangez ce lien de communion ; pour ne pas vous avilir, buvez le prix de votre rachat ».

Il existe un danger, il existe une menace : nous désagréger, nous avilir. Que signifie, aujourd’hui, « se désagréger » et « s’avilir » ?

Nous nous désagrégeons quand nous ne sommes pas dociles à la Parole du Seigneur, quand nous ne vivons pas la fraternité entre nous, quand nous sommes en compétition pour occuper les premiers postes — les arrivistes —, quand nous ne trouvons pas le courage de témoigner de la charité, quand nous ne sommes pas capables d’offrir l’espérance. C’est ainsi que nous nous désagrégeons. L’Eucharistie nous permet de ne pas nous désagréger, parce qu’elle est un lien de communion, elle est l’accomplissement de l’Alliance, signe vivant de l’amour du Christ qui s’est humilié et annihilé pour que nous restions unis. En participant à l’Eucharistie et en nous en nourrissant, nous sommes insérés dans une marche qui n’admet pas de divisions. Le Christ présent au milieu de nous, sous le signe du pain et du vin, exige que la force de l’amour dépasse toute déchirure et, en même temps, qu’elle devienne communion, même avec le plus pauvre, soutien pour celui qui est faible, attention fraternelle pour ceux qui ont du mal à porter le poids de la vie quotidienne et qui courent le danger de perdre la foi.

Et ensuite l’autre mot : que signifie aujourd’hui pour nous « s’avilir », ou encore diluer notre dignité chrétienne ? Cela signifie nous laisser atteindre par les idolâtries de notre temps : le paraître, la consommation, le moi au centre de tout ; mais aussi la compétition, l’arrogance comme comportement vainqueur, l’incapacité à admettre que l’on s’est trompé ou que l’on est dans le besoin. Tout ceci nous avilit, fait de nous des chrétiens médiocres, tièdes, insipides, païens.

Jésus a versé son sang comme prix et bain afin que nous soyons purifiés de tous nos péchés : pour ne pas nous avilir, regardons-le, étanchons notre soif à sa source pour être préservés du risque de la corruption. Alors, nous ferons l’expérience de la grâce d’une transformation : nous resterons toujours de pauvres pécheurs, mais le sang du Christ nous libèrera de nos péchés et nous rendra notre dignité. Il nous libérera de la corruption. Sans mérite de notre part, avec une humilité sincère, nous pourrons apporter l’amour de notre Seigneur et Sauveur à nos frères. Nous serons ses yeux qui vont à la recherche de Zachée et de Madeleine ; nous serons sa main qui secourt les malades dans leur corps et dans leur esprit; nous serons son cœur qui aime ceux qui ont besoin de réconciliation, de miséricorde et de compréhension.

Ainsi, l’Eucharistie actualise l’Alliance qui nous sanctifie, nous purifie et nous unit dans une admirable communion avec Dieu. Ainsi nous apprenons que l’Eucharistie n’est pas la récompense des bons, mais la force des faibles, des pécheurs, le pardon, le viatique qui nous aide à marcher, à avancer.

Aujourd’hui, en la fête du Corpus Domini, nous avons la joie non seulement de célébrer ce mystère, mais aussi de le louer et de le chanter dans les rues de notre ville. Puisse la procession que nous ferons à l’issue de la Messe exprimer notre reconnaissance pour tout le chemin que Dieu nous a fait faire à travers le désert de nos pauvretés, pour nous faire sortir de notre condition de servitude, en nous nourrissant de son amour par le sacrement de son Corps et de son Sang.

D’ici peu, tandis que nous marcherons dans la rue, sentons-nous en communion avec nos nombreux frères et sœurs qui ne sont pas libres d’exprimer leur foi dans le Seigneur Jésus. Sentons-nous unis à eux : chantons avec eux, louons avec eux, adorons avec eux. Et vénérons dans notre cœur ces frères et sœurs auxquels il a été demandé le sacrifice de la vie par fidélité au Christ : que leur sang, uni à celui du Seigneur, soit un gage de paix et de réconciliation pour le monde entier.

Et n’oublions pas : « Pour ne pas vous désagréger, mangez ce lien de communion ; pour ne pas vous avilir, buvez le prix de votre rachat ».

© Libreria Editrice Vaticana – 2015