Pko 02.09.2018
Bulletin gratuit de liaison de la communauté de la Cathédrale de Papeete n°44/2018
Dimanche 2 septembre 2018 – 22ème Dimanche du Temps ordinaire – Année B
Humeurs…
Les nouveaux Semeur et Ve’a Katorika sont arrivés !
Né il y a 109 ans, le 25 août 1909, nous sommes jumeaux ! Si nous ne sommes pas les premiers de Polynésie, nous sommes les doyens d’aujourd’hui ! Nous avons pour père Mgr Hermel, troisième vicaire apostolique de Tahiti, et de nombreux missionnaires nous ont dirigés. Nous nous sommes fait l’écho des grands moments de l’Église de Polynésie et des petits évènements de son quotidien ! Nous avons porté la Bonne Nouvelle et les nouvelles du pays à travers les îles et au-delà des mers. Au cours de notre vie nous avons été hebdomadaire, mensuel, bimensuel, bimestriel, et parfois en période de pénurie et de guerre… nous avons dû patienter ! Nous avons passé par tous les formats d’A5 à B3 en passant par l’A4, l’A3 et le B5.
Aujourd’hui nous fêtons nos 109 ans et des frères et sœurs partagent notre vocation de l’Annonce de Jésus Christ. Ils s’appellent « Mahana o te Fatu », « Radio Maria no te Hau », « www.catholic.pf » et « P.K.0 »… nous sommes leurs aînés grâce à la vision de « notre père fondateur » Mgr Hermel et même si parfois nous cherchons un nouveau souffle, nous ne nous lassons pas d’être instruments et relais au service de l’Église et de ses pasteurs.
Nous c’est le « Ve’a katorika », le mensuel en tahitien, et le « Semeur tahitien » le bi-mensuel en français de l’archidiocèse de Papeete.
Aujourd’hui, nous prenons un nouvel élan… nous allons devenir un seul journal bilingue et mensuel… pour notre renouveau et élargir notre diffusion nous allons nous appuyer sur une page facebook entièrement consacrée à notre mission : lesemeurtahitien
Désormais, « notre demain » vous appartient. Il sera pour nous ce que vous voudrez faire de nous… n’hésitez pas à nous lire, à participer à notre rédaction, à notre diffusion…
REFONTE DU SEMEUR TAHITIEN ET DU VE’A KATORIKA
Après les consultations d’usage il a été décidé ce qui suit :
Le Semeur et le Ve’a Katorika seront fusionnés en une seule publication, mais en deux parties (lecture inversée). La parution devient mensuelle.
Le Semeur est également diffusé sur le réseau Facebook à l’adresse : Le Semeur Tahitien.
Une équipe a été constituée avec Tehani Peu (maquettiste), Marc Frémy (journaliste), Martin de Saint Front (journaliste), diacre Moïse Cadousteau (reporter photographe), Georges Daviles-Estinès (journaliste, reporter photo et vidéo, admin de la page FB).
Si vous voulez contribuer par des articles ou des témoignages qui pourraient intéresser l’ensemble du diocèse, vous serez les bienvenus.
Nous serions très reconnaissants aux prêtres, diacres et autres responsables de la pastorale des îles de nous mettre en relation, quand cela est possible, avec un(e) correspondant(e).
Pour tout contact, une adresse mail : lesemeurtahitien@gmail.com.
Georges DAVILES-ESTINES
Laissez-moi vous dire…
Mercredi 5 septembre : Journée Internationale de Charité
Liberté, Égalité… Charité !
« Je n’ai que faire de votre charité, c’est de pain et d’argent pour vivre décemment dont j’ai besoin ! ». Maintes fois – en France - j’ai entendu cela dans mon enfance, à l’occasion des distributions de soupes populaires… C’était au sortir de la triste seconde guerre mondiale : tickets de rationnement, crise du logement, grand froid de l’hiver 1954…
Il aura fallu un Abbé Pierre pour ébranler les consciences… Plus tard, une Mère Teresa pour réveiller le monde face à la misère du Tiers-Monde… Ou encore un Dom Helder Camara, l’évêque brésilien des bidonvilles, défenseur des pauvres, initiateur de la théologie de la libération…
Aujourd’hui, c’est le Pape François qui secoue l’Église… « Une Église sans la charité n’existe pas » (16 mai 2013, audience avec Caritas Internationalis). « Soyez à l’avant-garde dans l’attention à toutes les formes de pauvreté et de misère » (8 mars 2014, symposium des trésoriers et économes des communautés religieuses).
Il est certain qu’on ne peut pas dissocier « la charité » de la « justice ». On peut relire l’Encyclique « La joie de l’Évangile » : « Je vous exhorte à la solidarité désintéressée et à un retour de l'économie et de la finance à une éthique en faveur de l'être humain. » (Evangelii Gaudium n°58).
En cette Journée Internationale de la Charité (5 septembre) décrétée par l’ONU en 2012, nous avons d’une part à méditer sur l’obligation de la charité pour un chrétien, et d’autre part à traduire en actes notre amour envers les pauvres. Il ne s’agit pas de « faire des bonnes œuvres » pour satisfaire sa conscience mais bien plus d’aller au contact de celui, de celle qui crie (souvent silencieusement) sa détresse. Rappelons-nous ce que disait Mère Teresa : « Ce n'est pas de sympathie ou de pitié qu'ont besoin les pauvres, mais d'amour et de compassion. » ; ou encore « Il y a des maladies qui ne guérissent pas avec de l'argent, mais avec de l'amour ».
Nous, les Français, nous avons une belle devise qui va dans ce sens : « Liberté. Egalité. Fraternité ». D’aucun(e)s voudraient la faire modifier en : « Liberté. Egalité. Adelphité » ! Cette proposition - très officielle - du Haut Comité à l’Égalité femmes-hommes (HCE) figure dans les avis donnés le 18 avril dernier dans le cadre du Projet de réforme de la Constitution. (Source : haut-conseil-egalite.gouv.fr). « L’adelphité » étant un néologisme forgé par les adeptes de la théorie du « genre » afin d’englober l’ensemble des individus ; la notion de « fraternité » faisant essentiellement référence aux « frères » ! Les féministes – pures et dures- auraient préférées « sorosité » qui se réfère aux « sœurs ». Pauvre France…
Pourquoi ne pas dire tout simplement : « Liberté. Égalité… Charité » ? Ça ferait trop « chrétien » ! C’est vrai, Saint Paul l’a crié dans son hymne à l’amour : « Si je n’ai pas la charité (l’amour) je ne suis rien » (1 Corinthiens 13,2). Saint Maximilien-Marie Kolbe (qui l’a payé de sa vie) le disait autrement : « L’amour (la charité) doit être l’unique ressort de notre existence ».
Alors, en cette Journée de la Charité, n’attendons pas pour agir, pour aimer… car « la maladie la plus constante et la plus mortelle, mais aussi la plus méconnue de toute société, est l’indifférence » (sic, l’Abbé Pierre).
Dominique Soupé
Petite note à l’intention de tous ceux qui sont dotés d’un pouvoir : comme le criait l’Abbé Pierre : « il faut que la voix des hommes (et des femmes) sans voix empêche les puissants de dormir »…
© Cathédrale de Papeete - 2018
En marge de l’actualité…
« Notre monde a besoin d’une révolution de l’amour ! »
Le pape François vient de clore le week-end dernier une visite de deux jours à Dublin en Irlande à l’occasion du 9e Rassemblement mondial des familles. Cette rencontre est organisée par le Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie tous les trois ans. La première initiative remonte à l’année 1994, date où les Nations-Unis avait décrété une « Année de la Famille ».
La rencontre débute par un congrès théologique-pastoral international et se termine par un week-end de festivités et de prières avec le pape. Le thème choisi pour cette année est : « L’Évangile de la famille : joie pour le monde ». Il s’inscrit dans la continuité de l’exhortation apostolique post-synodale Amoris Laetitia, « La joie de l’amour », de 2016.
L’un des grands enjeux de ce déplacement était de donner un coup d’accélérateur aux réformes dont l’Église a besoin. Depuis le début de son pontificat, François mise clairement sur les familles, les laïcs et les jeunes pour impulser un nouveau visage à l’Église.
Une révolution « par le bas » à rebours d’une institution connue pour enclencher des réformes par voie pyramidale depuis le sommet jusqu’à la base. Sa Lettre au Peuple de Dieu, publiée cette semaine et dans laquelle le pontife s’adresse directement aux les fidèles catholiques « pour éliminer ce fléau dans l’Église quel qu’en soit le coût » en est la preuve.
À Dublin, devant des milliers de fidèles, François a courageusement assumé les crimes commis par des membres de l’institution. Il a rencontré des victimes, adressé des demandes de pardon et réaffirmé son engagement pour « que soient prises des mesures vraiment évangéliques, justes et efficaces en réponse à cette trahison de la confiance ».
Lors de la messe de clôture, le pape a lancé ces mots aux fidèles : « Notre monde a besoin d’une révolution de l’amour ! Que cette révolution commence chez vous et dans vos familles ! » Que nos prières redoublent de ferveur pour le pape François, qu’il tienne bon au milieu des tribulations. Nos cœurs à tous ont grand besoin d’une révolution pour que l’amour ne soit plus jamais blessé.
+ Père Vetea BESSERT,d.
© Archidiocèse de Papeete – 2018
Audience générale
Le « rêve » de Dieu pour les familles
Lors de l’audience générale de ce mercredi matin, le Pape François est revenu sur sa visite en Irlande effectuée le week-end dernier, à l’occasion de la Rencontre Mondiale des Familles. Le Pape est également revenu sur les scandales d’abus sexuels commis par le clergé dans ce pays et les efforts déployés par l’épiscopat local pour lutter contre ce fléau.
Chers frères et sœurs, bonjour !
En fin de semaine dernière, j’ai effectué un voyage en Irlande pour participer à la Rencontre mondiale des familles : je suis certain que vous l’avez vu à la télévision. Ma présence voulait surtout confirmer les familles chrétiennes dans leur vocation et leur mission. Les milliers de familles – époux, grands-parents et enfants – rassemblées à Dublin, dans toute la diversité de leurs langues, cultures et expériences, ont été le signe éloquent de la beauté du rêve de Dieu pour la famille humaine entière. Et nous le savons : le rêve de Dieu est l’unité, l’harmonie et la paix dans les familles et dans le monde, fruit de la fidélité, du pardon et de la réconciliation qu’il nous a donnés dans le Christ. Il appelle les familles à participer à ce rêve et à faire du monde une maison où personne ne soit seul, personne ne soit non-voulu, personne ne soit exclu. C’est pourquoi le thème de cette Rencontre mondiale était très approprié. Elle était intitulée ainsi : « L’Évangile de la famille, joie pour le monde ».
Je suis reconnaissant envers le président de l’Irlande, le premier ministre, les différentes autorités du gouvernement civiles et religieuses et envers toutes les personnes de haut niveau qui ont aidé à préparer et à réaliser les événements de cette Rencontre. Et merci beaucoup aux évêques qui ont tellement travaillé. En m’adressant aux autorités, au Château de Dublin, j’ai réaffirmé que l’Église est une famille de familles et que, comme un corps, elle soutient ses cellules dans leur rôle indispensable pour le développement d’une société fraternelle et solidaire.
Les véritables « points lumineux » de ces journées ont été les témoignages d’amour conjugal donnés par des couples de tous les âges. Leurs histoires nous ont rappelé que l’amour du mariage est un don particulier de Dieu, à cultiver chaque jour dans l’« Église domestique » qu’est la famille. Comme le monde a besoin d’une révolution d’amour, d’une révolution de tendresse, qui nous sauve de la culture actuelle du provisoire ! Et cette révolution commence au cœur de la famille.
Dans la pro-cathédrale de Dublin, j’ai rencontré des époux engagés dans l’Église et de nombreux couples de jeunes époux, ainsi que beaucoup de petits enfants. J’ai ensuite rencontré des familles qui font face à des défis et difficultés particuliers. Grâce aux frères capucins, qui sont toujours proches du peuple, et à la famille ecclésiale élargie, ils font l’expérience de la solidarité et du soutien qui sont le fruit de la charité.
Le moment culminant de ma visite a été la grande fête avec les familles, samedi soir, au stade de Dublin, suivie dimanche de la messe au Phoenix Park. La veille, nous avons écouté les témoignages très touchants de familles qui ont souffert des guerres, de familles renouvelées par le pardon, de familles que l’amour a sauvées de la spirale des dépendances, de familles qui ont appris à bien employer les téléphones portables et les tablettes et à donner la priorité au temps passé ensemble. Et cela a fait ressortir la valeur de la communication entre les générations et le rôle spécifique des grands-parents qui est de consolider les liens familiaux et de transmettre le trésor de la foi.
Aujourd’hui – c’est dur de dire cela – mais il semble que les grands-parents dérangent. Dans cette culture du déchet, les grands-parents sont « rejetés », on les éloigne. Mais les grands-parents sont la sagesse, ils sont la mémoire d’un peuple, la mémoire des familles ! Et les grands-parents doivent transmettre cette mémoire à leurs petits-enfants. Les jeunes et les enfants doivent parler avec leurs grands-parents pour faire avancer l’histoire. S’il vous plaît, ne rejetez pas les grands-parents. Qu’ils soient proches de vos enfants, de leurs petits-enfants.
Dans la matinée de dimanche, j’ai fait le pèlerinage au sanctuaire marial de Knock, si cher au peuple irlandais. Là, dans la chapelle construite sur le lieu d’une apparition de la Vierge, j’ai confié à sa protection maternelle toutes les familles, en particulier celles d’Irlande. Et bien que mon voyage n’ait pas comporté une visite en Irlande du nord, j’ai adressé des salutations cordiales à son peuple et j’ai encouragé le processus de réconciliation, de pacification, d’amitié et de coopération œcuménique.
Cette visite que j’ai faite en Irlande, outre la grande joie, devait aussi se charger de la douleur et de l’amertume pour les souffrances causées dans ce pays par différentes formes d’abus, y compris de la part de membres de l’Église, et du fait que les autorités ecclésiastiques n’ont pas toujours su, dans le passé, affronter ces crimes de manière adéquate. La rencontre avec quelques survivants – ils étaient huit – a laissé une marque profonde ; et à plusieurs reprises j’ai demandé pardon au Seigneur pour ces péchés, pour le scandale et le sentiment de trahison qu’ils ont causé. Les évêques irlandais ont entrepris un sérieux parcours de purification et de réconciliation avec ceux qui ont souffert d’abus et, avec l’aide des autorités nationales, ils ont établi une série de normes sévères pour garantir la sécurité des jeunes.
Et puis, lors de ma rencontre avec les évêques, je les ai encouragés dans leur effort pour remédier aux défaillances du passé avec honnêteté et courage, confiant dans les promesses du Seigneur et comptant sur la foi profonde du peuple irlandais, pour inaugurer une saison de renouveau de l’Église en Irlande. En Irlande, il y a la foi, il y a des personnes de foi : une foi avec de grandes racines. Mais savez-vous ? Il y a peu de vocations au sacerdoce. Comment donc cette foi ne réussit-elle pas ? À cause de ces problèmes, les scandales, tant de choses… Nous devons prier pour que le Seigneur envoie de saints prêtres en Irlande, qu’il envoie de nouvelles vocations. Et nous le ferons ensemble en priant un « Je vous salue Marie » à la Vierge de Knock. [Récitation du « Je vous salue Marie »]. Seigneur Jésus, envoie-nous de saints prêtres.
Chers frères et sœurs, la Rencontre mondiale des familles à Dublin a été une expérience prophétique, réconfortante, de nombreuses familles engagées dans la voie évangélique du mariage et de la vie familiale ; des familles disciples et missionnaires, ferment de bonté, de sainteté, de justice et de paix. N’oublions pas toutes ces familles – elles sont nombreuses ! – qui portent leur famille, les enfants, avec fidélité, en se demandant pardon quand il y a des problèmes. Oublions pourquoi aujourd’hui, c’est à la mode dans les revues, dans les journaux, de parler ainsi : « Il a divorcé d’une telle… Elle d’un tel… Et la séparation… ». Mais s’il vous plaît, c’est triste. C’est vrai. Je respecte chacun, nous devons respecter les gens, mais l’idéal n’est pas le divorce, l’idéal n’est pas la séparation, l’idéal n’est pas la destruction de la famille. L’idéal est la famille unie. Avançons ainsi : c’est cela, l’idéal !
La prochaine Rencontre mondiale des familles se tiendra à Rome en 2021. Confions-les toutes à la protection de la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph, pour que chez elles, dans leurs paroisses et dans leurs communautés, elles puissent être vraiment « joie pour le monde ».
© Libreria Editrice Vaticana – 2018
Hommage
« Nous ne perdons pas courage… l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour »
Père Paul DAYDOU a été inhumé au cimetière des Pères à la Mission, mardi après la célébration des funérailles à la paroisse Sainte Trinité de Pirae, présidée par Monseigneur Hubert Coppenrath, archevêque émérite de Papeete. Voici l’homélie qu’il a prononcée.
Il y a deux ans, le P. Paul Daydou a célébré à Mataiea le soixantième anniversaire de son ordination sacerdotale. Il tenait beaucoup à donner un certain éclat à cette célébration, non pas par goût du faste, c’était un homme simple et modeste, mais pour exprimer au Seigneur sa joie profonde d’être prêtre.
Il est né le 24 décembre 1931, à Morthon le Haut dans le département de l’Aveyron, un département qui a donné beaucoup de missionnaires à notre diocèse. Il s’est orienté très jeune vers la vie religieuse puisque c’est à dix-sept ans qu’il prononce ses premiers vœux dans la congrégation des Sacrés Cœurs. Il est ordonné prêtre 7 ans plus tard le 15 avril 1956.
Ses qualités intellectuelles le destinent aux yeux de ses supérieurs à l’enseignement. Il commence donc une licence de lettres et avant même de l’avoir achevée, il se retrouve professeur de latin grec dans les classes de seconde et première à Sarzeau puis à Graves tout en poursuivant ses études pour l’obtention de la licence de lettres.
Mais les choses changent, le maillage de l’enseignement public s’étend jusque dans les bourgs reculés et les parents ne voient plus l’utilité d’envoyer leurs enfants en internat alors qu’ils peuvent continuer leur parcours scolaire en externat. Les petits collèges de la congrégation des Sacrés Cœurs ferment les uns après les autres, faute d’élèves. Tahiti va donc bénéficier de cette situation et nous voyons arriver un certain nombre de prêtres tels que le P. Henri Dano ou le P. Ernest Amans qui, comme lui, avaient débuté dans l’enseignement.
Le P. Paul est choisi pour un poste plus prestigieux : aumônier des étudiants au Centre Richelieu à Paris sous la houlette du célèbre abbé Charles. Il rejoint ce poste en octobre 1968 alors que le monde étudiant est en pleine ébullition après les événements de mai 1968. Il reste 3 ans dans ce poste difficile puis rejoint le clergé paroissial, d’abord à Lavaur puis à Albi où il est vicaire à la cathédrale.
Le 22 octobre 1981, il part pour Tahiti. Son premier poste sera la paroisse Ste Thérèse de Taunoa dont il est curé pendant trois ans. Il y tente un certain nombre d’innovations liturgiques. Ainsi le jeudi saint, il fait installer dans l’église de longues tables où les fidèles viennent s’asseoir pour participer à la messe et communier sous les deux espèces. Certaines de ces innovations sont appréciées par les fidèles et elles sont même enviées par les fidèles d’autres paroisses. Mais malheureusement son intransigeance et son manque de souplesse indisposent d’autres paroissiens.
Il veut bien parler le tahitien et pour cela il s’inscrit à l’Université où il suit des cours de tahitien où il obtient brillamment le DULCO, diplôme d’accréditation à l’enseignement du tahitien.
D’autres charges lui sont confiées : aumônier de l’enseignement public, professeur au grand séminaire et même curé de Rangiroa.
Il retourne en France le 27 mai 1987, mais dès juillet 1988 il est de retour en Polynésie, cette fois-ci pour le diocèse de Taiohae. Il se voit confier d’abord, et pendant 8 ans, les paroisses de Ua Pou. Il passe ensuite dans le sud où il a plus spécialement la charge des îles de Tahuata et Fatu-Hiva. Il commence la traduction de l’Ancien Testament en marquisien. En effet, très rapidement il a appris le marquisien. Finalement, il s’établit dans l’île de Fatu-Hiva pour mener plus librement cette traduction qu’il avait commencée dès 1995. Je pense que son nom restera attaché à la traduction de la Bible en marquisien dont malheureusement il n’en a pu voir l’impression car la Société Biblique chargé de cette impression se livre à de longues vérifications techniques pour que cette traduction soit parfaite.
Le premier octobre 2003, il rejoint la communauté de Pirae. Aucune responsabilité paroissiale ne lui est confiée, mais il est totalement disponible pour aller là où l’on a besoin d’un prêtre et c’est toujours avec joie qu’il accepte de venir aider pour des confessions, pour remplacer un prêtre pendant une courte période. Il trépigne de ne pas être d’avantage engagé dans la pastorale.
Le chicungunya va lui être fatal. Les séquelles de cette maladie vont petit à petit lui paralyser les jambes. On le voit se déplacer avec l’aide d’une canne puis d’un déambulatoire et enfin dans un fauteuil roulant. Mais son ardeur ne diminue pas et il est présent à toutes les grandes cérémonies où il se fait conduire. En même temps on voit disparaître cette impétuosité qui lui a joué bien des tours tout au long de sa vie et lorsque l’on parlait avec lui, on était surpris de voir un homme calme et doux, plein de sagesse.
Depuis le 8 mars de cette année, il avait rejoint la communauté de Moorea et c’est là qu’il a succombé à une crise cardiaque.
Je pense qu’il pouvait dire comme Saint Paul : « Nous ne perdons pas courage et même si en nous l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour »
En effet, lorsque les forces physiques commencent à baisser, on réalise combien tout ce que nous construisons pendant notre vie terrestre est provisoire et insignifiant par rapport à ce que Dieu prépare pour nous, que nous ne connaissons pas encore mais vers lequel nous nous dirigeons inexorablement.
Le ministère sacerdotal du Père Paul n’a pas toujours été une réussite, il a connu bien des échecs. Mais finalement ce n’est pas cela qui est important, ce qui est important c’est qu’il est resté fidèlement attaché à la vie religieuse et à l’idéal de son sacerdoce et maintenant il est entré dans la vie éternelle dont Jésus nous dit : « La vie éternelle c’est de te connaître toi, le seul Dieu et de connaître celui que tu as envoyé Jésus Christ. »
Aujourd’hui à la tristesse de perdre un prêtre, s’ajoute une inquiétude : qui le remplacera ? Est-ce qu’il y a encore aujourd’hui à Tahiti des jeunes prêts à renoncer à leurs projets personnels pour entendre l’appel de Jésus ? Il y en a certainement, mais seront-ils assez nombreux pour que les fidèles ne deviennent comme des brebis sans bergers ?
© Mgr Hubert COPPENRATH
Hommage
« Pour que le Peuple de Dieu ne soit pas comme un troupeau sans pasteur » (Nb 27,17)
Alors que Père Paul DAYDOU vient de nous quitter pour la maison du Père, relisons, et méditons son homélie prononcée à l’occasion de son jubilé de diamant le 17 avril 2016 à Sainte Elisabeth de Papeari.
Chers frères et amis,
C'est le moment pour moi de dire quelques mots comme reflets de cette fête. Vous avez peut-être remarqué en entrant dans l'église un écriteau tiré de l'Ancien Testament : « Pour que le Peuple du Seigneur ne soit pas comme un troupeau sans pasteur ». Nombres 27,17. Depuis 60 ans, j'ai reçu bien des obédiences, mais aucune ne me parlait comme cet écriteau qui est tiré du Livre des Nombres, lorsque Moïse répartit entre ses successeurs ce qu'ils doivent faire pour que le peuple reste associé à Moïse pour vivre l'Alliance de Dieu. Nous allons arrivé donc après le Crédo à l'élément principal de notre fête, c'est à dire, non pas la rénovation de l'Ordination, puisque l'Ordination est donnée une fois pour toute, mais comme nous demande saint Paul à Tite ou à Timothée, de renouveler la grâce qui a été donnée par l 'imposition des mains. Eh bien, c'est ce qui se cache derrière cette expression. C'est la Grâce de Dieu qui a été donnée par l'imposition des mains. C'est cela qui va nous être résumé aujourd'hui.
Alors je voudrai dire deux mots d'homélie, en regard surtout de cette très nombreuse jeunesse, dont la plupart sont d'ici, de sainte Elisabeth de Papeari, et dont une trentaine sont arrivés hier soir, venant des paroisses de Moorea. Je voulais dire deux choses à tous ces jeunes. On demande quelque fois : « Quand est-ce que ta vocation a commencé ? » Et je dois dire que c'était un peu flou. Mais il y a un an, j'étais alors à Rikitea, et on préparait déjà la fête d'aujourd'hui.
Et en regardant mon enfance, je me suis souvenu qu’un dimanche matin, du mois de juillet, j'étais dans la cour de notre ferme, une petite ferme, mais avec bien du bonheur, beaucoup de paix, et beaucoup de travail. Et là, en regardant le ciel, en regardant aussi les gerbes de blé qu'on avait fait pousser, qui allaient devenir notre pain de tous les jours, je me suis souvenu que Jésus était passé un jour sur le bord du lac, et les pêcheurs ne l'attendaient pas, et Jésus leur a dit : « Viens et suis-moi ». Et je ne sais s'ils l'ont suivi pour de bon, ou si plus tard, ils l'ont oublié. Mais je me suis souvenu moi-même que Jésus, peut-être, voulait me dire la même chose, en m'envoyant dans le collège de Graves, près de la ville de Franche de Rourgues, où je n'avais pas pensé aller en premier lieu.
Et là donc, j'ai accepté le chemin qui était préparé pour tous les jeunes qui le voulaient, et cela a été une force pour moi de penser de temps en temps, que Jésus était au point de départ. Oui, penser qu'une personne est au point de départ, c'est beaucoup pour chacun. Ce n’est pas seulement aller à l'école pour avoir le Bac, ou bien passer un Master plus tard à l'Université, mais c'est de savoir qui nous envoie ? Qui nous veut du bien ? Vous y pensez les enfants ? Qui est-ce qui vous veut du bien ? Qui vous veut du bien ? Et quelques fois pour manifester qu'il vous veut du bien, eh bien, il est sévère, quelque fois il punit, mais c'est toujours Jésus qui nous veut du bien.
Alors j'ai voulu que cette fête soit comme une action de grâce, c'est à dire une action de remerciement, une action de glorification pour Jésus, qui m'a appelé à être son serviteur, et même son envoyé. Je me suis rappelé que Jésus a fait pour moi comme pour les Apôtres. Il en a choisi 12 et il les a fait venir à côté de Lui, et il leur a enseigné ce qu'il a voulu, puis ils ont vécu avec Lui, puis il les a envoyés comme des brebis au milieu des loups, pour porter la Bonne Nouvelle de Jésus.
Et moi-même, en ce moment, pour ce jour j'ai voulu qu'on rende grâce à Jésus pour avoir choisi un fils quelconque, d'une terre quelconque, d'une terre de liberté, c'est sûr, mais une terre qui n'avait aucune raison de se faire valoir. Je remercie donc le Seigneur pour toutes les belles choses qu'il m'a permis de faire, et j’en cite une qui m'a beaucoup frappé.
En 2008, j'étais à Lourdes pour le centenaire des apparitions, j'ai eu l'honneur de présider la messe de 10 heures à la basilique de l'Immaculée Conception, 15 000 personnes, avec 20 prêtres concélébrants, et moi-même qui faisait l'homélie, pour rehausser vers Dieu, pour faire monter vers Dieu, pour que Dieu leur fasse sentir, que ceux qui étaient venus à Lourdes pour ce 15 août, qu'ils soient de plus en plus fier d'être choisis comme enfants de Dieu, comme des apôtres de Dieu. Voilà les premiers souvenirs que je voulais développer.
Il y en a un deuxième qui se situe à la fin de mon adolescence. J'étais en seconde, et à ce moment-là toute idée de vocation a disparue de ma tête pendant un an environ. Je n'ai plus du tout penser à être prêtre, alors je suis allé voir le Directeur de l'école qui s'appelait le P. Ernest Amans, et je lui ai dit : « Vous nous rappelez souvent que si nous n'avons plus la vocation, il faut pas rester, parce que ce sont les catholiques du diocèse qui paient pour vous. Je viens vous dire donc que l'année prochaine, je ne pourrai pas revenir avec vous ». Il me répond : « Je suis étonné et pour quelle raison ? » Je lui dis : « Parce que je ne veux plus être prêtre ». Alors il a réfléchi et il m'a dit : « Si tu le veux, tu peux revenir, et je t'accueillerai ».
Alors je me suis dis, c'est pas la peine de chercher ailleurs, je vais rester là, et à la rentrée, j'ai fait comme tous les autres, et peu à peu, l'idée de la vocation est revenue. Elle est revenue, je ne l'avais pas chassée et elle m'a soutenue jusqu'à mon choix, quand j'ai quitté mes parents, ils auraient pu bien me garder pour agrandir la ferme, ou pour d'autres raisons.
Et donc, le Seigneur, il peut nous rattraper, même quand nous même, on n'est pas dans la ligne qu'il a choisie, il peut lui-même nous rattraper. Il peut nous surélever. Il peut faire ça pour chacun de nous.
Et puis aujourd'hui dans le monde, c'est la journée des vocations, c'est la journée du Bon Pasteur. Vous avez devant vous quelqu'un qui a vécu son Sacerdoce pendant 60 années de fidélité, avec ce programme à l'entrée de l'église : « Pour que le Peuple du Seigneur ne soit pas comme un troupeau sans Pasteur ». Nombres 27,17
Frères et sœurs, vous les jeunes, pensez qu'il y a du travail pour vous, même si pendant plusieurs années, vous ne savez pas quel est ce travail. Vivez humblement. Vivez dans votre profession. Vivez dans votre famille.
Et suivant la capacité, suivant la dignité que le Peuple vous a donnée : Servez de votre mieux. Servez ce Peuple. Servez la Vérité. Servez l'Amour. Servez la Patience. Servez la Réconciliation. Amen.
© Semeur tahitien n°7 du 8 mai 2016 – p.12-13
Solidarité
« Que pourrais-je dire à Dieu ? “J’ai faim” »
Dans la rue, de nombreux croyants SDF éprouvent des difficultés à exercer leur culte et à garder la foi, car la spiritualité passe après les moyens de subsistance. Mais chez les sans-abri, le mal-être domine.
Comme chaque dimanche, les chrétiens se pressent dans les églises. Avant, Thomas venait grossir leurs rangs. C’était pour lui l’époque de l’emploi la journée et du toit le soir. Mais depuis que le chômage s’est abattu sur sa vie, il a fini par délaisser les bancs des messes, ne s’y sentant plus à sa place : « L’Église, je refuse d’y aller. Je suis sale, crasseux, indigne de cet endroit. Je n’ai plus de maison à moi, pourquoi mériterais-je celle du Seigneur ? »
Comme lui, de nombreux sans-abri voient peu à peu leur foi s’éloigner. « C’est une problématique que personne ne prend en compte, commente Dimitri, catholique bénévole dans une association d'aide aux personnes dans la rue. On s’occupe de nourrir ou d’héberger, pas d’aider à vivre sa religion. On se voit mal se concentrer sur la pratique du culte et ainsi délaisser les athées. Il y a d’autres priorités, mais c’est vrai qu’à force, c’est quelque chose qu’on relègue sans cesse au second plan. »
Pourtant, pour Jean-Paul Willaime, docteur en sciences religieuses et auteur depuis 30 ans de nombreux livres sur le sujet, la difficulté de culte pour les sans-abri est une vraie problématique, au même titre que leurs autres besoins. « Les personnes en grande précarité ont droit non seulement à un toit, de la nourriture et de quoi se vêtir, mais aussi de quoi vivre, si elles le désirent, une ouverture vers le ciel. Des baraquements ayant servi de lieux de culte dans la jungle de Calais et des environs l’ont d'ailleurs particulièrement montré. Leur foi, comme celle de tout être humain, doit être respectée. Cela fait partie des droits fondamentaux », clame cet ancien directeur de l'Institut européen en science des religions.
Le rapport à Dieu se retrouve énormément altéré par la pauvreté. Ostracisées socialement, les personnes sans-abri sont également isolées spirituellement, n’arrivant plus à pratiquer convenablement leur culte. « Bon déjà, le pèlerinage à la Mecque s’annonce compliqué à financer », sourit Djamil, SDF depuis bientôt vingt ans.
Pour ce musulman quadragénaire, « tombé dans la religion quand il était petit », comme il dit, au-delà des actes religieux impossibles à accomplir, c’est surtout le rapport à Dieu qui se perd : « On dit qu’il n’y a pas d’amour, seulement des preuves d’amour. Je pense que pour la foi, c’est l’inverse. Il n’y a pas besoin de preuves ou d’actes, juste de le ressentir. Mais c’est ce sentiment qui s’effrite en premier... » Malicieux, il réagit à ce problème comme il le fait toujours dans la rue, avec une boutade et un rire : « Au moins, je n’ai pas de problème pour les cinq prières quotidiennes, je suis à genoux toute la journée. »
La rue, cela fait désormais trois ans que Thomas y vit. Trois années qui auront suffi à gommer son existence d’avant, lorsqu’il était un cadre sur-actif et un chrétien pieux. Aujourd’hui, il concède de nombreuses phases de doute envers Dieu, et plus encore de long mois de silence et d’oubli. « La pauvreté nous coupe de la foi, souffle-t-il. Quand on est dans le besoin, on pense à nous avant de penser à Dieu. Et même lorsque nos pensées vont vers lui, on le prie de nous sauver de notre situation, alors qu’on ne devrait jamais lui parler pour les services qu’il pourrait nous rendre, mais par simple amour et foi. Avant, je me confiais longuement au Seigneur, sur mes doutes, mes angoisses, ma vie. Maintenant, que pourrais-je lui dire ? “J’ai faim” ? »
Pour remédier à ce genre d’abandon de foi, Dimitri a voulu intervenir à de multiples reprises. Mais ces essais ont vite tourné à l’échec. « Avec des amis, on avait souhaité faire la lecture de quelques versets aux sans-abri qui le désiraient dans la rue, lance ce volontaire toujours à la recherche de nouvelles idées. Mais quand tu t’approches, une Bible à la main, d’un SDF, on t’accuse de faire du prosélytisme religieux et de profiter de la pauvreté d’autrui pour réaliser de la propagande et de l’endoctrinement... »
De nombreux édifices religieux gardent leurs portes ouvertes pour les plus démunis. Le prêtre Emmanuel, qui officie dans l’un d’entre eux, est heureux de l’initiative de sa paroisse mais regrette le manque de moyens offerts. « Beaucoup sont perdus dans leur religion, et on aimerait pouvoir les aider, consolider leur foi plus que simplement leur offrir un toit. Mais il y a tant à faire, et si peu de temps qui leur est consacré », déplore-t-il.
Reste cette ambivalence des religions qui mettent en avant la pauvreté. « Oui, Jésus a vécu dans le dépouillement et les prêtres doivent renoncer aux richesses, souscrit le religieux. Mais c’est un choix pieux, avec des limites. Je n’ai jamais eu faim ou dormi dehors. Ces croyants, si. Et aucune religion ne souhaite cela. »
Jean-Paul Willaime confirme les propos de l'homme d'église : « La stigmatisation du riche et la valorisation de la pauvreté sont certes des caractéristiques fortes historiquement dans les religions, mais il y a toujours eu une forte distinction entre la pauvreté volontaire dans le but de mieux se consacrer à Dieu, et la pauvreté subie. De plus, aujourd'hui, les religions prônent davantage la sobriété que la pauvreté, rejoignant les préoccupations écologiques contemporaines. »
Akim prépare son matelas de fortune pour passer la nuit dehors. Une énième. « Quand on est pauvre, on ne compte pas », soupire-t-il. Chaque jour, le coucher est son moment le plus haï. Des nuits de doutes qu’il déteste bien plus que ses journées à mendier. Car avant de trouver le sommeil, les doutes l’assaillent à chaque fois. « Je crois qu’encore plus que les athées, on se demande quel est le sens et la valeur de nos vies, annonce-t-il, méditatif. Comment être un bon musulman quand on est pauvre ? On aimerait aider les autres mais c’est nous qui sommes dans le besoin. Pourtant, c’est l’un des piliers de l’Islam : aider les plus démunis. Sauf que je ne connais personne qui ne l’est plus que moi. J’ai peur d’avoir vécu une existence inutile et du jugement Là-haut. Quand on est pauvre, on déçoit ceux qui comptent le plus pour nous : nos proches et Dieu. »
Mais loin de la fatalité, de nouvelles pratiques de culte s’organisent. Pour Thomas, c’est la lecture quotidienne de cette Bible qu’un prêtre lui avait offerte. Et qu’importe si à force, il en connaît chaque page par cœur. « Cela me rapproche de Dieu et me rassure, murmure-t-il. Quand on perd sa maison, on a l’impression de quitter le monde des hommes. La religion m’aide à me sentir humain malgré tout. » Akim, lui, enseigne des rudiments de théologie à ceux qui lui tendent l’oreille. Djamil fait le ramadan, « même si les repas manquent de fête ».
Des rites auto-gérées qui n'étonnent pas Jean-Paul Willaime. « Les plus démunis ont cette capacité à affirmer leur humanité en se tournant vers Dieu tout en se passant des médiations cléricales. C’est la revanche du pauvre. Comme Marx l’avait dit, la religion n’est pas seulement “l’expression de la misère réelle”, elle est aussi “la protestation contre la misère réelle”. Lorsque l’on a tout perdu, lorsque l’on vous a tout pris, jusqu’à votre dignité d’être humain et votre qualité d’acteur de votre propre vie, il ne reste que la confiance en un Dieu bon et miséricordieux », analyse le sociologue. Cet amoureux des lettres ne peut s'empêcher de finir sur une dernière citation : « Comme l'a remarqué Heinrich Heine, la “religion est une patrie portative”, un monde symbolique stable dans lequel on se reconnaît. C'est la patrie des sans patrie. »
De toute manière, pour Akim comme pour les autres, pas question de renier la foi. Ce dernier conclut : « En vérité, dans la rue, j’ai plus appris à douter des hommes que de Dieu. »
© Slate.fr - 2018
Commentaire des lectures du dimanche
Nous rend-elle intelligents et sages, notre foi au Christ ? Il serait assurément intelligent et sage de ne pas répondre et de laisser la parole aux autres – aux « autres nations » comme dans le livre du Deutéronome – À la différence de notre première lecture, il n’est pas sûr que les réponses soient toutes très flatteuses. Peu importe, je la pose à nous-mêmes, ni pour faire l’autruche, ni pour nous auto-glorifier, ni pour nous accabler mais pour nous interroger : quelle compréhension de la vie et quelle manière de l’habiter – autre manière de parler d’intelligence et de sagesse – nous donne l’expérience de la foi ? Ceci pour rendre davantage grâce au Seigneur et mieux vivre la grâce de la foi… Les lectures de ce jour, qui nous situent dans un certain rapport à la Loi et induisent une certaine manière de vivre, suggèrent plusieurs pistes que je regroupe en ces trois expressions : une sagesse de l’écoute, une sagesse des mains sales et une sagesse théologale…
La première et la deuxième lecture, situées de part et d’autre de la grande « pliure de l’Écriture », se rejoignent dans l’écoute de la Loi, c’est-à-dire de la Parole du Seigneur. « Écoute les commandements et les décrets que je vous enseigne. Ainsi vous vivrez, et vous entrerez en possession du pays que vous donne le Seigneur » dit Moïse. Et saint Jacques d’écrire : « accueillez humblement la Parole de Dieu semée en nous ; elle est capable de vous sauver. » L’écoute est promise à la vie – la vraie vie – et à une manière d’habiter les dons du Seigneur (‘prendre possession’ de la terre de la Promesse). L’écoute dont il est question, posture fondamentale de la foi, est tout en même temps un combat, une ascèse, un don et une sagesse. Le combat et l’ascèse s’expriment avec le fait de ne rien « ajouter » ni de ne rien « enlever », de « garder » dans un climat de vigilance et de respect de la Parole toujours autre, vraie nourriture qui seule sustente, feu brûlant qui purifie, lumière de la route qui seule conduit. Sagesse du silence, de l’effort de comprendre, de ne pas se disperser. L’appel à l’écoute est, dans notre pratique de la foi, un appel toujours neuf à lire l’Écriture, à prier, à accueillir la Parole du Seigneur. Invitation à aller à l’intérieur, ce qui rejoint notre évangile : vivre au niveau du cœur profond. Nous le savons, le chemin est sage autant qu’exigeant.
Parler de sagesse des mains sales, c’est avec Péguy parler d’une sagesse de l’action, du courage et de l’engagement. L’épitre de saint Jacques le précise : l’écoute de la Parole implique sa mise en application, tout spécialement auprès des plus petits, « les veuves et les orphelins ». Benoît XVI commentant la lectio divina et ses classiques quatre moments (lectio, meditatio, contemplatio et oratio) en complétait la liste avec l’actio. Ne pas agir pour ne pas mal agir, pour ne pas se salir serait une illusion. C’est l’impasse du pharisien de l’évangile et des bien-pensants que fustige Péguy : il « a les mains pures mais il n’a pas de main. Et nous, avec nos mains calleuses, nos mains noueuses, nos mains pécheresses, nous avons quelque fois les mains pleines ». De fait, notre foi au Christ ne nous invite pas à vivre comme des séparés (des pharisiens), des préservés mais à nous donner. La sagesse de l’évangile est une sagesse du don : tout donner et se donner, ainsi s’expriment les plus beaux fruits du christianisme, à la fois en terme mystique et d’engagement dans la société.
Mais, troisième point, la sagesse évangélique que nous esquissons est une sagesse théologale, c’est-à-dire ayant Dieu pour objet, pour motif et pour critère ultime. Dans le Deutéronome, elle manifeste que « Dieu est proche ». Notre manière chrétienne de vivre sera toujours corrélée à cela. C’est la difficulté de la faire apprécier par le monde, que j’évoquais tout à l’heure. Déjà saint Paul avait beaucoup médité sur cette sagesse folle aux yeux du monde, cette faiblesse puissante qu’est le mystère de Croix. Ne cherchons pas à nous constituer une sagesse à notre mesure ! C’est aussi ce qu’enseigne notre évangile. La grande illusion, des pharisiens et de tout un chacun, serait de croire que c’est par nos propres efforts que nous pouvons nous nettoyer, nous protéger et rester purs. Au contraire, il n’y a qu’une seule eau qui nettoie, celle que nous donne le Christ, celle qui jaillit de son côté ouvert… Heureuse expérience des mains sales, pour reprendre l’expression, si elle nous permet de connaître que la seule et vraie pureté est celle que donne Dieu, que la seule sagesse, désirable pour notre foi, est celle que donne Dieu… Cette sagesse n’est pas une perfection humaine, elle est une sagesse de la sainteté, la perfection que donne Dieu au creux de nos imperfections et autres tares. « Sagesse d’un pauvre », c’est la sagesse de l’humble qui rend audacieux, la sagesse de la liberté, la sagesse sage et folle à la fois, la sagesse des saints, la sagesse des béatitudes qui n’a d’autre trésor que Dieu.
Aujourd’hui, nous sommes à la recherche d’une nouvelle sagesse. L’actualité d’un monde en feu qui nous montre que nous avons perdu la tête, l’évolution de nos manières de vivre avec entre autres l’omniprésence des moyens de communication – et je crois que ces derniers éprouvent une sagesse de l’écoute ou une sagesse des mains sales : on a pu dire que le monde virtuel était justement toujours impeccable, sans poussière ! – ainsi que la question écologique nous font désirer cette nouvelle sagesse. L’encyclique du Pape François ne porte pas simplement sur la question de l’environnement d’un point de vue uniquement mondain (même si le monde semble réceptif à son message) mais plus largement sur la manière d’habiter la « maison commune ». Il s’agit bien d’une question de sagesse et d’intelligence. Sagesse de l’écoute, du silence et de l’ascèse, sagesse des mains qui acceptent de se salir en se donnant, sagesse théologale qui s’appuie sur et témoigne de Dieu, tout cela mérite d’être développé. Le Pape insiste par exemple sur l’importance d’une sagesse prophétique. Que le Seigneur, si proche et qui nous donne la vie, nous conduise, nous inspire et nous transforme sur ce chemin, pour sa Gloire ! Amen
Fr Guillaume Dehorter, Provincial de Paris ocd
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